12/09/2024

“Jusqu'à notre dernier souffle” : le journaliste Anas al-Sharif raconte comment il a documenté le génocide israélien à Gaza tous les jours pendant onze mois consécutifs

Le correspondant d’Al Jazeera a refusé de quitter le nord de la bande de Gaza, alors même qu’Israël l’a menacé et a tué ses collègues.

Sharif Abdel Kouddous, Drop Site News, 11/9/2024
Abdel Qader Sabbah, journaliste au nord de Gaza, a contribué à ce rapport.
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 


Anas al-Sharif (au centre) et des personnes en deuil portant des pancartes « presse » entourent le corps du journaliste arabe d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, tué avec son caméraman Rami al-Refee lors d’une frappe israélienne le 31 juillet 2024. Photo Omar Al-Qattaa/AFP via Getty Images.

Anas al-Sharif est devenu l’un des visages les plus reconnaissables de la télévision dans le monde arabe. Au cours des onze derniers mois, le correspondant d’Al Jazeera, âgé de 27 ans, a réalisé des reportages depuis les premières lignes de l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza, qui est aujourd’hui l’endroit le plus meurtrier pour les journalistes dans l’histoire moderne. Selon certains chiffres, plus de 160 journalistes ont été tués à Gaza depuis octobre, soit un journaliste tué tous les deux jours depuis près d’un an. Al-Sharif a personnellement fait l’objet de menaces de mort et son domicile a été la cible d’une attaque israélienne qui a coûté la vie à son père.

Al-Sharif est l’un des rares reporters à être resté dans le nord de la bande de Gaza depuis le 7 octobre, une zone d’où, quelques jours seulement après le début de la guerre, le gouvernement israélien a ordonné à 1,1 million de personnes d’évacuer et qui a été la plus lourdement bombardée par Israël. Un journaliste a déclaré à Drop Site News qu’il ne restait plus qu’une trentaine de journalistes en activité dans le nord de Gaza aujourd’hui.

Al-Sharif a été une présence presque constante à la télévision et en ligne, rapportant presque chaque jour les frappes aériennes, les bombardements, les massacres, les déplacements, la famine, la mort et le démembrement - et, chaque fois qu’il le peut, les lueurs d’espoir et la résilience des Palestiniens. Prenez le temps de parcourir les messages qu’il a postés sur X ou Instagram ces derniers jours, ou regardez ce reportage vidéo du 10 septembre, par exemple (avertissement : âmes sensibles s’abstenir).

Un post partagé par @anasjamal44

Comme de nombreux Palestiniens de Gaza, al-Sharif a été contraint d’endurer l’inimaginable. En novembre, il a déclaré avoir reçu plusieurs appels d’officiers de l’armée israélienne lui ordonnant de cesser sa couverture et de quitter le nord de Gaza. Il a déclaré avoir également reçu des messages et des messages vocaux sur WhatsApp révélant sa position. Dans son rapport, il termine en disant : « Je suis l’un des rares journalistes dans le nord à couvrir ce qui se passe. Malgré les menaces, je ne quitte pas le terrain et je continuerai à faire des reportages dans le nord de Gaza ».

Moins de trois semaines après les appels de l’armée israélienne, la maison de sa famille dans le camp de réfugiés de Jabalia a été bombardée, tuant son père Jamal al-Sharif, âgé de 90 ans. Anas al-Sharif, qui effectuait des reportages en continu, n’était pas rentré chez lui depuis 60 jours. Le Comité pour la protection des journalistes a déclaré à l’époque à propos de l’assassinat de son père : «Le CPJ est profondément alarmé par le fait que les journalistes de Gaza reçoivent des menaces et que, par la suite, les membres de leur famille soient tués ».

Al-Sharif a de nouveau été menacé le mois dernier après avoir diffusé le carnage d’une attaque aérienne israélienne du 10 août sur une école de la ville de Gaza où des milliers de Palestiniens déplacés cherchaient refuge, tuant plus de 100 personnes. « Je ne peux pas décrire ce qui se passe », a déclaré al-Sharif. « Nous parlons de près de 100 martyrs dans l’école de Tabaeen dans la ville de Gaza, un grand massacre ».

 

En réponse à un autre journaliste d’Al Jazeera qui a loué la couverture courageuse d’al-Sharif, l’armée israélienne a publié un communiqué ciblant son travail. « Il couvre les crimes du Hamas et du Jihad [islamique] qui s’abritent dans les écoles. Je suis convaincu qu’il connaît les noms d’un grand nombre de terroristes du Hamas parmi ceux qui ont été tués dans l’école« , a répondu Avichay Adraee, porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, sur X. « Mais il présente un mensonge dont la motivation n’a rien à voir avec les habitants de Gaza ». Ces commentaires ont incité Al Jazeera à condamner ce qu’elle a appelé « un acte flagrant d’intimidation et d’appel au meurtre » d’Israël à l’encontre d’al-Sharif, et le CPJ à publier une déclaration disant qu’il était « profondément inquiet » pour sa sécurité.

Les journalistes et les médias occidentaux sont restés relativement silencieux face au nombre record de journalistes palestiniens tués. Dans certains cas, Israël a ouvertement admis avoir tué des journalistes et les a accusés d’être membres du Hamas.

Un peu plus d’une semaine avant l’attentat contre l’école de Tabaeen, Ismail al-Ghoul, ami proche d’Al-Sharif et collègue d’Al-Jazeera, a été tué dans la ville de Gaza lors d’une attaque de drone israélien contre sa voiture, ainsi que son caméraman Rami al-Refee et un jeune homme de 17 ans qui faisait du vélo à proximité. Al-Ghoul a été décapité lors de la frappe. En signe de protestation, les journalistes de Gaza ont jeté leurs gilets pare-balles en tas sur le sol. Al-Sharif s’est adressé à la foule en brandissant le gilet pare-balles mutilé d’Al-Ghoul, déclarant : « Ce gilet de presse est le gilet dont les institutions mondiales et locales font l’apologie. Ce gilet n’a pas protégé notre collègue Ismail. Il n’a protégé aucun de mes collègues non plus. Comme vous pouvez le voir, le gilet est taché du sang et de la chair d’Ismail. Qu’a fait Ismail ? Qu’a-t-il fait ? Diffuser l’image ? Diffuser la souffrance des gens ? Désolé Ismail, nous continuerons à diffuser le message après toi ».

 

Anas al-Sharif continue à faire des reportages tous les jours depuis le nord de Gaza. Drop Site lui a demandé de réfléchir à son travail à Gaza au cours des 11 derniers mois. Il a envoyé un message vocal de 10 minutes en réponse. Dans l’enregistrement, sa voix est lasse mais ferme. Il brosse un tableau dévastateur de la vie d’un journaliste à Gaza.

Ces commentaires ont été traduits de l’arabe et légèrement modifiés pour plus de clarté.

Message d’Anas al-Sharif depuis Gaza

Anas al-Sharif : Notre couverture en tant que journalistes pendant cette guerre contre Gaza a été complètement différente. Nous avons été confrontés à des difficultés extrêmes, à des menaces, nous avons été complètement déconnectés du monde extérieur en raison de la coupure de l’Internet et des signaux téléphoniques. Nous vivons des circonstances tragiques et difficiles en tant que journalistes et nous sommes toujours confrontés à des difficultés pour envoyer des messages, des rapports et tout autre matériel en général.

Bien entendu, le journaliste palestinien vit dans des conditions pénibles et difficiles, comme le reste de son peuple, entre les déplacements, les bombardements et les destructions. Un grand nombre de nos collègues journalistes ont perdu leur famille, des membres de leur famille, des parents, des amis et des êtres chers. Cela a mis beaucoup de pression sur les journalistes pendant la guerre, surtout parce que l’occupation israélienne ne fait pas de distinction entre les journalistes, les enfants, les médecins, les infirmières - tout le monde est pris pour cible en permanence.

Dans le nord de Gaza en particulier, mes collègues et moi-même avons été totalement coupés du monde extérieur dès le début de la guerre. Cela a créé une énorme responsabilité, un énorme problème pour nous. Il était difficile d’envoyer des rapports ou tout autre contenu. Nous devions nous rendre dans des zones très dangereuses pour envoyer nos reportages, notre contenu. Pour poursuivre notre couverture et envoyer des images et des histoires, nous devions nous rendre dans de grands immeubles pour trouver un signal Internet ou un signal téléphonique grâce à des cartes SIM électroniques et envoyer ainsi les reportages, le contenu ou les scènes que nous avions documentés, avec la qualité la plus faible, afin de les diffuser au monde et de montrer au monde ce qui se passait ici dans la bande de Gaza. Ce n’est là qu’une des difficultés que nous avons rencontrées.

Nous avons également dû faire face à des menaces constantes de la part de l’armée d’occupation israélienne. Personnellement, l’armée d’occupation israélienne m’a menacé et m’a dit que je devais cesser mes reportages dans le nord de la bande de Gaza et aller dans le sud. Mais j’ai refusé leur ordre, et je n’ai pas arrêté ma couverture un seul instant malgré les menaces, malgré les bombardements, malgré le siège. Parce que je n’ai pas arrêté et que j’ai continué à couvrir l’actualité, l’occupation israélienne a pris pour cible ma maison et celle de ma famille, ce qui a conduit au martyre de mon père, que Dieu ait pitié de lui. Les circonstances étaient cruelles, difficiles et douloureuses pour moi, et douloureuses pour nous tous, mais cela n’a fait que renforcer ma détermination à poursuivre le reportage. Nous avons une cause [la cause palestinienne] avant d’avoir un message à cet égard. Après cela, c’est devenu une responsabilité qui nous a été confiée, une responsabilité qui m’a été confiée personnellement, celle de continuer à faire des reportages, malgré tous les dangers et toutes les difficultés auxquels nous sommes confrontés.

Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminerait.

Tous les journalistes de Gaza ont souffert de ces circonstances. Dans le cadre de nos reportages, nous sommes confrontés à de grandes difficultés en raison du ciblage des zones dans lesquelles nous nous trouvons, du ciblage à proximité de nous, du ciblage direct. Malgré tout cela, mes collègues et moi-même, dans le nord de la bande de Gaza, n’avons pas cessé de couvrir la situation. Bien sûr, ce n’est un secret pour personne que mes collègues et moi avons vécu des circonstances tragiques et difficiles. Nous avons dormi dans des hôpitaux, nous avons dormi dans des abris, nous avons dormi dans les rues et sur les autoroutes, nous avons dormi dans des véhicules et des voitures. Nous avons été déplacés plus de 20 fois, d’un endroit à l’autre, d’une zone à l’autre - notre situation était la même que celle du reste de notre peuple. Nous avons été confrontés à de grandes difficultés. Bien sûr, la situation dans le nord était particulièrement difficile pour les journalistes, car il n’y avait pas de matériel disponible, pas de fournitures pour la presse. Nous avons dû nous contenter de moyens limités et de nos simples téléphones pour rapporter l’histoire, envoyer l’image et rendre compte des crimes de l’occupation israélienne.

Le travail des journalistes à Gaza est un travail ardu, épuisant et très difficile que personne ne peut supporter plus d’une heure. Le travail est continu. Nous ne dormons pas pendant des jours à cause des bombardements et des tirs d’artillerie incessants. Bien sûr, il est souvent difficile de se rendre sur le site d’un incident car il n’y a pas de véhicules ou de voitures disponibles, nous devions aller en charrette ou à pied pour atteindre un endroit qui était visé.

Les circonstances que nous avons vécues sont des circonstances qui ne peuvent pas être exprimées. Je tiens à dire dans cet enregistrement que nos circonstances sont encore très cruelles et difficiles. Mes collègues et moi avons vécu dans l’atmosphère de la famine qui a frappé le nord de Gaza. Parfois, mes collègues et moi passons des jours sans trouver un seul repas. Nous nous déplaçons d’un endroit à l’autre pour essayer de trouver avec beaucoup de difficultés quelque chose qui devrait être facile. Tout est extrêmement cher dans le nord.

Ce dont je parle n’est qu’une petite partie de ce que nous pouvons enregistrer, de ce que nous pouvons dire, de ce que nous pouvons documenter. Et pourtant, la souffrance est bien plus grande, la souffrance est difficile et tragique pour nous et notre peuple. Pourtant, malgré ces souffrances, nous nous sommes engagés, nous tous les journalistes, à poursuivre sur cette voie, à continuer à rendre compte au monde, et c’est ce qui nous a poussés à continuer jusqu’à aujourd’hui. Cette guerre dure depuis plus de 330 jours et les bombardements et les massacres se poursuivent sans relâche.

Et pourtant, malgré toutes ces difficultés et toutes ces circonstances tragiques, nous tous, journalistes, continuons chaque jour et chaque heure à rendre compte de ce qui se passe. C’est ce qui nous pousse à continuer, c’est notre cause. Il est du devoir du monde de voir et d’être témoin de ce que nous documentons et de ce que nous rapportons. Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminer. C’est ce qui nous pousse à poursuivre notre travail jusqu’à notre dernier souffle.

Bien sûr, comme je l’ai mentionné, l’occupation israélienne a délibérément ciblé les journalistes de manière continue et nous parlons maintenant de près de 180 journalistes qui ont été ciblés à Gaza. Il est clair que l’occupation israélienne ne veut pas que l’image sorte, ne veut pas que le mot sorte, ne veut pas que nous documentions les crimes qu’elle commet sur notre peuple, comme ce qui est arrivé à notre cher ami et collègue, le correspondant d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, après qu’il a été assassiné par l’occupation israélienne alors qu’il documentait ce qui se passait et les crimes de l’occupation israélienne - l’occupation israélienne l’a donc ciblé de manière directe pour qu’Ismail ne puisse pas continuer sa couverture. Mais ce que l’occupation ne sait pas, c’est qu’après le martyre d’Ismail, nous, ses collègues journalistes, sommes encore plus déterminés à poursuivre la voie d’Ismail et à transmettre son message, malgré les circonstances tragiques, malgré les menaces et malgré le danger de la situation.

Nous pourrions être pris pour cible et bombardés à tout moment, mais notre situation est la même que celle de tout notre peuple, la même que celle des hommes, des femmes et des enfants qui sont martyrisés à chaque instant à Gaza.

 

Dossiers Congo : la ‘Bnei Brak-Kinshasa Connection’ ou la Grande Valse des millions organisée par Dan Gertler, l’homme qui murmurait à l’oreille de Joseph Kabila Kabange

Le milliardaire israélien Dan Gertler possède des mines au Congo En 2017, les USA lui ont imposé des sanctions en raison de transactions corrompues avec l'ancien président de la RDC Des documents de l'État africain révèlent des dépôts irréguliers d'argent liquide effectués par les associés de Gertler sur ses comptes Une partie de l'argent a ensuite été envoyée à des avocats et à des conseillers en Israël Gertler : « Ces documents sont volés et fabriqués ».

Gur Megiddo  & Hagar Shezaf, Haaretz, 2/7/2020
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

 

En janvier 2018, les rues de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, ont été inondées du sang de violents troubles. Les Nations unies font état de six morts dans une série d'affrontements entre les forces de sécurité et les jeunes habitants de la ville. La colère des manifestants a été provoquée par le refus du président de l'époque, Joseph Kabila, d'organiser des élections, alors que son mandat avait expiré depuis près de deux ans.

Un personnage inhabituel a été aperçu dans les rues de Kinshasa au cours de cette période volatile : un homme portant l'habit d'un juif ultra-orthodoxe, chapeau sur la tête, valise à la main. Selon des documents obtenus par The Marker, le 23 janvier 2018, l'homme est entré dans une agence de Kinshasa de la Afriland First Bank. D'après les documents, il a déposé 1 million de dollars sur le compte d'une société locale appelée RDHADG SARLU, qui avait été créée quelques semaines plus tôt, avec lui enregistré en tant que directeur. Selon les documents, il est revenu le lendemain pour déposer prétendument 875 000 dollars supplémentaires. Deux jours plus tard, il est revenu une troisième fois et aurait déposé 926 000 dollars de plus. Selon les documents, tous les dépôts ont été effectués en espèces.

Les caissiers locaux ont eu du mal à épeler le nom de l'étranger qui portait les valises. Ils l'ont d'abord appelé « Shono » ou « M. Shlono ». Par la suite, le nom est devenu « M. Shlomo » ou simplement « Shlomo ». Finalement, ils ont appris à épeler son nom complet : Shlomo Eliahu Abihassira.

En juin 2018, 14 autres dépôts effectués par Shlomo Abihassira ont été enregistrés. Selon les enregistrements, il a apporté à chaque fois entre 900 000 et 3 millions de dollars, prétendument en billets de banque. Au total, 19 millions de dollars de dépôts en espèces qu'il aurait effectués ont été enregistrés à son nom à la banque, dont 17 millions sur le compte de la même société congolaise : RDHADG. Sur cette somme, environ 1 million de dollars ont été déposés par Abihassira sur un compte à son nom, et un autre million a été versé sur le compte d'une société locale appelée Interactive Energy. Abihassira nie avoir effectué le moindre dépôt à la banque.

Le rabbin et le milliardaire

Shlomo Abihassira est le rejeton d'une dynastie israélo-marocaine de kabbalistes. Son arrière-grand-père était le rabbin Yisrael Abuhatzeira, connu sous le nom de Baba Sali. Son père, le rabbin David Abuhatzeira, était auparavant grand rabbin de la ville de Nahariya, dans le nord d'Israël, et gère aujourd'hui les affaires de l'une des dynasties rabbiniques les plus riches d'Israël. Il y a dix ans, Forbes estimait la fortune de David Abuhatzeira à 750 millions de shekels (environ 202 millions de dollars à l'époque). David est également le rabbin et le confident d'un homme qui était à l'époque l'une des figures les plus puissantes du Congo, le milliardaire israélien Dan Gertler, résident de la ville de Bnei Brak, majoritairement haredi [ultra-orthodoxe]. Dans un pays aussi riche en ressources naturelles que la RDC, il n'y a qu'une ressource plus précieuse que les minerais eux-mêmes : un canal direct vers les détenteurs du pouvoir, ce que Gertler possédait indubitablement. Même les plus grandes compagnies minières du monde ont dû passer par Gertler pour avoir accès aux mines du pays.

Les relations entre la famille du rabbin et le milliardaire ne se limitent pas à celles d'un mentor spirituel et d'un acolyte. Parmi les Panama Papers - les documents fuités au Consortium international des journalistes d'investigation depuis le cabinet d'avocats international Mossack Fonseca basé à Panama en 2016, qui ont révélé l'utilisation par de nombreux hommes d'affaires de refuges fiscaux - figure un projet d'accord, qualifié de contrat de conseil, d'une valeur de plusieurs millions de dollars, entre Yitzhak, le frère de Shlomo Abihassira, et le groupe d'entreprises de Gertler. L'existence de l'accord a été rapportée pour la première fois par Uri Blau et Daniel Dolev dans Haaretz.

Shlomo Abihassira a également été suspecté en 2013 dans une affaire de blanchiment d'argent à grande échelle surnommée « l'affaire de l'art », dans laquelle un autre suspect était l'un des avocats de Gertler, Avi Lavi - qui a quitté Israël juste avant le début de l'enquête policière et n'est pas revenu. À ce jour, aucun acte d'accusation n'a été déposé dans cette affaire.

Même les plus grandes sociétés minières du monde ont dû passer par Gertler pour avoir accès aux mines du pays.


Dan Gertler. Photo Bloomberg

En décembre 2017, un mois avant que l'arrière-petit-fils de Baba Sali ne commence censément à se rendre à l'Afriland Bank de Kinshasa avec de grandes quantités d'argent liquide, le département du Trésor usaméricain, dans le cadre de sa guerre contre la corruption internationale, a imposé des sanctions à Gertler, à l'un de ses associés et à 14 entreprises qui lui sont liées. Selon la directive, qui a été étendue à d'autres entreprises à la mi-2018, « Gertler a utilisé son amitié étroite avec le président de la RDC Joseph Kabila » pour devenir « un intermédiaire » dans des « transactions minières et pétrolières corrompues » en RDC. En outre, le gouvernement usaméricain a noté que « Gertler a agi pour ou au nom de Kabila, aidant Kabila à organiser des sociétés de location offshore. » Le département du Trésor a déclaré que « rien qu'entre 2010 et 2012, la RDC aurait perdu plus de 1,36 milliard de dollars de revenus » en raison de la sous-évaluation des actifs miniers à la suite des actions de  Gertler.

En raison des sanctions, le nom  Gertler est aujourd'hui considéré comme un anathème par de nombreuses entités commerciales. Aucun banque souhaitant opérer aux USA n'a le droit de fournir des services à Gertler en monnaie US. Sur le plan juridique, rien n'empêche Gertler de recevoir des services de banques dans d'autres devises. Dans la pratique, cependant, les banques israéliennes et autres refusent les clients et les paiements liés à une entité ou à une personne faisant l'objet de sanctions de la part des USA. Dans le cadre de ces sanctions, il est interdit aux citoyens usaméricains de faire des affaires avec Gertler.

Mais alors que les banques en Israël et ailleurs ont rejeté les transferts financiers lorsqu'elles ont découvert que leur source était Gertler, Afriland Bank à Kinshasa a accueilli Gertler à bras ouverts.

Les documents de l'enquête, qui ont d'abord été mis à la disposition de la Plate-forme pour la protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF), une organisation de défense des droits humains basée à Paris, et de Global Witness, montrent qu'Abihassira n'aurait pas été le seul associé de Gertler à se présenter à la banque avec des sommes d'argent inhabituelles. Les documents, qui ont été examinés par The Marker, les deux organisations et d'autres professionnels dans le cadre d'une coopération journalistique internationale, montrent également comment une série d'associés, d'ONG, d'avocats et de conseillers médiatiques très haut placés en Israël et ailleurs ont reçu des paiements dont la source se trouverait dans les dépôts en espèces que les associés et les employés auraient apportés à la succursale d'Afriland First. Les documents mis à la disposition de The Marker au cours de l'enquête montrent que les banques israéliennes étaient préoccupées par le fait que certains des transferts provenant de comptes liés à Gertler à l'Afriland Bank correspondaient à la définition d'un « drapeau rouge » qui suscite des soupçons de blanchiment d'argent.

« L'enquête montre à quel point il est facile pour des personnes disposant de pouvoir et de capitaux d'exploiter l'inefficacité de la réglementation bancaire, la confidentialité des entreprises et les astuces juridiques, même si elles ont été accusées de corruption », dit Gabriel Bourdon-Fattal de PPLAAF. « En Israël et ailleurs, les régulateurs doivent prendre des mesures importantes pour corriger les faiblesses du système financier mondial ».

Les requins sentent l'argent

Dan Gertler est issu d'une des familles aristocratiques de l'industrie diamantaire israélienne en perte de vitesse. Il est le petit-fils de Moshe Schnitzer, qui a créé l'Israel Diamond Exchange, basé à Ramat Gan, et le fils d'Hannah Gertler, une mondaine qui a créé l'organisation philanthropique des femmes de diamantaires et une femme d'affaires qui a investi dans de nombreuses entreprises technologiques, médiatiques et immobilières au fil des ans.

La famille est devenue célèbre en Israël en partie à cause d'un drame criminel survenu en 1995, lorsque la sœur de Gertler, Keren, a été kidnappée par le criminel Avi Sapan et sa fille, dans le but d'obtenir une rançon de 2 millions de dollars de la part de la famille fortunée. L'incident s'est terminé lorsque des policiers israéliens ont tiré 11 balles sur Sapan, le tuant. Dan Gertler avait une vingtaine d'années à l'époque, il était ambitieux et (encore) laïc, désireux de prouver qu'il savait lui aussi comment gagner beaucoup d'argent. Son incursion en Afrique a commencé dans ces années-là, lorsque la RDC était connue sous le nom de Zaïre.

La première guerre du Congo a éclaté en 1996 et a entraîné la destitution du dictateur du Zaïre, Mobutu Sese Seko, par les milices de Laurent Kabila, le chef des rebelles. À la fin des hostilités, Kabila s'est autoproclamé président du pays, qu'il a rebaptisé République démocratique du Congo.

La deuxième guerre du Congo, qui a éclaté environ un an plus tard et s'est poursuivie pendant cinq ans, jusqu'en 2003, a été le conflit le plus meurtrier que l'humanité ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de cinq millions de personnes ont perdu la vie et des millions d'autres ont été blessées ou sont devenues des réfugiés. La guerre a eu des causes diverses dérivant de conflits politiques et tribaux, d'intérêts particuliers des pays impliqués - en particulier le Rwanda, voisin du Congo à l'est - et d'intérêts économiques liés aux richesses minérales de l'est et du sud de la RDC. (La RDC est le 11e  plus grand pays du monde en superficie - Israël pourrait y tenir environ 106 fois).

Les canons ont grondé, les machettes ont tailladé, les maisons ont brûlé et les femmes ont été violées. Alors même que l'odeur du sang imprégnait la malheureuse république, certains requins de la région sentaient l'argent. Vers 1998, le jeune Gertler débarque à Kinshasa, poussé par le désir de se rapprocher du nouveau président. Ses connaissances ont des versions différentes de la façon dont il s'y est pris pour s'insinuer dans la famille régnante, mais ce qui est incontestable, c'est qu'il y est parvenu.

Pour commencer, Gertler a discerné la soif d'argent du nouveau gouvernement. Pour seulement 20 millions de dollars, qu'il a levés auprès de connaissances dans l'industrie israélienne du diamant, il a obtenu un permis exclusif pour extraire des diamants de la RDC. Par la suite, il a également participé aux efforts de Kabila, qui n'ont pas été couronnés de succès, pour acquérir un savoir-faire militaire et des armes en provenance d'Israël, comme l'ont révélé les procédures judiciaires qui l'ont opposé au consultant en sécurité Yossi Kamissa au cours de la dernière décennie. Finalement, il a trouvé sa place comme l'un des caïds de l'industrie minière de la RDC, mais pas nécessairement dans le secteur des diamants.

Gertler est devenu une étape essentielle sur le chemin des sociétés internationales qui cherchaient à obtenir des permis d'exploitation sur les terres riches de la république pauvre. C'est notamment le cas du cobalt, un minerai présent en abondance en RDC et considéré comme le nouvel or en raison de son utilisation intensive dans la fabrication de batteries, notamment pour les smartphones.

Les liens étroits de Gertler avec la famille régnante au Congo sont restés solides même après l'assassinat de Laurent Kabila par son garde du corps en 2001. Son fils, Joseph, lui a succédé et a dirigé le pays pendant 17 ans, jusqu'en janvier 2019. Au cours de cette période, il a été élu président à deux reprises, en 2006 et en 2011, mais il a repoussé de près de trois ans l'élection prévue en 2016.

Les presque deux décennies au pouvoir de Joseph Kabila ont été les années d'or de Gertler dans le pays du cobalt et du sang. De millionnaire, il est devenu multimillionnaire, puis milliardaire, et manifestement l'une des personnes les plus étroitement identifiées avec le gouvernement. Selon certaines informations, il est devenu un citoyen congolais, un envoyé diplomatique de Kabila et une cible des services de police et de lutte contre la corruption aux USA, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Israël.


Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo. Photo REUTERS

En 2016, le ministère usaméricain de la Justice et le gestionnaire de fonds spéculatif Och Ziff, basé à New York et impliqué dans des activités minières en RDC, ont signé un accord de règlement dans lequel la société a payé une amende de plus de 400 millions de dollars pour avoir corrompu des fonctionnaires dans des pays africains, dont la RDC. L'acte d'accusation convenu, dont Och Ziff a admis les détails, indique qu'entre 2005 et 2015, par l'intermédiaire d'une personne décrite comme « DRC Partner », comme « un homme d'affaires israélien dont l'identité est connue des USA » et comme une personne ayant « des intérêts significatifs dans les industries du diamant et de l'exploitation minière en [RDC] », la société a versé environ 100 millions de dollars de pots-de-vin à des personnalités du gouvernement congolais afin d'obtenir divers permis d'exploitation minière, y compris pour le cobalt et le cuivre. Selon un document judiciaire, il a été demandé à Och Ziff de verser aux investisseurs d'Africo une compensation d'au moins 150 millions de dollars.

Ces derniers détenaient les droits d'exploitation d'une mine de cuivre et de cobalt appelée Kalukundi. Le gouvernement congolais a révoqué la licence minière d'Africo, et Gertler et Och Ziff ont fini par prendre le contrôle des droits miniers à un prix prétendument avantageux, dans le cadre d'un accord de corruption qu'Och Ziff a admis.

En Grande-Bretagne, une enquête est en cours depuis 2013 sur des permis d'exploitation minière accordés en RDC à une société kazakhe, Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC). Cette société, qui a été cotée à la bourse de Londres, est contrôlée par le milliardaire juif-kazakh Alexander Machkevitch. Au centre de l'enquête se trouvent des paiements de dizaines de millions d'euros qui auraient été faits aux sociétés de Gertler, les anciens avocats de l'ENRC soupçonnant que l'argent était un pot-de-vin versé en échange de droits d'exploitation minière. L'ENRC a nié ces allégations en réponse à divers rapports dans le passé. Depuis janvier, une enquête est en cours en Suisse sur des soupçons de corruption concernant les permis d'exploitation minière accordés à la multinationale Glencore et aux sociétés congolaises de Gertler.

Lorsque le président Joseph Kabila a cédé à la pression et a déclaré la tenue d'élections en décembre 2018, il a déclaré qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat. Ses chances étaient de toute façon considérées comme faibles. Le candidat qu'il soutenait a perdu. Le nouveau président, Félix Tshisekedi, s'est montré modéré dans ses propos à l'égard de Gertler, mais il n'est pas certain que les affaires de ce dernier continuent à prospérer comme par le passé. « Il ne fait aucun doute que l'influence de Gertler dans le pays a diminué depuis la période Kabila, et l'avenir nous dira dans quelle mesure », déclare un homme d'affaires européen actif à Kinshasa.

Livraisons d'argent à Israël

RDHADG, la société sur le compte de laquelle Abihassira a déposé 17 millions de dollars en espèces, selon les documents, n'est qu'une des nouvelles entreprises liées de différentes manières à Gertler et à ses associés qui ont été créées au Congo dans la période entourant l'imposition des sanctions usaméricaines en 2017. Les documents de l'enquête montrent une série de 10 autres entreprises contrôlées par une société appelée Gerco Sas, dont les propriétaires enregistrés sont l'épouse de Gertler et neuf de leurs 12 enfants, dont certains sont mineurs, à parts égales.

Les USA imposent automatiquement des sanctions à une société si 50 % ou plus de ses actions sont détenues par une personne à l'encontre de laquelle ils ont imposé des sanctions. C'est peut-être la raison pour laquelle Gertler lui-même n'est pas officiellement actionnaire.

Dans la plupart des nouvelles sociétés, un citoyen congolais du nom d'Alain Mukonda est enregistré en tant que directeur. Comme Abihassira, Mukonda a lui aussi été vu à l'Afriland Bank avec des sommes d'argent inhabituelles, transportées dans des valises. Selon les registres, il s'est présenté une vingtaine de fois à la banque, avec des montants allant de quelques dizaines de milliers d'euros à 1,7 million d'euros. Au total, il a déposé près de 12 millions d'euros. Selon les documents, un million de cette somme a été déposé en avril 2018 sur un compte portant le nom d'Abihassira, et le reste a été versé à des sociétés que Gertler ne nie pas contrôler. Mukonda nie que des dépôts en espèces aient été effectués et affirme que les documents attestant des dépôts sont des faux.

La plupart des fonds - plus de 8 millions d'euros - étaient destinés à Ventora Global Services, l'une des sociétés locales créées par Mukonda en mars 2018. Les documents révèlent que la société a servi de rampe de lancement pour les transferts bancaires de fonds vers diverses entités liées à Gertler, dont beaucoup en Israël.

Le montant le plus important envoyé depuis le compte de la société est allé à l'avocat israélien Avigdor (Dori) Klagsbald. Les documents montrent qu'en 2018, 2,4 millions d'euros ont été envoyés sur le compte de Klagsbald en plusieurs versements. Klagsbald pourrait bien être l'avocat israélien le mieux connecté. Il est difficile de penser à quelqu'un d'autre dont le cercle d'amis comprend des juges de la Cour suprême anciens et actuels tels qu'Anat Baron, Uzi Vogelman, son ancien partenaire du cabinet d'avocats Yoram Danziger et l'actuelle présidente de la Cour suprême Esther Hayut, aux côtés du chef du Mossad Yossi Cohen, avec lequel Klagsbald entretient une amitié étroite, comme cela a été récemment révélé dans un litige civil.


Un ouvrier d'une mine de cuivre en République démocratique du Congo. Photo Bloomberg

La liste des clients de Klagsbald commence par l'État d'Israël lui-même, qui l'a nommé médiateur dans la procédure d'arbitrage extrêmement complexe avec l'Iran concernant l'ancien oléoduc Eilat-Ashkelon, et s'étend au magnat usaméricain des casinos Sheldon Adelson, qui possède le journal gratuit Israel Hayom, au magnat du transport maritime et de l'automobile Rami Ungar - et semble se poursuivre indéfiniment. Considérons maintenant le chemin emprunté par l'argent sur la route qui mène du client Gertler à l'éminent avocat.

Boaz Ben Zur, qui a représenté Gertler ces dernières années, est un autre avocat de premier plan qui a reçu des paiements de la part de la société congolaise. Ben Zur représente également, entre autres, l'ancien président de l'Association du barreau israélien, Efi Naveh, et Miki Ganor, le principal suspect dans l'affaire de corruption présumée dans l'achat par Israël de navires de guerre à l'Allemagne. Entre avril et juin 2018, 427 000 € ont été transmis à Ben Zur depuis le compte congolais de Ventora Global Services.

L'avocat Eitan Maoz, l'avocat de la défense dans certaines des affaires judiciaires les plus notables d'Israël - ces dernières années, il a représenté le milliardaire Lev Leviev et le juge condamné Dan Cohen - figure également sur la liste des bénéficiaires de l'un des comptes d'Afriland de la société. En mai 2018, il a reçu 265 000 euros.

Un amendement de 2017 à la loi israélienne sur l'interdiction du blanchiment d'argent exige que les avocats et les praticiens d'autres professions remplissent un formulaire de « connaissance du client » et les oblige à examiner si le comportement du client donne lieu à un soupçon de blanchiment d'argent. Dans l'affirmative, ils doivent s'abstenir de fournir des services à ce client et, s'ils travaillent néanmoins avec lui, ils doivent expliquer leur décision par écrit et conserver la décision détaillée et signée dans leur cabinet. Les trois avocats soutiennent qu'ils ont respecté scrupuleusement ces directives et qu'ils ont signalé aux banques israéliennes que l'argent qu'ils avaient reçu provenait d'une société liée à Gertler.

Un document mis à la disposition de The Marker montre comment, dans un cas, un responsable de la conformité d'une banque israélienne a averti un client - un prestataire de services de Gertler - qu'une déclaration partielle ou mensongère constituait une infraction à la loi sur l'interdiction du blanchiment d'argent. Après avoir réfléchi à la question, le prestataire de services a déclaré que la source de l'argent était une société sous le contrôle effectif de Gertler. La banque israélienne a refusé d'accepter le transfert de fonds, car Gertler figure sur la liste des sanctions usaméricaines, et l'argent a été renvoyé à Kinshasa.

Un autre bénéficiaire du compte de Ventora Global Services est le stratège Ronen Zur, qui était le conseiller médiatique de Gertler jusqu'à récemment, et qui était conseiller de Benny Gantz, aujourd'hui [2020] premier ministre suppléant, lors des trois dernières campagnes électorales d'Israël. En avril-mai 2018, la société a envoyé 210 000 € en trois versements à la société de Zur, Zur Strategic Consulting and Campaign Management, à Ramat Gan.

Dans le monde haredi, Gertler est principalement connu comme un philanthrope, ou « nagid » (en hébreu, « prince » ou, dans ce cas, un mécène) et il est souvent mentionné de cette manière sur les sites de potins haredi. Les documents du Congo attestent d'importants transferts d'argent à des organisations à but non lucratif en Israël. Ainsi, 700 000 euros provenant du compte de Ventora Global Services ont été envoyés à une ONG appelée Morasha Veda'at. Des rapports antérieurs dans la presse haredi montrent qu'il s'agit d'un kollel - une yeshiva [école religieuse] pour les hommes mariés - à Bnei Brak, pour lequel Gertler a fourni des bourses d'études dans le passé. D'après les documents déposés par l'organisation auprès du registre israélien des ONG, quatre des cinq bénéficiaires des salaires les plus élevés sont les frères de Shlomo, quatre autres fils du rabbin David Abuhatzeira : Meir, Yehuda, Shimon et Yosef. Chacun d'entre eux est enregistré comme « chef de kollel », avec un salaire d'environ 200 000 shekels (49 000€) par an.

Le montant de 1,1 million d'euros a été envoyé du compte de Ventora Global Services à un autre organisme à but non lucratif, Savanu Metuvach, qui n'a été créé qu'au début de 2017 et qui, au cours de sa première année complète de fonctionnement, en 2018, a déclaré des revenus impressionnants de 12 millions de shekels (environ 2,9 millions d’€).


Dan Gertler. Photo Bloomberg

Selon les documents, 40 000 dollars ont été déposés par Mukonda, l'homme de confiance de Gertler, directement à la femme et aux trois filles de Pieter Deboutte, un citoyen belgo-congolais qui est l'un des associés d'affaires de Gertler et la seule autre personne nommée avec lui dans l'ordonnance de sanctions usaméricaine. Au cours de l'année 2018, 160 000 dollars supplémentaires en espèces ont été déposés, selon les documents, sur des comptes portant les noms de membres de la famille Deboutte, par les propriétaires du compte. Le même jour, 32 000 € ont été déposés sur le compte de Deboutte lui-même. Un associé de Deboutte a nié que de l'argent ait été déposé par Mukonda sur des comptes de la famille Deboutte.

L'avocat d’Avigdor Lieberman, le cabinet Weinstein

Depuis le compte de Ventora Global Services, 70 000 euros auraient été envoyés sur le compte de l'avocat Yoav Mani, jusqu'à il y a peu l'avocat du parti Yisrael Beiteinu et un confident de son leader, Avigdor Lieberman. Mani a été interrogé dans l'affaire des sociétés écrans lors de l'enquête tentaculaire menée contre Lieberman. Le rôle de Gertler dans cette affaire concerne un demi-million de dollars qui a atterri sur le compte d'une société étrangère appelée Mayflower, que la police soupçonnait d'appartenir à Lieberman, dont le chauffeur détenait officiellement les intérêts majoritaires dans cette société.

Dans son livre en hébreu intitulé « L’Affaire Avigdor Lieberman», l'avocate Avia Alef, qui dirigeait le département des crimes économiques au sein du ministère public et qui devait être la procureure dans cette affaire si elle avait été portée devant les tribunaux, affirme qu'un nombre considérable de documents relatifs à l'affaire Mayflower ont été saisis dans le bureau de M. Mani. Elle note que cela a entravé l'enquête sur les transactions commerciales de la société, car Mani a invoqué le secret professionnel pour ses deux clients, Gertler et Lieberman.

Il s'avère que Mani a continué à recevoir des paiements de Gertler et est resté le conseiller juridique de Yisrael Beiteinu jusqu'en mai 2018, date à laquelle l'argent lui a été envoyé. Lors d'une conversation avec The Marker, Mani a refusé de répondre à la question de savoir s'il avait signalé à sa banque que les sociétés de Gertler étaient la source de l'argent.

C'est le procureur général de l'époque, Yehuda Weinstein, qui a décidé en 2012 de clore l'enquête sur les sociétés écrans, invoquant le manque de preuves. M. Weinstein est aujourd'hui avocat privé au sein du cabinet Dror, Menchel et Weinstein, où sa fille Karin est associée. Il a rejoint le cabinet après avoir terminé ses fonctions de procureur général. L'ancien procureur général figure dans la correspondance du cabinet en tant que conseiller. Deux des associés du cabinet, Ophir Menchel et Ron Dror, sont également liés aux comptes d'Afriland First. Menchel a ouvert un compte dans la banque en 2018, en utilisant le numéro de téléphone de Dror sur les formulaires d'inscription.

Une enquête menée par The Marker révèle que le compte de Menchel était destiné à recevoir une commission d'un montant inconnu pour des services de conseil à Gertler. La tentative de transfert de fonds vers Israël a échoué, car une banque correspondante étrangère a refusé le transfert en raison des sanctions contre Gertler.

La décision de Weinstein de clore l'affaire des sociétés écrans en 2012 a probablement été la plus controversée de son mandat de procureur général. Il y a environ un an, Yair Netanyahu, le fils aîné du Premier ministre, a affirmé dans un tweet que Weinstein avait été nommé procureur général par le gouvernement de Benjamin Netanyahu en 2009, à la suite d'une demande formulée dans le cadre des négociations de la coalition par Lieberman, le principal suspect dans cette affaire à l'époque. L'allégation a ensuite été démentie par Lieberman, Weinstein et le père de Yair, Bibi himself.

L'image qui en ressort n'est pas agréable. Il apparaît que le cabinet dans lequel Weinstein et sa fille représentent 40 % des avocats (selon la liste du personnel du cabinet), représente la personne dont l'affaire a été classée par Weinstein.

 Photo Bloomberg

Les registres du compte Ventora Global Services montrent également des transferts d'argent à des prestataires de services en dehors d'Israël qui ont travaillé pour Gertler. Par exemple, des dizaines de milliers d'euros ont été transférés à la société de relations publiques Powerscourt, basée à Londres. Le cabinet d'avocats Mishcon de Reya, également basé à Londres, a reçu 130 000 euros.

Pris avec de l'argent liquide dans un avion

Fin 2017, avant que Mukonda ne fonde Ventora Global Services, il était enregistré en tant qu'administrateur de la société Ventora Development, qui portait le même nom et était précédemment constituée dans les îles Vierges britanniques sous le nom de Fleurette Mumi Holdings. La société a été placée sur la liste des sanctions du Trésor usaméricain, mais quelques jours avant la publication de la liste, elle a changé son nom en Ventora Development et s'est redomiciliée en RDC. Le compte de la société chez Afriland First n'a pas rencontré d'obstacles, malgré les sanctions, bien qu'il soit libellé en euros plutôt qu'en dollars.

Début 2018, Mukonda lui-même a déposé, selon les registres, 2,4 millions d'euros en espèces sur le compte de Ventora Development. Mukonda nie ces dépôts et affirme que les documents qui les attestent sont des faux. Dans les mois qui ont suivi, 20 millions d'euros supplémentaires ont été versés sur le compte de la société, provenant de diverses sources. Sur cette somme, environ 18 millions d'euros ont été reçus en rapport avec la mine de cuivre de Mutanda, dans le sud-est du Congo. Les paiements provenaient de Glencore, la vaste société internationale de matières premières qui exploite la mine de Mutanda. Glencore s'était engagée dans un contrat à verser aux sociétés de Gertler des redevances sur son activité minière. Lorsque les sanctions ont été imposées, Glencore a interrompu les paiements à Gertler pendant un trimestre, et Gertler a entamé une procédure judiciaire. Les parties ont finalement convenu que les redevances de 2,43 % provenant des ventes de la mine seraient versées en euros, et non en dollars, à Ventora Development, et c'est ce qui s'est produit, selon les documents.

Quelques semaines plus tard, le ministère usaméricain de la justice a annoncé qu'il ouvrait une enquête sur le comportement de Glencore dans l'industrie minière de plusieurs pays, dont la RDC.

Deux autres sociétés liées à Israël ont reçu des montants substantiels à la fois de Ventora Global Services et de Ventora Development. En 2018, les sociétés congolaises ont transféré 1,1 million d'euros à la société israélienne de tourisme Med Cruises, dont l'activité principale sont les croisières de plaisance, ainsi qu'une activité annexe de location d'avions privés. Selon des rapports publiés dans un certain nombre de colonnes de potins, Gertler a des liens sociaux avec la propriétaire de la société, Anat Samovsky, et a assisté au mariage de sa fille en 2015.

Une autre société qui a reçu des fonds des deux sociétés Ventora gérées par Mukonda est WayLawn, qui loue un avion privé et qui est constituée dans les îles Vierges britanniques. WayLawn a reçu des transferts de 227 000 € au cours du premier semestre 2018.

Le nom de la société est apparu dans la fuite des Panama Papers rapportée par le Consortium international des journalistes d'investigation. Les documents ont révélé que la société était auparavant sous le contrôle du milliardaire israélien Idan Ofer, qui est l'actionnaire majoritaire de l'Israel Corporation, anciennement la plus grande société holding d'Israël ; WayLawn entretenait son jet d'affaires. Cependant, la société et son avion ont été vendus en 2009 à deux sociétés étrangères qui sont également enregistrées dans des paradis fiscaux.

The Marker a pu confirmer que l'acheteur dans cette transaction était l'homme d'affaires Eytan Stibbe, un pilote de combat à la retraite qui avait autrefois à son actif le plus grand nombre d'avions ennemis abattus dans les forces armées israéliennes. Stibbe est l'un des fondateurs du groupe LR, qui a entretenu des liens étroits avec les autorités angolaises pendant et depuis la guerre civile des années 1990. (Stibbe a depuis quitté cette société).

 


Photo Bloomberg

Les deux transferts sont liés, comme TheMarker l'a découvert, à la location d'un avion privé pendant la période des sanctions usaméricaines. Selon une source dans l'entourage de Gertler, l'une des conséquences des sanctions a été l'immobilisation temporaire de son avion privé Bombardier, avec lequel il effectuait la liaison Israël-Congo. La source a indiqué que l'équipage de l'avion usaméricain avait démissionné peu après l'imposition des sanctions et qu'il avait fallu du temps pour trouver un nouvel équipage.

En juin 2018, Ventora Global Services a transféré une somme de 370 000 € sur le compte de l'Afriland Bank d'une société appelée BH Consulting. Le compte de BH Consulting était enregistré dans la banque avec un numéro de téléphone israélien attaché qui appartient à un certain Aharon Cohen. Cohen, un employé de Gertler, a été arrêté avec lui en novembre 2013 par des agents des douanes à l'aéroport Ben-Gourion après qu'ils eurent atterri dans l'avion privé de Gertler. Les deux hommes ont été pris en flagrant délit de tentative d'introduction d'argent liquide en Israël sans avoir déclaré les fonds aux autorités douanières. Ils transportaient 120 000 dollars dans six enveloppes en papier brun, chacune contenant 20 000 dollars. L'épisode s'est terminé par le paiement d'une amende par Gertler.

Les documents d'Afriland font état de dépôts en espèces sur les comptes de deux autres personnes proches de Gertler. Selon l'enregistrement, la sœur de Gertler, Keren, s'est rendue à deux reprises à l'agence Afriland First, fin 2018 et début 2019, déposant 885 000 € en deux fois sur un compte portant son nom. Une tentative de transfert de 800 000 € de ce montant sur le compte d'une société appelée Ivega DRC a échoué, et l'argent a été renvoyé sur son compte, selon les documents.

Le deuxième associé est l'entrepreneur en bâtiment Zahi Abou, basé à Ashdod, qui a récemment fait la une des journaux en achetant au magnat Yitzhak Tshuva les terminaux de distribution d'essence de Delek Israel à Glilot, Jérusalem, Ashdod et Be'er Sheva. Les terminaux, qui couvrent une superficie totale de plusieurs centaines de dounams, ont été vendus pour 720 millions de shekels (environ 174 millions d’€). En mars 2018, 4,2 millions d'euros ont été déposés sur un compte portant le nom d'Abou. L'argent a ensuite été transféré en Israël, dont une partie à Otzar Group Investments, dans lequel il détient une participation majoritaire. Abou est ensuite devenu un partenaire commercial de la mère de Gertler, Hannah Gertler. L'une de leurs sociétés communes est Nofech Urban Renewal, qui promeut un grand projet de construction à Ashdod.

L'argent va et vient

On peut raisonnablement supposer qu'au moment où le Trésor usaméricain se penchera sur l'activité inhabituelle des liquidités découlant des documents de l'Afriland Bank, les actions des associés du roi du cobalt de Bnei Brak se seront déplacées vers une autre banque.

Un phénomène intéressant qui ressort des documents est le mouvement de l'argent - dans un sens et dans l'autre - vers la même personne : L'un des associés de Gertler se rend à la banque d'Afriland, effectue un prétendu dépôt en espèces sur un certain compte, puis récupère une partie de l'argent de différentes manières.

Nous avons commencé par le cas de Shlomo Abihassira, le fils du kabbaliste de Nahariya, qui a déposé, selon les registres, 19 millions de dollars en espèces, dont 17 millions ont été versés sur le compte d'une nouvelle société congolaise appelée RDHAGD. Ainsi, avec deux autres millions de dollars qui ont été enregistrés comme déposés en espèces sur le compte de la société par une personne dont l'identité n'est pas révélée par les documents, RDHAGD disposait de 19 millions de dollars sur son compte à partir de mars 2018.

Selon les documents, le montant total de 19 millions de dollars a été transféré un matin d'août 2018 à une personne nommée Kalondo Kabamba. Selon les documents, le même jour, le 14 août, Abihassira a transféré 2 millions de dollars de son compte privé Afriland vers un compte portant le nom de Kabamba. Au total, Kabamba aurait donc reçu 21 millions de dollars. Le même jour, il a été enregistré que Kabamba avait déposé exactement le même montant de 21 millions de dollars en espèces sur le compte d'une société appelée Dorta Invest. De cette manière, l'argent, qui provenait d'Abihassira, a été transféré dans une nouvelle poche. Entre le 4 et le 6 septembre, les documents montrent qu'Abihassira a reçu environ 8 millions de dollars du compte Dorta en trois versements.

Le mouvement d'argent d'une poche à l'autre a également été enregistré dans le cas d'Alain Mukonda ; 2,1 millions d'euros de l'argent qu'il aurait déposé sur le compte de Ventora Global Services lui ont été restitués en juillet de la même année.

Dan Gertler, alias Kash Dan, et Joseph Kabila, alias JKK, alias Shina Rambo (surnom d'un célèbre chef de bande sanguinaire nigérian), vus par le caricaturiste congolais Themb Kash

Kabamba, l'homme qui est enregistré comme déposant de l'argent sur le compte de Dorta, semble, d'après les documents, être un autre convoyeur de fonds, lié à différents transferts aux associés de Gertler. Selon les documents, en août 2018, il a commencé à effectuer des dépôts sur le compte Dorta pour des montants commençant à 900 000 dollars. Au début de l'année 2019, il aurait déposé environ 32 millions de dollars sur le compte de la société, auxquels se sont ajoutés 27 millions de dollars au cours de la même période provenant de diverses sources. Une partie de l'argent, soit 9,3 millions de dollars, a été envoyée, selon les documents, à une société appelée K-Services, qui est constituée à Hong Kong. De là, toute trace a été perdue.

L'une des raisons possibles de ces mouvements d'argent est que tant que l'argent est en mouvement, il est difficile de le saisir ou d'en retrouver la trace. Et si telle est la logique, on peut raisonnablement supposer qu'au moment où le département du Trésor usaméricain se penchera sur l'activité inhabituelle de l'argent liquide qui découle des documents de l'Afriland Bank, les actions des associés du roi du cobalt de Bnei Brak se seront déplacées vers une autre banque.

Gertler : « Les documents sont volés et fabriqués »

La réponse de Dan Gertler est la suivante : « Il s'agit d'un rapport sans fondement. Nos enquêtes montrent que votre journal est en possession de documents volés, dont une grande partie a été fabriquée. La fabrication concerne les dépôts en espèces, qui sont au cœur de la plainte contre M. Gertler et constituent en fait la prémisse de l'article. Il existe des preuves concluantes montrant que les personnes auxquelles les dépôts en espèces ont été attribués (c'est-à-dire Mukonda et Shlomi Abihassira) ne se trouvaient pas au Congo aux dates présumées des dépôts. Ces preuves s'ajoutent à d'autres, notamment des pages de comptes authentiques, des examens médico-légaux de signatures, etc. Tous ces éléments indiquent que les allégations concernant des dépôts en espèces effectués pour échapper aux sanctions sont sans fondement ».

La réponse précise également que « tous les paiements aux prestataires de services ont été effectués en euros, conformément à la loi ». « La publication de l'article donnera lieu à des poursuites judiciaires - en Angleterre et en Israël - qui refléteront l'immense préjudice causé à M. Gertler, à son nom et à ses entreprises. Le préjudice est estimé à des dizaines de millions de livres ».

Shlomo Abihassira a répondu : « Bien que M. Gertler soit un ami de ma famille, que je connais depuis ma jeunesse, nous n'avons pas de relations d'affaires et nous n'en avons jamais eu. Je n'ai jamais effectué de dépôts en espèces auprès d'une société ou d'un compte de l'Afriland Bank. Je n'ai jamais entendu parler d'une société appelée Interactive Energy. Je n'ai rien à voir avec vos affirmations concernant Kalondo Kabamba, que je ne connais pas. L'information concernant le transfert d'argent liquide à la société Dorta Invest est incorrecte. Des paiements ont été effectués par RDHAGD à Dorta conformément au contrat conclu entre les deux, mais pas en espèces. De plus, j'ai reçu un prêt de Dorta dans le but de développer les activités de RDHAGD, mais ce prêt a été remboursé par la suite. Contrairement à ce que vous affirmez, ces transferts n'ont pas été effectués en espèces. Tous les paiements reçus ont été déclarés comme l'exige la loi en Israël et au Congo. Les questions qui me sont adressées indiquent un vol d'informations bancaires confidentielles et une atteinte à la vie privée. Par ailleurs, certaines questions indiquent que les documents que vous possédez comportent des distorsions et des données falsifiées ».

Alain Mukonda a répondu : « Contrairement à ce que vous affirmez, je n'ai pas déposé d'argent liquide sur les comptes de l'Afriland Bank. A certaines des dates que vous mentionnez, je n'étais même pas au Congo.

« Je n'ai pas déposé d'argent sur les comptes de Ventora Global ou Ventora Development, de Pieter Deboutte ou de Shlomo Abihassira, et je n'étais pas au courant que ce dernier avait déposé des fonds sur les comptes liés à Gertler.


Une mine de cuivre en RDC. Photo Bloomberg

« La restructuration de l'entreprise a été planifiée et a commencé à être exécutée, y compris la délocalisation des activités, avant l'imposition des sanctions, dont je n'ai pas été averti, pas plus que d'autres membres de l'entreprise.

« La restructuration n'avait rien à voir avec les sanctions. Elle visait à relocaliser les différentes entreprises en RDC, où elles étaient basées, ce qui signifiait également que les impôts qu'elles payaient seraient versés à la RDC.

« Greco SAS n'appartient pas à Gertler et à sa famille. Le paiement lié à la mine de Mutanda était légitime, il a été effectué en euros et conformément aux obligations contractuelles après le règlement des procédures judiciaires. Les paiements ont été effectués dans le respect des sanctions applicables. Tous les paiements aux entreprises ont été effectués sur la base de factures et dûment comptabilisés dans les comptes des entreprises concernées, pour des services qui ont effectivement été fournis.

Une réponse a été donnée au nom de Zahi Abou : « Le document sur lequel se fonde votre demande est faux. L'activité commerciale de M. Abou au Congo était et reste légale, elle a été déclarée à toutes les autorités compétentes conformément à la loi et n'a aucun lien avec M. Gertler. M. Abou est un homme d'affaires de premier plan innocent et il est victime d'un effort de pression de la part de TheMarker, dont le but est d'extorquer des informations sur d'autres personnalités ».

Aharon Cohen a répondu : « La société BH était ma propriété exclusive. La société a reçu un prêt légal de VENTORA. Le prêt a été remboursé intégralement après quelques mois, avant la fin de l'année 2018. La société a été fermée avant la fin de l'année 2018. Les fonds ont été reçus en euros. En ce qui concerne l'incident d'avion que vous avez mentionné, j'ai été questionné et non interrogé. À la fin du processus, il est apparu clairement que je n'avais pas enfreint la loi et que je n'avais pas payé d'amende. »

Le cabinet Dror, Menchel & Weinstein a répondu : « Nous n'abordons pas les questions liées aux clients, mais nous notons que l'ancien procureur général Yehuda Weinstein et l'avocate Karin Weinstein ont rejoint notre cabinet longtemps après qu'il a commencé à représenter M. Gertler ».

La société Waylawn a répondu : « Les entreprises qui utilisent des avions privés demandent parfois à utiliser des avions privés contre remboursement des frais. Il est raisonnable de supposer que dans ce cas également, une demande d'utilisation d'un avion pour un vol vers l'Afrique a été faite en échange d'un paiement. Si la compagnie avait su que la source faisait l'objet d'un boycott, l'avion n'aurait pas été loué ».

Med Cruises a répondu : « Nous n'avons aucune information sur les affaires de Gertler ou sur le dépôt de fonds comme le prétend l'article. Med Cruises fournit des services de vol et d'accueil à certaines des sociétés de Gertler. La société opère en conformité avec la loi. Toutes les dépenses et tous les services fournis par la société sont enregistrés dans les livres de la société et sont entièrement soutenus de manière légale par des factures (si des chiffres officiels nous demandaient de le prouver, nous le ferions) ».

Le bureau d'Eitan Maoz a répondu : « Comme tout paiement que nous recevons, les frais mentionnés dans votre demande ont été déclarés à la banque précisément comme un paiement effectué pour la représentation juridique de M. Dan Gertler. Le paiement en question a été soumis à toutes les procédures de conformité et a été approuvé par la banque et ses conseillers juridiques conformément à la loi. »

Le bureau de Klagsbald & Co. a répondu : « Depuis 2010, nous représentons Dan Gertler dans diverses procédures judiciaires. Au cours de quelques mois en 2018, la société congolaise Ventora Global Services a payé à notre bureau une partie des honoraires de M. Gertler. Lors de la réception du premier paiement de la société susmentionnée, nous avons informé la banque que les fonds correspondaient aux honoraires de M. Gertler. Nous avons donné à la banque tous les détails nécessaires concernant les honoraires et les paiements. Nous avons également fourni à la banque tous les détails qu'elle nous a demandés concernant les honoraires et les paiements. En outre, nous avons répondu aux questions posées par la banque, notamment sur les liens entre M. Gertler et l'entreprise. Ces faits sont étayés par des documents qui sont en notre possession ».

L'avocat Boaz Ben Zur a répondu : « Notre cabinet représente M. Gertler depuis des années. Tout paiement, sans exception, reçu par le cabinet est payé pour un service juridique qui a été fourni. Les détails, y compris le bénéficiaire final, s'il y en a un, sont communiqués à la banque dans leur intégralité. »

Zur Communications a répondu : « Nous ne pouvons pas nous prononcer sur le montant des frais. Les autorités ont reçu tous les détails et toutes les informations requises par la loi en ce qui concerne le recouvrement de la dette. »

Les ONG Savanu Metuvach et Morasha Veda'at, l'avocat Yoav Mani et la famille Deboutte n'ont pas fait de commentaires.


NdT

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Selon le quotidien britannique Financial Times, un accord serait en négociation entre Washington et l’homme d’affaires israélien. Celui-ci lui permettrait, alors que Dan Gertler est actuellement sous sanctions américaines, de vendre ses actifs congolais à Kinshasa pour environ 300 millions de dollars et d’avoir à nouveau accès au marché financier américain.
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