29/02/2024

AMIRA HASS
Gaza et Israël, un nouveau jeu d’association de mots

 Amira Hass, Haaretz, 26/2/2024
Traduit par Fausto Giudice,
Tlaxcala

Leurs morts reposent sur la place. Des réalisations tactiques impressionnantes. Aujourd’hui, nous avons tué des dizaines de terroristes. L’armée a tué des policiers qui protégeaient les camions d’aide des pillards. Et ainsi de suite

Ghetto de Varsovie, Pologne, avril 1943


École de l’UNRWA, ghetto de Gaza, février 2024

Assiégés. Ils le sont - pas nous. Le parking de longue durée de l’aéroport international Ben-Gourion explose de voitures. Nous les bombardons. Laissons-les apprendre une leçon. Affamés. Entassés les uns sur les autres. Environ 50 000 personnes par kilomètre carré.

Qui compte ? Les atrocités du 7 octobre. Les blessés. Les bombardés. Les assoiffés. Ce sont eux. Nos otages. Bombardés. C’est nous qui les bombardons. Ils boivent de l’eau contaminée. Que boivent les otages ? Quatre cents personnes font la queue pour des toilettes. Diarrhée. Il n’y a ni eau ni papier toilette. Les prix sont très élevés. Comment les otages se débrouillent-ils ? Il n’y a pas non plus de serviettes hygiéniques. Avec quoi les otages se débrouillent-ils ?

Un père pleure en portant son bébé mort. Vous ne le verrez pas à la télévision israélienne. Le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, marche en tongs dans un tunnel. Oui, on l’a vu à la télévision israélienne. Avec ses enfants. Quelque 10 000 enfants palestiniens ont été tués. Peut-être 11 000 déjà. Combien de bébés ? Qui peut les compter ? Nous les avons bombardés. Nous les avons tués. Une fille en robe rose. Un garçon qui aimait les glaces. Des linceuls en plastique bleu. Une fosse commune. Des linceuls en tissu blanc.

Ici reposent leurs morts sur la place. Des réalisations tactiques impressionnantes, déclare le porte-parole de l’armée. Nous nous efforçons de ne pas blesser les civils innocents. Aujourd’hui, nous avons tué des dizaines de terroristes. L’armée a tué des policiers qui protégeaient les camions d’aide des pillards. Un soldat est tué lors d’un affrontement avec des terroristes à Gaza. Ils protégeaient leur maison. Y avait-il une maison ?

Laissons les forces de défense israéliennes terminer leur travail à Gaza. Nos soldats savent travailler. Le mouvement ouvrier semble être de retour. Drapeau rouge. Ligne rouge. Ne pas s’arrêter au rouge. Franchissez les lignes rouges. Combien y en a-t-il ? Qui peut les compter ? Nous sommes à court de mots. Le silence. L’indifférence. Que sont 10 000 enfants morts ?

Nous ne vous oublierons pas, enfants des communautés israéliennes proches de Gaza. Un œil pour un œil. Des milliers d’yeux pour un œil. Des milliers d’enfants blessés.

Un enfant amputé d’un membre. Bombes intelligentes. Des obus stupides. Le président Isaac Herzog écrit un vœu sur un obus. Un garçon couvert de poussière tremble de partout. Où est sa mère ? Il a peur et elle lui manque. Une fille tremble de tous ses membres. Où est son père ? Il cherche des moyens de quitter Gaza. L’horreur et la mort comme moyen d’expulsion. Vous ne le verrez pas à la télévision israélienne. Il y a les médias sociaux. Des soldats devenus fous. Pourquoi téléchargent-ils des photos compromettantes d’eux-mêmes ?

La Cour internationale de justice a rejeté la demande de l’Afrique du Sud d’émettre une injonction contre une offensive terrestre à Rafah. Il est encore temps. Washington fournira plus d’armes à Israël. Il n’y a plus de temps. Les USA vérifient les cas où des civils palestiniens ont pu être tués par leurs munitions. Et le monde reste immobile. On ne peut pas comparer. La guerre se poursuivra pendant de nombreux mois, a déclaré Benjamin Netanyahou. Où va-t-il trouver tant de jeunes qui vont tuer ? Et se faire tuer ?

À Miami. Le fils du premier ministre. Une presse voyeuriste. Le journalisme sérieux. Le journal de droite Makor Rishon. « Vos frères iront à la guerre et vous resterez les bras croisés », lit-on dans une publicité sponsorisée par des réservistes s’adressant à la communauté ultra-orthodoxe ; elle a été publiée ce mois-ci dans Makor Rishon, le journal « pour les gens qui pensent différemment ». L’annonce mentionne le nombre de diplômés des écoles religieuses sionistes qui ont été tués dans les combats.

Ailleurs dans ce numéro, il est écrit : « 1 962 ans après l’abattage de la dernière génisse rouge par Ismaël Ben Phiabi (un grand prêtre), et après une décennie d’efforts de l’Institut du Temple pour obtenir une génisse rouge pure par une multitude de moyens qui n’ont pas encore fait leurs preuves, il semble qu’ils se rapprochent de l’objectif, qui pourrait même être atteint dans un avenir prévisible ».

Où était le rédacteur en chef ? C’était le titre d’un article d’Arnon Segal, « The Red Heifer Status Report », Le rapport de situation de la Génisse Rouge. Les cendres d’une génisse rouge ont été utilisées pour purifier un juif qui est entré en contact avec un cadavre, et permettront aux juifs de se déplacer sur Al-Aqsa/le Mont du Temple et, avec l’aide de Dieu, de construire le troisième Temple.

« Le prochain point à l’ordre du jour concerne cinq vaches rouges importées des USA ; elles sont élevées au centre d’accueil des visiteurs à Tel Shiloh3, rapporte Segal. Tel Shiloh, la ville antique, est Khirbet Seilun, à partir de laquelle le village de Qaryut s’est développé au nord-est de Ramallah, en Cisjordanie. Khirbet Seilun faisait partie du village, dont les habitants ont été expulsés. Comme les Palestiniens à Susya. L’archéologie expulse.

Les colons, aidés par l’armée, ont également expulsé les habitants de Qaryut de leurs sources. Les troupeaux de génisses juives casher expulsent les bergers de leurs terres et les agriculteurs de leurs sources d’eau. L’industrie du lait et de la viande comme outil d’expulsion. L’abattage casher. Les mitsvot [les 613 prescription de la Torahs]. Le peuple élu. Les génisses rouges pour les sacrifices. Certaines des cinq vaches, rapporte Segal, « ont atteint l’âge de 2 ans et sont aptes à être utilisées comme génisses rouges, mais elles ont franchi la ligne d’arrivée avec quelques poils blancs ».

Après les bombardements, quelques cheveux blanchissent sur la tête des enfants de Gaza. Linceuls blancs. Linceuls bleus. Un charnier. Les FDI fouillent les cimetières. Ramène les corps dans des camionnettes. La ligne d’arrivée. La ligne rouge.

Le rabbin Azaria Ariel, de l’Institut du Temple, a déclaré à Segal : « Le Saint, béni soit-il, décide. Ce n’est pas pour rien qu’Il a placé le Temple là où il se trouve. Il existe une sensibilité particulière à cet égard : pour déplacer quelque chose à cet endroit par les voies naturelles, un large consentement du peuple d’Israël sera nécessaire ».

C’est ce qu’il a dit, et il nous a laissés dans l’expectative. Déplacer « quelque chose ». Qu’est-ce que cela signifie ? Quelque chose comme le Dôme du Rocher ? Quelque chose comme la Mosquée du Sud (Al-Aqsa) ? Et « par les voies naturelles ». Qu’est-ce que cela signifie ? Un tremblement de terre ? Une attaque aérienne ? Un explosif puissant ? « La terre ouvrit sa gueule et les engloutit, eux et leurs familles » (Nombres 16:32) Miracles.

Des miracles. Par la main de Dieu. Par la main d’Allah. L’un est grand et l’autre est plus grand. Tout est écrit dans les saintes écritures.

 

Aucun commentaire: