Simone
Pieranni, il
manifesto, 18/5/2021
Traduit par Fausto Giudice
Métropole et contrôle : la
Chine exporte du matériel et des « normes » pour les villes
intelligentes dans le monde entier. Mais le projet phare près de Pékin ne
fonctionne pas
Xiong'an. Photo AP
Dans le récit futuriste et
hypertechnologique de la Chine, les villes intelligentes sont une sorte de
résumé dans lequel aboutissent les nombreux aspects de la nouvelle posture de
la Chine : des villes d'environ deux millions et demi d'habitants, entièrement
durables, avec un trafic régulé par des algorithmes, des voitures autopilotées
filant silencieusement dans des rues propres et des citoyens surveillés 24
heures sur 24.
La Chine est en train de
développer 500 projets de villes intelligentes, suivant les directives du Parti
et du président Xi Jinping lui-même, qui s'est exprimé à plusieurs reprises sur
le sujet, appelant au développement de « villes intelligentes et sûres »
Comme c'est souvent le cas avec ce processus technologique chinois, les
composants, matériels et logiciels, font également partie des secteurs que la
Chine exporte. Selon une étude réalisée en 2020 par Rwr ADvisory, la Chine
aurait déjà signé plus de 100 accords d'exportation de « paquets »
pour des villes « intelligentes » et « sûres » (plus de 70
dans le cadre du projet de Nouvelle route de la soie).
Les équipements « intelligents »
visent à automatiser les fonctions « ville » : circulation, sécurité
informatique, contrôle de la qualité de l'air, etc. Les équipements « sécurisés »
sont principalement destinés à la surveillance de la population 24 heures sur
24. Exporter des « paquets » signifie également tenter de consolider
les normes. Comme l'écrit le Financial Times, « les systèmes de
reconnaissance faciale, l'analyse des big data, les télécommunications 5G et
les caméras d'IA qui aident à créer des villes intelligentes sont autant de
technologies pour lesquelles il y a des normes à établir. Par conséquent, les
villes intelligentes, qui automatisent de multiples fonctions municipales,
constituent une cible importante » pour la volonté de la Chine d'imposer
des normes. À cet égard, la Chine établirait des normes de bas en haut « grâce
à l'exportation généralisée et à l'adoption étrangère de sa technologie »,
selon Jonathan Hillman, analyste au CSIS, un groupe de réflexion basé à
Washington. « Un pays comme la Serbie pourrait ne pas décider d’emblée qu'il
veut adopter les normes chinoises, mais après suffisamment d'achats et d'accords,
il pourrait finir par les utiliser ».
Le problème pour la Chine,
cependant, s'est soudainement imposé sur le plan intérieur : l'un des plus
importants projets de ville intelligente se traîne, depuis des années. Il
s'agit du projet Xiong'an, à 130 kilomètres de Pékin, la « ville parfaite »
expressément voulue par Xi Jinping pour montrer au monde ce qu'est l'idée de « ville
intelligente ». Ces jours-ci, les médias chinois célèbrent de toutes les
manières les 4 ans du début du projet, saluant avec emphase chaque ouverture de
chantier. Il y a quelques semaines, les médias d'État ont salué l'ouverture de
120 chantiers, mais certains problèmes semblent être apparus récemment. Tout
d'abord, il faut rappeler qu'au cours de ces quatre années, les travaux n'ont
pas beaucoup avancé, au point que Xi lui-même avait rappelé tout le monde à
l'ordre. Le nouveau plan quinquennal a donné un nouveau souffle au projet, qui
repose toutefois sur des bases assez compliquées, étant situé dans l'une des
zones les plus polluées du pays.
En outre, comme l'ont relevé ces
derniers jours les médias internationaux, certaines rumeurs ont mis en évidence
d'autres problèmes : toutes les entreprises ne semblent pas disposées à
s'installer dans la « perle de la Chine », certaines se sont surendettées, tandis que les habitants
commencent à abandonner la zone en raison de la flambée des loyers. Xiong'an,
donc, avec une population de 1,3 million d'habitants, et avec l'une des plus
grandes gares du monde par sa superficie, qui a commencé à fonctionner en
décembre, est en réalité, selon le Financial Times, « un marasme économique,
bordée de routes en terre, de bâtiments miteux et de chantiers suspendus ».