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11/03/2024

27 otages gazaouis sont morts en captivité dans des installations militaires israéliennes depuis le début de la guerre

 Une information de la correspondante du Haaretz en Cisjordanie, passée sous silence par les médias dominants, suivie d’un commentaire empreint d’ironie amère de Gideon Levy.  Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

27 otages gazaouis sont morts en captivité dans des installations militaires israéliennes depuis le début de la guerre

 Hagar Shezaf, Haaretz, 7/3/2024

Les détenus qui ont été renvoyés à Gaza ont témoigné des mauvais traitements qu’ils ont subis, notamment des coups et des sévices infligés par des soldats et au cours des interrogatoires. Le porte-parole des FDI déclare que l’armée a ouvert une enquête sur les décès.

 

Détenus dans le centre de Sde Teiman

Selon les chiffres obtenus par Haaretz, 27 détenus de Gaza sont morts en détention dans des installations militaires israéliennes depuis le début de la guerre.

Les détenus sont décédés dans les installations de Sde Teiman et d’Anatot ou lors d’interrogatoires en territoire israélien. Le bureau du porte-parole des FDI a déclaré que la Police militaire d’investigation avait ouvert une enquête sur ces décès. Les FDI n’ont pas détaillé les circonstances des décès, mais ont indiqué que certains d’entre eux souffraient de problèmes de santé antérieurs ou avaient été blessés pendant la guerre.

Des soldats des FDI conduisent des détenus palestiniens aux yeux bandés dans un camion, en décembre. Photo Motti Milrod

Depuis le début de la guerre, l’armée a détenu des habitants de Gaza dans des camps de prisonniers temporaires sur la base de Sde Teiman. Les détenus de Sde Teiman ont été interrogés par l’unité 504. En vertu d’un amendement à la loi adopté pendant la guerre, les détenus peuvent être gardés jusqu’à 75 jours sans voir un juge.

Certains détenus ont été libérés et sont retournés à Gaza. En outre, les travailleurs gazaouis titulaires d’un permis qui se trouvaient en Israël au début de la guerre ont été détenus au
camp de détention d’Anatot jusqu’à ce que la plupart d’entre eux soient libérés et retournent dans la bande. Une source a déclaré à Haaretz qu’au moins l’un d’entre eux, un diabétique, y est décédé faute de traitement médical. En décembre, Haaretz a révélé que les détenus de Sde Teiman étaient menottés et avaient les yeux bandés toute la journée.

Des photos publiées ultérieurement par Haaretz ont révélé à quoi ressemblait  l’endroit où les détenus étaient gardés, et une source sur place a déclaré que les soldats avaient tendance à punir et à battre les détenus, ce qui correspond aux témoignages de Palestiniens qui ont été renvoyés à Gaza par la suite.

Soldats israéliens arrêtant des Palestiniens dans la bande de Gaza, en décembre 2023. Photo Tsahal

Ils ont témoigné des coups et des abus infligés par les soldats et au cours des interrogatoires. Des photos de détenus libérés montrent des ecchymoses et des marques sur leurs poignets dues à un menottage prolongé. Selon un rapport de l’UNRWA publié mardi par le New York Times, les détenus libérés à Gaza ont déclaré avoir été battus, volés, déshabillés, agressés sexuellement et empêchés de consulter des médecins et des avocats.

Fin février, Azzadin Al Bana, un homme de 40 ans originaire de Gaza qui souffrait d’une grave maladie avant son arrestation, est décédé dans une clinique de l’administration pénitentiaire. La commission des affaires pénitentiaires a déclaré qu’Al Bana avait été arrêté à son domicile dans la bande de Gaza il y a environ deux mois. Haaretz a appris qu’Al Banna avait d’abord été amené à la base de Sde Teiman, où il avait été placé en détention normale, et qu’il n’avait été transféré à l’établissement médical de Sde Teiman que deux semaines plus tard. Il y a environ un mois, il a été transféré dans une clinique de l’administration pénitentiaire.

La base de Sde Teiman où sont détenus les habitants de Gaza. Photo : Eliyahu Hershkovitz

Un avocat qui a récemment visité la clinique a déclaré que les prisonniers qui s’y trouvaient disaient qu’il souffrait de paralysie et qu’il avait de graves plaies de pression. Selon l’avocat, l’un des prisonniers a déclaré qu’Al Bana était devenu jaune et qu’il émettait des râles, mais qu’il n’avait pas reçu de traitement approprié. Les données de l’administration pénitentiaire transmises au Centre HaMoked pour la défense de l’individu montrent qu’au 1er mars, 793 habitants de Gaza étaient détenus dans des prisons administrées par l’administration pénitentiaire sous le statut de combattants illégaux. Ce chiffre s’ajoute à un nombre inconnu de Gazaouis détenus dans des centres de détention militaires.

Le bureau du porte-parole des FDI a répondu : « Depuis le début de la guerre, les FDI gèrent un certain nombre de centres de détention où se trouvent des détenus arrêtés lors de l’assaut du Hamas le 7 octobre ou lors de la campagne terrestre dans la bande de Gaza. Les détenus ont été amenés dans les centres de détention et interrogés. Toute personne n’ayant aucun lien avec des opérations terroristes a été relâchée dans la bande de Gaza.

Depuis le début de la guerre, il y a eu un certain nombre de cas de décès de détenus dans les établissements pénitentiaires, y compris des détenus qui sont arrivés en détention blessés ou souffrant de conditions médicales complexes. Chaque cas de décès fait l’objet d’une enquête de la police militaire d’investigation et les conclusions sont transmises à l’avocat général des armées à l’issue de l’enquête ».


 
Quand Israël devient comme le Hamas

Gideon Levy, Haaretz , 10/3/2024

Terrible nouvelle : vingt-sept autres captifs sont morts dans les tunnels du mal, certains de maladies et de blessures non soignées, d’autres de coups et des conditions horribles dans lesquelles ils ont été détenus. Pendant des mois, ils ont été enfermés dans des cages, les yeux bandés et menottés, 24 heures sur 24. Certains sont âgés, beaucoup sont des travailleurs manuels. L’un d’entre eux était paralysé et, selon des témoins, il n’a reçu aucun soin médical, même lorsque le râle de la mort a commencé.

Les représentants du Comité international de la Croix-Rouge n’ont pas été autorisés à leur rendre visite, ne serait-ce qu’une fois, et leurs ravisseurs n’ont pas divulgué leurs noms afin que leurs familles puissent être informées. Ces dernières ne savent rien de leur sort ; peut-être ont-elles perdu espoir. Leur nombre exact est inconnu ; leurs ravisseurs ne fournissent aucune information à leur sujet. On estime qu’il y a entre 1 000 et 1 500 détenus, si ce n’est plus. Parmi eux, 27 sont morts et ils ne seront pas les derniers à mourir dans leurs cages.

Personne ne manifeste pour leur libération, le monde ne s’intéresse pas à eux. Ils sont détenus dans des conditions inhumaines et leur sort est considéré comme sans importance. Il s’agit des captifs de Gaza détenus par Israël depuis le début de la guerre. Certains sont innocents, d’autres sont des terroristes brutaux. Hagar Shezaf, qui a révélé la mort de tant de détenus, a rapporté que la plupart d’entre eux sont détenus par l’armée sur la base militaire de Sde Teiman, où les soldats les battent et les maltraitent régulièrement. Des centaines de Gazaouis qui travaillaient en Israël avec des permis ont été arrêtés le 7 octobre sans raison, et sont détenus dans des cages depuis lors.

Le lundi 9 octobre, deux jours après le massacre, j’ai vu l’une de ces personnes dans la cour d’un centre communautaire de Sderot qui avait été transformé en poste militaire : un homme très âgé, assis sur un tabouret dans la cour où tout le monde pouvait le voir toute la journée, des menottes à fermeture éclair autour des poignets et un bandeau sur les yeux. Je n’oublierai jamais ce spectacle. C’était un ouvrier qui avait été arrêté ; il est peut-être encore entravé, ou peut-être est-il mort.

La nouvelle de cette mort, de ce massacre en prison, n’a suscité aucun intérêt en Israël. Autrefois, le sol tremblait lorsqu’un détenu mourait en prison ; aujourd’hui, 27 détenus sont morts - la plupart, sinon tous, à cause d’Israël - et il n’y a rien. Chaque décès en détention soulève le soupçon d’un acte criminel, la mort de 27 détenus soulève le soupçon d’une politique délibérée. Personne, bien sûr, ne sera poursuivi pour leur mort. Il est même douteux que quelqu’un enquête sur les causes de ces décès.

Ce rapport aurait également dû susciter l’inquiétude d’Israël quant au sort de ses propres captifs. Que penseront et feront les geôliers du Hamas lorsqu’ils apprendront comment sont traités leurs camarades et compatriotes ? Les familles des otages auraient dû être les premières à s’élever contre le traitement des prisonniers palestiniens, au moins parce qu’elles s’inquiètent du sort de leurs proches, sinon parce qu’elles savent qu’un État qui traite les captifs de cette manière perd la base morale de ses exigences en matière de traitement humain de ses propres captifs aux mains de l’ennemi.

Les Israéliens auraient dû être choqués pour d’autres raisons. Il n’y a pas de démocratie lorsque des dizaines de détenus meurent en détention. Il n’y a pas de démocratie lorsque l’État retient des personnes pendant 75 jours sans les faire comparaître devant un juge et refuse de prodiguer des soins médicaux aux malades et aux blessés, même lorsqu’ils sont en train de mourir. Seuls les régimes les plus rétrogrades maintiennent des personnes attachées et les yeux bandés pendant des mois, et Israël commence à leur ressembler à un rythme alarmant. En outre, aucune démocratie ne fait tout cela sans transparence, notamment en publiant des informations sur le nombre, l’identité et l’état de santé des personnes détenues.

Comme il est commode d’être choqué par la cruauté du Hamas, de présenter ses actions au monde entier et de traiter ses membres de monstres. Rien de tout cela ne donne à Israël le droit d’agir de la même manière. Lorsque j’ai déclaré dans une interview, il y a quelques mois, que le traitement réservé par Israël aux prisonniers palestiniens n’était pas meilleur que celui réservé par le Hamas aux nôtres, et peut-être même pire, j’ai été dénoncé et renvoyé de l’émission d’actualité la plus éclairée de la télévision israélienne. Après le rapport de Shezaf, le tableau est encore plus clair : Nous sommes devenus comme le Hamas.

10/03/2024

Abu Dhabi Secrets : le cheikh et son hawara*
Enquête sur le volet autrichien d'une campagne d'espionnage des Émirats arabes unis en Europe


Stop aux attaques sionistes, islamophobes et étatiques contre Dar al Janub à Vienne, Autriche !

Original : Stop the Zionist, Islamophobic and State Attacks Against Dar al Janub!
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Dar al Janub a besoin de votre soutien, signez la lettre de solidarité à la fin de l’appel !

Après 20 ans d’existence, l’association autrichienne Dar al Janub (Maison du Sud) - Union pour l’antiracisme et la politique de paix - est menacée d’interdiction. Dar al Janub[i] (DaJ) a été fondée en 2003 dans le contexte des manifestations contre les guerres menées par les USA en Irak et en Afghanistan. Alors que les voix anti-impériales étaient de plus en plus marginalisées dans les universités et les médias autrichiens, Dar al Janub a toujours été un lieu où des personnes d’horizons politiques, idéologiques et nationaux différents pouvaient se rassembler pour pratiquer la solidarité internationale en remettant en question les discours hégémoniques sur le Sud global. Pour ce faire, nous avons créé une scène pour les voix marginalisées. En 2004, nous avons organisé notre premier “grand” événement : l’exposition « Aidun - nous reviendrons » en souvenir de la Nakba palestinienne. Dar al Janub a publié des déclarations politiques et organisé des manifestations, des événements d’information, des missions d’enquête en Palestine et dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, ainsi que des conférences internationales. Nous avons essayé de soutenir les femmes musulmanes et migrantes en organisant des cours d’allemand et d’arabe, des ateliers de lutte contre le racisme, des festivals et des événements sportifs, ainsi que des services de garde d’enfants pour les femmes issues de l’immigration. Notre objectif principal a toujours été de repenser les structures racistes et de renforcer la solidarité internationale avec les peuples du Sud.


 

Connectez-vous à Google pour signer la lettre


Les méthodes de réduction au silence, d’isolement et d’encapsulation 

Il est bien connu que le travail de solidarité avec la Palestine est particulièrement difficile dans des pays comme l’Autriche, qui ont été directement impliqués dans le génocide de peuples et de communautés marginalisés en Europe. Les attaques contre Dar al Janub n’étaient donc pas surprenantes. La critique de notre association à l’égard de l’État-colonisateur européen d’Israël et la solidarité avec le peuple palestinien ont suscité la colère des personnes et des institutions qui sympathisent avec le projet sioniste et en tirent profit. Après 1990, au niveau culturel, dans la majorité des cas, les personnes ayant une attitude de gauche/progressiste ont tourné leur “antifascisme” dans le sens d’une compatibilité avec le sionisme. Des membres de la DaJ ont été qualifiés à plusieurs reprises d’antisémites et des invités renommés à des conférences ont été humiliés publiquement par des articles diffamatoires dans les journaux. Ce type de diffamation nous accompagne depuis 20 ans - mais pas seulement nous.

Une méthode assez courante pour faire taire les voix du Sud à Vienne a été le retrait des espaces publics ou universitaires, en qualifiant les événements d’antisémites et/ou de menace potentielle et en leur refusant les espaces d’expression publique à l’intérieur ou à l’extérieur des universités. En 2018, l’université de Vienne a interdit un événement public avec le vétéran du Black Panther Party et de la Black Liberation Army Dhoruba Bin Wahad[ii] et a continué à le faire en 2022[iii]. Le même traitement a été réservé à Ronnie Kasrils[iv], l’un des camarades de Nelson Mandela dans la lutte contre l’apartheid sud-africain. Une nouvelle mesure préoccupante de nos jours est le dépôt de poursuites-bâillons (“Strategic Lawsuits Against Public Participation” : “ Poursuites stratégiques contre la participation publique”) contre des activistes. Un membre de BDS-Autriche, par exemple, fait actuellement l’objet d’un tel procès[v]. Pour l’utilisation du logo de la ville de Vienne, 40 000 euros de dédommagement sont demandés. Pour citer le professeur anticolonialiste Ward Churchill, il semble que de nombreux “petits Eichmann”[vi] s’emploient à couvrir des politiques injustes par une série de diffamations. C’est une évolution que l’on peut observer partout dans le monde aujourd’hui, mais en ce qui concerne la réévaluation incomplète par l’Autriche de son passé nazi, ces tactiques de diffamation sont très efficaces. Elles dominent le discours et le poussent encore plus loin dans la direction de la criminalisation.

 

La fiche infamante de DPI

 

 La préparation de la criminalisation et des interdictions 

« Le prochain niveau, c’est maintenant ! » - En 2021, l’université de Vienne et le centre autrichien de documentation sur l’islam politique (DPI) ont publié une « carte de l’islam » [vii], qui montre plus de 600 lieux musulmans ou affiliés à l’islam en Autriche. Depuis 2022, DaJ est également mentionné sur cette « carte » stigmatisante.

Ce projet et le DPI lui-même sont une construction du parti chrétien-démocrate (ÖVP) et du Parti vert. Bien avant la mise en œuvre de la « carte de l’islam », le parti social-démocrate (SPÖ) a présenté des lois spéciales contre les musulmans en 2017. Il semble que le soutien politique inconditionnel d’Israël, combiné à la stigmatisation des musulmans, fasse partie de l’agenda politique de tous les partis en Autriche.       

Récemment, en décembre 2023, une étude douteuse et non scientifique[viii] de la fondation DPI (« Centre de documentation sur l’islam politique », en allemand : « Dokumentationsstelle Politischer Islam »), financée par le gouvernement actuel, a décrit Dar al Janub comme un « groupe extrémiste de gauche et antisémite » qui soutient « différents groupes classés comme organisations terroristes »[ix]. L’ « étude » ne cite pas explicitement les groupes spécifiques qui seraient soutenus par Dar al Janub, elle n’explique pas non plus pourquoi les activités de Dar al Janub devraient être considérées comme antisémites et laisse de côté notre coopération de plusieurs années avec des groupes juifs comme Women in Black[x] ou Jewish Voices for a Just Peace à Vienne[xi], ainsi que nos contacts avec les représentants de Neturei Karta[xii] en Autriche, jusqu’à ce qu’ils soient exclus et expulsés de toutes les institutions juives traditionnelles en Autriche, ce qui les a contraints à quitter l’Autriche.

Après la publication de l’étude du DPI, les journaux publics et privés et les chaînes de télévision ont adopté sa condamnation volontairement et sans esprit critique. DaJ a été étiqueté comme une sorte de groupe antisémite et conspirateur de sympathisants de la terreur. Des médias[xiii] et des hommes politiques[xiv][xv] de tous bords demandent publiquement au gouvernement de la ville d’annuler le contrat de location des salles de notre centre social[xvi]. Les murs, les portes et les fenêtres de notre centre ont été à plusieurs reprises barbouillés de slogans racistes ou attaqués à l’acide. En outre, certains membres de DaJ ont été intimidés et ont même reçu des menaces de mort après avoir été dénoncés et affichés avec leur visage non censuré et leur nom complet dans l’émission de télévision publique nationale ORF.

 L’histoire toxique de l’Autriche

On ne peut comprendre cette dynamique sans se pencher sur l’histoire contemporaine de l’Autriche et sur la manière dont les cent dernières années ont façonné la manière dont l’Autriche traite non seulement les personnes “autres”, mais aussi les opinions “autres”. L’État autrichien considère son soutien inconditionnel à Israël comme une « raison d’État » et le justifie par sa « responsabilité historique » en raison de l’implication de l’Autriche dans le génocide des Juifs. Dans le même temps, d’autres minorités victimes du génocide, comme les Roms et les Sintis, sont confrontées à un racisme structurel et individuel sans être défendues. L’Autriche fait la distinction entre les victimes dignes et indignes et, par conséquent, ses politiques de lutte contre l’ « islam politique » et l’ « antisémitisme » sont généralement accompagnées d’une touche réactionnaire visant à criminaliser les personnes et les associations musulmanes critiques. Ces politiques créent une atmosphère intimidante, en particulier pour les musulmans qui sont classés en bons, c’est-à-dire apolitiques, et en mauvais, c’est-à-dire politiques et non démocratiques.

 Un autre exemple de cette politique est l’ « Opération Louxor », l’une des plus grandes actions policières de l’histoire post-fasciste autrichienne.  Après 21 000 heures d’observation, 960 policiers ont effectué des descentes dans une soixantaine d’appartements, d’entreprises et de salles d’associations dans différentes villes d’Autriche et 30 personnes ont été immédiatement arrêtées et interrogées. Cependant, les résultats de cette gigantesque entreprise ont été plutôt minimes. En fin de compte, aucune personne n’a été légalement condamnée. L’un des magazines d’information autrichiens les plus influents, Profil[xvii], a qualifié l’opération de « scandale politique mettant en cause les pouvoirs publics » et a conclu dans un article qu’« aujourd’hui, deux ans et demi plus tard, il ne reste pas grand-chose des condamnations ». Pourtant, il reste beaucoup de séquelles de ces accusations : des petits enfants traumatisés qui ont été arrachés à leur lit la nuit lors de cette action policière, emmenés dans le froid sous la menace d’une arme, une diffamation qui a entraîné des pertes d’emploi et une communauté intimidée qui, pendant des années, n’a plus osé exercer le droit de réunion garanti par la Constitution, des universitaires qui ont quitté le pays parce que le climat politique autrichien avait été empoisonné. Un climat politique qui devient aujourd’hui encore plus répressif avec la guerre d’Israël contre la population de la bande de Gaza.

OPÉRATION LOUXOR : SCÉNARIO D'UN SCANDALE

On peut se demander pourquoi le gouvernement de droite de l’ÖVP et des Verts a dépensé/gaspillé tant de ressources pour un résultat pratiquement nul. Peut-être par pur opportunisme :

En effet, l’opération Louxor n’a eu lieu que parce que, d’une part, le climat social et politique était mûr - les musulmans et les migrants étaient considérés comme les “autres” orientaux. D’autre part, l’État autrichien et son gouvernement voulaient prouver au niveau international qu’ils étaient prêts à prendre des mesures dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » afin que l’Autriche soit parfaitement préparée à affronter les prochaines décennies de guerre et de crise.


Selon l'enquête de profil, l'Opération Louxor a été déclenchée sur l'incitation des Émirats Arabes Unis [lire l'enquête en français ici]

La police viennoise a adopté des mesures strictes à l’encontre de l’“islam politique”, un ennemi politique construit de longue date[xviii]. Il semble que ces mesures aient été bien accueillies afin d’intimider davantage, de réduire les droits des citoyens et de diviser les musulmans autrichiens entre les bons et tranquilles musulmans et les mauvais “musulmans politiques”. Sebastian Kurz, l’ancien chancelier autrichien, souhaitait obtenir les voix de l’énorme réservoir d’électeurs d’extrême droite (environ 30 %) et l’opération Louxor a été présentée de manière médiatiquement efficace comme une grande attaque contre la terreur et l’“islam politique”.

La construction de l’islam politique et l’opération Louxor n’ont pas été les seules mesures visant à gagner du pouvoir politique au profit de programmes racistes antimusulmans : “cours sur les valeurs” obligatoires et racistes pour les migrants, amendements restrictifs à la loi autrichienne sur l’islam, fermeture de mosquées et interdiction du port du foulard pour les enseignants des écoles et des jardins d’enfants : toutes ces mesures ont été accompagnées d’une couverture médiatique raciste qui a conduit à une augmentation significative de l’islamophobie et du racisme antimusulman au cours des dix dernières années. Selon le Centre de documentation sur l’islamophobie et le racisme antimusulman (Dokustelle Islamfeindlichkeit & antimuslimischer Rassismus)[xix], la croisade du gouvernement contre l’islam dit “politique” est une tentative de faire taire les voix critiques au sein des communautés musulmanes et les autres voix critiques qui s’opposent aux mesures gouvernementales racistes, restrictives et d’exploitation[xx].

La fabrication de l’image de Dar al Janub

« Derrière la façade », affirme l’article de presse diffamatoire[xxi], Dar al Janub « cache une vision du monde qui attribue tout le bien au Sud et tout le mal à l’Occident ». Afin de démontrer à quel point l’“agenda caché” de DaJ est dangereux, les médias ont montré la photo d’un de nos membres rencontrant Ismaïl Haniyeh, membre du bureau politique du Hamas, dans la bande de Gaza. Le DPI et les médias négligent le fait que la photo a été prise en 2011, lorsque Dar al Janub a participé à une délégation internationale[xxii] apportant de l’aide humanitaire à la bande de Gaza assiégée. Dans cette logique, DPI devrait également condamner l’ancienne députée britannique Claire Short pour avoir rejoint cette délégation et le journal britannique The Guardian devrait être placé sur la liste des organisations terroristes, pour avoir publié un article[xxiii] d’Ismaïl Haniyeh en 2012.

 En Autriche, la coalition des politiques, des médias et de la recherche sous contrat tente d’étiqueter Dar al Janub comme une organisation terroriste qui collabore avec le Hamas. Lisa Fellhofer, directrice du DPI, insinue en outre : « L’engagement social et la liberté d’expression ont été utilisés par les membres de Dar al Janub pour dévaloriser d’autres personnes, ce qui constitue la base de la radicalisation ». Lisa Fellhofer et son institut financé par le gouvernement tentent de nous convaincre que tous les efforts déployés par Dar al Janub au cours de ses 20 années d’existence - organisation d’expositions en souvenir de la Nakba, organisation de missions d’enquête dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, organisation d’un projet social de deux ans à Naplouse soutenant une société de bienfaisance sociale locale, etc. - n’avaient qu’un seul but, celui de « dévaloriser les autres ». En d’autres termes, une bande de partisans terroristes radicaux et antisémites déployaient tous ces efforts dans le seul but de cultiver et d’exercer leur vision antisémite du monde. Comme le décrit Dhoruba bin Wahad, à l’ère des médias sociaux, « la perception devient réalité ». Une image suffit à stigmatiser 20 ans de travail politique et social comme étant illégal[xxiv].

Dar al Janub, tel qu’il est dans la réalité

En fait, Dar al Janub a pratiqué quelque chose qui n’est pas si familier à de nombreux politiciens, journalistes, employés d’ONG et “scientifiques” sous contrat comme Fellhofer : nous avons travaillé et continuons à travailler sans être payés pour une cause en laquelle nous croyons. De plus, nous avons rassemblé notre propre argent et celui de nos amis et familles pour garantir que les coûts de notre local et de tout ce que nous avons organisé (conférences, etc.) soient couverts. En fait, cela nous a permis de devenir indépendants du financement de l’État et ce n’est qu’à travers ce processus que nous avons compris ce qu’est réellement la liberté d’expression et comment elle pourrait être. Nous n’avons reçu de financement que dans la phase initiale de notre association[xxv], que nous avons rendue totalement transparente ; tout a été donné à ceux qui en avaient besoin. Toute personne intéressée par ce qui s’est passé avec l’argent reçu peut consulter notre page d’accueil, où tous nos projets et financements externes sont archivés.

En ce qui concerne l’accusation de dévaloriser les gens, nous aimerions savoir quelles personnes auraient dû être dévalorisées par notre travail. Des dirigeants politiques criminels ? Des PDG cupides ? Des journalistes impitoyables ? Honnêtement, nous ne comprenons pas pourquoi les profiteurs de l’exploitation et de la guerre prennent toujours si mal le fait d’être critiqués pour les crimes et les génocides qu’ils commettent ou soutiennent. Nous avons peut-être critiqué leurs actions, mais ils se sont dévalorisés eux-mêmes en agissant de la sorte.

Ce n’est pas Dar al Janub qui a divisé le monde, réduit en esclavage des millions de personnes, colonisé plus de 90 % de la planète et qui poursuit toujours ces guerres et ces crimes, en prétendant toujours agir pour la plus grande cause (« Foi, Civilisation, Commerce, Sécurité, Justice, Démocratie »...). Ils utilisent ces termes respectés pour justifier leurs crimes et ce sont eux qui dévaluent et sacrifient nos valeurs éthiques communes et le bien-être des générations futures pour leur propre profit.

Dar al Janub s’est toujours opposé à toutes les formes de racisme parce que le racisme est l’une des causes profondes de la division de notre monde entre oppresseurs et opprimés. Dar al Janub tente de repenser l’histoire, le présent et l’avenir afin de trouver la paix et l’égalité pour tous, et pas seulement pour quelques privilégiés.

09/03/2024

GIDEON LEVY
Des soldats israéliens ont exécuté deux des frères Shawamra, en ont blessé un troisième et arrêté un quatrième
Scènes de la survie quotidienne en Cisjordanie occupée

Gideon Levy &Alex Levac (photos), Haaretz,  8/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Trois frères de Cisjordanie qui, comme tous les Palestiniens, n’ont plus le droit de travailler en Israël, franchissent la barrière de séparation pour récolter des plantes afin de subvenir aux besoins de leur famille. Sur le chemin du retour, les soldats ouvrent le feu sur eux

Suleiman Shawamra tient son fils Noureddine , qui a survécu : « Regardez-nous. Est-ce que vous voyez de la haine ? »

La chasse à l’homme. Il n’y a pas d’autre façon de décrire ce que les soldats des forces de défense israéliennes faisaient jeudi dernier à la barrière de séparation  [mur de la honte, mur d’annexion ou mur de l’apartheid, officiellement appelé clôture de sécurité, “Geder Habitahon”, NdT], dans le sud de la Cisjordanie. Repérant un jeune homme qui escaladait le mur à l’aide d’une échelle de corde, et d’autres qui attendaient leur tour, des tireurs embusqués ont ouvert le feu sur eux, atteignant deux d’entre eux dans le dos, l’un après l’autre. Ils sont tombés au sol l’un sur l’autre, ensanglantés.

Les soldats auraient pu facilement arrêter les hommes, les interpeller, tirer des coups de semonce en l’air ou les ignorer et les laisser rentrer chez eux, comme ils le font souvent dans de telles situations. Mais cette fois-ci, ils ont apparemment préféré tirer avec l’intention de tuer, d’abattre des jeunes hommes dont le seul péché était de se faufiler en Israël pour trouver un moyen de subvenir aux besoins de leur famille, de cueillir une espèce de chardon comestible appelé akkoub dans le sol rocailleux et de rentrer chez eux sains et saufs.

Les deux hommes abattus étaient des frères qui avaient des permis de travail en Israël, tout comme leur père ; tous les membres de la famille parlent un excellent hébreu. Mais depuis le 7 octobre, les Palestiniens n’ont plus le droit d’entrer en Israël pour y travailler. Ensemble, trois frères et un ami se sont mis en route pour les champs d’akkoub, dont certains appartiennent en fait à leur famille - la barrière de sécurité a en fait annexé une partie des terres de leur village à Israël - mais sont devenus des champs de la mort.

Deux frères ont été tués, un troisième a été légèrement blessé par une balle qui l’a miraculeusement manqué, et un quatrième a été placé en détention. Sa famille éplorée ne sait toujours pas où il se trouve, et il ne sait probablement même pas que deux de ses frères ont été tués. Israël n’envisage même pas de libérer ce quatrième frère, qui a tenté d’escalader le mur avec d’autres membres de sa famille après l’incident pour voir ce qui s’était passé. Les autorités n’ont pas fait preuve d’un iota d’humanité ou de compassion à l’égard de cette famille doublement endeuillée. Aucune compassion ou humanité à l’égard des Palestiniens ne doit être manifestée ici - et c’est un ordre.

La tente de deuil dans le petit village de Deir al-Asal, avec les posters des frères. À gauche, Salaheddine, et à droite, Nazemeddine.

Dura est une petite ville située au sud-ouest d’Hébron. La plupart des routes d’accès qui y mènent, comme dans pratiquement toutes les villes et tous les villages de Cisjordanie, ont été bloquées par l’armée depuis le début de la guerre à Gaza. La principale voie d’accès à Dura passe aujourd’hui par les rues encombrées d’Hébron. Pour notre part, en nous rendant à Dura, nous avons assisté à un phénomène dont nous n’avions jamais été témoins auparavant : la résistance dans toute sa splendeur.

07/03/2024

SUSAN ABULHAWA
La historia recordará que Israel cometió un holocausto


  Susan Abulhawa, Electronic Intifada, 6/3/2024
Traducido por Fausto Giudice, Tlaxcala

Son las 8 de la tarde en Gaza, Palestina, al final de mi cuarto día en Rafah, y es la primera vez que he podido sentarme en un lugar tranquilo y pensar.

 

He intentado tomar notas, fotos, imágenes mentales, pero este momento es demasiado grande para un bloc de notas o para mi fallida memoria. Nada me había preparado para lo que estaba a punto de presenciar.

Antes de cruzar la frontera entre Rafah y Egipto, leí todas las noticias de y sobre Gaza. No aparté la vista de ningún vídeo o imagen publicados desde el terreno, por horribles, impactantes o traumáticos que fueran.

Me mantuve en contacto con amigos que me contaban su situación en el norte, el centro y el sur de la Franja de Gaza, cada región sufriendo de forma diferente. Me mantuve al corriente de las últimas estadísticas, de las últimas maniobras políticas, militares y económicas de Israel, USA y el resto del mundo.

Creía entender la situación en el terreno. Pero no era así.

Nada puede prepararte realmente para esta distopía. Lo que llega al resto del mundo es sólo una fracción de lo que he visto hasta ahora, que es sólo una fracción del horror total.

Gaza es el infierno. Es un infierno repleto de gente inocente boqueando por aire.

Pero incluso el aire está quemado. Cada bocanada de aire araña y se clava en la garganta y los pulmones.

Lo que antes era vibrante, colorido, lleno de belleza, potencial y esperanza, contra todo pronóstico, ahora está cubierto de miseria gris y suciedad.

 

 Apenas quedan árboles

Los periodistas y los políticos hablan de guerra. La gente informada y honesta habla de genocidio.

Lo que yo veo es un holocausto, la incomprensible culminación de 75 años de impunidad israelí por persistentes crímenes de guerra.

Rafah es la zona más meridional de Gaza, donde Israel ha hacinado a 1,4 millones de personas en un espacio del tamaño del aeropuerto londinense de Heathrow.

Escasean el agua, los alimentos, la electricidad, el combustible y los suministros. Los niños no van a la escuela, ya que sus aulas se han convertido en refugios improvisados para decenas de miles de familias.

Casi cada centímetro cuadrado de espacio vacío está ahora ocupado por una precaria tienda de campaña que alberga a una familia.

Apenas quedan árboles, ya que la gente se ha visto obligada a talarlos para obtener leña.

No me di cuenta de la falta de vegetación hasta que me topé con una buganvilla roja. Sus flores estaban polvorientas y solitarias en un mundo desflorado, pero aún vivas.

La incongruencia me impactó y paré el coche para fotografiarla.

 

 Ahora busco verdor y flores allá donde voy, hasta ahora en las zonas sur y centro (aunque la zona centro es cada vez de más difícil acceso). Pero sólo hay pequeñas parcelas de hierba aquí y allá y algún que otro árbol esperando a ser quemado para hacer pan para una familia que subsiste con las raciones de la ONU de alubias en lata, carne en lata y queso en lata.

Un pueblo orgulloso, con ricas tradiciones culinarias y hábitos de comer alimentos frescos, se ha visto reducido y acostumbrado a un puñado de pastas y papillas que llevan tanto tiempo en las estanterías que lo único que se puede saborear es el rancio metálico de las latas.

La situación es peor en el norte.

Mi amigo Ahmad (nombre ficticio) es una de las pocas personas con acceso a Internet. Es esporádico y débil, pero aún podemos enviarnos mensajes.

Me ha enviado una foto suya que parece la sombra del joven que conocí. Ha perdido más de 25 kg.

Al principio, la gente empezó a comer comida de caballo y burro, pero eso ya no existe. Ahora comen burros y caballos.

Algunos comen perros y gatos callejeros, que a su vez se mueren de hambre y a veces se alimentan de los restos humanos que ensucian las calles donde los francotiradores israelíes han disparado a personas que se atrevían a aventurarse en el campo de visión de sus visores. Los ancianos y los débiles ya han muerto de hambre y sed.

La harina es rara y más preciosa que el oro.

He oído la historia de un hombre del norte que consiguió hacerse recientemente con un saco de harina (que normalmente cuesta 8 dólares) y a cambio le ofrecieron joyas, aparatos electrónicos y dinero en efectivo por valor de 2.500 dólares. Se negó.

Sentirse pequeña

Los habitantes de Rafah se sienten privilegiados por recibir harina y arroz. Te lo contarán y te sentirás humillada, porque te ofrecerán compartir lo poco que tienen.

Y tú te sentirás avergonzada, porque sabes que puedes irte de Gaza y comer lo que quieras. Te sentirás pequeña, porque no estás en condiciones de contribuir realmente a paliar las necesidades y las pérdidas catastróficas, y porque comprenderás que ellos son mejores que tú, porque han seguido siendo generosos y hospitalarios en un mundo que ha sido muy poco generoso e inhóspito con ellos durante tanto tiempo.

Traje todo lo que pude, pagando equipaje y peso extra por seis piezas de equipaje y llenando otras 12 en Egipto. Lo que traje para mí cabía en la mochila que llevaba.

Tuve la previsión de traer cinco bolsas grandes de café, que resultaron ser el regalo más popular para mis amigos aquí. Preparar y servir café al personal que me alojó es lo que más me gusta hacer, por la alegría que me produce cada sorbo.

Pero pronto no habrá más.

Cuesta respirar

Contraté a un conductor para que llevara siete pesadas maletas de suministros a Nuseirat, que bajó por unas escaleras. Me dijo que llevar las maletas le había dado una sensación de humanidad, ya que era la primera vez en cuatro meses que subía y bajaba escaleras.

Le recordaba que vivía en una casa y no en la tienda de campaña donde reside actualmente.

Es difícil respirar aquí, literal y metafóricamente. Una bruma inalterable de polvo, decadencia y desesperación llena el aire.

La destrucción es tan masiva y persistente que las finas partículas de vida pulverizada no tienen tiempo de asentarse. La escasez de gasolina ha llevado a la gente a llenar sus coches con estearato, un aceite de cocina usado que arde mal.

Desprende un hedor característico y una película que se pega al aire, el pelo, la ropa, la garganta y los pulmones. Tardé en encontrar el origen de este olor penetrante, pero es fácil distinguir otros.

La escasez de agua corriente o limpia degrada lo mejor de nosotros. Cada uno hace lo que puede consigo mismo y con sus hijos, pero llega un momento en que deja de importarle.

En algún momento, la indignidad de la suciedad es ineludible. En algún momento, se espera la muerte, aunque también se espere el alto el fuego.

Pero la gente no sabe lo que hará después de un alto el fuego.

Han visto imágenes de sus barrios. Cuando se emiten nuevas imágenes de la región norte, la gente se reúne para intentar averiguar de qué barrio se trata, o de quién era la casa sobre la que está el montón de escombros. A menudo, estos vídeos proceden de soldados israelíes que ocupan o vuelan sus casas.

Borrado

He hablado con muchos supervivientes que fueron sacados de entre los escombros de sus casas. Cuentan lo que les ocurrió con aire impasible, como si no les hubiera pasado a ellos, como si fuera la familia de otro la que hubiera sido enterrada viva, como si sus propios cuerpos destrozados pertenecieran a otros.

Los psicólogos dicen que es un mecanismo de defensa, una especie de adormecimiento de la mente para sobrevivir. El ajuste de cuentas vendrá después, si sobreviven.

Pero, ¿cómo afrontar la pérdida de toda una familia, la visión y el olor de sus cuerpos desintegrándose a tu alrededor entre los escombros, a la espera de ayuda o de la muerte? ¿Cómo sobrellevar el borrado total de tu existencia en el mundo: tu casa, tu familia, tus amigos, tu salud, tu barrio y tu país?

No quedan fotografías de tu familia, de tu boda, de tus hijos, de tus padres; incluso las tumbas de tus parientes y antepasados han sido arrasadas. Todo ello mientras las fuerzas y voces más poderosas te vilipendian y te acusan de ser responsable de tu miserable destino.

El genocidio no es sólo un asesinato en masa. Es un borrado intencionado.

De la historia. De los recuerdos, los libros y la cultura.

El borrado del potencial de una tierra. El borrado de la esperanza en y para un lugar.

El borrado es la fuerza que impulsa la destrucción de hogares, escuelas, lugares de culto, hospitales, bibliotecas, centros culturales, centros de ocio y universidades.

El genocidio es el desmantelamiento intencionado de la humanidad de otros. Es la reducción de una sociedad antigua, orgullosa, culta y próspera a casos de caridad sin dinero, obligada a comer lo indecible para sobrevivir, a vivir en la inmundicia y la enfermedad sin nada que esperar salvo el fin de las bombas y las balas que llueven sobre y a través de sus cuerpos, sus vidas, sus historias y sus futuros.

Nadie puede pensar ni esperar lo que pueda ocurrir tras el alto el fuego. El techo de su esperanza, en este momento, es que cesen los bombardeos.

Se trata de una exigencia mínima. Un reconocimiento mínimo de la humanidad palestina.

Aunque Israel ha cortado la electricidad e Internet, los palestinos han conseguido transmitir una imagen en directo de su propio genocidio a un mundo que permite que continúe.

Pero la historia no mentirá. Dirá que Israel perpetró un holocausto en el siglo XXI.

 

Retrato de Susan por @artist_amiral, 14 años, Gaza

Susan Abulhawa, nacida en 1970 en un campo de refugiados palestinos en Kuwait de padres originarios de Al Quds, es una periodista, escritora y activista de derechos humanos palestino-usamericana. Entre sus libros destacan Amaneceres en Jenin, traducido a 30 idiomas, El azul entre el cielo y el agua y Contra un mundo sin amor . Emigró a USA a los 13 años, estudió ciencias biomédicas en la Universidad de Carolina del Sur y trabajó en este sector. En 2001 fundó una organización no gubernamental, Playgrounds for Palestine, para construir parques infantiles en campos de refugiados. @susanabulhawa