18/11/2023

Arundhati Roy : le siège de Gaza est un crime contre l’humanité. Le monde doit intervenir. Cessez le feu maintenant !

 Arundhati Roy, 15/11/2023. Source
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La magnifique écrivaine indienne Arundhati Roy avait été invitée au Festival de littérature de Munich (15 nov.-3 déc.)., où elle devait prononcer le discours d’ouverture et participer à un podium le lendemain. Malheureusement, elle n’a pu y participer physiquement, étant interdite de sortie du territoire de l’Union indienne. Elle vient en effet d’être inculpée pour des propos tenus il y a 13 ans sur le Cachemire sous occupation indienne, dont elle soutient le droit à l’autodétermination.

En 2010, Roy a prononcé un discours où elle a dit que le Cachemire n’a jamais fait “partie intégrante” de l’Inde. Elle est maintenant accusée de “délits liés à des discours provocateurs et à la promotion de l’hostilité entre différents groupes”. Les poursuites pourraient déboucher sur une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans. Le Cachemire, qui a fait l’objet d’innombrables réunions du Conseil de sécurité et de résolutions de l’ONU depuis 1948, est la Palestine des nationalistes/suprémacistes hindous au pouvoir à Delhi. Le régime Modi a aboli, le 5 août 2019, en violation des résolutions de l'ONU, le statut spécial d'autonomie de l’État du Jammu-et-Cachemire qui était garanti par la Constitution indienne.

Le gouvernement indien a développé au lendemain des attaques jihadistes de Mumbai le 26 novembre 2008 des relations étroites avec Israël dans le domaine de la “sécurité” et de la contre-insurrection, achetant entre 1,5 et 2 milliards de dollars d’armement par an à Israël. On prévoit pour 2022-2027 des importations pour un montant de 130 milliards de dollars. Les “frappes chirurgicales” indiennes avec des drones de combat contre les “bases terroristes” cachemiries sont des copiés-collés des frappes israéliennes contre la Syrie et Gaza.

Arundhati Roy est intervenue par téléconférence au Festival de littérature. Ci-dessous une traduction de son intervention-FG

Arundhati Roy, écrivaine et militante indienne, connectée au Festival de littérature de Munich

 Je ne peux pas apparaître sur une tribune publique, non, pas même en Allemagne où je sais que des opinions comme les miennes sont pratiquement interdites, sans ajouter ma voix aux millions de personnes - juives, musulmanes, chrétiennes, hindoues, communistes, athées, agnostiques - qui défilent dans les rues du monde entier, appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza. 

Une femme palestinienne blessée, couverte de poussière et de sang, étreint une fillette blessée dans un hôpital après le bombardement israélien de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 15 novembre. Photo Belal Khaled/AFP

Si nous permettons que ce massacre éhonté se poursuive, alors même qu’il est retransmis en direct dans les recoins les plus intimes de nos vies personnelles, nous en sommes complices. Quelque chose dans notre morale sera altéré à jamais. Allons-nous rester les bras croisés alors que des hôpitaux sont bombardés, qu’un million de personnes sont déplacées et que des milliers d’enfants morts sont retirés des décombres ? Allons-nous, une fois de plus, assister à la déshumanisation de tout un peuple au point que son anéantissement n’a plus d’importance ?

L’occupation israélienne de la Cisjordanie et le siège de Gaza sont des crimes contre l’humanité. Les USA et les autres pays qui financent l’occupation participent à ce crime. L’horreur à laquelle nous assistons actuellement, le massacre inadmissible de civils par le Hamas et par Israël sont une conséquence du siège et de l’occupation.

Aucun commentaire sur la cruauté, aucune condamnation des excès commis par l’une ou l’autre partie, aucune fausse équivalence sur l’ampleur de ces atrocités ne mènera à une solution.

C’est l’occupation qui engendre cette monstruosité. Elle fait violence à la fois aux auteurs et aux victimes. Les victimes sont mortes. Les auteurs devront vivre avec ce qu’ils ont fait. Il en sera de même pour leurs enfants. Pendant des générations.

La solution ne peut être militariste. Elle ne peut être que politique et permettre aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre ensemble ou côte à côte dans la dignité, avec des droits égaux. Le monde doit intervenir. L’occupation doit cesser. Les Palestiniens doivent avoir une patrie viable.

Sinon, l’architecture morale du libéralisme occidental cessera d’exister. Il a toujours été hypocrite, nous le savons. Mais même cela constituait une sorte d’abri. Cet abri est en train de disparaître sous nos yeux.

Alors s’il vous plaît - pour le bien de la Palestine et d’Israël, pour le bien des vivants et au nom des morts, pour le bien des otages détenus par le Hamas et les Palestiniens dans les prisons israéliennes - pour le bien de l’humanité tout entière - cessez le feu maintenant.

 

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