08/08/2025

AMOS HAREL
Le plan de Netanyahou pour prendre le contrôle de la Ville de Gaza engage fermement Israël sur la voie d’une guerre perpétuelle

L’intensification des combats à Gaza n’a fait qu’aggraver la situation d’Israël, et la seule solution du Premier ministre est de s’enfoncer encore davantage dans le bourbier Pendant ce temps, ses ministres tentent déjà de normaliser les inévitables pertes militaires et la mort imminente des otages

Amos Harel, Haaretz, 8/8/2025
Traduit par Tlaxcala


Un drapeau israélien endommagé flotte sur Gaza, vu depuis le côté israélien de la frontière entre Israël et Gaza, le 7 août 2025. Photo : Amir Cohen / REUTERS

La crise entre le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le chef d’état-major des Forces de défense israéliennes, Eyal Zamir, au sujet de la prochaine phase de la guerre dans la bande de Gaza est encore plus grave que ce que les médias ont rapporté cette semaine.

Il est plus difficile que jamais de savoir ce que Netanyahou a vraiment l’intention de faire : à ce stade, non seulement parce qu’il garde toutes ses options ouvertes, mais aussi parce qu’il est prêt à tout. Néanmoins, la tension entre les deux hommes est réelle.

Netanyahou a peut-être d’autres objectifs (apaiser l’aile messianique de droite de sa coalition gouvernementale, dissuader le Hamas), mais il semble actuellement se concentrer sur la persuasion de l’armée de se préparer à une occupation totale ou quasi totale de Gaza.

Tôt vendredi matin, après une réunion marathon, le cabinet a approuvé le plan de Netanyahou visant à préparer la prise de contrôle de la ville de Gaza. Zamir pense que cela serait désastreux. Il n’est pas inconcevable qu’il soit poussé à démissionner, ou licencié, en raison de ce différend, ce qui provoquerait de nombreux séismes secondaires au sein de l’armée israélienne.

Le conflit entre les deux hommes découle directement de l’impasse dans laquelle se trouve la guerre. Tout au long de cette guerre, la plus longue de l’histoire d’Israël, les partisans de Netanyahou ont affirmé qu’il mettait en œuvre une stratégie ordonnée qui avait permis d’obtenir des résultats importants (Iran, Liban, Syrie, coups portés au Hamas) malgré quelques accrocs en cours de route. Mais dans la pratique, il a plongé Israël dans de graves difficultés.

De mai à juillet, il y avait une possibilité de parvenir à un accord au moins partiel avec le Hamas sur la libération des otages, ce que Netanyahou prétendait vouloir. Mais sa décision d’étendre la guerre en lançant une vaste opération terrestre en mai, connue sous le nom d’opération « Les chars de Gédéon », après avoir violé unilatéralement un cessez-le-feu, n’a pas donné les résultats escomptés par lui-même et l’armée.

C’est également à ce moment-là que le fiasco de l’aide humanitaire a commencé. La Gaza Humanitarian Foundation, basée aux USA, n’a pas atteint les objectifs ambitieux qui lui avaient été fixés en matière de distribution de l’aide aux Gazaouis – ce qui était prévisible dès le départ – et la fin du contrôle du Hamas sur l’aide n’a pas mis l’organisation à genoux. Au contraire, une nouvelle catastrophe humanitaire s’est développée à Gaza, pire encore que celles qui l’ont précédée. Les propagandistes propalestiniens l’ont ensuite amplifiée par un flot de mensonges et de guerre psychologique.[sic]

La position d’Israël à l’étranger s’est encore détériorée, le gouvernement usaméricain a exercé des pressions et, il y a deux semaines, Netanyahou a été contraint d’ouvrir les portes de Gaza et d’inonder l’enclave d’aide, contrairement à toutes ses déclarations précédentes. Pourtant, les dommages causés à la population de Gaza sont si importants qu’il faudra beaucoup de temps pour les réparer. Et ne parlons même pas de l’attitude de la communauté internationale envers Israël. Ce que les touristes israéliens ont vécu en Grèce n’était qu’un début. Le nombre d’alertes concernant des attaques potentielles contre des Israéliens et des Juifs à l’étranger est en forte augmentation.

Cette semaine, nous avons appris que le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui avait tenté il y a deux mois de refuser l’allocation de 700 millions de shekels (175 millions d’euros) pour sécuriser les centres de distribution de l’aide de la GHF, alloue désormais sans sourciller 3 milliards de shekels supplémentaires à ce projet. « Les Palestiniens ne m’intéressent pas, mais détruire le Hamas, oui », a-t-il expliqué. Pendant ce temps, les Gazaouis qui tentent désespérément d’obtenir de la nourriture pour leurs familles dans les rares centres de distribution continuent de mourir, sous les balles ou piétinés à mort.


Un garçon palestinien mange du tahini cru près d’un centre de distribution de la GHF samedi. Photo Eyad Baba/AFP

À la mi-juillet, avant que la crise alimentaire n’éclate, un accord partiel sur les otages semblait proche. Israël a fait grand cas de l’occupation de deux couloirs dans la région de Morag, au sud de Gaza, afin de pouvoir les céder dans le cadre de l’accord. Les hauts responsables de la défense se montraient prudemment optimistes, comme si le cessez-le-feu initial de 60 jours en discussion allait cette fois déboucher sur un plan plus large pour mettre fin à la guerre. Mais le Hamas a rapidement saisi la nouvelle donne et, depuis lors, il n’a montré aucun signe de flexibilité dans les négociations. Il a même ajouté deux exigences : la libération des membres capturés de sa force d’élite Nukhba, qui a perpétré le massacre du 7 octobre, et le report de la libération du dernier otage jusqu’au début de la reconstruction de Gaza. Il a commencé à mettre en avant la nécessité de reconstruire Gaza, en partie pour signaler son intention de rester au sein du gouvernement du territoire.

Ces exigences ont provoqué la colère de Netanyahou et du président Trump et ont conduit les négociations dans une impasse. En réalité, toute la guerre est au point mort. Les négociations ont été suspendues, les négociateurs israéliens ont été rappelés du Qatar et les combats à Gaza sont plus statiques que jamais en raison de la crise humanitaire et de l’absence de décision sur la suite des opérations militaires. Pour utiliser une analogie sportive, Netanyahou préfère jouer large plutôt que direct. Il ne cherche pas une victoire rapide. Il veut laisser ouvertes autant d’options que possible et gagner du temps tout en évitant toute menace pour sa coalition gouvernementale.


Netanyahou donne l'accolade à Eyal Zamir, au QG de la défense à Tel-Aviv, fin juin. Photo Maayan Toaf/GPO

L’absence de progrès ouvre la voie à une crise avec les hauts responsables de l’armée israélienne, qui pourrait se traduire par un affaiblissement de l’armée et des attaques contre le chef d’état-major. À l’instar de la « ville humanitaire » de Rafah qui n’a jamais vu le jour ou du plan d’émigration des Gazaouis qui n’aboutit à rien, une telle crise donnerait aux médias un nouveau sujet de discussion. L’attente tendue des réunions décisives et des fuites permet de détourner quelque peu l’attention des échecs du gouvernement : la prolongation d’une guerre sans objectif, les cris des familles des otages, le projet de loi scandaleux visant à légaliser l’exemption du service militaire pour les ultra-orthodoxes et les mauvaises performances des ministres. Pendant ce temps, le temps passe et le gouvernement survit.

Une guerre perpétuelle pourrait également aider Netanyahou à atteindre son deuxième objectif : assurer sa victoire aux prochaines élections, même si tous les sondages prédisent sa défaite. Pour ce faire, il suffirait de saper systématiquement le processus démocratique sous le couvert de la guerre et de ses nécessités.

Zamir n’a pas non plus de solution satisfaisante à la crise qui s’est créée. L’offensive terrestre de mai n’a pas atteint son objectif et, selon Zamir, c’est parce que le gouvernement n’a pas tiré parti de ses succès pour mener une diplomatie efficace. Aujourd’hui, incapable de contraindre le Hamas à signer un accord, Israël improvise des solutions alternatives. Zamir a profité de l’accalmie des combats pour réduire les effectifs militaires à Gaza. L’armée a également pris des mesures pour réduire la charge pesant sur les réservistes cette année et a mis fin à sa politique de prolongation automatique du service des soldats appelés sous les drapeaux par des ordres d’appel d’urgence.

Normalisation de l’abandon

Le conflit avec Netanyahou s’est intensifié à la suite d’un article publié vendredi dernier par le journaliste chevronné Nahum Barnea dans le quotidien à grand tirage Yedioth Ahronoth. Barnea a écrit que Zamir envisageait la possibilité de démissionner si les décideurs politiques l’obligeaient à conquérir toute la bande de Gaza. Le cabinet du Premier ministre, suivant son habitude, a tenté de faire pression sur le chef d’état-major pour qu’il se dissocie de l’article, mais Zamir a refusé, même si la formulation sans équivoque du titre l’a apparemment quelque peu surpris.

Les raisons de la frustration de Zamir sont compréhensibles : le cabinet de sécurité ne se réunit pratiquement jamais (à la place, il y a des réunions des chefs des factions de la Knesset, un forum dépourvu de toute autorité légale) ; les rencontres personnelles entre Zamir et le Premier ministre sont rares ; et la guerre est menée à la sauvette, sans qu’aucune politique claire ne soit définie.


Une sympathisante des otages capturés le 7 octobre 2023 brandit des pancartes lors d’une manifestation exigeant la libération immédiate des otages et la fin de la guerre, à Tel-Aviv le 7 août 2025. Photo Ammar Awad/ REUTERS

Pendant ce temps, la famille Netanyahou a lancé une offensive contre Zamir. Alors que le père fait entendre sa voix dans les coulisses, le fils et la mère agissent selon leurs méthodes : via les réseaux sociaux et des fuites dans les médias. Yair Netanyahou a tweeté des accusations infondées contre le chef d’état-major, affirmant qu’il préparait un coup d’État militaire, et s’est dissocié de la responsabilité de son père dans la nomination de Zamir (en réalité, le Premier ministre avait fièrement déclaré lors de la cérémonie de nomination en mars que c’était la troisième fois qu’il voulait Zamir à ce poste).

Sara Netanyahou aurait déclaré avoir averti son mari de ne pas nommer Zamir, car il ne serait pas capable de résister à la pression des médias. Comme dans une république bananière, la presse a rapporté que Netanyahou père voulait en fait Zamir, mais que la mère et le fils avaient fait pression pour la nomination du général David Zini, qui a entre-temps été nommé à la tête du service de sécurité Shin Bet – une décision dangereuse.

Cette semaine, des correspondants diplomatiques et militaires ont reçu des fuites détaillées – d’une manière qui soulève des doutes quant au sérieux de la discussion – sur les plans exigés par Netanyahou : la conquête de la ville de Gaza et des camps de réfugiés au centre de la bande de Gaza. Il s’agit de deux des trois enclaves dans lesquelles l’armée israélienne a contraint la population palestinienne à se réfugier et où sont détenus les otages israéliens (la troisième est la région de Mawasi, sur la côte sud de la bande de Gaza).

De hauts responsables de l’armée israélienne ont averti que cela nécessiterait une opération terrestre de plusieurs mois et des actions visant à passer la zone au peigne fin et à la purger de tout terroriste, ce qui pourrait prendre jusqu’à deux ans. L’opération nécessiterait quatre à six divisions, ce qui représente un nombre astronomique de jours de réserve supplémentaires. Et l’intention est de continuer à pousser la population par la force vers le sud de la bande de Gaza tout en essayant de la contraindre à émigrer. Zamir, en revanche, a proposé d’encercler les enclaves actuelles, d’exercer une pression militaire sur elles depuis l’extérieur et d’essayer d’épuiser le Hamas, sans mettre en danger la vie des otages. Cela ne semble pas non plus être une solution gagnante.

Trump semble avoir donné le feu vert à Netanyahou pour étendre l’opération à Gaza, à condition que les forces agissent rapidement, sans s’attarder inutilement sur place. Dans le même temps, il a contraint le Premier ministre à autoriser l’acheminement de l’aide. Pour l’instant, Netanyahou, avec le soutien de Trump, s’efforce de mener une opération de grande envergure, malgré les risques. Il adhère également à des idées irresponsables qui circulent dans son entourage, selon lesquelles, après avoir occupé la ville de Gaza, il sera possible de gérer la distribution de la nourriture sur place par le biais des clans locaux.

Il existe toutefois une issue : si le Premier ministre évite de présenter un calendrier rigide, il sera toujours possible de brouiller les pistes quant au rythme de mise en œuvre et d’espérer qu’entre-temps, une autre solution émergera grâce à la menace militaire.

Les serviteurs du Premier ministre, les ministres et les députés, s’affairent à normaliser la guerre et à préparer le terrain pour que l’opinion publique accepte d’abandonner les otages à la mort. Cela commence par l’affirmation que les civils qui ont été enlevés chez eux et lors du festival de musique Nova sont en réalité des « prisonniers de guerre », c’est-à-dire des soldats capturés qui doivent attendre la fin de la guerre, à une date inconnue, pour être libérés, et cela se termine par le silence imposé aux familles des otages à la Knesset.

Zamir a un avantage certain : l’armée est toujours derrière lui. La majorité absolue des officiers le croit et partage ses considérations. Netanyahou, dont les partisans envisagent des scénarios de destitution et de remplacement, devra en tenir compte. La combinaison du danger pour la vie des soldats et des otages et d’une confrontation publique entre le Premier ministre et le chef d’état-major pourrait faire basculer l’opinion publique contre Netanyahou.


Réservistes à Gaza, en mars. Photo porte-parole de l’armée israélienne

Si Zamir fait ce qu’Eli Geva a fait pendant la guerre du Liban en 1982 – en tant que commandant de la 211e brigade blindée, il avait démissionné de l’armée pour protester contre la guerre –, nous entrerons en territoire inconnu. Cela risque d’entraîner un refus plus important de servir, en particulier parmi les unités de réserve, et de voir enfin naître un nouveau mouvement des Quatre Mères, efficace et plus virulent, à l’image de celui qui avait vu le jour en 1997 contre la guerre au Liban.

L’état réel de l’armée, qui combat à Gaza depuis 22 mois, peut être déduit d’un message publié par un major de réserve, commandant d’une unité qui utilise du matériel de génie lourd. « Au cours des trois dernières semaines, j’ai pu constater de près la gravité du problème », écrit-il. « Le manque d’organisation, l’incertitude et l’absence d’objectif opérationnel clair – des sentiments qui reviennent dans tous les cadres... Le résultat sur le terrain : les forces se déplacent sans contexte, sans continuité et sans objectif clair. Les troupes de combat le ressentent également, non seulement dans la charge, mais aussi dans un sentiment de mépris total pour les opérations. »

Lorsque les choses sont clairement énoncées, et non par des sources anonymes, les médias sont obligés de les rapporter de manière directe. Mais la plupart du temps, ils s’efforcent de brouiller les événements à Gaza sous une épaisse couche de patriotisme, de camaraderie guerrière et d’édulcoration.

6 août 2025 : une fillette palestinienne devant le centre de santé Sheikh Radwan, dans le nord de la ville de Gaza, après sa destruction lors d'une frappe nocturne. Photo Omar Al-Qattaa/AFP

HAARETZ
Callar es rendirse

Editorial de Haaretz, 8-8-2025
Traducido por Tlaxcala


El gabinete de seguridad se reunió el jueves por la noche para discutir otra expansión de la guerra en Gaza, otro eslabón en una larga cadena que seguramente tendrá su propio nombre. Los nombres cambian, pero la canción sigue siendo la misma: ocupación, destrucción y traslado forzoso de decenas de miles de palestinos. Más soldados serán sacrificados en este altar y los rehenes israelíes que quedan serán perdidos. El gobierno de Netanyahu ha convertido a ambos grupos en daños colaterales.

Ante esta visión de pesadilla, impulsada por consideraciones personales y mesiánicas judías, no podemos permanecer indiferentes. No debemos callar. Por eso, más de 2000 artistas y personalidades de la cultura firmaron una petición que pedía el fin de la guerra, titulada «Detengan el horror en Gaza». Esta petición supuso un importante espejo para la opinión pública, aunque muchos israelíes prefirieran romperlo o apartar la mirada.

La petición de los artistas reflejaba una verdad humana básica que el gobierno intenta silenciar: dañar a personas inocentes está mal. En consecuencia, la petición afirmaba que es imposible aceptar «el asesinato de niños y civiles, las políticas de hambre, los desplazamientos masivos y la destrucción sin sentido de ciudades enteras». No se deben dar órdenes ilegales y, si se dan, no se deben obedecer, añadía la petición, reiterando lo que debería ser evidente. Pero no en el Israel del gobierno del primer ministro Benyamin Netanyahu.

Desde que se publicó la petición, se ha llevado a cabo una campaña sistemática para silenciar a los firmantes. Entre los participantes se encuentran ministros del gabinete y políticos ajenos al Gobierno, colaboradores de los medios de comunicación, activistas de extrema derecha y muchas otras figuras culturales.

Los alcaldes también han anunciado que no contratarán a los artistas que firmaron la petición, a quienes acusan de «incitar contra los soldados de las FDI». Una y otra vez, ha quedado claro que en el Israel actual solo se puede expresar una opinión en el espacio que separa al líder de la oposición, Yair Lapid, y al rapero de extrema derecha Yoav («la Sombra») Eliasi. El consenso fraudulento es un coro que canta al unísono.


Alon Oleartchik y Assaf Amdursky

La presión sobre los firmantes de la petición solo ha tenido un éxito parcial. Algunos de ellos (Assaf Amdursky, Alon Oleartchik) no pudieron soportar la presión y las amenazas y retiraron sus firmas. En el caso de Oleartchik, su retractación pública dio sus frutos: se restableció una actuación suya que había sido cancelada. Esto demuestra no solo el poder de la censura, tanto oficial como extraoficial, sino también el hecho de que algunas personas optan por colaborar con ella.

Ante esta campaña de silenciamiento, no debemos pestañear. El plan que impulsa Netanyahu conducirá a la destrucción total de Gaza, y también de los fundamentos morales de Israel. Al oponerse a la guerra y a sus crímenes, las figuras culturales se unieron a personas con opiniones similares en el mundo académico, en organizaciones no gubernamentales e incluso dentro del propio ejército. Todas ellas son esenciales para forjar una alternativa al culto a la muerte del Gobierno.

Ahora más que nunca, tras tantos días de matanzas sin precedentes y cuando Israel está a un paso de caer en una guerra perpetua, todos los israelíes deben alzar la voz en contra. Callar es rendirse.

HAARETZ
Se taire, c’est se rendre

Éditorial, Haaretz, 8/8/2025
Traduit par Tlaxcala

 


Le cabinet de sécurité s’est réuni jeudi soir pour discuter d’une nouvelle extension de la guerre à Gaza, un maillon supplémentaire dans une longue chaîne qui finira certainement par avoir son propre nom. Les noms changent, mais le refrain reste le même : occupation, destruction et transfert forcé de dizaines de milliers de Palestiniens. D’autres soldats seront sacrifiés sur cet autel, et les otages israéliens restants seront perdus. Le gouvernement Netanyahou a fait de ces deux groupes des dommages collatéraux.

Face à cette vision cauchemardesque, motivée par des considérations personnelles et messianiques juives, nous ne pouvons rester indifférents. Nous ne devons pas rester silencieux. C’est pourquoi plus de 2 000 artistes et personnalités culturelles ont signé une pétition appelant à la fin de la guerre, intitulée « Stop à l’horreur à Gaza ». Celle-ci a tendu un miroir important au public, même si de nombreux Israéliens préfèrent le briser ou détourner le regard.

La pétition des artistes reflétait une vérité humaine fondamentale que le gouvernement cherche à étouffer : il est immoral de faire du mal à des innocents. Par conséquent, selon la pétition, il est impossible d’accepter « le meurtre d’enfants et de civils, les politiques de famine, les déplacements massifs et la destruction sensible de villes entières ». Les ordres illégaux ne doivent pas être donnés, et s’ils le sont, ils ne doivent pas être obéis, ajoute la pétition, réitérant ce qui devrait être évident. Mais pas en Israël sous le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Depuis la publication de la pétition, une campagne systématique a été menée pour faire taire les signataires. Parmi les participants figurent des ministres et des politiciens hors du gouvernement, des collaborateurs des médias, des militants d’extrême droite et de nombreuses autres personnalités culturelles. Des maires ont également annoncé qu’ils ne commanderaient pas de spectacles aux artistes ayant signé la pétition, qu’ils accusent d’« incitation à la haine contre les soldats de l’armée israélienne ». Il est devenu évident que dans l’Israël d’aujourd’hui, une seule opinion peut être exprimée entre l’opposant Yair Lapid et le rappeur d’extrême droite Yoav (« l’Ombre ») Eliasi. Ce consensus frauduleux est un chœur qui chante à l’unisson.


Alon Oleartchik et Assaf Amdursky

La pression exercée sur les signataires de la pétition n’a été que partiellement couronnée de succès. Certains d’entre eux (Assaf Amdursky, Alon Oleartchik) n’ont pas résisté à la pression et aux menaces et ont retiré leur signature. Dans le cas d’Oleartchik, sa rétractation publique a porté ses fruits : une de ses représentations qui avait été annulée a été rétablie. Cela montre non seulement le pouvoir de la censure, officielle et officieuse, mais aussi le fait que certaines personnes choisissent de collaborer avec elle.

Face à cette campagne de musellement, nous ne devons pas céder. Le plan que Netanyahou est en train de mettre en œuvre conduira à la destruction totale de Gaza, mais aussi des fondements moraux d’Israël. En s’opposant à la guerre et à ses crimes, les personnalités culturelles se sont jointes à des personnes partageant les mêmes opinions dans le monde universitaire, les organisations non gouvernementales et même au sein de l’armée elle-même. Toutes sont essentielles pour forger une alternative au culte de la mort prôné par le gouvernement.

Aujourd’hui plus que jamais, après tant de jours de tueries sans précédent et alors qu’Israël est à deux doigts de sombrer dans une guerre perpétuelle, chaque Israélien doit s’élever haut et fort contre cette situation. Se taire, c’est se rendre.

Colombian mercenaries, UAE money, Sudanese blood
Mercenarios colombianos, dinero de los Emiratos Árabes Unidos, sangre sudanesa
Mercenaires colombiens, argent des Émirats arabes unis, sang soudanais
مرتزقة كولومبيون، أموال إماراتية، ودماء سودانية: دعوة للمساءلة



رسالة مفتوحة إلى كولومبيا: مرتزقة كولومبيون، أموال إماراتية، ودماء سودانية: دعوة للمساءلة

Mercenarios colombianos, dinero de los Emiratos Árabes Unidos, sangre sudanesa: un llamado a la responsabilidad
Carta abierta al presidente Petro y al pueblo de Colombia
Mercenaires colombiens, argent des Émirats arabes unis, sang soudanais : un appel à la responsabilité
Lettre ouverte au président Petro et au peuple de Colombie

07/08/2025

HAARETZ
Une entreprise US, des chauffeurs d’Europe de l’Est, des liens avec Israël : qui est derrière l’acheminement de l’aide à Gaza

Arkel International, un sous-traitant du gouvernement usaméricain et d’armées du monde entier, transporte de l’aide vers les sites de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF). Son représentant en Israël est un homme d’affaires, consul honoraire du Rwanda, qui a précédemment négocié des contrats de défense en Afrique.

Bar Peleg, Yaniv Kubovich et Avi ScharfHaaretz, 5/8/2025

Traduit par Tlaxcala


Des véhicules blindés escortent des camions d’aide humanitaire vers le passage de Kerem Shalom, à la frontière entre Israël et la bande de Gaza. On peut voir un graffiti représentant le mot « millénaire » en hébreu sur l’avant d’un camion. Photo : Eliahu Hershkovitz

Au cours des derniers mois, un hôtel situé dans un kibboutz du sud d’Israël est devenu le lieu de résidence de chauffeurs routiers étrangers venus de plusieurs pays d’Europe de l’Est.

La plupart d’entre eux sont arrivés en Israël au cours des derniers mois après s’être vu promettre une opportunité financière qui leur permettrait de gagner un salaire beaucoup plus élevé que dans leur pays d’origine. Pour gagner leur vie, les chauffeurs doivent effectuer un trajet quotidien, parfois deux, entre le point de passage frontalier de Kerem Shalom et les points de distribution alimentaire à l’intérieur de la bande de Gaza.

Ces chauffeurs, principalement originaires de Géorgie et de Serbie, pays avec lesquels Israël n’a pas conclu d’accord bilatéral en matière de main-d’œuvre, ont été amenés en Israël par une société usaméricaine impliquée dans le projet d’aide alimentaire dans la bande de Gaza : Arkel International LLC, une entreprise de construction et de logistique qui opère en tant que sous-traitant pour la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), a appris Haaretz.

La GHF, qui gère quatre centres de distribution d’aide dans la bande de Gaza, emploie au moins trois entreprises en tant que sous-traitants.

Jusqu’à présent, deux de ces sociétés étaient connues : la première est UG Solutions, qui a participé plus tôt cette année à la sécurisation du corridor de Netzarim lors d’un échange d’otages et qui s’occupe désormais de certains aspects de la sécurité sur les sites de distribution de l’aide humanitaire. La deuxième est Safe Reach Solutions, une société de logistique et d’opérations.

La troisième société, Arkel International, est responsable de la logistique des opérations de distribution de l’aide humanitaire.

Selon les documents constitutifs de la société en Israël, son représentant autorisé dans le pays est Hezi Bezalel, un homme d’affaires israélien qui a précédemment négocié des contrats de défense en Afrique. La société affirme qu’il n’est pas impliqué dans ses activités et qu’il a seulement aidé à sa création en Israël.

« Je suis chauffeur routier en Géorgie . Mon patron m’a proposé de venir en Israël par l’intermédiaire d’un courtier et m’a dit que je pouvais gagner deux fois plus, voire plus », a déclaré à Haaretz un chauffeur routier de 32 ans, marié et père d’une fille.

Lorsqu’on lui a demandé qui l’avait amené en Israël et qui payait son salaire, il a répondu : « C’est la société Arkel qui nous a amenés ici. C’est elle qui nous paie nos salaires, et c’est avec elle que nous avons signé le contrat. Notre travail consiste à partir le matin dans un convoi de camions et à entrer dans Gaza. L’armée israélienne nous escorte jusqu’à la zone de distribution. Nous arrivons avec les camions, ils les déchargent pour nous sur le site, et nous repartons immédiatement. Il y a parfois deux trajets par jour », a déclaré le chauffeur.

Arkel transporte des colis alimentaires depuis un point de chargement près de Kerem Shalom vers des lieux de livraison à l’intérieur de Gaza : trois dans le sud, près des ruines de Rafah, et un le long de la partie sud du corridor de Netzarim. Dans le cadre de ce projet, Arkel a fait venir en Israël des dizaines de travailleurs étrangers, dont certains chauffeurs routiers d’Europe de l’Est.

Arkel est enregistrée dans l’État de Louisiane, aux USA, depuis 2005. La société s’est enregistrée en Israël en tant que société étrangère le 13 mai 2025, une semaine avant que les centres de distribution de l’aide du GHF ne commencent leurs activités dans la bande de Gaza et un jour avant l’enregistrement de Safe Reach Solutions en Israël. Au moins un des dirigeants d’Arkel vit en Israël depuis octobre 2024.


Hezi Bezalel (né en 1951) est un homme d'affaires, banquier d'investissement et producteur de cinéma très impliqué en Afrique de l'Est (Kenya, Ouganda, Rwanda, Éthiopie) et ami personnel de Paul Kagame

Au moins un mois avant l’enregistrement officiel de la société en Israël, des discussions étaient déjà en cours concernant sa création. Comme l’a précédemment rapporté Haaretz, l’opération d’aide à Gaza a été lancée par des officiers du commandement sud de l’armée israélienne, à l’insu de l’ensemble des autorités de défense, et coordonnée par le bureau du Premier ministre.

Selon une source proche du projet, Arkel devait initialement construire les sites de distribution à l’intérieur de Gaza, mais cette tâche a finalement été confiée à l’armée israélienne.

Dans les documents constitutifs d’Arkel en Israël, c’est Hezi Bezalel, un homme d’affaires qui a fondé un opérateur de téléphonie mobile en Israël, négocié des contrats de défense en Afrique et occupe le poste de consul honoraire du Rwanda en Israël, qui est désigné comme le représentant de la société en Israël.

La société lui a donné procuration pour gérer ses activités en Israël, ouvrir et gérer un compte bancaire pour la société, nommer des avocats et des comptables pour la société et recevoir des documents juridiques au nom de la société.

La société affirme que Bezalel n’a fait que l’aider à se lancer en Israël, grâce à une relation de longue date nouée au fil de projets menés en Afrique depuis des décennies, et qu’il n’est pas un partenaire commercial. Selon une source bien informée, Bezalel aurait même obtenu l’accord du ministère de la Défense avant l’ouverture de la société en Israël.

Un employé d’Arkel a déclaré à Haaretz que les seuls signataires autorisés au sein de la société sont aujourd’hui le PDG et le directeur des opérations ; cependant, le nom de Bezalel n’a pas encore été retiré du dossier de la société auprès de l’Autorité des sociétés israéliennes.

Actuellement, l’activité principale de la société consiste à transporter des marchandises depuis le point de chargement de Kerem Shalom vers des centres de distribution situés dans la bande de Gaza. Les camions utilisés par Arkel appartenaient auparavant à la société de logistique israélienne Millennium.

Des photos obtenues par Haaretz à proximité de Kerem Shalom montrent que le nom de la société a été grossièrement effacé à la peinture. Selon Arkel, les camions leur ont été vendus par Millennium.

Millennium a déclaré que les camions avaient été vendus à un fournisseur, sans toutefois préciser lequel. Les camions entrent dans la bande de Gaza en longs convois, sans plaque d’immatriculation, et sont sécurisés par du personnel d’autres entreprises sous-traitantes.

Comme mentionné, les chauffeurs sont des travailleurs d’Europe de l’Est, notamment de Géorgie et de Serbie, pays avec lesquels Israël n’a pas conclu d’accords bilatéraux pour l’importation de main-d’œuvre.


Des camions d’aide humanitaire d’Arkel sont garés dans le quai de chargement près du kibboutz Kerem Shalom, dans le sud d’Israël, dimanche. Les camions n’ont pas de plaques d’immatriculation et certains portent des graffitis noircissant le nom « Millennium ». Photo : Eliahu Hershkovitz

Les chauffeurs sont logés dans un kibboutz dans le sud d’Israël. « En gros, nous restons au kibboutz toute la journée, sauf lorsque nous livrons des marchandises à Gaza », a déclaré un chauffeur serbe. « Nous voulions vraiment visiter Jérusalem et Nazareth, mais nous ne sommes pas autorisés à trop nous déplacer à l’extérieur et, jusqu’à présent, nous n’avons pas organisé de visite touristique. »

Les chauffeurs indiquent qu’ils gagnent environ 4 000 shekels (1004 €) par mois, soit plus que le salaire moyen dans leur pays d’origine. « Le travail n’est pas vraiment dangereux », explique l’un d’eux. « Nous ne distribuons pas la nourriture. Nous quittons généralement Gaza dès que le chargement est déchargé. Il y a beaucoup d’explosions et de tirs tout le temps, mais cela ne nous vise pas, donc dans l’ensemble, c’est sûr. »

La plupart des chauffeurs interrogés par Haaretz ont déclaré que leur contrat expirait le mois prochain. « À l’heure actuelle, tout le monde ici est censé partir en septembre. On ne sait pas si les contrats seront prolongés ou si d’autres personnes seront recrutées pour nous remplacer. Un responsable a déclaré cette semaine que nous pourrions rentrer [chez nous] encore plus tôt, dans les prochaines semaines, car ces convois vers Gaza pourraient devenir inutiles », a déclaré un chauffeur.

Les marchandises transportées par les camions – certaines achetées en Israël, selon TheMarker – sont emballées dans des entrepôts en Israël, en partie au port d’Ashdod et à Jérusalem, puis chargées dans des camions dans un centre logistique construit près de la frontière avec Gaza.

TheMarker a indiqué que l’une des entreprises responsables était Millennium. Lors d’un entretien avec Haaretz, le propriétaire de Millennium, Shimon Sabah, a déclaré que son entreprise ne fournissait plus aucune aide logistique au client impliqué dans l’aide humanitaire à Gaza et que le fait que le logo n’ait pas été effacé des camions était dû à une négligence de la part de l’entreprise.

Arkel International est une société d’infrastructure et de services créée aux USA il y a environ 60 ans et enregistrée en Louisiane depuis 20 ans. Le seul propriétaire de toutes les actions d’Arkel est George H. Knost III. Le directeur est John Moore.

La société est un sous-traitant du gouvernement usaméricain et d’armées et de gouvernements du monde entier, qui gère des projets de construction, d’énergie et de logistique. Selon le site web aujourd’hui disparu de la société, celle-ci opère « là où d’autres ne peuvent ou ne veulent pas ».

Depuis 2010, la société a remporté plus d’une centaine de contrats d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars auprès du ministère usaméricain de la Défense et du département d’État pour des projets en Irak, en Afghanistan et ailleurs. C’est la première fois qu’elle entreprend un projet civilo-militaire de cette envergure en Israël.

La société est également impliquée dans le forage pétrolier et gazier et travaille comme sous-traitant pour le gouvernement usaméricain, ainsi que pour des armées et des gouvernements du monde entier, gérant des projets de construction, d’énergie et de logistique.


Des cartons contenant de l’aide humanitaire sont entreposés du côté gazaoui du point de passage de Kerem Shalom avant d’être distribués par la Fondation humanitaire de Gaza, en juillet. Photo : Ohad Zwigenberg/AP

Malgré les critiques internationales à l’encontre du projet d’aide à Gaza, Arkel est fière de ce travail, qu’elle considère comme un soutien à Israël et une aide pour renverser le contrôle du Hamas sur Gaza. Une source au sein de l’entreprise, s’exprimant auprès du journal Haaretz, a déclaré qu’elle estimait que la plupart des critiques à l’encontre du projet étaient « des fausses informations et de la propagande du Hamas visant à discréditer Israël ».

Travis Daharash, chef de projet chez Arkel, a déclaré : « Arkel fournit à la GHF un soutien logistique et en matière de construction. Bien que nous ne fournissions pas d’informations spécifiques sur notre main-d’œuvre pour des raisons de sécurité, celle-ci répond à toutes les exigences locales. »

Le financement du projet d’aide humanitaire est largement opaque et la GHF ne révèle pas l’identité de ses donateurs. En juin de cette année, environ un mois après le début des activités du fonds, le département d’État usaméricain a approuvé un financement de 30 millions de dollars pour l’entreprise. Selon un rapport de Reuters, cette somme sera versée par l’Agence américaine pour le développement international à la GHF, dont sept millions de dollars seront transférés immédiatement.

Jeudi, Reuters a rapporté que des responsables de l’administration Trump avaient déclaré au Congrès en juillet qu’Israël avait accepté de verser une somme équivalente à celle versée par les USA et de transférer 30 millions de dollars au fonds.

En juin dernier, Liel Kyzer a rapporté pour la chaîne publique Kan que le gouvernement avait prévu 700 millions de shekels [175 M€] pour l’aide humanitaire à Gaza et que cette mesure était financée par une réduction massive du budget de l’État, y compris des services sociaux.

Le ministère des Finances et le bureau du Premier ministre ont démenti cette information à l’époque, affirmant qu’Israël ne finance pas l’aide humanitaire à Gaza.

Les centres d’aide de la GHF ont commencé à fonctionner en mai. Ce fonds a été créé par Israël en collaboration avec des sociétés de sécurité privées.

Des travailleurs usaméricains et palestiniens gèrent ces centres, tandis que l’armée israélienne les sécurise à plusieurs centaines de mètres de distance. Chaque jour, des milliers, voire des dizaines de milliers de Gazaouis viennent chercher de la nourriture dans ces centres. Malgré les promesses faites par le fonds au début du projet d’aide, la distribution ne se fait pas de manière ordonnée, mais dans une bousculade générale pour s’emparer des cartons.

Haaretz a fait état d’un chaos généralisé sur les sites de distribution, où des centaines de Palestiniens ont été tués alors qu’ils se rendaient sur place pour recevoir de la nourriture depuis que le GHF a commencé ses opérations d’aide ces derniers mois.

 

SERGIO FERRARI
Agroecology is profitable
The myth of low “organic” productivity falls

 Sergio Ferrari, 7/8/2025
Translated by Tlaxcala

A productive myth falls. Science proves that organic agriculture is effective. Criticism from large-scale conventional agriculture fades away.

Agroecology as a means of ensuring food sovereignty is one of the key proposals of La Vía Campesina

For decades, the debate on the present and future of agriculture has pitted two almost antagonistic visions against each other. On the one hand, the conventional model, focused on maximizing yields, which combines technology, agrochemicals, and huge monocultures. On the other, organic-bio or agroecological proposals, considered interesting but questioned for being “less productive.” Behind each vision are large-scale agro-export production and ecological alternatives defended, among others, by social movements in rural areas. 

Rigorous fieldwork conducted over 47 years on 97 organic plots in Therwil, Switzerland, jointly sponsored by the Research Institute of Organic Agriculture (FiBL) and the Swiss Confederation's center of excellence for agricultural research (Agroscope), concluded that these plots achieved, an average yield equivalent to 85% of that of conventional plots and that this difference depends largely on the type of crop analysed. For example, organic soybeans achieved similar levels to conventional soybeans, and slight differences were recorded in forage crops such as clover grass and silage corn, while the difference was greater in the case of organic wheat and potatoes.

According to this study, known as DOC (D for biodynamic, O for organic, and C for conventional), the large gap between organic and conventional production has to do with the environmental impact of each. In fact, organic farming uses 92% less pesticides and 76% less mineral nitrogen than conventional farming. In organic crops, the reduction in the use of nitrogen fertilizers is the main factor in a much lower climate impact. Excess nitrogen from fertilizers is converted into nitrous oxide, a gas with significant negative consequences for the climate.

As the study states, it is true that the reduction in the use of fertilizers and plant protection products leads to greater yield variation in organic systems than in conventional systems, resulting in less stable productivity. However, the risk of water and food contamination (for humans and animals) with harmful substances is significantly lower.

The 8th edition of the Peasant Festival in Rondônia, Brazil, in July 2025 brought together all the diversity and richness of traditional peoples. Photo REC UNIR Research and Extension Group

Prestigious organic farming certification

Conventional farming, also known as industrial or traditional agriculture, involves the intensive use of external inputs such as synthetic fertilizers, pesticides, and herbicides, as well as improved seeds to maximize production. These crops are the cornerstone of the agro-export model of transnational corporations, particularly those in the food and agrochemical industries. This model focuses on efficiency and high productivity through modern technologies applied to large areas dedicated to monoculture, i.e., the planting of a single species on a huge area. Examples include soybeans, eucalyptus, oil palm, pine, corn, and sugarcane.

In addition to the large number of researchers dedicated to the DOC project, its importance lies in its nearly half-century of comparative studies and systematic data collection. These are essential elements in this type of research because the effects of converting a conventional agricultural system to a biodynamic or organic one only become apparent after a long time. This long “waiting period” is due, among other factors, to the slow pace of soil transformation processes, such as the accumulation of stable organic matter. To date, some 140 specialized scientific publications, as well as numerous master’s and doctoral theses, have drawn on the systematic findings of the DOC. 

This study provides other equally relevant conclusions. In organically cultivated soils, for example, humus levels have been found to be approximately 16% higher, with up to 83% more activity from soil organisms than in conventional plots. This is undoubtedly a particularly positive effect for the soil, which is now better able to store more water and reduce the impact of erosion. (Study here)

Theses confirmed in the Global South

The DOC’s research has inspired similar initiatives in Switzerland, such as the FAST and Burgrain projects (promoted by Agroscope), as well as in other countries. For example, several long-term comparative trials of farming systems (or SysCom, for “System Comparison”) such as those conducted by FiBL in Bolivia (cocoa cultivation), India (cotton), and Kenya (a wider range of staple foods, mainly corn and potatoes).

Other practical experiences in Africa confirm the optimistic conclusions of the DOC study on organic production. The Swiss non-governmental organization SWISSAID, with its local partner in Tanzania, has promoted a research project that has conclusively confirmed the benefits of the economic mechanisms identified by the Therwil study.


The agroecological center managed by the Tet Kole Movement in Haiti produces hundreds of seeds that are distributed to local farmers. Photo Rodrigo Durão, Brasil de Fato

In a recent article, SWISSAID concluded that “after five years of transition, farmers participating in the CROPS4HD project have massively reduced their expenditure on external inputs.” This project aims to improve food quality and overall agricultural resilience by taking advantage of “orphan” or underutilized crops that nevertheless perform very well in marginal environments and also have high nutritional value.

Economic analysis reveals that, paradoxically, conventional farms have higher production costs per hectare due to their dependence on chemical fertilizers and pesticides, confirming the economic trap of excessive profits in agribusiness. SWISSAID explains that organic production redistributes profits among farmers, not among shareholders of transnational corporations and publicly traded agricultural companies. In the case of Tanzania, the farms that have made the most progress in the agroecological transition process have lower costs and higher net incomes, confirming that the relatively lower yield of 15% is more than offset by the benefits that remain in the hands of the producers. This economic reappropriation is accompanied by strategic diversification: the project develops “orphan” species, i.e., species with little or no plant breeding and no current export prospects, but which are very important for local food sovereignty, such as amaranth, millet, fonio, and Bambara beans. In this way, new locally controlled value chains have been created.

This relative productive independence is not only an advantage for the environment; it is also a fundamental lever for a different form of economic power at the service of direct farmers. In the conventional system, farmers are often the weak link in a value chain that is larger than themselves. As a result, they are subject to the volatility of fertilizer and pesticide prices, a market controlled by a handful of multinationals, while also suffering pressure from supermarkets on the selling prices of their own products. Much of the value these farmers generate is captured by their suppliers, processors, and distributors.


Women farmers in Tanzania use simple technologies to assess the growth of local crops. Photo SWISSAID

In a world facing climate change, biodiversity loss, and market volatility, the promoters of this project in Tanzania believe that farmers’ resilience and autonomy are no longer options but imperatives. This is especially true in the most vulnerable countries of the South, where every disruption in supply chains exacerbates food insecurity among the population.

The disqualifications are melting away. The myth that equates organic with higher costs is beginning to fade. And organic is being projected not only as healthy and environmentally friendly, but also as accessible to the popular economy.

SERGIO FERRARI
L’agroécologie est rentable
Le mythe de la faible productivité “bio” s’effondre

 Sergio Ferrari, 7/8/2025
Traduit par Tlaxcala

Un mythe productif s’effondre. La science prouve que l’agriculture biologique est efficace. Les critiques formulées par la grande production agricole conventionnelle s’évanouissent.

L’agroécologie comme moyen d’assurer la souveraineté alimentaire est l’une des propositions essentielles de La Vía Campesina

Pendant des décennies, le débat sur le présent et l’avenir de l’agriculture a opposé deux visions presque antagonistes. D’un côté, le modèle conventionnel, axé sur la maximisation des rendements, qui combine technologie, agrochimie et immenses monocultures. De l’autre, les propositions biologiques ou agroécologiques, considérées comme intéressantes, mais remises en question parce que « moins productives ». Derrière ces deux visions se cachent la grande production agro-exportatrice et les alternatives écologiques défendues, entre autres, par les mouvements sociaux du monde rural.

Un travail de terrain rigoureux mené pendant 47 ans sur 97 parcelles biologiques à Therwil, en Suisse, sous l’égide conjointe de l’Institut de recherche en agriculture biologique (FiBL, selon son acronyme allemand) et du Centre de compétence de la Confédération helvétique dans le domaine de la recherche agronomique et agroalimentaire (Agroscope), a conclu que celles-ci ont atteint, en moyenne, un niveau de rendement équivalent à 85 % de celui des parcelles conventionnelles et que cette différence dépendait, dans une large mesure, du type de culture analysé. Ainsi, par exemple, le soja biologique a atteint des niveaux similaires à ceux du soja conventionnel et de légères différences ont été enregistrées pour les cultures fourragères, telles que le trèfle et le maïs d’ensilage, tandis que la différence était plus importante pour le blé et la pomme de terre biologiques.

Selon cette étude, connue sous le nom de DOC (D pour biodynamique, O pour bio-organique et C pour conventionnel), le fossé qui sépare la production biologique de la production conventionnelle est lié à l’impact environnemental de l’une et de l’autre. En effet, l’agriculture biologique utilise 92 % moins de pesticides et 76 % moins d’azote minéral que l’agriculture conventionnelle. Dans les cultures biologiques, la réduction de l’utilisation d’engrais azotés est le principal facteur d’un impact climatique beaucoup plus faible. L’excès d’azote des engrais se transforme en oxyde nitreux, un gaz aux conséquences négatives importantes pour le climat.

Comme l’affirme cette étude, il est vrai que la réduction de l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires entraîne une plus grande variation des rendements dans les systèmes biologiques que dans les systèmes conventionnels, ce qui se traduit par une productivité moins stable. Cependant, le risque de contamination de l’eau et des aliments (pour les humains et les animaux) par des substances nocives est nettement moindre. 


La 8e édition du Festival paysan de Rondônia, au Brésil, en juillet 2025, a réuni toute la diversité et la richesse des peuples traditionnels. Photo Groupe de recherche et de vulgarisation REC UNIR

Prestigieuse certification de l’agriculture biologique

Les cultures conventionnelles, également connues sous le nom d’agriculture industrielle ou traditionnelle, impliquent l’utilisation intensive d’intrants externes, tels que des engrais synthétiques, des pesticides et des herbicides, ainsi que des semences améliorées afin de maximiser la production. Ces cultures sont le pilier essentiel du modèle agro-exportateur des multinationales, en particulier celles du secteur alimentaire et agrochimique. Ce modèle mise sur l’efficacité et la productivité élevée grâce à des technologies modernes appliquées à de grandes surfaces consacrées à la monoculture, c’est-à-dire la plantation d’une seule espèce sur une immense superficie. Par exemple, entre autres, le soja, l’eucalyptus, le palmier à huile, le pin, le maïs ou la canne à sucre.

Les cultures conventionnelles, également connues sous le nom d’agriculture industrielle ou traditionnelle, impliquent l’utilisation intensive d’intrants externes, tels que des engrais synthétiques, des pesticides et des herbicides, ainsi que des semences améliorées afin de maximiser la production. Ces cultures sont le pilier essentiel du modèle agro-exportateur des multinationales, en particulier celles du secteur alimentaire et agrochimique. Ce modèle mise sur l’efficacité et la productivité élevée grâce à des technologies modernes appliquées à de grandes surfaces consacrées à la monoculture, c’est-à-dire la plantation d’une seule espèce sur une immense superficie. Par exemple, entre autres, le soja, l’eucalyptus, le palmier à huile, le pin, le maïs ou la canne à sucre.

Outre le grand nombre de chercheurs qui se consacrent au projet DOC, son importance réside dans près d’un demi-siècle d’études comparatives et dans l’accumulation systématique de données. Ces éléments sont essentiels dans ce type de recherche, car les effets de la conversion d’un système agricole conventionnel en un système biodynamique ou biologique ne deviennent évidents qu’après un long laps de temps. Cette longue période « d’attente » s’explique, entre autres, par la lenteur des processus de transformation du sol, tels que l’accumulation de matière organique stable. À ce jour, quelque 140 publications scientifiques spécialisées, ainsi que de nombreuses thèses de maîtrise et de doctorat, se sont inspirées des conclusions systématiques du DOC.

Cette étude apporte d’autres conclusions tout aussi pertinentes. Dans les sols cultivés biologiquement, par exemple, on a identifié des niveaux d’humus environ 16 % plus élevés et jusqu’à 83 % d’activité supplémentaire des organismes du sol par rapport aux parcelles conventionnelles. Il s’agit sans aucun doute d’un effet particulièrement positif pour le sol, qui est désormais mieux à même de stocker davantage d’eau et de réduire l’impact de l’érosion (Étude ici)

Thèses confirmées dans le Sud global

Les recherches du DOC ont inspiré des initiatives similaires en Suisse, comme les projets FAST et Burgrain (promus par Agroscope), ainsi que dans d’autres pays. Par exemple, plusieurs essais comparatifs de systèmes de culture à long terme (ou SysCom, pour « comparaison de systèmes ») tels que ceux réalisés par FiBL en Bolivie (culture du cacao), en Inde (coton) et au Kenya (une gamme plus large de denrées alimentaires de base, principalement le maïs et la pomme de terre).

D’autres expériences pratiques en Afrique confirment les conclusions optimistes de l’étude DOC sur la production biologique. L’organisation non gouvernementale suisse SWISSAID, en collaboration avec son partenaire local en Tanzanie, a lancé un projet de recherche qui a clairement confirmé les avantages des mécanismes économiques identifiés par l’étude de Therwil.


Le centre agroécologique géré par le Mouvement Tet Kole en Haïti produit des centaines de semences qui sont distribuées aux agriculteurs locaux. Photo Rodrigo Durão, Brasil de Fato

Dans un article récent, SWISSAID a conclu qu’« après cinq ans de transition, les agriculteurs participant au projet CROPS4HD ont considérablement réduit leurs dépenses en intrants externes ». Ce projet vise à améliorer la qualité des aliments et la résilience agricole en général en exploitant des cultures « orphelines », ou sous-utilisées, mais qui réagissent très bien dans des environnements marginaux et ont en outre une haute valeur nutritionnelle.

L’analyse économique révèle que, paradoxalement, les exploitations conventionnelles ont les coûts de production à l’hectare les plus élevés en raison de leur dépendance aux engrais et pesticides chimiques, ce qui confirme le piège économique des profits excessifs de l’agro-industrie. SWISSAID explique que la production biologique redistribue les bénéfices entre les agriculteurs, et non entre les actionnaires des multinationales et les entreprises agricoles cotées en bourse. Dans le cas de la Tanzanie, les exploitations qui ont le plus avancé dans le processus de transition agroécologique affichent des coûts moindres et des revenus nets plus élevés, ce qui confirme que le rendement relativement inférieur de 15 % est largement compensé par les bénéfices qui restent entre les mains des producteurs. Cette réappropriation économique s’accompagne d’une diversification stratégique : le projet développe des espèces « orphelines », c’est-à-dire peu ou pas améliorées sur le plan végétal et sans perspective actuelle d’exportation, mais très importantes pour la souveraineté alimentaire locale, comme l’amarante, le millet, le fonio et le pois bambara. De cette manière, de nouvelles chaînes de valeur contrôlées localement ont été créées.

Cette relative indépendance productive n’est pas seulement un avantage pour l’environnement ; elle constitue également un levier fondamental pour une forme différente de pouvoir économique au service des agriculteurs directs. Dans le système conventionnel, les agriculteurs sont souvent le maillon faible d’une chaîne de valeur qui les dépasse. Ils sont donc soumis à la volatilité des prix des engrais et des pesticides, un marché contrôlé par une poignée de multinationales, tout en subissant la pression des supermarchés sur les prix de vente de leurs propres produits. Une grande partie de la valeur générée par ces agriculteurs est captée par leurs fournisseurs, les transformateurs et les distributeurs.


Des agricultrices tanzaniennes utilisent des technologies simples pour évaluer la croissance des produits locaux. Photo SWISSAID

Dans un monde confronté au changement climatique, à l’érosion de la biodiversité et à la volatilité des marchés, les promoteurs de ce projet en Tanzanie considèrent que la résilience et l’autonomie des agriculteurs ne sont plus des options, mais des impératifs. Cela est particulièrement vrai dans les pays les plus vulnérables du Sud, où chaque perturbation des chaînes d’approvisionnement aggrave l’insécurité alimentaire de la population.

Les préjugés s’estompent. Le mythe selon lequel le bio est synonyme de coûts plus élevés commence à s’effacer. Et le bio est désormais considéré non seulement comme un produit sain et respectueux de l’environnement, mais aussi comme accessible à l’économie populaire.