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13/08/2023

GIANFRANCO LACCONE
Le consommateur idéal n’existe pas

Gianfranco Laccone, climateaid.it, 10/82023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Il y a quelques jours, j’ai été frappé par le titre d’un article de quotidien : « Ceux qui ont peur sont les consommateurs idéaux ». Une affirmation péremptoire suivie d’un discours très discutable, pour ne pas dire incorrect, qui visait à identifier la capacité à lire et à comprendre la réalité, en la manipulant pour son propre usage et sa propre consommation, dans un groupe dominant, en la considérant capable d’induire un changement dans la “consommation” par la peur d’un avenir sombre déterminé par le changement climatique. J’ai souri en considérant que l’auteur de l’article lui-même, après tout, appartient à l’une des élites dirigeantes, qui pense manifestement d’une manière différente de celle qu’il décrit, et utilise l’un des moyens habituels de communication des élites (de quelque parti que ce soit).

 


-Purée, vous bouffez tout ça ?
-Vous savez, on vient d'acheter un nouveau WC

Altan


Ce que je veux dire, c’est qu’une lutte de pouvoir entre groupes est évidente sur la planète aujourd’hui, qui n’a pas grand-chose à voir avec les résultats scientifiques.  Les conclusions scientifiques sur la gravité du changement climatique étaient acceptées par une minorité, même parmi les chercheurs, il y a encore vingt ans ; aujourd’hui, données à l’appui, le changement climatique est presque unanimement considéré comme un processus auquel nos actions ont donné une impulsion défavorable. Dans notre mode de vie, il est important de considérer l’accélération des phénomènes atmosphériques et des changements induits : paradoxalement, il est relativement plus important de comprendre à quelle vitesse nous devrons changer nos habitudes et quelle est la cause sur laquelle nous pouvons intervenir, que de déterminer si la planète se dirige vers un climat torride ou une nouvelle ère glaciaire.

 

Des phénomènes extrêmes vont se succéder dans des régions où cela ne s’est jamais produit jusqu’à présent, mettant à rude épreuve les habitudes sociales et les productions diffuses, à commencer par la production agricole. Enfin, nous avons pris conscience - mieux vaut tard que jamais ! - que dans un monde fini, il ne peut y avoir de consommation infinie, c’est pourquoi nous devrons agir simultanément dans plusieurs domaines : régénérer les outils de la vie (mieux prendre soin de son alimentation, en équilibrant la consommation et la santé, faire de la prévention par une vie moins stressante) ; réduire les résidus de la consommation qui ne peuvent être utilisés par d’autres êtres vivants (plantes, animaux, micro-organismes) ; et toujours réutiliser les matériaux rares récupérés. La réduction du CO2 dans l’atmosphère ne peut être obtenue uniquement en remplaçant les combustibles fossiles par d’autres systèmes renouvelables, mais aussi en réduisant l’impact de la consommation que la société de marché a généré.

 

Depuis l’avènement de la société industrielle, la consommation des produits est l’objectif explicite de toute production et le consommateur dans les plans commerciaux est devenu un stéréotype “idéal”. Au fil du temps, nous nous sommes rendu compte que la consommation totale n’existe pas, car ce que nous n’utilisons pas, nous le retrouvons partout (voir le plastique), ce que nous utilisons mal et en grande quantité, nous le retrouvons même dans la graisse de notre organisme, et ce qui s’avère toxique au fil du temps tue le vivant, souvent de manière subtile et discrète.

 


L'idéal, c'est quelque chose qui expire après ma mort
-Altan

 

Au contraire, le consommateur est une personne en chair et en os, qui change en fonction des habitudes, des possibilités, de la culture, et si, par la peur ou la manipulation, on peut obtenir un consensus, la “peur” dans un régime de marché ne peut pas pousser à la consommation. Le ressort de la consommation est l’idée d’amélioration, et pour ce faire, nous ne pouvons que stimuler les valeurs positives. La peur engendre les spéculations.

 

Le changement des habitudes et des comportements à partir de la période de la pandémie est quelque chose de très complexe, une phase que l’humanité a traversée au cours de différentes périodes historiques, lorsque de petites réalités autosuffisantes sont nées par opposition à de grandes agrégations administratives, souvent organisées en société de castes. Aujourd’hui, un changement similaire est en cours (évidemment avec des formes adaptées à la réalité actuelle), qui produira une consommation réduite par rapport à celle d’aujourd’hui, éventuellement organisée en circuits courts. Ce sera le déclin (sans regrets) de nombreux événements (tourisme de masse, méga-concerts), devenus de plus en plus ingérables.

 

Ce n’est pas une conspiration qui en est la cause, mais les conditions mêmes dans lesquelles fonctionne le marché qui développent les changements socioculturels ; par exemple, si la circulation et l’approvisionnement dans les mégapoles deviennent problématiques, il n’y a pas d’autre moyen que de raccourcir les circuits et de favoriser l’autoconsommation à commencer par l’énergie, en développant le marché local pour une masse de besoins aujourd’hui liés aux circuits internationaux. Tous les produits ou services ne prendront pas ces caractéristiques mais, à mon avis, nos habitudes changeront beaucoup : la voiture de mes petits-enfants ne sera plus un symbole de statut comme elle l’était pour ma génération, aussi parce qu’il y en aura certainement moins (elles coûteront plus cher) alimentées par d’autres énergies que les combustibles fossiles.

 

L’erreur de considérer la consommation induite par la peur de la catastrophe est de croire que les règles de la consommation sont toujours les mêmes en tout temps et en tout lieu. Au contraire, les consommateurs changent de peau et, de plus en plus, ils peuvent choisir de devenir producteurs de ce qu’ils consomment. Le cas le plus frappant, qui commence à peine à se développer, est celui du “prosommateur” d’énergie, la personne qui produit seule ou avec d’autres l’énergie qu’elle consomme et qui peut décider comment et quand le faire non seulement pour elle-même mais aussi pour d’autres, influençant ainsi le système de production d’une nouvelle manière. Cet aspect est encore peu étudié, surtout en Italie où il est pratiquement inexistant, en attendant la création du système des Communautés d’ énergie renouvelable (CER).

 

Le changement social produit par ce changement de rôles ne reçoit que peu d’attention de la part de tous les acteurs du système (syndicats, associations de consommateurs, associations patronales et commerciales, administrateurs et gouvernements), qui se disent en paroles extrêmement intéressés, mais qui, en pratique, se montrent engagés dans la défense des privilèges, petits ou grands, qu’ils ont obtenus au fil du temps, au lieu d’ouvrir de nouvelles voies au bien-être collectif et à la coopération. Les plus attentifs semblent être les bureaux de marketing et les instituts de sondage qui, cependant, analysent les changements à des fins individuelles et souvent très limitées.

 

Enfin, une question que nous nous posons tous : les “Persuadeurs clandestins” existent-ils ? Je me souviens que c’était le titre du livre publié en 1957 par Vance Packard, une balise du consumérisme, qui nous apprenait comment, pour induire des comportements d’achat de masse et d’uniformisation, les flatteries et les sirènes de la vie tranquille de la classe moyenne usaméricaine passaient par des messages publicitaires directs mais aussi des messages “subliminaux”, précurseurs du marché des fake news d’aujourd’hui. Près de quarante ans après cette première alerte, en 1995, deux auteurs britanniques, Tim Lang et Yiannis Gabriel, écrivent “The Unmaneageable Consumer. Contemporary Consumption and its Fragmentations” [Le consommateur ingérable. La consommation contemporaine et ses fragmentations], constatant que, loin d’une homologation totale, la fragmentation des typologies et de l’idée même de consommation s’était produite au fil du temps, créant un fossé divergent entre les rêves des industriels et des détaillants et ceux des consommateurs eux-mêmes. Mais même dans ce cas, les auteurs ont montré que si les consommateurs continuaient à rêver de gérer la consommation, la réalité produisait des situations dans lesquelles c’était exactement le contraire qui se produisait sans que ceux qui géraient l’offre ne puissent orienter les comportements.

 

Aujourd’hui, les dynamiques entre les différents produits sont encore plus divergentes et contradictoires, et les changements dans l’organisation industrielle et commerciale correspondent également aux différentes caractéristiques anthropologiques des consommateurs. Rappelons que le monde de la consommation n’est pas motivé par la peur de quelque chose, mais par l’aspiration à une vie meilleure.

 

C’est dans cette réalité que l’intelligence artificielle (IA) est introduite, et pour comprendre ces changements, il est nécessaire d’étudier les comportements réels et de ne pas se limiter aux sondages ou, pire, aux likes sur certains médias sociaux.  


 

 

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