Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le 1er avril 1973, la Première ministre Golda Meir ne savait pas encore à quel point ses ministres et ses hauts fonctionnaires se révéleraient peu fiables, ni que 12 mois plus tard, elle démissionnerait, laissant derrière elle un pays traumatisé par une guerre à laquelle il n’était pas préparé.
Elle a donc demandé au ministre des Transports, Shimon Peres, et au ministre des finances, Pinchas Sapir, de commencer à travailler sur un plan de transport public à grande échelle qui relierait Tel-Aviv - le centre financier d’Israël - à ses banlieues.
Il est impossible de compter le nombre de fonctionnaires israéliens qui ont échoué à faire avancer ce projet à ce jour, mais 19 milliards de shekels [=4,650 milliards €], 50 ans et 4 mois après la naissance du projet, la première ligne du métro léger de Tel-Aviv est sur le point de commencer à fonctionner vendredi (18 août).
Miri Regev, ministre des Transports et de la Sécurité routière, lors d’un test du nouveau métro léger à Jaffa-Tel Aviv le 16 août 2023. Photo Avshalom Sassoni/Flash90
L’ouverture de la ligne rouge, qui ira de Petah Tikva (une ville située à l’est de Tel Aviv, tellement banale que les Israéliens plaisantent sur le fait de la céder volontairement aux Palestiniens, et qui a fait l’objet d’une chanson punk avec le vers “Je ne peux pas croire que je vis à Petah Tikva”) à Bat Yam (une ville voisine de Tel Aviv au sud, connue pour abriter “l’immeuble le plus laid du monde”, la Tour Nahum), n’a rien d’excitant.
C’est quelque chose que beaucoup d’Israéliens attendent (depuis des décennies !) et qui pourrait changer la vie de centaines de milliers, voire de millions de personnes, en leur permettant de se déplacer plus facilement dans le centre d’Israël, en leur ouvrant des perspectives de carrière et en leur évitant de passer des heures derrière le volant.
Comment quelque chose d’aussi positif a-t-il pu devenir le symbole de tout ce qui ne va pas en Israël, une étape de plus dans le déclin du pays vers la théocratie ?
La réponse est le Shabbat, bien sûr. Les transports publics israéliens ne fonctionnent pas le jour de repos juif, sauf dans certaines régions où la majorité de la population n’est pas juive. Au cours des deux dernières décennies, un débat public animé a eu lieu sur le sujet, mais avec le gouvernement le plus religieux de l’histoire d’Israël actuellement au pouvoir, la situation ne devrait pas changer de sitôt.
L’ouverture d’un mégaprojet tel que le métro léger souligne l’absurdité absolue d’un pays dont le système de transport public est fermé pendant 30 heures tous les week-ends, privant ainsi les personnes qui ne possèdent pas de voiture de se rendre quelque part pendant le seul moment de la semaine où elles ont du temps libre.
Elle intervient également après une semaine d’escalade notable dans les rapports sur la coercition religieuse dans les transports publics, principalement sous la forme de passagers masculins et de chauffeurs de bus essayant de forcer les femmes à s’asseoir à l’arrière du bus et à s’habiller "modestement".
Il y a un an, la population laïque d’Israël aurait pu laisser son gouvernement s’en tirer à bon compte, mais la situation a changé. La coalition de Netanyahou, composée d’extrémistes de droite et de partis ultra-orthodoxes, a montré son empressement à imposer ses méthodes à tous les citoyens israéliens, dans tous les domaines de la vie.
Les Israéliens libéraux disposent désormais d’un mouvement de protestation puissant et organisé qui lutte depuis des mois contre les mesures antidémocratiques du gouvernement. Il serait normal qu’il utilise son poids pour s’opposer aux politiques ridicules qui ont entraîné la fermeture des transports publics pour des millions de personnes pendant le week-end - et certains signes indiquent déjà que la ligne rouge deviendra le prochain terrain d’affrontement entre les manifestants et le gouvernement.
Le maire de Tel Aviv, Ron Huldai, partisan de longue
date des transports publics le jour du shabbat, a déclaré mercredi qu’il
boycotterait la cérémonie d’ouverture prévue par la ministre des Transports
Miri Regev. Les principaux groupes de protestation, ainsi que les militants de
la liberté religieuse, prévoient de perturber le service du métro le premier
jour, et appellent les gens à monter dans le dernier métro avant le shabbat et
à y rester. D’autres appellent à un boycott complet du métro léger, espérant
que le fait de laisser vide le nouveau métro rutilant aura un impact.
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