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19/04/2023

JUDY MALTZ
Quatre-vingts ans après, les descendant·es des insurgé·es du Ghetto de Varsovie se battent pour une démocratie en Israël

Judy Maltz, Haaretz, 17/4/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La rébellion coule dans les veines de nombreux habitants du kibboutz “Combattants du Ghetto”, dans le nord d’Israël, ce qui explique pourquoi ils résistent de toutes leurs forces au coup d’État judiciaire du gouvernement Netanyahou.

De g. à dr. Yael Zuckerman,Yehonatan Stein et Moshe Shner, résidents du kibboutz Lohamei Hageta’ot. Photo : Rami Shllush

Les divisions sont si profondes dans la société israélienne d’aujourd’hui que même les familles sont séparées. Yael Zuckerman se console en se disant que la sienne est probablement une exception.

 « Notre famille élargie organise une réunion annuelle et lorsque nous nous sommes rencontrés il y a quelques semaines, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre », raconte-t-elle. « J’ai été agréablement surprise de découvrir que chacun·e d’entre nous avait participé activement au mouvement de protestation. Nous avons fini par nous asseoir autour de la table et partager des photos de nous-mêmes lors de différentes manifestations », dit-elle, faisant référence aux rassemblements pro-démocratiques de cette année contre les efforts du gouvernement Netanyahou pour éviscérer le système judiciaire.

 

Psychologue clinicienne à la retraite, Mme Zuckerman est la fille de deux chefs légendaires de l’insurrection du ghetto de Varsovie : Yitzhak (“Antek”) Zuckerman et Zivia Lubetkin et Zivia Lubetkin.

 

Cette semaine marque le 80e  anniversaire de l’acte le plus célèbre de la résistance juive contre les nazis pendant l’Holocauste.

Yael Zuckerman dans sa maison du kibboutz Lohamei Hageta’ot, dans le nord d’Israël. « Mes parents étaient des personnes qui assumaient la responsabilité de leurs actes, qui ne pensaient jamais à leurs intérêts personnels et qui se sont sentis coupables jusqu’à leur dernier jour de ne pas avoir pu sauver plus de Juifs ». Photo : Rami Shllush

Le 19 avril 1943, quelques centaines de jeunes combattant·es juif·ves tendent une embuscade aux forces allemandes qui pénètrent dans le ghetto de Varsovie pour rassembler les Juifs qui s’y trouvent encore et les transporter vers le camp de la mort de Treblinka. Les combattants ne disposaient que d’une dérisoire poignée d’armes, de grenades et de cocktails Molotov, mais ces individus désespérés, estimant qu’ils n’avaient plus rien à perdre, ont réussi à tenir tête aux nazis pendant près d’un mois.

“Antek” Zuckerman était le second de Mordechai Anielewicz, le chef du principal groupe de résistance juive. Il était alors basé du côté “aryen” de Varsovie, où il aidait à procurer des armes à ses camarades de l’Organisation juive de combat (Żydowska  Organizacja  Bojowa) derrière les murs du ghetto. Lubetkin, sa compagne de l’époque, était la seule femme à faire partie du haut commandement de l’organisation de gauche ZOB.

Des balayeurs nettoient le piédestal du monument aux héros du ghetto, qui commémore le soulèvement du ghetto de Varsovie d’avril 1943, dans la capitale polonaise au début du mois. Photo : WOJTEK RADWANSKI - AFP

 Yael a la particularité d’être le premier enfant né au kibboutz Lohamei Hageta’ot (le kibboutz des combattants du ghetto), fondé en 1949 par un groupe de 180 survivants de l’Holocauste. Nombre d’entre eux, comme ses parents, avaient été actifs dans la résistance juive aux nazis.

 

Les manifestations de masse en Israël en sont à leur quatrième mois, les manifestations hebdomadaires du samedi soir attirant des centaines de milliers de personnes dans tout le pays. Un chant que l’on entend régulièrement lors de ces rassemblements prend la forme d’un ultimatum adressé au gouvernement : « Démocratie ou soulèvement ! »

 

Pour Yael Zuckerman et d’autres membres de la deuxième et de la troisième génération de ce kibboutz, ce cri de guerre a une résonance très personnelle.

 

Mme Zuckerman, qui vit toujours au kibboutz (tout comme son frère aîné Shimon), affirme qu’elle ne manque aucune manifestation.

 

« J’ai manifesté à Haïfa, à Jérusalem, à Tel-Aviv - partout où j’ai pu », a-t-elle déclaré lors d’une récente interview dans sa maison remplie de plantes et entourée d’un jardin luxuriant. « Je le fais par peur. Je n’ai jamais ressenti auparavant l’effroi que je ressens aujourd’hui. C’est quelque chose de tangible et de terrifiant. Contrairement à mes parents, je n’ai pas été dotée de compétences en matière de leadership ou d’un charisme particulier, et je ne suis donc pas le genre de personne capable de rallier les masses. Mais je fais ce que je peux, et cela signifie souvent se tenir dans la rue en brandisant un drapeau ».

 

Cette femme à la voix douce considère qu’il est présomptueux de parler au nom de ses parents décédés. Cependant, si ces derniers étaient encore en vie aujourd’hui, elle pense qu’ils seraient « en train de résister de toutes leurs forces, et probablement, les connaissant, en train de jouer un rôle dirigeant dans ce combat ».

 

Obligation morale

Situé entre les villes côtières d’Acre et de Nahariya, Lohamei Hageta’ot compte quelque 800 habitants. Il abrite également la Maison des combattants du ghetto, créée en 1949 et premier musée de l’Holocauste au monde.

 

Début février, près de 200 de ses habitants ont signé une déclaration publique contre le coup d’État judiciaire - une annonce d’une demi-page, l’une des premières du genre, publiée dans le journal à grand tirage Yedioth Ahronoth. Comme de nombreux Israéliens, ils étaient convaincus que ce coup d’État pourrait sonner le glas de la démocratie dans leur pays.

 

Citant leur héritage unique, les kibboutzniks ont clairement indiqué dans leur déclaration que l’esprit combatif de leurs parents et grands-parents coulait encore fortement dans leurs veines.

 

« Nous sommes engagés dans la ‘rébellion’ contre toute forme de mal, d’injustice sociale et d’oppression d’autres peuples », ont-ils averti. « Nous résisterons à toute tentative de porter atteinte à notre système juridique et aux valeurs d’égalité, d’État de droit et d’indépendance du pouvoir judiciair »e.

 

Parmi les signataires figure Yehonatan Stein, un professeur d’histoire dont la grand-mère, Dorka Sternberg, faisait partie des membres fondateurs de Lohamei Hageta’ot. « En tant que descendants, j’estime que nous avons une obligation morale particulière de nous élever contre ce que fait ce gouvernement », déclare ce père de deux enfants, âgé de 42 ans.

 

« Après tout, nous savons mieux que quiconque que la démocratie ne se résume pas à la règle de la majorité, et nous savons mieux que quiconque ce qui peut arriver lorsqu’il n’y a pas de freins et de contrepoids et que trop de pouvoir est concentré entre les mains du régime ».

 

« L’Holocauste n’est d’ailleurs pas le seul exemple », ajoute-t-il.

Yehonatan Stein. « En tant que descendants, je pense que nous avons une obligation morale particulière de nous élever contre ce que fait ce gouvernement ». Photo : Rami Shllush

 Moshe (“Moishele”) Shner, professeur d’histoire et d’éducation à la retraite à l’Oranim Academic College, dont les parents faisaient partie des fondateurs de Lohamei Hageta’ot, a été l’une des forces motrices de la déclaration. Sa mère, Sarah Shner, était une combattante partisane en Biélorussie pendant la guerre et s’est ensuite employée à faire sortir clandestinement des Juifs de l’Union soviétique vers la Pologne et, de là, vers la Palestine mandataire. Éducatrice et auteure prolifique, elle a beaucoup écrit sur la résistance juive pendant l’Holocauste.

 

Le père de Moshe, Zvi Shner, a dirigé pendant de nombreuses années la Maison des combattants du ghetto et a édité de nombreux volumes de témoignages de survivants.

 

« Mes parents étaient les grands prêtres de la mémoire ici », déclare fièrement Shner, 68 ans, en prenant son petit-déjeuner dans sa maison du kibboutz. Il se souvient que sa mère avait été recrutée par Yitzhak Zuckerman après la guerre pour l’aider à localiser les archives secrètes du ghetto de Varsovie (connues sous le nom de projet “Oyneg Shabbes” ou “Oneg Shabbat”) enfouies sous les ruines.

 

En hommage aux fondateurs du kibboutz, M. Shner a récemment organisé, au cimetière de Lohamei Hageta’ot, une manifestation de “chaises vides” contre le gouvernement. Les chaises, explique-t-il, symbolisent les fondateurs décédés qui, après avoir émergé de la période la plus sombre de l’histoire juive, étaient déterminés à construire un lieu où les valeurs de démocratie, de liberté, d’égalitarisme et de libéralisme pourraient s’épanouir.

 

« Ils auraient été très désespérés s’ils étaient encore en vie aujourd’hui, en voyant ce qui se passe dans ce pays », déclare M. Shner. « Mais ce qu’ils nous ont appris, c’est qu’il faut s’élever contre l’injustice partout où elle existe et se battre pour nos valeurs. Pour nous, rejoindre le mouvement de protestation est un impératif moral ».

 

Peu de temps après le début des premières manifestations à Tel Aviv en janvier dernier, M. Shner s’est rendu sur la route à l’extérieur de son kibboutz, un drapeau israélien à la main. Il était le seul manifestant dans la rue ce soir-là. Depuis lors, les manifestations devant Lohamei Hageta’ot se sont multipliées chaque semaine, attirant à la fois les habitants du kibboutz et ceux des villes et communautés voisines. Au dernier décompte, dit Shner, plusieurs centaines de manifestants étaient présents.

 

Sa nature rebelle, dit Shner en souriant, a été héritée de sa mère décédée. « Elle a été partisane toute sa vie, même après avoir quitté les forêts », explique-t-il. « Elle ne recevait d’ordre de personne et faisait ce qu’il fallait faire, pas nécessairement ce qui était autorisé. Elle m’a toujours appris à ne pas baisser les yeux devant l’autorité et à agir de manière à ce que je sois fier de me regarder dans la glace chaque matin. C’est peut-être ce qui explique pourquoi je me suis tellement impliqué dans ces manifestations ».

 

Moshe Shner. « Ce que nous avons appris des fondateurs des kibboutz, c’est qu’il faut s’élever contre l’injustice partout où elle existe et se battre pour nos valeurs ». Photo : Rami Shllush

Cette fois, c’est différent

 

Le sentiment de désespoir de Yael Zuckerman face à la direction prise par Israël n’est pas nouveau. Il a commencé bien avant que le dernier gouvernement - le plus religieux et le plus à droite de l’histoire du pays - ne prenne le pouvoir à la fin de l’année dernière.

 

« ça fait des années que mon estomac se retourne face à ce que je vois autour de moi : l’occupation, la discrimination à l’encontre de la minorité arabe et le discours haineux à l’encontre de personnes comme moi, qualifiées de “traîtres gauchistes” », explique-t-elle. « Mais jusqu’à présent, je n’ai jamais ressenti le besoin de me révolter. J’acceptais ce que faisait le gouvernement, même des choses que je trouvais horribles, parce que c’était le gouvernement qui avait été élu par le peuple. Mais cette fois, c’est différent.

 

Ces derniers temps, Mme Zuckerman a beaucoup pensé à ses parents et à leur style de leadership, si différent, note-t-elle, de celui des dirigeants actuels du pays.

Le père de Yael Zuckerman, Yitzhak, s’adressant à la première assemblée du kibboutz Lohamei Hageta’ot en 1949. Photo : Rudolf Younes/Archives de la Maison des combattants du ghetto

 « Mes parents étaient des personnes qui assumaient la responsabilité de leurs actes, qui ne pensaient jamais à leurs intérêts personnels et qui se sont sentis coupables jusqu’à la fin de leur vie de ne pas avoir pu sauver plus de Juifs », dit-elle. « Le soulèvement du ghetto de Varsovie a été le premier acte de ce type contre les nazis dans toute l’Europe, mais ils se sont souvent torturés à l’idée que s’ils avaient agi plus tôt, davantage de vies auraient peut-être pu être sauvées ».

 

Son père, raconte-t-elle, s’est vu un jour demander quelles leçons militaires pouvaient être tirées du soulèvement d’avril 1943. Sa réponse célèbre a été que ce n’était pas un sujet pour les écoles militaires, mais plutôt pour les écoles qui étudient l’esprit humain.

 

Il y a quelques années, raconte Mme Zuckerman, elle a demandé et obtenu un passeport polonais. « Je n’entrerai pas dans les détails, mais je plaisantais souvent en me disant que si Israël devenait une dictature sous la direction de Netanyahou, j’aurais un endroit où aller », explique-t-elle.

 

« Et maintenant, nous nous retrouvons dans une situation où une dictature est suspendue au-dessus de nos têtes comme une épée. Je sais que mes parents, s’ils étaient encore en vie aujourd’hui, n’auraient jamais abandonné et ne seraient jamais partis. Et vous savez quoi ? Les manifestations m’ont fait comprendre qu’il n’était pas question pour moi de quitter cet endroit non plus. Les gens qui manifestent aujourd’hui dans les rues - leur esprit humain me donne de l’espoir ». [Puisse leur esprit humain s’étendre un jour à TOUS les humains peuplant ce territoire,NdT]

 

Des visiteurs regardent une exposition au musée de la Maison des combattants du ghetto au kibboutz Lohamei Hageta’ot. Photo de la maison des combattants du Ghetto : Rami Shllush

 

Lire aussi  Marek Edelman, le Dernier des Mohicans – La preuve qu’on peut être ‘juif polonais’ sans être sioniste

 

17/04/2023

Charleville-Mézières, Ardennes, Douce France en Macronie : Madame la procureure ouvre une enquête pour outrage au Roi
On se croirait en 1788...

L'info


Réforme des retraites : après l’incendie de la marionnette à l’effigie d’un roi à Charleville-Mézières, la procureure ouvre une enquête

Ce jeudi, près de 200 manifestants avaient quitté le cortège pour rallier la place Ducale où une marionnette avait été brûlée.

Jeudi soir, Magali Josse, la procureure de la République de Charleville-Mézières annonçait l’ouverture d’une enquête : « À l’occasion des manifestations de ce jour, un mannequin à l’effigie d’un Roi de France représentant symboliquement le président de la République a été incendié. Une enquête judiciaire est ouverte du chef d’outrages à personne dépositaire de l’autorité publique. » La magistrate a rappelé les peines encourues : un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

La réponse 

Tout allait si bien !
Communiqué au sujet d’un pantin brûlé

Tout allait si bien, et c’est avec effroi que nous avons appris les tragiques événements qui ont eu lieu ce jeudi 6 avril 2023 en notre belle et sainte ville de Charleville-Mézières. Par voie de presse, nous avons pu lire que lors de la manifestation contre la Réforme des retraites, des individus (cents, deux cents ?) avaient eu l’incroyable toupet de quitter le parcours décidé par les directions syndicales et validé par Monseigneur le Préfet. Un si beau parcours, répété pour la troisième fois, qui avait permis jusqu’ici aux manifestant·es de se promener gaiement au milieu des champs et sur l’autoroute : là où personne ne les entend ni ne les voit protester. La fin du parcours était rêvée : nos valeureuses forces de l’ordre les accueillaient comme on attend des sangliers d’élevage lors d’une battue de chasse. La police pouvait ainsi gazer indistinctement jeunes et enfants, vieux et vieilles, chiens et chats ; et arrêter arbitrairement qui bon lui semblait. Soit-elle bénie, et rebénie.

À ce jour, en France, 76% des arrestations liées au mouvement social contre la Réforme des retraites ont été classées sans suite. L’Immaculée République peut enfin se passer de justifier trois-quarts des privations de liberté qu’elle décerne. À titre d’exemple : ce jeudi 6 avril, à Charleville-Mézières, 3 des 4 personnes arrêtées seront même jugées pour « attroupement » en septembre ! Rendez-vous compte ! Qui sont ces barbares qui osent s’attrouper lors d’une manifestation ? On vous le demande !!! Mais rassurons-nous, ce jour-là, la police a également réussi à estropier quelques manifestant·es, qui ont donné en offrande leur corps vulnérable à la force virile de nos agents de la paix. Des éclats de grenades désencerclantes ont joué leur rôle dissuasif en venant se loger dans la chair de personnes qui n’avaient rien fait de mal. Une victoire !

Nous répétons donc la question : qui sont ces individus qui ont osé quitter le parcours syndical au lieu d’aller rencontrer amoureusement nos illustres CRS ? Nous louons l’intelligence tactique de la procureure, qui a eu la sagesse d’ouvrir une enquête pour « Outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ». Car non contents de s’égayer dans ce qu’ils appellent une « manifestation spontanée », ces voyous de la pire espèce ont eu l’affront de mettre le feu à un pantin, coiffé d’une couronne de galette des rois. En outre, une fanfare les accompagnait, et on a même pu entendre des chants comme « La Semaine sanglante », écrite par un certain « Jean-Baptiste Clément » (qui renvoie, on le sait, à un nom de rue de notre belle et sainte ville, et non à un personnage central de la Commune de Paris).

D’après le Sacro-Ministère Public, le personnage de papier mis au bûcher était censé représenter « symboliquement » Monsieur le Président de la République (nous insistons sur la gravité de ce point : « symboliquement »). L’acte infâme a été réalisé devant la mairie de la grande et grandiose Place Ducale, avec une banderole qui titrait « La violence, c’est eux ». Qui est ce « eux » ? La Police ? L’État ? La Justice ? Nous n’osons y croire, mais l’enquête le dira. De surcroît, cette action a été menée en pleine période de carnaval, une fête traditionnelle et sacrée qui, rappelons-le, consiste à défiler avec des masques de Mickey Mouse en mangeant de la barbe à papa. Brûler symboliquement un dépositaire, jamais de mémoire d’humain une telle mascarade n’avait été observée, un tel renversement des valeurs ! Charleville-Mézières, fief des arts de la marionnettes au rayonnement international ne peut tolérer de tels agissements. Les marionnettes, on le sait, c’est pour rapporter de l’argent à nos commerçant·es, pas pour faire de la politique !

Le pouvoir en place ne tient que par sa brutalité, et on s’en félicite ! Nous espérons que la justice achèvera son éternelle mission en jugeant sévèrement toutes celles et ceux qui s’attroupent ou se moquent de notre Bon Président, jusqu’ici si bienveillant, et défendant si férocement les besoins du peuple. On peut en juger par le ruissellement des richesses qu’il a permis dans nos chères Ardennes, où tout le monde met la clim’ en plus du chauffage tellement l’argent coule à flots. Nous renouvelons notre fidélité à son mandat : d’un côté, moins de profs, moins de soignant·es, moins de services publics, et de l’autre côté plus de police, plus de police, et plus de police.
Si on ne peut plus manifester sans se faire mutiler ou asphyxier, si on ne peut plus déambuler pacifiquement en cramant des pantins de papier, si on ne peut plus bloquer son lieu de travail ou d’études, nous savons, chères autorités, que vous gardez sauve notre liberté fondamentale de nous exprimer, de manifester notre désaccord et de nous opposer à la tyrannie. Pour la suite du mouvement, nous vous demandons donc, s’il vous plaît, la distribution gratuite d’un violon par foyer, pour que nous puissions pisser rageusement dedans en pensant tendrement à votre infinie bonté. Peut-être jugerez-vous que cela offensera les luthier·es et leurs familles. Nous vous serions alors gré de nous communiquer les modalités par lesquelles les opposant·es au gouvernement peuvent exprimer leurs colères, dans le respect de l’ordre républicain, de nos gentils patrons et de la divine Droite – et donc sans gêner personne.

 AD/HOK– Collectif Interluttes des Ardennes

فهرست ۶۷۶ تن جانباختگان – اعتراضات به کشته شدن مهسا امینی در بازداشت گشت ارشاد

  فهرست 676 تن جانباختگان 5 آوریل 2023.



AMEER MAKHOUL
Comment l’Aïd et Noël m’ont aidé à survivre à une décennie de prison israélienne

Ameer Makhoul, Middle East Eye, 16/4/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Ameer Makhoul (1958) est un écrivain et militant palestinien de Haïfa, qui a été directeur général de l’Union des associations arabes (Ittijah) et président du Comité populaire de défense des libertés - Haut Comité de suivi des Palestiniens de 1948. Il a purgé une peine de prison de 9 ans de de 2010 à 2019, après avoir plaidé coupable d’espionnage au profit du Hezbollah (s’il avait plaidé non coupable, il aurait écopé d’une peine de prison à perpétuité). FB

À l’occasion de la Journée des prisonniers palestiniens, un militant palestinien et ancien prisonnier politique raconte son séjour dans une prison israélienne, où il a formé une communauté avec ses codétenus.

Comme des milliers de Palestiniens victimes d’arrestations et

de détentions arbitraires par les forces d’occupation, j’ai été incarcéré dans une prison israélienne pendant près de dix ans. Alors que les Palestiniens célèbrent la Journée des prisonniers palestiniens le 17 avril, je me remémore mon calvaire qui a commencé le 6 mai 2010.

J’ai été arrêté lors d’un raid effectué avant l’aube par des policiers armés qui ont pris d’assaut ma maison après avoir sauté par-dessus ma clôture et pratiquement défoncé la porte d’entrée. Dès qu’ils sont entrés, ils m’ont séparé de ma femme et de mes deux filles. J’ai été entouré par plusieurs agents de sécurité, dont certains ont dévoilé leur visage tandis que d’autres se sont cachés derrière des masques. À ce moment-là, je suis devenu prisonnier dans ma propre maison.

Un agent du Shin Bet (service de sécurité israélien) de Haïfa, Barak (surnommé “Birko”), m’a adressé un sourire menaçant et m’a dit : « Je t’ai dit, il y a des mois, lorsque je t’ai convoqué pour un interrogatoire, que je viendrais bientôt t’arracher à ton lit et t’enfermer en prison pour longtemps. Et que je le ferais en souriant ».

Et c’est ce qui s’est passé. Les trois juges du tribunal de district de Haïfa ont tenu la promesse qu’ils avaient faite au Shin Bet. Et lorsque l’un des juges a été promu à la Cour suprême, les médias israéliens ont souligné ses “réalisations” - dont mon affaire, que le juge en chef a présidée et pour laquelle il m’a infligé une peine de neuf ans.

Torture physique et mentale

Je dirais que les trois premières semaines de ma détention ont été les plus difficiles. 

Les tortures que j’ai subies dans les salles d’interrogatoire du quartier général du Shin Bet ne m’ont pas seulement marqué physiquement, elles étaient aussi destinées à briser mon esprit.

Le Shin Bet appelle cette étape des interrogatoires “le vide”, une technique de torture qui vise à aspirer l’âme des prisonniers en les soumettant à une douleur physique si insupportable qu’elle les détruit psychologiquement.

Les conditions d’enfermement sont également considérées comme de la torture par le droit international. Les cellules du Shin Bet étaient trop exiguës et trop étroites pour ma taille et les murs étaient rugueux, avec des saillies pointues, ce qui rendait impossible de les toucher et encore moins de s’y appuyer. Les murs nus, le faible éclairage et l’odeur fétide ont contribué à la torture mentale.

Le matelas était aussi putride que la cellule - mince et posé à plat sur le sol froid - avec une couverture mais pas d’oreiller, ce qui m’obligeait à reposer ma tête sur l’une de mes chaussures, qui au moins avait une odeur familière.

Le climatiseur était constamment réglé sur des températures très basses, de sorte que les moments où l’on me transportait vers les salles d’interrogatoire - les yeux bandés, les mains et les pieds entravés en montant un long escalier - étaient les seuls moments où mon corps ne frissonnait pas à cause du froid intense.

Pendant ce temps, dans la salle d’interrogatoire, ils utilisaient contre moi le “Shabeh”, une méthode de torture connue en Occident sous le nom de "chaise palestinienne" après que les forces d’occupation usaméricaines l’eurent utilisée de manière tristement notoire sur des détenus irakiens à la prison d’Abou Ghraib. J’ai été contraint de m’asseoir sur une petite chaise d’ enfant, fixée au sol de la pièce - face à l’interrogateur -, les mains et les pieds liés, incapable du moindre mouvement.

Les agents m’ont retiré la veste en cuir que je portais au moment de mon arrestation, en me disant que je n’avais pas le droit de m’habiller mieux qu’eux. Ils utilisaient l’air glacial pour me torturer, en faisant tourner le climatiseur au-dessus de ma tête et de mon dos, jusqu’à ce que j’aie l’impression de disparaître ou de m’engourdir. À ce moment-là, mon corps et mon esprit se désagrègeaient ensemble, me laissant avec une douleur atroce.

Dans les cellules d’interrogatoire, le temps n’a pas de sens. Il n’y a ni soleil, ni obscurité, ni fenêtre, ni clé pour la lourde porte métallique, de sorte que le prisonnier vole un minuscule rayon de lumière dans la fente de la serrure. Le jour et la nuit n’ont pas de sens sous terre. La lumière est constamment tamisée, à dessein.

Pas de “clients” chrétiens

Un jour, j’ai demandé au gardien de prison un livre à lire. Après avoir interrogé les enquêteurs, il m’a répondu qu’aucun livre n’était autorisé, à l’exception des livres sacrés. C’est donc ce que j’ai demandé. Après avoir consulté à nouveau les enquêteurs, il m’a dit qu’il n’y avait que le Coran. Je l’ai immédiatement demandé. Il est reparti pour demander la permission avant de revenir et de dire : « Tu n’es pas musulman, donc tu n’as pas le droit d’avoir le Coran ». J’ai donc demandé la Bible. Le garde a fait son chemin habituel vers les enquêteurs, revenant peut-être une demi-heure plus tard (car j’avais perdu toute notion du temps). Il m’a dit : « Il n’y a pas d’exemplaires de la Bible : Nous n’avons pas de clients chrétiens ».

Vingt-deux jours plus tard, j’ai été transféré à la prison israélienne de Gilboa, une prison de haute sécurité située à Bisan, une ville située dans le nord-est de la Palestine occupée.

Les procédures pénitentiaires habituelles prévoyaient un interrogatoire immédiat et forcé avec l’officier de renseignement dès mon arrivée. On m’a ensuite donné une combinaison de prison, qui n’était même pas à ma taille.

J’ai été placé dans la première section de la prison, qui était à l’époque réservée aux prisonniers de Jérusalem et d’autres régions de la Palestine de 1948. Une fois que je suis entré dans l’unité et que la porte s’est refermée derrière moi, tous les prisonniers se sont précipités pour me saluer, m’embrassant l’un après l’autre - une tradition parmi les prisonniers.

Passer des cellules d’isolement du Shin Bet à la prison générale, c’était comme revenir à la maison, même si ce n’était pas la maison familiale. Avec mes codétenus, j’ai commencé à ressentir le besoin de donner un sens à ma vie individuelle et collective en détention.

Une fois, dans la cellule numéro 9, section 1 de la prison de Gilboa, supervisée par le prisonnier Maher Younis - qui a été libéré en janvier de cette année après 40 ans d’emprisonnement - je me suis porté volontaire pour préparer le déjeuner ou le dîner. Tout en préparant la mujadara, un plat de lentilles et de riz que je maîtrise bien, j’ai haché et fait frire les quatre oignons que j’ai trouvés dans la cellule. Lorsque j’ai eu fini de cuisiner, j’étais fier de moi et de mon repas, mais j’ai réalisé quelques minutes plus tard, à ma grande horreur, que j’avais provoqué une crise alimentaire en utilisant tous les oignons d’un coup, alors qu’ils étaient censés durer encore une demi-semaine pour les huit prisonniers du bloc.

Au fil des jours, les paroles du garde du Shin Bet ont continué à me hanter. Que voulait-il dire par « nous n’avons pas de clients chrétiens » ? Pourquoi ne s’est-il pas contenté de dire qu’il n’y a pas de Bible, plutôt que de mentionner l’absence de chrétiens ? Rien n’arrive par hasard avec le Shin Bet.

Les interrogateurs sont formés pour affaiblir le “client”, selon leurs propres termes, en soulignant que vous êtes seul, qu’il n’y a personne avec vous, qu’il n’y a personne comme vous, que vous êtes un étranger pour les prisonniers parce que vous êtes chrétien et que vous passerez donc votre peine de prison à l’écart des autres prisonniers.

Jours fériés en cage

On peut voir une scène étrange pendant les jours de fête en prison : des prisonniers se réjouissent dans la cour entourée de hauts murs, le drapeau israélien au centre, et un toit fait de grilles de fer qui découpent le ciel en petits carrés, comme s’il s’agissait des pièces d’un puzzle à assembler pour compléter la scène. En zoom arrière, les prisonniers célèbrent les fêtes dans une grande cage.

Les fêtes musulmanes de l’Aïd al-Fitr et de l’Aïd al-Adha sont célébrées collectivement, et les préparatifs commencent quelques jours avant la date, avec le talent de faire des gâteaux à partir de ce qui est disponible à l’économat - faisant preuve d’hospitalité envers les 120 prisonniers de l’unité - et de nettoyer la cour et les cellules avec de l’eau et du savon. La fête commençait à 6 heures du matin, mais à 7 heures, elle était déjà terminée. En tant qu’événement social, la fête commençait par une sortie des prisonniers dans la cour de la prison, où ils se serraient la main, s’embrassaient et formulaient des vœux de libération tels que « l’année prochaine à la maison », « l’Aïd prochain avec vos proches », et « la liberté est proche ».

Le barbier rase la tête de tous les prisonniers un jour ou deux avant la cérémonie, et chaque prisonnier porte sa plus belle tenue et toute eau de Cologne disponible ou passée en contrebande - à condition qu’elle soit de bonne qualité. Certains prisonniers âgés ont gardé des eaux de Cologne pendant plus de dix ans, lorsque leur famille pouvait encore les leur apporter.

Enfin, une fois que tous les prisonniers sont arrivés dans la cour, la prière et le prêche de l’Aïd commencent.

Pendant ce temps, les geôliers observent, enregistrent et s’assurent que le prêche ne s’écarte pas du texte que les prisonniers ont présenté à l’administration auparavant - sous le prétexte de prévenir l’incitation à la violence. Les prisonniers, cependant, ne prêtent aucune attention aux geôliers. Ensuite, ils se rassemblent en un grand cercle pour les salutations de l’Aïd - se serrer la main, s’embrasser et se féliciter mutuellement.

Ensuite, c’est l’heure des rafraîchissements préparés par les prisonniers ou achetés à la cantine, et c’est ainsi que les rituels prennent fin. Pendant ce temps, les prisonniers peuvent se rendre visite dans les cellules, et il est parfois possible d’organiser des visites entre les prisonniers des différentes unités si les geôliers le permettent. Les factions politiques organisent également des délégations de leurs membres pour échanger des visites et présenter des vœux officiels de fête.

Lorsque les visites sont terminées, les prisonniers retournent dans leurs cellules et la fête est finie.

Je participais à tout l’événement en allant dans la cour et en offrant mes salutations. Lorsque je passais devant le prisonnier Nader Sadaka, nous commencions à rire, car je suis un chrétien de Haïfa et Nader appartient à une secte samaritaine juive de Naplouse. Il purge une peine de prison à vie pour son rôle dans la seconde Intifada.

Lorsque tous les prisonniers se réunissent, la joie est au rendez-vous. Mais Noël, c’est différent - aucun autre prisonnier ne fête Noël à part moi. Un jour, j’ai écrit à ma famille : « Avant la prison, je souhaitais que les fêtes durent des jours, mais ici, je souhaite qu’elles passent aussi vite que la lumière ou qu’elles n’aient pas lieu du tout ». Les fêtes sont une période de bonheur, mais en prison, elles me remplissaient de tristesse.

J’étais le seul chrétien, même si parfois nous étions deux, et le cercle de Noël n’avait donc aucun sens. La veille de Noël, je ne pensais qu’à ma famille : ma femme, Janan, et mes deux filles, Hind et Huda.

Je me demandais ce que chacune pensait : le sentiment de solitude de ma femme, comment elles allaient passer les fêtes et comment je pouvais leur dire qu’elles étaient belles et bien habillées.

J’ai pensé au fait que je ne serais pas là pour préparer le dîner de Noël ou le petit-déjeuner du lendemain matin - des choses que je maîtrise et que j’aime faire. Mais surtout, comment serrer chacune d’elles dans mes bras ? Tout cela n’était possible que dans mon imagination. Néanmoins, je me souviendrais du message délibéré du garde du Shin Bet, qui m’avait dit ne pas avoir de “clients” chrétiens, et j’ai donc décidé de fêter Noël.

Je suis originaire du village d’Al-Boqai’a en Galilée occidentale, un vieux village datant de quelques milliers d’années. Ses habitants étaient pour la plupart des Druzes, ainsi que des chrétiens, des musulmans et des juifs (juifs arabes) qui se considéraient comme des Palestiniens.

Les habitants du village avaient l’habitude de célébrer toutes les fêtes et de se rendre visite à chaque fois. Cette familiarité et cette solidarité entre les gens sont profondément enracinées dans la Palestine et la culture de son peuple.

Pour moi, la tradition de Noël signifiait s’abstenir de sortir faire de l’exercice tôt le matin, ce que j’ai fait tout au long de ma détention, et porter les vêtements les plus élégants - relativement parlant, car la prison interdit les chemises, les ceintures, les vestes épaisses, les blouses avec des calottes et met son nez dans le choix des chaussures.

Contrairement aux fêtes musulmanes qui ont lieu collectivement le matin, le jour de Noël, à midi et sans notification préalable, des dizaines de codétenus de toutes les factions politiques palestiniennes venaient dans ma cellule (qui peut accueillir environ huit personnes), pour transmettre leurs vœux avec des cadeaux qu’ils achetaient à la cantine et des cartes postales avec des vœux, conçues par le l’artiste créatif détenu Samer Miteb, de Jérusalem, qui avait été condamné à 24 ans de prison.

Puis, au milieu de la foule, de jeunes hommes commençaient à faire monter le son des chansons arabes d’un vieux magnétophone avec des écouteurs bricolés par les prisonniers, pour faire de la place à la piste de chant et de danse, célébrant Noël et me célébrant, élevant l’esprit et apportant de la joie à la population.

Un prisonnier possédait deux bougies de contrebande qu’il gardait depuis 12 ans. Mon ami Bashar Khateb a allumé les bougies de 12 ans pendant une minute, puis les a soufflées, les gardant pour une autre occasion joyeuse.

Nous sommes tous des Palestiniens

En 2017, l’administration pénitentiaire israélienne a démantelé ce qu’elle appelait la section des Arabes de Jérusalem et des Palestiniens de 1948, et j’ai été transféré dans la section de Naplouse. Il y a une histoire derrière le nom des sections et la répartition des prisonniers.

Pendant cinq décennies, les prisonniers ont été détenus dans des prisons sans appartenance géographique. À la suite des accords d’Oslo de 1993, les prisonniers de Jérusalem et de la Palestine de 1948 ont été séparés dans une section qui leur est propre.

J’ai dit à un codétenu que nous étions issus du même peuple, de la même culture, des mêmes affiliations et de la même civilisation arabe imbriquée dans la civilisation islamique, et qu’il n’y avait donc pas de différences entre nous

Plus tard, après avoir construit le mur de séparation en Cisjordanie et entouré les villes de postes de contrôle, de colonies et de bases militaires, l’occupation a cherché à créer des identités palestiniennes locales et régionales au détriment d’une identité palestinienne unificatrice.

La Cisjordanie a constitué une continuité spatiale et géographique pour les Palestiniens, tout au long de la première et de la deuxième Intifada, et les frontières étaient relativement ouvertes pour les Palestiniens de 1948. Avec la construction du mur, les Palestiniens se sont retrouvés isolés les uns des autres.

Toute une génération a grandi après le mur et tout ce qu’elle a vu devant elle, c’est le mur et son horizon étroit. Cherchant à graver le mur dans l’esprit des jeunes générations palestiniennes, l’occupant israélien a choisi de créer des identités locales contradictoires, au lieu d’une identité unique.

C’est le cas en Cisjordanie, à Gaza et dans la Palestine de 1948, et il en va de même dans les prisons. Au départ, l’administration pénitentiaire a séparé les prisonniers du Fatah et de l’OLP des prisonniers affiliés au Hamas.

Afin d’isoler davantage les Palestiniens incarcérés, l’administration pénitentiaire les a divisés par région : des unités distinctes pour les prisonniers de Naplouse, Jénine, Tulkarem, Bethléem, Hébron, etc. Cette division constitue un outil de contrôle et d’hégémonie de l’occupant.

Dans l’unité de Naplouse, mes pairs m’ont accueilli chaleureusement, et j’ai répondu e même. J’y ai maintenu mon programme quotidien d’exercices matinaux, de lecture et d’éducation universitaire pour les prisonniers acceptés dans un cours spécial dispensé par l’Université ouverte d’Al-Quds, et j’ai préparé un certain nombre d’entre eux aux examens de fin d’études approuvés par un comité académique de prisonniers.

De plus, grâce à ma connaissance de l’hébreu et du système procédural israélien, j’aidais les prisonniers à rédiger des lettres et des plaintes, et à contester leur cas et d’autres abus. Une table en plastique à l’extérieur est devenue mon “bureau” pour ces demandes.

Je n’ai jamais aimé que l’on fasse référence à mon identité confessionnelle ou religieuse - nous sommes tous des Palestiniens après tout. Pourtant, les prisonniers ont créé cette identité pour moi de manière positive, humaine et curieuse. Un jour, je me promenais avec un prisonnier de 42 ans qui avait passé 22 de ces années derrière les barreaux. Il m’a dit : « Sans vouloir t’offenser, je n’ai jamais parlé de ma vie à un chrétien. À Naplouse, ils sont devenus rares, et je vis dans un village à la périphérie de la ville. Alors, excuse ma question, mais est-ce que vos habitudes sont similaires aux nôtres en termes d’alimentation, de socialisation, de joie et de tristesse ? »

Honnêtement, j’ai apprécié la question en raison de la sincérité de son auteur. Je lui ai répondu que nous sommes issus du même peuple, de la même culture, des mêmes affiliations et de la même civilisation arabe imbriquée dans la civilisation islamique, et qu’il n’y a donc pas de différences entre nous. Il m’a remercié et a commencé à s’excuser, je l’ai arrêté et nous avons alors parlé de la façon dont l’occupation et le colonisateur veulent que nous ayons des identités opposées et non harmonieuses.

Les prisonniers avaient l’habitude de m’appeler al-Hajj Abu Hind, ou al-Hajj Ameer, ce qui est une tradition courante pour appeler les prisonniers âgés. Je suivais le rythme et répondais normalement, jusqu’à ce que le prisonnier Salah al-Bukhari, de Naplouse, s’en aperçoive et prévienne les prisonniers que je n’étais pas musulman. Il a commencé à m’appeler “Père”, par respect, comme le veut la tradition de l’église.

Lorsque je lui ai demandé de ne pas le répéter, il était trop tard. Le surnom s’était déjà répandu et je n’avais plus aucun contrôle dessus. Il en plaisante encore aujourd’hui à l’intérieur de la prison, lorsqu’il m’appelle depuis des téléphones de contrebande - un rappel de la réalité de la vie dans une prison israélienne.