07/09/2024

YOSSI VERTER
Le harcèlement organisé ne dissuadera pas le seul ministre israélien qui se préoccupe des otages, Yoav Gallant

La campagne de harcèlement contre le ministre de la Défense Yoav Gallant s’est intensifiée cette semaine, mais il n’a pas l’intention de démissionner Cette semaine pourrait bien rester dans les mémoires comme celle où Netanyahou a renoncé à la récupération des otages Ben-Gvir et Smotrich ne se laissent pas intimider par la menace d’une guerre régionale qui engloberait la Cisjordanie ; au contraire, ils aspirent à l’Armageddon

Yossi Verter, Haaretz, 6/9/2024
Traduit par  Fausto GiudiceTlaxcala

 

Illustration : Amos Biderman

Ce samedi, Yoav Gallant fête son onzième mois en tant que ministre de la défense au cours d’une guerre effroyable comme Israël n’en a jamais connue. Ce n’est pas le seul événement auquel son nom sera associé dans les années et les décennies à venir, lorsque les élèves apprendront le massacre du 7 octobre, les échecs qui l’ont précédé et la guerre qui s’en est suivie.

Les élèves apprendront que le ministre de la défense - un illustre ancien général - a été le seul ministre d’un gouvernement d’échec à se préoccuper du sort des otages retenus à Gaza. Ils apprendront qu’il a été le seul à se battre pour leur retour face à un Premier ministre cynique et indifférent et à ses collègues apeurés, pour lesquels le terme de lemming est trop gentil.

Ils apprendront que, malgré son rôle dans les échecs précédents, le public lui faisait grandement confiance et qu’il était en conflit permanent avec le premier ministre (comme tous les autres ministres de la défense qui ont servi sous Netanyahou). Dans les livres, ils liront qu’à certains moments, il semblait que se débarrasser du ministre de la défense était l’un des objectifs de Netanyahou pour la guerre. Cela aurait-il pu être le cas ? Ils se poseront la question avec incrédulité.


Les membres de la coalition Shalom Danino, à gauche, David Amsalem, David Biton et Simcha Rothman à la Knesset le mois dernier. Photo Olivier Fitoussi

La semaine dernière, la campagne de harcèlement organisée contre Gallant s’est intensifiée. Lors d’une conférence de presse, Netanyahou a présenté une note écrite en arabe qui avait été trouvée à Gaza par des troupes en janvier et qui avait été rapportée par Channel 12 News : elle contenait des directives pour mener une guerre psychologique contre Israël. L’une des sections stipulait qu’il fallait augmenter la « pression psychologique sur Gallant ».

Au même moment - et ce n’est pas une coïncidence - quatre députés du Likoud à la Knesset ont envoyé une lettre au premier ministre pour lui demander de renvoyer l’ensemble de la direction des Forces de défense israéliennes et le ministre de la défense avec elle « avant d’entamer la guerre au Liban ». D’autres députés marginaux comme Moshe Saada et Nissim Vaturi ainsi que le ministre du Venin [des Communications, NdT]  Shlomo Karhi se sont joints à eux. Ils ont affirmé que Gallant est faible, qu’il représente l’opposition et qu’il doit partir.

Personne au sein du parti ou du cabinet n’a pris la défense de Gallant. Même les collaborateurs du ministre admettent que la situation n’est pas bonne. Le discours sur sa faiblesse risque de s’amplifier. Entre-temps, il continue de jouir de la confiance de la population [israélienne juive, NdT] qui, dans sa grande majorité, refuse d’avaler les pilules empoisonnées. Grâce à l’opinion publique, Gallant n’a pas été poussé vers la sortie, même s’il a « adopté le récit du Hamas », pour citer Netanyahou.


Le ministre de la Justice Yariv Levin, le ministre de la Défense Yoav Gallant et Benjamin Netanyahou à la Knesset en février. Photo Olivier Fitoussi

Il a été demandé à Gallant de convoquer une conférence de presse et de présenter son cas, mais ce serait peut-être aller trop loin. Cela reviendrait à provoquer directement Netanyahou et, contrairement à ce que l’on pense, Gallant ne « veut pas être viré ». Il est convaincu que sans lui, un larbin de Netanyahou sera installé dans le bureau du ministre de la défense au 14ème étage du quartier général de la défense à Tel Aviv. Cela pourrait profiter à Netanyahou personnellement, mais ne permettrait pas d’atteindre les objectifs de la guerre, et certainement pas l’objectif que Gallant considère comme le plus important : sauver la vie des otages.

« Tout ce qui a été réalisé à Gaza peut être revendiqué, à l’exception de la vie des otages », dit Gallant aux personnes qu’il rencontre en privé et au cabinet. « Si nous ne concluons pas un accord maintenant, non seulement nous les perdrons, car ils mourront s’ils restent là-bas, mais nous continuerons à nous battre à Gaza et nous ne serons pas en mesure de traiter avec le Liban, que ce soit par le biais d’un accord ou d’une opération militaire ».

C’est pourquoi il a demandé à Netanyahou de réunir le cabinet il y a une semaine, au cours de laquelle Gallant a présenté son « carrefour stratégique »: l’escalade ou l’accord. « Comprenez ce sur quoi vous votez », a dit Gallant aux ministres. « Si vous choisissez l’escalade, nous risquons de nous retrouver dans une guerre régionale ».

Le reste appartient à l’histoire. Après de longues heures de discussions que plusieurs participants ont qualifiées de sérieuses et approfondies, le premier ministre a demandé un vote sur le maintien de Tsahal dans le corridor de Philadelphie (son « Masada », selon les associés de Gallant). L’objectif, selon l’entourage du ministre de la défense, était de détourner l’attention du carrefour stratégique, moins confortable pour Netanyahou, et de l’orienter vers le corridor. C’est le roc de notre existence, ai-je écrit dimanche avec sarcasme. Mais soyons clairs : c’est le roc de l’existence (politique) de Netanyahou.


Netanyahou en conférence de presse, mercredi. Photo Ohad Zwigenberg/AP

L’embuscade du cabinet a donné lieu à deux conférences de presse de Netanyahou, l’une en hébreu et l’autre en anglais, consacrées à l’importance de la route Philadelphie. Netanyahou est premier ministre depuis 2009. Il a présidé trois opérations militaires à Gaza, s’est catégoriquement opposé à la prise du corridor, n’a pas exigé que les FDI s’en emparent au début de l’opération terrestre actuelle et, pendant des années, a approuvé le transfert de milliards de shekels au Hamas dans le but de le renforcer. Il explique maintenant au monde entier, par le biais d’une multitude de présentations et de documents, pourquoi cette bande de sable garantit l’existence d’Israël et que, sans elle, le massacre du 7 octobre se reproduira encore et encore.

Si le sens de cette farce n’était pas si triste - les derniers espoirs d’une prise d’otages s’amenuisant - nous serions morts de rire.

Gallant connaît la vérité : Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich détiennent le droit de veto sur toute mesure considérée comme un retrait des FDI de la bande de Gaza. Ils ne peuvent pas non plus être effrayés par l’idée d’une guerre régionale impliquant la Cisjordanie. Au contraire, ils aspirent à l’apocalypse. C’est leur rêve. À une autre époque, avec d’autres partenaires et sans qu’un procès pour corruption ne plane sur lui, Netanyahou aurait agi différemment. Aujourd’hui, il est leur otage.

Sa captivité est volontaire ; d’autres otages n’ont jamais choisi leur sort.

La mentalité du troupeau

Les personnes qui ont rencontré Gallant cette semaine disent avoir vu un homme le cœur est honnêtement touché par le sort des otages. Disons-le franchement : jusqu’à ce que survienne cette tragédie nationale, nous n’aurions jamais soupçonné qu’il était capable d’une telle humanité et d’une telle compassion. Nous l’avons connu courageux le 25 mars 2023 lorsqu’au plus fort de la controverse sur la réforme du système judiciaire, il a mis en garde contre le danger clair et présent pour la sécurité nationale d’Israël (ce qui lui a valu d’être licencié puis réembauché). Au courage et à la responsabilité dont il a fait preuve s’ajoutent désormais l’humanité et les valeurs [sic].

Le problème est qu’il est seul et isolé. Il est l’un des 32 membres du groupe parlementaire du Likoud, l’un des 64 membres de la coalition. Lorsqu’on lui a demandé ce que c’était que d’être l’animal que le troupeau expulse, Gallant a répondu nonchalamment qu’il était plus rapide que le troupeau et que personne ne devrait douter de son endurance, car il a subi des épreuves plus difficiles dans sa vie, dans des endroits beaucoup plus rudes que la salle du cabinet.


Des manifestants à Tel-Aviv jeudi ; sur la pancarte : « Les otages avant tout ». Photo Itai Ron

Les insultes et les humiliations qu’il y subit le laissent indifférent. Il n’a pas appris grand-chose de Shimon Peres, mais il a adopté l’un de ses dictons : « C’est moi qui décide par qui je suis prêt à être offensé ».

Malgré les difficultés, il n’a pas l’intention de démissionner. Même si, à Dieu ne plaise, les négociations sur les otages échouent, si la proposition imminente des USAméricains ne se concrétise pas, si la situation va de mal en pis et si sa mise en garde contre une escalade en l’absence d’un accord se vérifie, il ne démissionnera pas pour autant. « C’est la chose la plus importante que j’ai faite ou que je ferai dans ma vie publique », avait-il coutume de dire. « Il y a des choses importantes - l’Iran, le Liban. J’ai une responsabilité unique. La trajectoire de ma vie m’a amené à ce point ».

Lors de cette fameuse réunion du cabinet, connue sous le nom de « séance de coups de gueule », alors qu’il tentait d’empêcher Netanyahou de soumettre la question de Philadelphie à un vote, Gallant a déclaré aux ministres : « Avec cette décision, vous poussez [Yahya] Sinwar, le chef du Hamas, à dire : “Si c’est le cas, il n’y a pas d’accord” ». Ils l’ont regardé d’un air absent. L’accord en question, qui pourrait démanteler le gouvernement, les renverrait à la maison.

D’ailleurs, cette question le concerne. Comme les autres, Gallant a également un intérêt personnel à la survie du gouvernement. Il considère son poste de ministre de la Défense comme le plus important de sa vie. Mais ce n’est pas la chose la plus importante pour lui. Un drôle d’oiseau. Un excentrique.

À ses yeux, toute cette agitation autour de la route Philadelphie, comme s’il s’agissait du Saint des Saints, est absurde. L’establishment de la défense qu’il dirige a des réponses à toutes les objections, certainement pour les 42 jours de la première étape de l’accord proposé qui devrait ramener plus de 20 personnes vivantes en Israël - des jeunes femmes, des personnes âgées, des malades et des blessés.


D’autres manifestants à Tel Aviv jeudi. Photo Hadas Parush

Le Washington Post a rapporté jeudi que le Hamas envisageait d’exécuter d’autres otages afin d’exacerber les divisions en Israël et de susciter davantage de protestations. Un responsable diplomatique affirme la même chose. Les vidéos publiées par le Hamas sur les six otages qui ont été exécutés par la suite sont choquantes. Les jeunes hommes et femmes sont maigres et pâles, faibles, les yeux enfoncés dans les orbites. Comment peut-on dire que le maintien d’une barrière terrestre est plus important que la libération immédiate des otages ?

Netanyahou, je suis désolé de le dire, a perdu sa dernière once d’humanité il y a quelque temps. Monstrueux, sans cœur, têtu, Netanyahou déteste autant Gallant car la comparaison est si peu flatteuse.

On se souviendra peut-être de cette semaine (et on l’oubliera peut-être) comme celle où le premier ministre israélien a déclaré au monde que l’objectif de la guerre, à savoir le retour des otages, était à ses yeux lettre morte.

Lors de sa rencontre avec le secrétaire d’État usaméricain Antony Blinken, il y a deux semaines, le ministre de la défense lui a demandé : « Vous voulez que nous mettions fin à la guerre, mais si, après 42 jours, nous sommes contraints de reprendre le combat et que le Conseil de sécurité des Nations unies vote contre nous, comment les USA voteront-ils ? » « Nous opposerons notre veto », a promis Blinken. Cela aurait dû apaiser les inquiétudes du premier ministre. Même si Ben-Gvir et/ou Smotrich quittent la coalition pendant l’accord, ils reviendront quand Israël reprendra la guerre.

Gallant ne comprend pas : si les USA sont de notre côté, comment pouvons-nous insister sur Philadelphie au prix de l’abandon des otages ? Comment pouvons-nous agir de la sorte sur le plan moral ? Qu’en est-il des valeurs de Tsahal ? De l’éthique israélienne ? Il sait exactement où elles se trouvent. Sur le tas de cendres de cette coalition du désastre.


Faux cercueils d’otages à Tel-Aviv, jeudi. Photo Itai Ron

Les erreurs de Bibi hier et aujourd’hui

D’accord, ce n’est plus drôle. Les erreurs de Netanyahou sur le jour où ont eu lieu les massacres à la frontière de Gaza peuvent être considérées comme un événement médical, psychologique ou cognitif. Appelez cela comme vous voulez, mais il n’est pas raisonnable qu’une personne, et certainement pas un Premier ministre, ne se souvienne pas de la pire date de l’histoire du pays.

Lors de la journée de commémoration de l’Holocauste, il a lu un discours et a dit « 7 novembre ». Cette semaine, lors de sa conférence de presse en hébreu, il a dit « 9 octobre ». Le lendemain, lors d’une interview accordée à Fox News, il a de nouveau dit « 7 novembre ».

Au moins, il n’est pas loin. En fait, il lui arrive quelque chose. Les gens qui passent du temps avec lui disent qu’il a mauvaise mine. À la télévision, caché sous des couches de maquillage, c’est moins visible. Ce qui est sûr, c’est que si Joe Biden se trompait aussi souvent sur Israël, il se ferait lyncher par les porte-parole de Bibi sur Canal 14.

Outre le nombre croissant d’erreurs, regarder les discours de Netanyahou est également devenu une sorte de jeu. On peut l’appeler « Le jeu du mensonge » ou « Twister », même s’il ne s’agit pas d’une façon particulièrement stimulante de tester ses capacités cérébrales.

Au contraire, il est devenu plus facile de détecter les tromperies de Netanyahou. Ses mensonges, manipulations et demi-vérités sont devenus superficiels et maladroits. Ils ne présentent pas de véritable défi intellectuel.

Prenons l’exemple du retrait de Gaza en 2005. Tous les consommateurs israéliens raisonnables d’informations peuvent réciter dans leur sommeil comment Netanyahou, ministre des finances à l’époque, a soutenu le plan d’Ariel Sharon d’évacuer les colonies de Gaza (et quatre autres dans le nord de la Cisjordanie). Ils se souviennent des remarques de Netanyahou à la Knesset, de son rôle dans la rédaction de la proposition au cabinet, puis de sa volte-face et de sa démission une semaine avant que la décision de la Knesset (pour laquelle il avait voté) n’entre en vigueur.


Manifestants devant la résidence du premier ministre à Jérusalem, lundi.  Photo Olivier Fitoussi

C’est simple. Mais un autre détail a été négligé, et c’est le plus important en ce qui concerne le rôle de Netanyahou dans la poursuite du désengagement.

En mai 2004, environ 15 mois avant le retrait des forces de défense israéliennes, le Likoud de Sharon a sondé les militants pour savoir s’ils soutenaient le plan. Netanyahou - et les médias s’en sont fait l’écho - a annoncé qu’il voterait en faveur du plan. L’hypothèse était qu’il s’agissait d’une affaire réglée et que la plupart des membres du parti voteraient en faveur du plan. Mais ce ne fut pas le cas : 60 % des députés se sont opposés au retrait. Sharon subit une défaite humiliante.

Sharon a promis qu’il respecterait le vote du parti, mais quelques heures après l’annonce des résultats, il a clairement fait savoir qu’il ne le ferait pas. Un démocrate ?

Le moment était venu pour Netanyahou de contrecarrer le retrait. Quoi de plus légitime que de dire : « Le parti a voté contre, nous représentons un mouvement et nous devons respecter sa décision. » Mais même là, alors qu’un cadeau tombait du ciel, Netanyahou n’a rien fait.

D’accord, ce n’est pas tout à fait exact. Netanyahou a fait quelques remarques indécises, et c’est ainsi qu’a commencé une farce qui a été appelée plus tard « l’affaire Livni ». La ministre du logement, Tzipi Livni, s’est interposée entre lui, Sharon et plusieurs ministres indécis, et a rédigé un document évoquant un retrait par « étapes », avec une évaluation de la situation à l’issue de chacune d’entre elles.

Au sein du cabinet, Netanyahou et ses amis ont voté en faveur de ce document. Plus tard, Sharon a rejeté le plan de Livni. Mais même à ce moment-là, Netanyahou est resté silencieux. Toutes les raisons qu’il a invoquées cette semaine pour démissionner du gouvernement Sharon existaient depuis de nombreux mois avant qu’il n’agisse, et chaque fois qu’il a soutenu un retrait.

Une semaine avant l’évacuation elle-même, un de ses proches conseillers m’a appelé le matin de la réunion du cabinet. « Bibi est en route pour la réunion avec sa démission plus tard », m’a-t-il chuchoté.

« Pourquoi ? » lui ai-je demandé.

« Il est paniqué. Les sondages montrent qu’Uzi Landau* le devance dans la course à la direction du Likoud. »

Non, ce ne sont pas les armes passées en contrebande sur la route Philadelphie qui l’ont fait changer d’avis. C’était juste un Uzi.

NdT

*Uzi Landau (81 ans) est un caméléon bien représentatif de la caste politico-militaire israélienne. Il a été député et ministre un nombre conséquent de fois, outre d’avoir présidé l’entreprise militaire Rafael. Il s’est promené au fil des années entre le Likoud et Yisrael Beiteinu (Avigdor Liberman), le parti « russe » disputant l’héritage révisionniste de Jabotinsky au Likoud.


 

06/09/2024

JEFFREY SACHS
Comment les néoconservateurs de Washington ont subverti la stabilisation financière de la Russie au début des années 1990
Aux premières loges de la guerre froide qui n’a jamais pris fin

Jeffrey Sachs, Dropsite News, 4/9/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

Partisan résolu – et quelque peu ingénu – d’un capitalisme à visage humain (= keynésien) et d’un « Plan Marshall » pour l’URSS en fin de vie, Jeffrey Sachs raconte ci-dessous son aventure entre Washington, Varsovie et Moscou au début des années 1990, où il eut affaire aux redoutables néocons aux dents longues et aux griffes acérées. Un pan mal connu de l’histoire de la fin du XXème Siècle, dont on vit et subit les conséquences aujourd’hui à l’échelle planétaire.-FG

À la fin des années 1980, le président Mikhaïl Gorbatchev a donné une chance à la paix mondiale en mettant unilatéralement fin à la guerre froide. J'ai été un participant et un témoin de haut niveau de ces événements, d'abord en 1989 en tant que conseiller principal en Pologne, puis à partir de 1990 en Union soviétique, en Russie, en Estonie, en Slovénie, en Ukraine et dans plusieurs autres pays. Si les USA et la Russie se livrent aujourd'hui à une guerre chaude en Ukraine, c'est en partie parce que les USA n'ont pas pu accepter un « oui » comme réponse au début des années 1990. La paix n'était pas suffisante pour les USA ; le gouvernement usaméricain a choisi d'affirmer également sa domination mondiale, ce qui nous amène aux terribles dangers d'aujourd'hui. L'incapacité des USA, et plus généralement de l'Occident, à aider l'Union soviétique puis la Russie sur le plan économique au début des années 1990 a marqué les premières étapes de la quête malavisée de domination des USA

Winston Churchill a écrit : « À la guerre, la résolution ; à la défaite, la défiance ; à la victoire, la magnanimité ; et à la paix, la bonne volonté ». Les USA n'ont fait preuve ni de magnanimité ni de bonne volonté dans les derniers jours de l'Union soviétique et de la guerre froide. Ils ont fait preuve d'insolence et de puissance, jusqu'à aujourd'hui. Dans le domaine économique, ils l'ont fait au début des années 1990 en négligeant la crise financière urgente et à court terme à laquelle étaient confrontées l'Union soviétique de Gorbatchev (jusqu'à sa disparition en décembre 1991) et la Russie d'Eltsine. Il en est résulté une instabilité et une corruption profondes en Russie au début des années 1990, qui ont engendré un profond ressentiment à l'égard de l'Occident. Cependant, même cette grave erreur de la politique occidentale n'a pas été déterminante dans le déclenchement de la guerre chaude actuelle. À partir du milieu des années 1990, les USA ont tenté sans relâche d'étendre leur domination militaire sur l'Eurasie, dans une série d'actions qui ont finalement conduit à l'explosion d'une guerre à grande échelle en Ukraine, ce qui a eu encore plus de conséquences.

Mon orientation en tant que conseiller économique

Lorsque je suis devenu conseiller économique de la Pologne, puis de la Russie, j'avais trois convictions fondamentales, fondées sur mes études et mon expérience en tant que conseiller économique.

Ma première conviction fondamentale s'appuyait sur les idées d'économie politique de John Maynard Keynes, le plus grand économiste politique du XXe Siècle. Au début des années 1980, j'ai lu son livre éblouissant Les conséquences économiques de la paix (1919), qui est la critique dévastatrice et prémonitoire de Keynes de la dure paix du traité de Versailles après la Première Guerre mondiale. Keynes s'est insurgé contre l'imposition de réparations à l'Allemagne, qu'il considèrait comme un affront à la justice économique, un fardeau pour les économies européennes et le germe d'un futur conflit en Europe. Keynes a écrit à propos du fardeau des réparations et de l'exécution des dettes de guerre :

« Si nous visons délibérément à l'appauvrissement de l'Europe centrale, la revanche, nous pouvons le prédire, ne se fera pas attendre. Rien alors ne pourra retarder, entre les forces de réaction et les convulsions désespérées de la Révolution, la lutte finale devant laquelle s'effaceront les horreurs de la dernière guerre et qui détruira , quel que soit le vainqueur, la civilisation ne devons-nous pas rechercher quelque chose de mieux, penser que la prospérité et le bonheur d'un État créent le bonheur et la prospérité des autres ,que la solidarité des hommes n'est pas une fiction et que les nations doivent toujours traiter les autres nations comme leurs semblables? »

Keynes a bien sûr eu raison. La paix carthaginoise imposée par le traité de Versailles est revenue hanter l'Europe et le monde une génération plus tard. La leçon que j'ai tirée des années 1980 était le dicton de Churchill sur la magnanimité et la bonne volonté, ou l'avertissement de Keynes de traiter les autres nations comme des « congénères ». À l'instar de Keynes, je pense que les pays riches, puissants et victorieux ont la sagesse et l'obligation d'aider les pays pauvres, faibles et vaincus. C'est la voie de la paix et de la prospérité mutuelle. C'est pourquoi j'ai longtemps défendu l'allègement de la dette des pays les plus pauvres et j'ai fait de l'annulation de la dette une caractéristique des politiques visant à mettre fin à l'hyperinflation en Bolivie au milieu des années 1980, à l'instabilité en Pologne à la fin des années 1980 et à la grave crise économique en Union soviétique et en Russie au début des années 1990.

Ma deuxième conviction fondamentale était celle d'un social-démocrate. Pendant longtemps, j'ai été qualifié à tort de néolibéral par les médias grand public paresseux et les experts non avertis en économie, parce que je croyais que la Pologne, la Russie et les autres pays postcommunistes de la région devaient permettre aux marchés de fonctionner, et qu'ils devaient le faire rapidement pour surmonter les marchés noirs face à l'effondrement de la planification centrale. Pourtant, dès le début, j'ai toujours cru en une économie mixte selon les principes sociaux-démocrates, et non en une économie de libre marché « néolibérale ». Dans une interview accordée au New Yorker en 1989, je m'exprimais ainsi :

« Je ne suis pas particulièrement fan de la version du libre marché de Milton Friedman, de Margaret Thatcher ou de Ronald Reagan. Aux USA, je serais considéré comme un démocrate libéral, et le pays que j'admire le plus est la Suède. Mais que l'on essaie de créer une Suède ou une Angleterre thatchérienne, en partant de la Pologne, on va exactement dans la même direction. En effet, la Suède, l'Angleterre et les USA possèdent certaines caractéristiques fondamentales qui n'ont rien à voir avec la situation actuelle de la Pologne. Il s'agit d'économies privées, où le secteur privé représente la plus grande partie de l'économie. Il existe un système financier libre : des banques, des organisations financières indépendantes, une reconnaissance stricte de la propriété privée, des sociétés anonymes, une bourse, une monnaie forte convertible à un taux unifié. Toutes ces caractéristiques sont les mêmes, qu'il s'agisse de crèches gratuites ou de crèches privées. La Pologne part de l'extrême opposé ».

En termes pratiques, les réformes de type social-démocrate signifiaient ce qui suit. Premièrement, la stabilisation financière (mettre fin à une forte inflation, stabiliser la monnaie) doit être effectuée rapidement, selon les principes expliqués dans l'article très influent de 1982 « The Ends of Four Big Inflations » du futur lauréat du prix Nobel Thomas Sargent. Deuxièmement, le gouvernement doit rester important et actif, en particulier dans les services publics (santé, éducation), les infrastructures publiques et la protection sociale. Troisièmement, la privatisation doit être prudente, circonspecte et fondée sur la loi, afin d'éviter la corruption à grande échelle. Bien que les médias grand public m'aient souvent associé à tort à l'idée d'une « privatisation de masse » rapide par le biais de cadeaux et de bons d'achat, la privatisation de masse et la corruption qui l'accompagne sont tout le contraire de ce que j'ai réellement recommandé. Dans le cas de la Russie, comme décrit ci-dessous, je n'avais aucune responsabilité consultative concernant le programme de privatisation de la Russie.

Ma troisième conviction fondamentale était l'aspect pratique. Il faut apporter une aide réelle, pas une aide théorique. J'ai préconisé une aide financière urgente pour la Pologne, l'Union soviétique, la Russie et l'Ukraine. Le gouvernement usaméricain a tenu compte de mes conseils dans le cas de la Pologne, mais les a fermement rejetés dans le cas de l'Union soviétique de Gorbatchev et de la Russie d'Eltsine. À l'époque, je ne comprenais pas pourquoi. Après tout, mes conseils avaient fonctionné en Pologne. Ce n'est que bien des années plus tard que j'ai mieux compris qu'alors que je discutais du « bon » type d'économie, mes interlocuteurs au sein du gouvernement usaméricain étaient les premiers néoconservateurs. Ils ne cherchaient pas à redresser l'économie russe. Ils voulaient l'hégémonie des USA.

Premières réformes en Pologne

En 1989, j’ai été conseiller du premier gouvernement post-communiste de Pologne et j’ai contribué à l’élaboration d’une stratégie de stabilisation financière et de transformation économique. Mes recommandations en 1989 préconisaient un soutien financier occidental à grande échelle à l’économie polonaise afin d’empêcher une inflation galopante, de permettre la convertibilité de la monnaie polonaise à un taux de change stable et d’ouvrir le commerce et les investissements avec les pays de la Communauté européenne (aujourd’hui l’Union européenne). Ces recommandations ont été prises en compte par le gouvernement usaméricain, le G7 et le Fonds monétaire international.

Sur la base de mes conseils, un fonds de stabilisation du zloty d’un milliard de dollars a été créé pour soutenir la nouvelle monnaie convertible de la Pologne. La Pologne s’est vu accorder un moratoire sur le service de la dette de l’ère soviétique, puis une annulation partielle de cette dette. La communauté internationale officielle a accordé à la Pologne une aide au développement significative sous forme de subventions et de prêts.

Les résultats économiques et sociaux obtenus par la suite par la Pologne parlent d’eux-mêmes. Bien que l’économie polonaise ait connu une décennie d’effondrement dans les années 1980, la Pologne a entamé une période de croissance économique rapide au début des années 1990. La monnaie est restée stable et l’inflation faible. En 1990, le PIB par habitant de la Pologne (mesuré en termes de pouvoir d’achat) représentait 33 % de celui de l’Allemagne voisine. En 2024, il atteignait 68 % du PIB par habitant de l’Allemagne, après des décennies de croissance économique rapide.

La recherche dun Grand Marchandage pour lUnion soviétique

 Sur la base de la réussite économique de la Pologne, j’ai été contacté en 1990 par Grigori Iavlinski, conseiller économique du président Mikhail Gorbatchev, pour offrir des conseils similaires à l’Union soviétique, et en particulier pour aider à mobiliser un soutien financier pour la stabilisation économique et la transformation de l’Union soviétique. L’un des résultats de ce travail a été un projet entrepris en 1991 à la Harvard Kennedy School avec les professeurs Graham Allison, Stanley Fisher et Robert Blackwill. Nous avons proposé conjointement un « Grand Bargain » [Grand marchandage] aux USA, au G7 et à l’Union soviétique, dans lequel nous avons préconisé un soutien financier à grande échelle de la part des USA et des pays du G7 pour les réformes économiques et politiques en cours de Gorbatchev. Le rapport a été publié sous le titre Window of Opportunity : The Grand Bargain for Democracy in the Soviet Union (1er  octobre 1991).

                                                                    Etta Hulme, 1987

La proposition d’un soutien occidental à grande échelle à l’Union soviétique a été catégoriquement rejetée par les guerriers froids de la Maison Blanche. Gorbatchev s’est rendu au sommet du G7 à Londres en juillet 1991 pour demander une aide financière, mais il est reparti les mains vides. À son retour à Moscou, il est kidnappé lors de la tentative de coup d’État d’août 1991. Boris Eltsine, président de la Fédération de Russie, prend alors la direction effective de l’Union soviétique en crise. En décembre, sous le poids des décisions prises par la Russie et d’autres républiques soviétiques, l’Union soviétique a été dissoute avec l’émergence de 15 nations nouvellement indépendantes.

05/09/2024

GIDEON LEVY
On pleure 6 Israéliens, et on ignore plus de 40 000 Palestiniens


Gideon Levy, Haaretz, 5/9/2024
Traduit par  Fausto GiudiceTlaxcala

 Les Israéliens sont de tout cœur avec les victimes israéliennes, c’est humain. Mais se focaliser massivement sur  six otages, alors qu’on ne fait aucun cas des dizaines de milliers de victimes palestiniennes, c’est malsain et immoral.

Des Palestiniens se lamentent sur le corps d’un proche, tué lors d’une frappe israélienne, avant ses funérailles à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 août 2024. Photo AFP

 Israël pleure les six otages qui ont été tués. Le monde entier les pleure également. Leurs noms, leurs photos, leurs histoires de vie et leurs familles ont fait la une des journaux télévisés en Israël et dans le monde entier.

Hersh Goldberg-Polin et Eden Yerushalmi sont devenus des célébrités malgré eux, pendant leur captivité et leur mort. Le monde a pleuré pour eux - il est impossible de ne pas le faire : six beaux jeunes gens qui ont vécu l’enfer en captivité avant d’être brutalement exécutés.

Mais nos six otages ne sont que la partie émergée de l’histoire, une infime partie des victimes de la guerre. Il est compréhensible qu’ils soient devenus une histoire mondiale. Ce qui l’est moins, c’est le contraste incroyable entre la large couverture de leur vie et de leur mort et l’indifférence totale à l’égard du sort similaire de personnes de leur âge - aussi irréprochables, ingénues et belles qu’eux, et tout autant victimes innocentes - du côté palestinien.

Alors que le monde est choqué par le sort de Gaza, il n’a jamais rendu le même hommage aux victimes palestiniennes. Le président des USA n’appelle pas les parents des Palestiniens tombés au combat, même si, comme les Goldberg-Polin, ils avaient la nationalité américaine. Les USA n’ont jamais demandé la libération des milliers de Palestiniens enlevés par Israël et détenus sans procès. Une jeune Israélienne tuée au festival Nova suscite plus de sympathie et de compassion dans le monde qu’une adolescente réfugiée de Jabalya. L’Israélien est plus proche du « monde ».

04/09/2024

FRANCO ‘BIFO’ BERARDI
Israël aurait-il pu ne pas devenir un État raciste, colonialiste et fasciste ?
La dernière conférence d’Amos Oz et le livre de Gad Lerner ne répondent pas à cette question

Franco Bifo Berardi, il disertore, 18/8/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

Alors que la communauté internationale tente d’arrêter le génocide et que l’on dénombre quarante mille morts, les Israéliens poursuivent leur action d’extermination, en utilisant toutes les techniques avec lesquelles les Juifs ont été persécutés et exterminés au cours des siècles - de la déportation aux pogroms et à la torture.

Même si l’on ne peut imaginer comment évoluera cette tragédie, il semble chaque jour plus probable que l’Etat sioniste soit destiné à se désintégrer à la suite de conflits internes, d’un isolement externe et, surtout, d’une horreur de soi.

Il est légitime de se poser la question : aurait-il pu en être autrement ?

 « Wolf, commandant du village d’Abwein » : autoportrait de Vladimir Ze’ev [=Wolf, Loup] Jabotinsky envoyée à sa femme en 1918, lorsqu’il commandait la Légion Juive de l’armée britannique en Palestine contre l'armée ottomane/turque. Abwein est un village du gouvernorat de Ramallah et Al Bireh. Jabotinsky est l’ancêtre idéologique de Netanyahou

L’Etat voulu par les sionistes, cautionné par les colonialistes britanniques, protégé par les impérialistes usaméricains, armé et financé par les Occidentaux pour dominer la région d’où vient le pétrole, cet Etat né d’un massacre et soutenu par la menace armée permanente pouvait-il évoluer différemment ?

L’État occupant, haï par un milliard de musulmans contraints de subir sa présence, pouvait-il ne pas évoluer dans le sens du fondamentalisme religieux, du racisme et du suprémacisme nazi ?

Non, il ne le pouvait pas. Il est difficile de croire que les Britanniques et les USAméricains, principaux responsables (avec les nazis allemands, bien sûr) de la déportation des Juifs sous le nom de retour à la terre promise, ne savaient pas qu’ils les exposaient à des conditions très dures, destinées à évoluer vers un nouvel Holocauste.

Aujourd’hui, l’Holocauste est une réalité pour les Palestiniens, mais c’est aussi la perspective pour les Juifs que le sionisme a exposés à la haine d’innombrables ennemis.

Israël jouit d’une supériorité militaire incontestable, mais le temps ne joue pas en sa faveur.

Aurait-il pu en être autrement, ou l’évolution d’Israël était-elle inscrite dans sa naissance violente ? Le sionisme aurait-il pu évoluer dans un sens pacifique, ou l’hostilité dont les occupants ont été entourés dès le début était-elle destinée à forcer Israël à devenir ce qu’il est devenu ?

 Aurait-il pu en être autrement ?

Peu avant sa mort en 2018, Amos Oz a donné une conférence qui est publiée par Feltrinelli sous le titre : « Tant de choses restent à dire », et le sous-titre : « Dernière leçon ».

Je suis depuis longtemps un lecteur d’Oz, et grâce à des livres comme Une histoire d’amour et de ténèbres, ou Judah, je crois que j’ai pu réfléchir aux questions fondamentales de l’identité juive, et de l’identité en général.

L’identité comme problème, comme construction illusoire et comme piège.

À tort ou à raison, j’en suis venu à considérer l’œuvre d’Amos Oz comme l’expression de la vocation internationaliste du judaïsme européen.

« Mon oncle David était un Européen convaincu à une époque où personne ne l’était en Europe ne se sentait européen, en dehors des membres de ma famille et de leurs semblables. Les autres étaient panslaves, pangermanistes ou de simples patriotes lituaniens, bulgares, irlandais slovaques. Dans les années vingt et trente, les seuls Européens étaient les Juifs. « Trois nations coexistent en Tchécoslovaquie », disait mon père, les Tchèques, les Slovaques et les Tchécoslovaques, c’est-à-dire les Juifs. En Yougoslavie, il y a des Serbes, des Croates, des Slovènes et des Monténégrins, mais il se trouve aussi une poignée de Yougoslaves indéfectibles. Et même chez Staline, il y a des Russes , des Ukrainiens, des Ouzbeks, des Tchoukchtes et des Tatares, parmi lesquels  vivent nos frères qui font partie du peuple soviétique. (…) De nos jours l’Europe a changé, elle est pleine à craquer d’Européens. Soit dit en passant, les graffitis aussi ont changé du tout au tout en Europe : l’inscription « Les Juifs en Palestine ! » recouvrait tous les murs quand mon père était enfant, en Lituanie. Lorsqu’il retourna en Europe une cinquantaine d’années plus tard, les murs lui crachèrent au visage : « Les Juifs hors de Palestine ». (Une histoire d’amour et de ténèbres, Gallimard, 2004, pp. 117-118).

Ce ne sont pas les Juifs qui voulaient retourner en Palestine. Ce sont les nazis européens qui les ont poussés à partir, ce sont les sionistes qui, avec les Britanniques, ont préparé le piège dans lequel les Juifs sont tombés. Ce piège s’appelle Israël.

Comme beaucoup d’autres Juifs européens, les parents de l’écrivain ont quitté l’Europe pour se réfugier en Palestine, pendant les années où le projet sioniste semblait pouvoir se réaliser dans des conditions pacifiques.

« On savait bien sûr à quel point c’était dur en Israël : qu’il y faisait très chaud, qu’il y avait le désert, les marais, le chômage, les Arabes pauvres dans les villages, mais on voyait sur la grande carte accrochée en classe que les Arabes n’étaient pas nombreux, peut-être un demi-million, moins d’un million en tout cas, on était sûr qu’il y avaient assez de place pour quelques millions de Juifs de plus, que les Arabes étaient peut-être simplement excités contre nous, comme les masses en Pologne, mais qu’on pourrait leur expliquer et les convaincre que nous serions une bénédiction pour eux, sur la plan économique, médical, culturel, etc. Nous pensions que dans peu de temps, quelques années au plus, les Juifs seraient la majorité dans le pays – et que nous donnerions immédiatement au monde entier l’exemple de ce qu’il fallait faire avec notre minorité, les Arabes : nous qui avions toujours été une minorité opprimée, nous traiterions naturellement la minorité arabe avec justice et intégrité, avec bienveillance, nous les associerions à notre patrie, nous partagerions tout, nous ne les changerions jamais en chats. C’était un beau rêve. » (Une histoire d’amour… p. 326-327)

À l’époque dont parle Oz, il semblait y avoir de la place pour une conscience solidaire, égalitaire et internationaliste. Mais comme le nationalisme dominait la politique européenne, même les Juifs, s’ils voulaient survivre, devaient s’identifier à un peuple, à une nation.

« ... à l’époque, les Polonais étaient des patriotes fantastique, comme les Ukrainiens, les Allemands et les Tchèques, tout le monde, même les Slovaques, les Lituaniens et les Lettons, sauf nous qui n’avions pas de place dans ce carnaval, nous n’appartenions à rien et personne ne voulait de nous. Il n’y avait donc rien d’extraordinaire à ce que nous désirions devenir un peuple comme tout le monde ; nous n’avions pas le choix. » (p. 328)

Finalement, on sait ce qui s’est passé : après les avoir exterminés, les Européens ont jeté dehors (l’expression est d’Oz) la communauté juive qui était aussi la plus profondément européenne, parce qu’elle incarnait plus pleinement les valeurs du rationalisme et du droit. C’est précisément parce que les Juifs n’avaient pas de relation ancestrale avec la terre européenne que leur européanisme était fondé sur la raison et le droit, et non sur l’identité ethnique.

03/09/2024

LUIS CASADO
Venezuela saoudien
Quelques remarques à l’usage des grandes gueules mal embouchées de Santiago du Chili et banlieue

Luis Casado... With a little help from my friends, 2/9/2024

Traduit par  Fausto GiudiceTlaxcala

Quelle social-démocratie n’a pas donné l’ordre de tirer quand la misère sort de son territoire ou ghetto ?
Gilles Deleuze, Qu’est-ce que la philosophie ?

 

Le 27 février 1989, débute à Caracas l’un des évènements historiques les plus signifiants du changement de période politique de la fin des années 80. Quelques mois avant la chute du mur de Berlin, les Vénézuéliens vivant majoritairement dans les quartiers pauvres (80% de la population) se révoltent contre l’application brutale des mesures du FMI par le vice-président de l’Internationale Socialiste de l’époque : Carlos Andrés Pérez (CAP). La réponse politique du gouvernement vénézuélien est brutale : déploiement l’armée et autorisation de tirer sur la foule. La répression se solde par un terrible bilan : près de 3000 morts en quatre jours.
Cette révolte spontanée marque le réel début du processus révolutionnaire bolivarien et celui d’une longue série de révoltes dans le monde contre le visage libéral du capitalisme.

(Julien Terrié, Venezuela : 27 février 1989, le jour où le peuple s’est réveillé)

 




Caracas, après le massacre de février 1989 qui a fait 3 000 morts...
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Le bolivar, la monnaie vénézuélienne, a inspiré Ian Fleming, qui dans son livre Opération Tonnerre - dont James Bond est le héros - écrit : «  Le soi-disant Venezuela saoudien a été incubé dans la manne pétrolière qui s’est produite dans les années 1970 en raison des conflits au Moyen-Orient. Le monde, et surtout les USA, avaient besoin de pétrole. Les conflits créés au Moyen-Orient, précisément pour le  contrôle du pétrole, ont provoqué des pénuries et donc une formidable hausse des prix ».

Voilà le paradis qu’était le Venezuela avant l’arrivée d’Hugo Chávez.

« Le revenu total à ce jour, en excluant notre dernier dividende non distribué, s’est élevé à environ un million et demi de livres sterling en francs suisses et en bolivars vénézuéliens, dans lesquels nous convertissons nos revenus, parce que ce sont toujours les monnaies les plus dures du monde ».

Une phrase prononcée par le chef de l’organisation criminelle SPECTRE, Ernst Stavro Blofeld, lorsqu’il fait le point sur les bénéfices de ses méfaits. Mais il n’y a pas que SPECTRE qui aIT commis des méfaits...

La renommée de la monnaie vénézuélienne a disparu le 18 février 1983, jour connu sous le nom de « vendredi noir ».

02/09/2024

LUIS CASADO
Venezuela Saudita
Algunas indicaciones para los hocicones ignorantes de Santiago y alrededores

Luis Casado... With a little help from my friends, 2-9-2024

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¿Qué social-democracia no dio la orden de disparar cuando la miseria salió de su territorio o de su ghetto? (Gilles Deleuze)

El 27 de febrero de 1989 tuvo lugar en Caracas uno de los acontecimientos históricos más significativos del cambio de etapa política de finales de los años ochenta. Pocos meses antes de la caída del Muro de Berlín, los venezolanos que vivían principalmente en barrios pobres (el 80% de la población) se rebelaron contra la brutal aplicación de las medidas del FMI por parte del entonces Vicepresidente de la Internacional Socialista, Carlos Andrés Pérez (CAP). 


Caracas, luego de la masacre de febrero de 1989 que hizo 3.000 muertos...
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La respuesta política del gobierno venezolano fue brutal: se desplegó el ejército y se le autorizó a disparar contra la multitud. La represión se cobró un terrible saldo: casi 3.000 muertos en cuatro días. (…)
   
Esta revuelta espontánea marca el verdadero comienzo del proceso revolucionario bolivariano y el de una larga serie de revueltas en todo el mundo contra la cara liberal del capitalismo.El bolívar, moneda venezolana, inspiró a Ian Fleming, quien en su libro Operación Trueno -que tiene como héroe a James Bond-, escribió:La llamada Venezuela Saudita se incubó con la bonanza petrolera que se produjo en los años 70 debido a los conflictos en Medio Oriente. El mundo, y sobre todo EEUU, necesitaban petróleo. Los conflictos creados en el Medio Oriente precisamente por el control del petróleo causaron escasez y por ende una formidable subida de precios.  
 (Julien Terrié, Venezuela : 27 février 1989, le jour où le peuple s’est réveillé)

Estamos hablando del paraíso que era Venezuela antes de la llegada de Hugo Chávez.

"Los ingresos totales hasta la fecha, sin contar nuestro último dividendo no repartido, han ascendido aproximadamente a millón y medio de libras esterlinas en francos suizos y bolívares venezolanos, en los que convertimos nuestros ingresos, por seguir siendo las monedas más duras del mundo".
Frase pronunciada por el jefe de la organización criminal Spectre, Ernst Stavro Blofeld, al hacer el balance de las ganancias dejadas por sus fechorías. Pero no solo Spectre cometía fechorías...
    
La fama de la divisa venezolana desapareció el 18 de febrero de 1983, día conocido como el Viernes Negro.
    
Ese día, el gobierno del entonces presidente (1979-1984) Luis Herrera Campins anunció una drástica devaluación del bolívar. Herrera Campins, un democratacristiano, -en 1969 fue electo secretario general de la Organización Demócrata-Cristiana en América Latina-, había sucedido a CAP (segundo mandato).
   

Venezuela: ¿Qué causó el apagón?

Comentarios del Ing. Elect. Miguel Monserrat (38 años de servicio en el área eléctrica) en respuesta a un mensaje que da por cierta la versión del gobierno.

Estimado Douglas, si no fueras ingeniero hubiese dejado pasar tu mensaje reenviado, pero no puedo creer que tu también te creas y quieras hacer creer que la problemática y caos  en que se encuentra el sector eléctrico nacional es producto solo del supuesto sabotaje sostenido que han tenido los grupos de la ultraderecha apátrida.

Si aceptamos el criterio del sabotaje para todo apagón que ocurra en el sistema eléctrico, entonces tenemos que aceptar, que este gobierno ha sido parte de ese sabotaje.

A partir del año 2002, comenzaron a sentirse con más fuerza los desaciertos de quienes tenían la responsabilidad de, por lo menos, mantener en condiciones estables el sistema eléctrico nacional, si es que les era imposible mejorarlo.

Un error muy grave fue cuado el Ejecutivo tomó la decisión de pasar el sector eléctrico bajo el control militar. Presidentes y/o altos directivos en EDELCA [Electrificación del Caroní C.A.] y CADAFE y sus filiales caían como paracaidistas a cargos de dirección donde la experiencia acumulada en años de servicio tenía peso y era importante, sobre todo ante la situación de amenazas políticas que vivía el país, donde se requerían conocimientos profesionales técnicos, de ingeniería y conocer a cabalidad la infraestructura del sector eléctrico en toda su extensión territorial.

Luego, se toma la decisión de crear la Corporación Eléctrica Nacional (CORPOELEC), la cual no alcanzó los objetivos que pudieron justificar su creación. Es tanto así que no logró unificar los contratos colectivos existentes en cada empresa, en consecuencia a los trabajadores se les  aplican las clausulas contractuales considerando la empresa eléctrica a la cual pertenecían. En lo jurídico aún hay incongruencias no superadas. Las especificaciones técnicas en CORPOELEC no son únicas y se vienen aplicando en la mayoría de los casos, las especificaciones técnicas particulares de cada empresa afiliada a CORPOELEC.

Se entró al abandono de la planificación adecuada de  los mantenimientos, tanto preventivos como correctivos, predominando por emergencia y necesidad el correctivo.

No se mantuvo la escuela de formación técnica que excelentemente tenía CADAFE, en cuanto a su pensum y matrícula de estudio. Sus equipos fueron desmantelados y saqueados. Lo mismo sucedió con la que tenía la Electricidad de Caracas (EDC). Se debe recordar además y es grave, que los mantenimientos mayores a los TR [transformadores] de potencia, dejaron de hacerse.

Muchas cosas más se pueden mencionar, sobre contrataciones no necesarias, despilfarro, desviaciones de recursos, corrupción, etc., pero mi intención, es dar una  información general que permita decir que todos aquellos que han sido responsables de llevar al caos y atraso, por lo menos en 15 años al sector eléctrico, se quiera o no, a conciencia o por ignorancia, han saboteado una empresa básica del estado y del pueblo venezolano, que no solo tenía un gran desarrollo técnico, sino que cumplió una gran actividad social; donde, CADAFE jugó un papel importante el electrificar a Venezuela en más de un 90%, tomando además en cuenta que muchos pequeños pueblos y caseríos, no se les cobraba, simplemente porque salía más caro asignar un vehículo y un lector o cobrador para lo que pagaban y a veces la densidad poblacional no lo justificaba.

Así que hablar y acusar de saboteo a terceros, como una vía de escape,  ante cualquier apagón eléctrico o de otra índole (que no recibe responsabilidades), no es nada que le quede bien a Maduro, su gobierno y la élite que se apoderó del PSUV, cuando la mala gestión, la ignorancia técnica-profesional y la corrupción, han sido determinantes en el caos en que se encuentran los servicios básicos en Venezuela. No es lo del ladrón que grita: "ahí va el ladrón", para que no se fijen en él, es que hay que estar consciente que el saboteo se está produciendo también desde las entrañas de un Estado donde la corrupción y la ineficiencia, tienen diferentes matíces.

Debemos terminar diciendo que en el sector eléctrico se pudieron tomar prevenciones y muy oportunas, para que no estuviese en el colapso en el cual se encuentra y estará, si no se rescatan los valores, que vuelvan a convertirlo, en una de las mejores industrias de Venezuela y América Latina.

 

Un letrero de un manifestante antichavista en el que se lee “basta de apagones” es visto en medio de una concentración a favor del candidato presidencial opositor Edmundo González Urrutia en La Victoria, Aragua, el 18 de mayo de 2024.