Gideon Levy, Haaretz,
4/7/2021
Traduit par
Fausto Giudice
Il était plutôt difficile de résister au tour de magie. Le journaliste Raviv Drucker a passé une heure à dresser le portrait de Mansour Abbas sur la chaîne de télévision Channel 13, et Abbas n'a cessé d'impressionner, de charmer et d'inspirer confiance.
Cet homme, chauve et épais avec son costume démodé, semblait avoir tout d’un antihéros : un homme arabe non moderne, un politicien sournois et pas très éloquent, un agent politique qui passe au mieux pour le président du conseil syndical de Maghar, son village natal. C'est le dentiste que vous ne laisseriez pas s'approcher de vos dents.
Mais ce conservateur religieux arabe s'est révélé être le contraire de tous ces stéréotypes. Il semblait que même Drucker, le sage analyste qui a déjà tout vu et tout méprisé, était hors de lui, plein d'affection et d'appréciation. Abbas dit au téléspectateur israélien : ce n'est pas ce que vous pensez. Ce n'est pas ce qu'ils vous ont dit. J'ai quelque chose d'autre à vous offrir.
Les politiciens qui n'ont jamais rencontré un Arabe qui ne leur servait pas du houmous, des frites et de la salade ont pensé qu'ils avaient à nouveau affaire à un collecteur de votes ou à un collaborateur - et ont soudain vu un révolutionnaire devant eux. Ahmad Tibi est infiniment plus impressionnant, moderne et éloquent qu'Abbas. Ayman Odeh est plus persuasif, plus digne de confiance et plus juste. Et le plus ancien des Abbas, Mahmoud, est censé être beaucoup plus important que Mansour. Mais ce terne Abbas est destiné à faire un changement. Je ne suis pas sûr d'aimer ce changement, mais on ne peut s'empêcher d'être impressionné par ses réalisations potentielles.
Abbas propose un nouveau marché - un marché qui n'est pas facile à digérer pour les Arabes ou pour les Juifs en quête de justice. Mais ceux qui rêvent d'un seul État démocratique - sans le blabla sur les deux États ni la honte de l'apartheid - auront du mal à résister à cet accord. L'accord dit simplement : plus d'argent plutôt que de liberté, plus de budgets plutôt que de slogans, plus de maisons plutôt que de mots, plus d'emplois plutôt que de déclarations. Soixante-cinq ans plus tard, les Arabes se réapproprient le slogan électoral emblématique des sionistes généraux : « Laissez-nous vivre dans ce pays ».
Abbas sera bien plus acceptable pour les Juifs que les combattants de la liberté, qui auraient dû inspirer bien plus de respect que lui. Il propose d'oublier ses frères et sœurs qui sont piétinés par l'occupation, en échange d'améliorations pour ses frères et sœurs qui ont la citoyenneté israélienne. Abbas ne se contente même pas de paroles. Vous ne l'entendrez pas proclamer et prêcher comme la plupart des politiciens.
C'est peut-être pour cela qu'il suscite plus de confiance qu'eux, même s'il admet qu'il tergiverse quand il le faut. Abbas est le nouveau Mapainik* [socialo] arabe. Dunum par dunum, chèvre par chèvre, tour et palissade. Ce n'est pas un Seif al-Din al-Zoubi, membre de la Knesset de la fin des années 40 à la fin des années 70, qui a docilement décoré les listes satellites collaborationnistes, ni bien sûr Azmi Bishara, celui du vertueux et utopique « État de tous ses citoyens ».
Que faire
d'Abbas ? Il n'est pas simple - surtout pour ceux qui croient en la justice, la
liberté et l'égalité - de renoncer à certains de ces rêves pour un présent un
peu meilleur. Il n'est pas facile de s'enthousiasmer pour Abbas, qui deviendra
bientôt le héros des Juifs dits éclairés. Les politiciens comme lui se laissent
plus facilement abattre et il est plus facile de cacher leur hypocrisie. Le
cœur dit : Mandela, pas Abbas. Marwan Barghouti, pas Abbas. Combattez, ne
faites pas de compromis.
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