04/07/2021

GILAD ATZMON
La Nakba et la loi polonaise

Traduit par Fausto Giudice

En 1948, plus de 700 000 Palestiniens ont été victimes d'un nettoyage ethnique par le nouvel État juif. Ce crime catastrophique à caractère racial est appelé la Nakba.

Abdellah Derkaoui, Maroc, 2006

Israël semble être contrarié par une nouvelle loi polonaise qui fixe un délai de 30 ans aux Juifs pour récupérer leurs biens saisis. La législation doit encore être approuvée par le sénat polonais, mais les responsables israéliens l'appellent déjà la « loi sur l'Holocauste ». Ils insistent sur le fait qu'elle est « immorale » et « une honte ».

La semaine dernière, le ministre israélien des Affaires étrangères Yair Lapid a insisté sur le fait que le projet de loi « est une honte qui n'effacera pas les horreurs ou la mémoire de l'Holocauste ».

Je ne vois pas quelle partie de la législation interfère avec la mémoire et les horreurs de l'holocauste. Je pense en fait que la tentative grossière de soutirer des milliards de dollars à la Pologne au nom d'une tragédie humaine peut avoir un impact négatif sur ce chapitre de l'histoire et sur la façon dont il est mémorisé.

Les Polonais n’ont pas approuvé pas l'ingérence de l'État juif dans leurs affaires intérieures. Vendredi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a riposté à Lapid en soulignant : « Je peux seulement dire que tant que je serai Premier ministre, la Pologne ne paiera pas pour les crimes allemands : Ni zloty, ni euro, ni dollar ».

Le ministre polonais des Affaires étrangères a fait écho à la position de Morawiecki, affirmant que les commentaires de Lapid étaient malavisés. « La Pologne n'est en aucun cas responsable de l'Holocauste, une atrocité commise par l'occupant allemand également sur des citoyens polonais d'origine juive ».

Au cours du week-end, la crise a semblé s'intensifier. Dimanche, la Pologne et Israël ont convoqué leurs ambassadeurs respectifs pour des réunions, vu que le désaccord entre les deux pays ne semblait pas s'apaiser. 

Je ne suis pas en mesure de juger qui a raison et qui a tort en matière de restitution. Supposons que la nouvelle législation polonaise soit « une horrible injustice et une honte qui porte atteinte aux droits des survivants de l'Holocauste et de leurs héritiers », comme le dit Lapid. Dans ce cas, nous devrions également nous attendre à ce que Lapid soutienne vivement les Palestiniens, leur droit au retour et leur droit à être dédommagés pour les crimes colossaux commis à leur encontre en 1948 et après.

En 1948, plus de 700 000 Palestiniens (la grande majorité de la Palestine indigène) ont été victimes d'un nettoyage ethnique par l’État juif naissant. Ce crime racial catastrophique (qui comprenait une longue liste de massacres) est appelé la Nakba. Il a eu lieu moins de quatre ans après la libération d'Auschwitz.

Pendant la guerre de 1948 et peu après, le jeune Israël a anéanti des villes et des villages palestiniens. Il a ensuite utilisé la législation pour empêcher les Palestiniens de retourner chez eux et a utilisé tous les moyens possibles pour piller leurs propriétés, dépossédant les quelques Palestiniens qui s'accrochaient à leurs terres. Pourtant, Israël n'a jamais admis son péché originel de nettoyage ethnique.

Se réclamant d'une cause morale, Israël prétend représenter les demandes juives de restitution en Pologne. Je me demande si la même règle ne devrait pas être appliquée aux Palestiniens. Israël ne devrait-il pas faire jouer la même loi morale et reconnaître le droit des Palestiniens à leurs terres, villages, villes, champs et vergers ?

En Pologne, c'est l'Allemagne nazie qui a provoqué un désastre pour les Juifs du pays. En Palestine, les jeunes FDI et les groupes paramilitaires juifs ont commis des crimes colossaux contre la population indigène. Alors que l'Allemagne nazie a cessé d'exister en 1945, les FDI sont toujours parmi nous. Le parti travailliste (qui a formé directement le premier gouvernement israélien) est toujours actif et fait même partie de l'actuelle coalition gouvernementale. Le parti Likoud, issu de l'Irgoun et du Gang Stern (tous deux complices de certains des massacres les plus brutaux en Palestine), est, de loin, le plus grand parti de la Knesset israélienne. Les institutions israéliennes et sionistes qui ont été responsables du crime de 1948 n'ont jamais cessé d'exister. Elles n'ont jamais assumé leurs crimes, et se sont encore moins repenties.

Les survivants de l'Holocauste ont été indemnisés par différents moyens pour le crime qui a été commis contre eux par des Européens. Israël a bénéficié d'un important accord de réparation avec le gouvernement allemand. Les Palestiniens, eux, vivent toujours dans des prisons à ciel ouvert et des camps de réfugiés, soumis à des blocus et à des abus constants.   

Le temps est venu pour Israël d'assumer son horrible passé. Israël devrait maintenant accepter que la cause palestinienne ne s'efface pas ou ne s'évapore pas dans l'air. Si Israël cherche à se réconcilier avec la région, il doit d'abord s'appliquer à lui-même le code moral qu'il exige de la Pologne.

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