02/02/2023

SERGIO RODRIGUEZ GELFENSTEIN
En conmemoración del 80 aniversario de la Victoria de Stalingrado

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 1/22023

Hoy 2 de febrero se conmemoran 80 años de la victoria de la Unión Soviética (URSS) en la Batalla de Stalingrado. Esta gesta marcó el inicio del fin del intento alemán de construir el III Reich y el punto de partida para la derrota definitiva del nazismo durante la segunda guerra mundial (Gran Guerra Patria para la Unión Soviética). Ha sido la batalla más importante en la historia de la humanidad. No quise dejar pasar esta fecha sin recordarla y honrar a los cientos de miles de ciudadanos rusos y de otras nacionalidades que dieron su vida por liberar a la humanidad del cáncer del fascismo.


Durante los meses finales de 1942 ya se había evidenciado que la “Operación Barbarroja” que Hitler había lanzado contra la Unión Soviética en junio del año anterior comenzaba a debilitarse y el ejército alemán -más temprano que tarde- tendría que pasar a la defensa estratégica después de más de un año de ofensiva ininterrumpida.

Avance alemán hacia Stalingrado. 1942


La colosal resistencia en Stalingrado, Moscú y Leningrado, ciudades que las tropas nazis nunca pudieron ocupar, presagiaba el colapso de los intentos nazis de derrotar a la Unión Soviética. No obstante, ese fin todavía se visualizaba muy lejano a mediados de 1942. Stalingrado era el eje fundamental de la región del Cáucaso, ubicada en la zona sudoccidental de Rusia, era ambicionada por Hitler por la gran producción de petróleo que las fuerzas armadas alemanas necesitaban para movilizar su gigantesca máquina de guerra. Así mismo, poseía una gran industria de armamento y era un cruce ferroviario de importancia estratégica toda vez que comunicaba a Moscú con el mar Negro y el Cáucaso, de igual manera era una vía fluvial de primer orden para la navegación por el río Volga. La heroica resistencia de la ciudad paralizó al ejército alemán e hizo imposible cumplir sus planes operativos. Si no hubiera así, la guerra habría tenido otro curso y la historia sería distinta.

Por esta razón, el alto mando alemán se vio obligado a readecuar sus planes, prepararse para la defensa e intentar lograr una victoria definitiva en 1943. Los objetivos estratégicos trazados por Hitler para ocupar y derrotar a la Unión Soviética habían quedado en el intento. Según el Mariscal Gueorgui Zhúkov, el más destacado jefe militar soviético de la época, Alemania carecía de reservas estratégicas y su estado moral era bajo.

Según Zhúkov en noviembre de 1942, los alemanes “tenían en el frente soviético-germano 266 divisiones con efectivos de 6.200.000 hombres, cerca de 51.700 cañones y morteros, 5.080 tanques y cañones de asalto, 3.500 aviones de combate y 194 buques de guerra. Por aquel tiempo, las tropas en campaña de la Unión Soviética contaban con 6.600.000 hombres, 77.800 cañones y morteros, 7.350 tanques, 4.544 aviones de combate”. Así mismo la URSS poseía grandes reservas estratégicas. En términos absolutos la correlación de fuerzas y medios comenzaba a tener un cambio a su favor. La industria militar había logrado reinstalarse más hacia el oriente y ya se encontraba en plena producción. Vistas estas cifras, el conflicto actual en Ucrania pareciera ser solo una escaramuza.

Por otro lado, se había despejado la incógnita sobre las intenciones de Japón (que ocupaban la Manchuria china desde 1931) y ya se sabía que no atacaría a la Unión Soviética, lo cual había permitido trasladar grandes contingentes militares desde el Lejano Oriente a Occidente donde se desarrollaba la parte más sustancial de la guerra. A esto habría que sumarle el gran trabajo de inteligencia, contra inteligencia y desinformación que el alto mando soviético empezó a utilizar con gran éxito en el desarrollo de la contienda.

En este contexto, el Gran Cuartel General (GCG) soviético, con el mayor sigilo comenzó a planificar la esperada contraofensiva estratégica que debía llevar a la liberación del territorio soviético y a la derrota de Alemania. La inteligencia del ejército nazi nunca pudo descubrir los planes soviéticos que incluyeron trasladar a Stalingrado un enorme contingente de tropas, armamento y equipos “en sus propias narices”.

Al comenzar la contraofensiva del ejército rojo, la correlación de fuerzas entre los contendientes era muy pareja con una leve superioridad soviética en tanques. La exhaustiva preparación de las acciones se realizaron desde el GCG, pasando por el Estado Mayor General, los Frentes, ejércitos, cuerpos de ejércitos, divisiones y regimientos hasta las pequeñas unidades de combate y aseguramiento logístico y combativo. La idea de las acciones se proponía establecer un doble cerco (exterior e interior) para aislar y aniquilar a las tropas alemanas en el bolsón creado.

En el desarrollo de las acciones, el papel decisivo le correspondió a soldados, oficiales y generales “con sus audaces ataques, certero fuego, intrepidez, valor y pericia [quienes] se batieron a muerte con el enemigo” según lo relata el mariscal Zhúkov en sus memorias.

01/02/2023

CARMELA NEGRETE
Oskar Lafontaine, leader historique de la gauche allemande : “La préoccupation fondamentale des Européens doit être de savoir comment se libérer de la tutelle usaméricaine”

Carmela Negrete, ctxt.es, 28/1/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Italiano Lafontaine: “La preoccupazione fondamentale degli europei è come liberarsi dalla tutela degli Stati Uniti”


Carmela Negrete (Nerva, Espagne, 1984) est une journaliste indépendante espagnole basée à Berlin depuis 2009, où elle réalise des reportages sur le précariat allemand, dont elle fait elle-même partie. Elle écrit régulièrement pour Junge Welt, Neues Deutschland, ctxt es, eldiario.es et l’hebdomadaire Diagonal, entre autres publications.@carmelanegrete

Entretien avec Oskar Lafontaine, leader historique de la gauche allemande, ancien président du parti social-démocrate, ancien ministre des Finances, fondateur de Die Linke, ancien président de la Sarre.

L’Allemagne a annoncé qu’elle allait envoyer des chars Leopard en Ukraine, bien que le chancelier Olaf Scholz ait lui-même assuré en mars qu’une telle décision pourrait conduire le pays et ses partenaires de l’OTAN directement à la guerre. Nous avons parlé à l’homme politique Oskar Lafontaine (Sarre, Allemagne, 1943), ancien ministre des finances, ancien président du parti social-démocrate SPD et fondateur du parti de gauche Die Linke, qu’il a quitté en mars. Lafontaine a écrit un livre intitulé Ami, it’s time to go (Ami, il est temps de partir : Ami en argot allemand désigne les yankees), dans lequel il réfléchit à la guerre en Ukraine et au rôle de l’Allemagne et de l’Europe dans le conflit. Cette interview pour le portail espagnol CTXT a été réalisée par téléphone au cours de la première semaine de janvier.

Pourquoi pensez-vous qu’il est important de s’opposer aux livraisons d’armes à l’Ukraine ?

L’envoi continu d’armes à l’Ukraine ne fait que prolonger les souffrances, la mort des gens et la destruction de l’Ukraine. La guerre en Ukraine n’est pas une guerre de la Russie contre l’Ukraine ou vice versa, mais une guerre des USA contre la Russie. Il s’agit d’une confrontation géostratégique qui était déjà annoncée dans les années 1990 par des politiciens comme Henry Kissinger. Les Ukrainiens ne sont que les victimes de cet affrontement stratégique, qui le paient de leur vie et de la destruction de leur pays.

Le réarmement de l’Allemagne doit-il nous inquiéter en tant qu’Européens, s’agissant du pays qui a conduit l’Europe à la Seconde Guerre mondiale ?

Cette crainte n’est pas fondée. La question de savoir si l’Allemagne veut rester un protectorat des USA est bien plus importante, car les décisions militaires impliquant le danger d’une guerre nucléaire sur le territoire européen sont prises uniquement par les USA, et les Européens n’ont pas voix au chapitre. La préoccupation fondamentale des Européens doit être de savoir comment se libérer de la tutelle usaméricaine.

C’est la thèse que vous défendez dans votre livre Ami, il est temps de partir, qui est devenu un best-seller. Les médias nous répètent pourtant sans cesse que les USA dépensent plus pour leur défense et que cela nous protège de nos adversaires potentiels. Est-ce une idée fausse ?

Les États ont des intérêts et défendent ces intérêts. L’intérêt des USA n’est pas de défendre l’Europe, mais d’avoir l’Europe comme avant-poste disponible pour leurs intérêts en tant que puissance mondiale. Pour l’instant, les USA sont les grands gagnants de la guerre d’Ukraine. Ils fournissent des armes en grande quantité à leurs partenaires, comme les Allemands et les Polonais ; ils ont évincé le gaz russe bon marché de l’Europe et peuvent enfin réaliser ce qu’ils souhaitaient depuis des années : vendre en Europe leur gaz de schiste, obtenu par des techniques très dommageables pour l’environnement. Et ils ont réalisé ce que Kissinger avait proposé il y a de nombreuses années : confronter l’Europe à la Russie sel”n le principe “diviser pour régner" afin d’assurer leur pouvoir. Croire que les USAméricains veulent nous protéger n’est pas seulement naïf, c’est aussi nuisible. Pour l’Allemagne, l’énergie plus chère des terminaux de gaz liquéfié affecte son industrie, et pas mal d’entreprises veulent donc déplacer leur production vers d’autres pays, y compris les USA eux-mêmes.

Ami, il est temps de partir - Plaidoyer pour l’affirmation de soi de l’Europe”, le best-seller de Lafontaine

Le gaz russe est très important pour l’Allemagne et l’Europe. Pourtant, l’attaque contre les pipelines russes Nord Stream a disparu du discours public avant même d’avoir été clarifiée.

Il n’y a rien de plus à clarifier. Nous pouvons croire le président Joe Biden, qui a déclaré que si les Russes marchaient sur l’Ukraine, ils mettraient fin au pipeline. Toutes les spéculations selon lesquelles un autre pays aurait provoqué ces explosions sont risibles et montrent l’état dans lequel se trouve l’Europe. L’attaque du gazoduc était un acte terroriste qui pourrait être considéré comme un acte de guerre, et le gouvernement allemand vassal est silencieux à ce sujet.

Entre-temps, un ministre vert a décrété la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires et rouvert des dizaines de centrales à charbon. Comment en est-on arrivé à cette situation absurde ?

C’est une conséquence directe de la décision de l’Allemagne de soutenir la politique agressive des USA, qui a conduit à la guerre économique contre la Russie, préparée de longue date, empêchant l’expédition de gaz vers l’Allemagne. En 2017, un embargo sur le gaz russe avait déjà été conçu. En ce sens, la tentative de transformer l’économie allemande afin de couvrir ses besoins avec des énergies renouvelables, avec une période de transition basée sur le gaz naturel, a échoué lamentablement. Nous sommes maintenant obligés de produire de l’électricité à partir du charbon. Il est incompréhensible que le parti des Verts (Die Grünen), qui est né du mouvement pacifiste et avait pour bannière la protection de l’environnement, soit devenu le parti de la guerre.

À quel point la situation en Ukraine est-elle dangereuse pour nous, Européens ?

Le danger pour les Européens est que l’escalade de la guerre continue à augmenter parce que les USA ont décidé qu’ils voulaient poursuivre cette guerre jusqu’à ce que la Russie soit clairement affaiblie. Cet aspect est important lorsqu’il s’agit de prévisions, car lorsque les USA affirment vouloir que cette guerre se termine bientôt, cela n’est guère crédible. Joe Biden a été vice-président sous Barack Obama, qui est le président qui a financé le coup d’État de Maidan. D’autre part, son propre fils semble être impliqué dans de la corruption en Ukraine. Les collaborateurs du ministère des affaires étrangères de Biden, dont Victoria Nuland, poursuivent leur stratégie de provocation de la Russie et n’écoutent apparemment même pas le Pentagone. Le président des chefs d’état-major interarmées lui-même, Mark Milley, la plus haute autorité militaire après le président, a proposé de rechercher des négociations de paix, mais n’est apparemment pas écouté à la Maison-Blanche.

Malheureusement, il y a plus d’un politicien aux USA qui croit qu’une guerre nucléaire serait justifiable et qu’il serait également possible de la circonscrire à l’Europe. C’est pourquoi il est si nécessaire que l’Europe mène sa propre politique de défense et se libère de la politique d’agression fatale des USA. Il faut rappeler chaque jour aux Européens qu’il n’y a pas de troupes russes ou chinoises à la frontière usaméricaine avec le Mexique ou le Canada, mais que ce sont les troupes usaméricaines qui sont partout aux frontières russes et chinoises.

Les accords de Minsk n’étaient-ils qu’une stratégie visant à gagner du temps, comme l’a laissé entendre l’ancienne chancelière Angela Merkel dans une interview accordée à Die Zeit ?

Ces déclarations d’Angela Merkel ont été fatales, car avec elles, elle a reconnu publiquement que les efforts de paix en Ukraine, dont la guerre a commencé dès 2014, n’étaient pas sérieux. Mme Merkel, comme l’oligarque Porochenko, a admis qu’elle n’avait soutenu ces négociations de paix que pour donner à l’Ukraine le temps de s’armer. Ces déclarations insensées aggravent les relations avec la Russie et amènent le président et les politiciens russes à conclure qu’avec les Européens, on ne peut pas signer d’accords, car ils ne font que mentir et tricher.

Quel bilan tirez-vous des seize années de mandat de l’ancienne chancelière Merkel ?

Il suffit d’écouter les plaintes de son propre parti maintenant qu’il est dans l’opposition au Bundestag. Ils se plaignent que l’infrastructure de l’Allemagne s’effrite et cette plainte est justifiée. Un pays industrialisé qui laisse ses infrastructures, y compris la culture, les écoles et les universités, se délabrer fait une mauvaise politique et n’assure pas l’avenir de son pays et de sa population.

Mme Merkel est également coresponsable de la politique ultra-libérale menée vis-à-vis de l’Europe du Sud. A-t-on appris quelque chose à cet égard ?

Les problèmes en Europe ont commencé avec l’introduction de l’euro, car il était trop faible pour les pays du nord, comme l’Allemagne, et trop fort pour les pays du sud. Cela a entraîné des désavantages concurrentiels pour les pays d’Europe du Sud et l’Allemagne a pu dominer le marché européen des exportations. Il serait important que tous les pays de l’union monétaire aient des chances égales, mais ce n’est pas le cas pour l’instant.

Pendant la crise de l’euro, le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne s’est formé. Peut-on parler de fascisme dans ce cas ?

Il y a plusieurs politiciens dans le parti dont les idées peuvent être qualifiées de fascistes. En Allemagne, l’AfD s’est initialement formée contre l’union monétaire européenne. La question du fascisme est donc beaucoup plus large : sommes-nous sur la voie du fascisme dans le monde entier ? Je pense aux USA, mais aussi à l’Allemagne, et la question est de savoir si nous sommes sur la voie du totalitarisme. Nous observons certainement des tendances très problématiques. Le prix de la paix du secteur du livre allemand a été décerné à Serhiy Viktorovych Zhadan, un auteur ukrainien qui a traité les Russes d’"ordures" et d’"animaux", de "porcs qui devraient brûler en enfer". C’est pourquoi la question du fascisme doit être envisagée de manière plus large et pas seulement comme l’arrivée des partis d’extrême droite, car l’extrémisme en Europe s’installe au centre de la société. La ministre allemande des Affaires étrangères a affirmé que les sanctions devraient "ruiner" la Russie. C’est un langage fasciste.

Quel espoir y a-t-il pour la gauche en Europe et particulièrement en Allemagne ?

Dans toute l’Europe, la gauche doit réfléchir à ce que signifie une politique de gauche. En version simplifiée : défendre les personnes qui ne disposent pas de revenus et de richesses élevés. Au cours des dernières décennies, les questions relatives au système économique, la question marxiste de la contradiction fondamentale entre le capital et le travail, ont été reléguées au second plan. La conséquence est que la concentration des richesses s’est accrue de plus en plus et que l’écart salarial a continué à se creuser. Cette question a été déplacée par d’autres débats, tels que le racisme, l’orientation sexuelle ou la diversité. Toutes ces questions sont importantes, mais elles ont été privilégiées, comme on peut le voir dans les multinationales usaméricaines, au détriment des questions fondamentales sur notre système économique en relation avec la répartition des richesses.

C’est un problème que l’on peut observer très clairement dans les partis sociaux-démocrates. Le SPD, dont j’étais président, était un parti pour la paix, le désarmement et le développement de l’État-providence. Aujourd’hui, le chancelier Scholz, du parti social-démocrate, donne la priorité au réarmement et à la guerre en Ukraine, et préconise le démantèlement de l’État-providence des années 1990, qui a conduit à ce qu’un retraité allemand gagne en moyenne 800 euros de moins par mois qu’un retraité autrichien. Le plus important en ce moment est le prix de l’énergie, qui joue un rôle clé pour les entreprises et la population allemandes. Nous devons revenir aux faibles prix de l’énergie qui ont été bénéfiques pour le bien-être de l’Allemagne et de l’Europe dans son ensemble. Pour ce faire, pendant un certain temps, il sera inévitable que nous devions à nouveau compter sur le gaz russe.

 Oskar Lafontaine au-dessus de la Boucle de la Sarre en 2015

 

Minéraux des fonds marins : les grandes ressources du plateau continental norvégien

Oljedirektoratet, 27/1/2023

La Direction norvégienne du pétrole (NPD) a préparé une évaluation des ressources en minéraux des fonds marins sur le plateau norvégien. Le rapport conclut que d'importantes ressources sont en place.

Pour plusieurs des métaux, les ressources minérales correspondent à de nombreuses années de consommation mondiale.

Le ministère du Pétrole et de l'Énergie (MPE) a chargé le NPD d'évaluer les minéraux des fonds marins lorsque le processus d'ouverture des activités minières a débuté en 2020.

Le MPE a la responsabilité administrative des minéraux des fonds marins, et dirige les travaux sur le processus d'ouverture. Le rapport s'inscrit dans le cadre du processus d'ouverture [voir note ci-dessous] de l'exploitation des minéraux des fonds marins.

«  Le NPD a développé une expertise depuis de nombreuses années, notamment par le biais de plusieurs expéditions. Nous avons cartographié les zones concernées, collecté des données et prélevé de grandes quantités d'échantillons de minéraux » commente Kjersti Dahle, directrice du service Technologie, analyses et coexistence.

« Dans l'évaluation des ressources, nous avons fait des estimations de la quantité des différents minéraux présents dans les fonds marins de la zone d'étude. À l'avenir, nous continuerons à renforcer la base de données et la manière dont nous évaluons ces ressources ».

Kjersti Dahle montre un échantillon de sulfure, prélevé lors de l'expédition 2020 du NPD sur la dorsale de Mohns, en mer de Norvège. Photo : Arne Bjørøen/OD

Important dans la transition énergétique

La transition vers une société à faible taux d'émission accroît le besoin de certains éléments. Ces éléments se trouvent, par exemple, dans des dépôts au fond de la mer. Ce sont des matières premières importantes pour la transition énergétique, et elles sont demandées par l'industrie.

Mme Dahle souligne que le développement technologique, associé à des données plus nombreuses et de meilleure qualité, permettra de mieux comprendre le potentiel des ressources.  

« La quantité de ressources récupérables dépend de la technologie et de l'économie. Il reste à voir si les zones s'ouvriront et si l'extraction peut être économiquement rentable ».

La collecte, la gestion et la mise à disposition des données du plateau continental norvégien est l'une des tâches les plus importantes du NPD.

Depuis 2011, le NPD collecte des données dans les zones d'eau profonde des mers de Norvège et du Groenland en collaboration avec l'Université de Bergen (UiB), et à partir de 2020 également avec l'Université de Tromsø (UiT).

Au cours de la période 2018-2021, le NPD a mené quatre expéditions pour collecter des données haute résolution sur les fonds marins des gisements minéraux les plus intéressants, en plus des opérations de forage et de la collecte d'échantillons de minéraux.

Les données de ces expéditions, complétées par les données des institutions scientifiques, constituent la base de cette évaluation des ressources.

« Nous avons une longue expérience de la cartographie du sous-sol et de l'évaluation des ressources pétrolières. Je suis heureux que nous puissions, grâce à notre expertise, contribuer à l'identification des ressources qui peuvent être importantes pour la transition énergétique », a déclaré Mme Dahle.

Sulfures et encroûtements de manganèse

Les gisements minéraux des fonds marins sont divisés en trois types : les nodules de manganèse, les encroûtements de manganèse et les sulfures [voir notes ci-dessous]. Ces trois types contiennent plusieurs métaux et se trouvent à de grandes profondeurs, principalement entre 1500 et 6000 mètres. Sur le plateau continental norvégien, des encroûtements et des sulfures de manganèse ont été découverts à des profondeurs d'environ 3000 mètres.

FRANCO “BIFO” BERARDI
On a perdu ?

Franco “Bifo” Berardi, Nero, 26/1/2023

Original: Abbiamo perso?

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

En ces temps de Lützerath, alors que quelques milliers de filles et de garçons, capuchons de laine rabattus sur les oreilles, jouaient à cache-cache avec la police d’État allemande pour empêcher l’ouverture d’une mine de charbon, je regardais le documentaire Lotta Continua de Tony Saccucci sur la RAI. Il regorge d’images extraordinaires sur les luttes à la Fiat, et offre des perspectives différentes, voire contradictoires, sur l’histoire de cette organisation et le paysage social des années post-68. Je tiens à préciser que je n’ai pas participé à l’expérience de Lotta Continua, parce qu’à partir de 1967 je me suis reconnu dans les positions de Potere Operaio, mais je tiens aussi à préciser qu’à partir de ces années-là je me suis souvent senti plus proche du spontanéisme de Lotta Continua que du sévère léninisme tardif qui, après l’automne 69, a pris le dessus à Potere Operaio.


Parmi les nombreuses choses intéressantes, j’ai été frappé par une phrase de Vicky Franzinetti : « Nous avons perdu, et ceux qui ont perdu ont une dette immense envers les générations suivantes ». Ça m’a fait réfléchir, ça me fait réfléchir encore.

« Nous avons perdu ». Phrase problématique. Aurions-nous pu gagner ? Et comment aurions-nous pu gagner ? En nous transformant en une force politique parlementaire (une tentative qui a été faite et qui a échoué) ou en prenant les armes par centaines de milliers jusqu’au bain de sang ? Ou peut-être en initiant un processus de sécession pacifique d’une génération entière ? Nous les avons plus ou moins tous essayés, ces chemins, et aucun n’a été à la hauteur du problème.

Mais lorsque nous parlons de processus historiques, l’alternative de gagner ou de perdre n’explique pas grand-chose, car dans le devenir réel, il n’y a pas de symétrie entre les objectifs que l’on se fixe et ce qui se passe pour les atteindre : c’est ce qu’on appelle l’hétérogenèse des fins. Dans la sphère humaine, il existe des jeux finis, dans lesquels il est possible d’établir qui gagne sur la base de règles communes. Et il existe des jeux infinis, dans lesquels les règles elles-mêmes sont sujettes à des conflits et à des marchandages, de sorte qu’il n’est jamais possible d’établir un gagnant. Il en est ainsi dans le jeu de l’amour, il en est ainsi dans le jeu de l’histoire des luttes de classes, il en est ainsi dans le jeu de la guerre.

Mais ça, c’est du bavardage philosophique. La vérité factuelle est que nous nous sommes battus pour l’égalité et qu’aujourd’hui un pour cent de la population mondiale détient 70 pour cent des richesses, nous nous sommes battus pour la liberté du travail et l’esclavage est de retour partout, et la semaine de 40 heures est un souvenir. Nous voulions la paix et partout aujourd’’hui il y a la guerre. Nous voulions une démocratie radicale et partout le nazi-libéralisme domine.

Il n’y a donc aucun doute : nous avons perdu. Mais qui est ce “nous” qui parle ? Ce ne sont pas les militants de telle ou telle organisation, ni le mouvement, mais la société dans son ensemble qui a perdu. Et peut-être que, dans la perspective qui se dessine maintenant que la civilisation sociale se désintègre, nous pourrions dire que c’est l’humanité civilisée qui a perdu. Nous disions de fait : socialisme ou barbarie.

Mais y avait-il une chance d’éviter cette défaite ? Et le socialisme aurait-il pu éviter l’abîme dans lequel nous sommes maintenant en train de plonger ?

Peut-être avons-nous attribué à la volonté un pouvoir qu’elle ne possède pas : la volonté peut très peu. L’imagination peut un peu plus : mais peut-être avons-nous imaginé un possible qui n’était pas possible.

La solution finale qui se dessine aujourd’hui aurait-elle pu être évitée ? Le mouvement de 68 aurait-il pu effacer l’héritage de cinq siècles de violence contre la terre ? J’apprécie l’honnêteté omplacable de Vicky Franzinetti, mais je pense que ses propos sont symptomatiques d’une foi disproportionnée dans le pouvoir de la volonté.

Le mouvement auquel nous avons participé affirmait que l’égalité et la fraternité sont les seules méthodes qui peuvent permettre au monde d’échapper à l’horreur. C’est tout. Nous n’avions pas tort de dire cela. C’était vrai, et c’est encore vrai aujourd’hui. Mais c’est une vérité inopérante, car les conditions culturelles, psychiques et environnementales rendent l’égalité utopique et la fraternité impossible.

Après le 68 mondial, l’égalité et la fraternité ont été attaquées et détruites par les troupes idéologiques mais surtout militaires et techno-financières du nazi-libéralisme. Nous avons perdu et Pinochet a gagné, et avec lui le système financier occidental qui a ouvert la voie à la Réaction mondiale, à l’extractivisme du capitalisme mondial.

Les innombrables expériences de lutte dans l’ère qui a suivi la défaite du communisme sont des expériences désespérées parce qu’elles manquent d’un horizon réaliste : il n’y a plus d’issue politique à la spirale destructive sans limites du nazi-libéralisme. Nous avons la dernière preuve de cette impossibilité, encore une fois, au Chili entre 2019 et 2022.

Devons-nous donc penser que sur nos épaules pèse, comme le dit Vicky, une dette immense ? Je me pose vraiment la question, sans avoir de réponse, maintenant que je vois les scènes à Lutzerath, maintenant que je vois les filles et les garçons de la dernière génération se battre sur cette lande gelée comme des moineaux légèrement déplumés attaqués par l’énorme monstre de l’économie fossile et l’appareil policier de l’État allemand. Comme leurs pairs de Téhéran, ils sont confrontés à une tempête que nous n’avons pas pu éviter.

J’ai également vu The Swimmers [Les Nageuses] le film de Sally El Hosaini, une cinéaste britannique d’origine égyptienne : il raconte l’histoire de deux sœurs nageuses qui, fuyant la guerre en Syrie, risquent le naufrage et finissent par traîner leur canot déglingué dans les eaux de la mer séparant la Turquie de l’île de Lesbos. Sur le canot pneumatique tiré par les sœurs Yasra et Sara, assis de façon précaire, se trouvent des Bengalis et des Syriens aux côtés de Nigérians et d’Afghans. À mon avis, ce film mérite lui aussi d’être vu : il évoque la tragédie qui se poursuit aux frontières de l’Europe, et qui est amplifiée par les guerres et le changement climatique. Le communisme aurait-il pu empêcher cette tragédie, comme on le pensait dans les années 68 ?

The Curse of the Nutmeg [La malédiction de la noix de muscade, inédit en fr.,NdT], le dernier livre d’Amitav Gosh (roman et essai philosophique, anthropologique et historique) me fait penser que non, nous n’aurions pas pu éviter l’épreuve de force avec la Terre. Selon Gosh, le capitalisme mondial trouve son origine dans une guerre biopolitique prolongée que les puissances colonialistes ont déclenchée contre l’écosystème de la planète. Les peuples indigènes qui faisaient partie intégrante de l’écosystème planétaire ont été exterminés par les guerres biopolitiques. De cette dévastation, le capitalisme industriel a tiré son énergie, provoquant une mutation climatique et biologique que la volonté politique ne peut plus gouverner. Le processus de terraformation qui a rendu possible la création de l’industrie moderne a déclenché des processus irréversibles qui ont des effets dévastateurs sur la continuité de la vie associée.

Gosh écrit :

« Les similitudes entre la crise planétaire actuelle et les bouleversements environnementaux qui ont détruit le mode de vie d’innombrables peuples amérindiens et australiens ont quelque chose de petrurbant ».

Nous avons longtemps entretenu l’illusion que la civilisation pouvait survivre aux ravages causés par l’extractivisme, la surexploitation du système nerveux et la pollution de l’environnement physique et mental. Mais au cours de ce nouveau siècle, nous commençons à nous rendre compte que ce n’est pas le cas : si des groupes d’humains survivront peut-être, l’humanité ne le pourra pas. En fait, en observant le paysage psycho-politique contemporain, on peut penser que l’humanité n’existe déjà plus. Mes anciens camarades de Lotta Continua, ou du moins leurs anciens dirigeants, croient peut-être en l’existence de guerres nationales justes : presque tous ont pris position en faveur de la guerre nationale ukrainienne, et soutiennent l’envoi d’armes à ces combattants. Ils disent que c’est comme l’époque du Vietnam, mais rien de cela n’est vrai : pour nous tous (et pour mes camarades de LC), celle-là était une guerre internationaliste contre l’impérialisme d’un pays lointain. Aujourd’hui, c’est un carnage nationaliste armé et exploité par le nazi-libéralisme atlantique, qui utilise cyniquement la vie de millions d’Ukrainiens pour les intérêts des grands fabricants d’armes et le partage du marché des combustibles fossiles. Mes anciens camarades ont perdu le bien de l’intellect, mais ce n’est pas pour cela que j’ai cessé de les aimer, car tout cela (même l’extermination du peuple ukrainien ou l’extermination du peuple palestinien) ne sont que des détails de l’Holocauste mondial en cours. C’est le sujet du livre de Gosh, dans lequel apparaît un nouvel acteur, que les historiens modernes n’ont pas su voir comme une subjectivité : la Terre, à laquelle l’écrivain attribue une agence, une intentionnalité que nous ne sommes ni capables de comprendre ni de gouverner :

« Qui sait si les entités et les forces artificielles et naturelles non humaines ne poursuivent pas des buts qui leur sont propres, dont les humains ne savent rien ».

L’héritage de la colonisation semble irréversible non seulement sur le plan physique et biologique, mais aussi sur le plan social et anthropologique. Sur le plan social, le mode de production capitaliste n’aurait jamais pu s’établir sans l’extermination, la déportation et l’esclavage. 

Gosh écrit :

« L’ère des conquêtes militaires a précédé de plusieurs siècles l’émergence du capitalisme. Ce sont précisément ces conquêtes et les systèmes impériaux qui en sont découlés qui ont favorisé la montée imparable du capitalisme ».

Et selon Cedric Robinson, « la relation entre le travail des esclaves, la traite des esclaves et l’émergence des premières économies capitalistes est évidente ».

En outre, sur le plan  niveau anthropologique

« c’est la transformation des êtres humains en ressources muettes qui a permis le saut conceptuel à la suite duquel il est devenu possible de réduire la Terre et tout ce qu’elle contient à l’inertie... Ce n’est qu’après l’avoir imaginée comme morte que nous avons pu nous consacrer à la rendre telle » (Gosh encore).

L’ensemble du mouvement historique de la modernité a atteint son point de désintégration : tel est le sens du XXIe siècle. Nous n’aurions pas pu éviter cette désintégration si nous avions gagné. Que Vicky Franzinetti soit rassurée

La guerre mondiale asymptotique dans laquelle nous sommes embarqués depuis le 24 février 2022, ne fait qu’accélérer la catastrophe écologique ultime : c’est une guerre nationale contre l’impérialisme fasciste russe, qui a été instiguée et armée par l’impérialisme nazi-libéral atlantique. Cette guerre, qui multiplie de manière effrayante la catastrophe climatique et les migrations qui en découlent, est un signe indéniable de l’effondrement mental et de la démence sénile dont souffre l’espèce humaine.

Au-delà de la rhétorique obscène du nationalisme (tant russe qu’ukrainien), à l’origine de cette guerre se trouve la question énergétique (North Stream 2 et la volonté usaméricaine de rompre ce lien entre l’Allemagne et la Russie). Le résultat de cette guerre est une relance de l’économie des combustibles fossiles, au moment même où la fonte des glaciers, la montée des océans et mille autres signes nous avertissent que le temps est compté et que la poursuite de l’économie des combustibles fossiles signifie le suicide de la civilisation humaine. Lützerath nous le rappelle, et entre-temps le charbon est de retour.

Gosh observe :

« Les combustibles fossiles sont la base sur laquelle repose l’hégémonie stratégique de l’Anglosphère » et « la militarisation est l’activité qui contribue le plus à la dévastation de l’environnement ».

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : les efforts productifs de l’avenir proche seront plus que jamais consacrés à la construction d’armes toujours plus puissantes. Pas le financement du système de santé que le nazi-libéralisme a détruit partout, pas le financement des systèmes éducatifs, qui ont été mis en pièces par l’offensive privée et le chaos info-nerveux : la guerre sera le principal engagement des Etats et des systèmes productifs.

« Il y a un risque très sérieux que notre civilisation touche à sa fin. D’une manière ou d’une autre, l’espèce humaine survivra, mais nous détruirons tout ce que nous avons construit au cours des deux mille dernières années », déclare Hans Joachim Schellnhuber (cité par Amitav Gosh).

Et voici que des groupes de déserteurs quittent la scène de l’histoire pour vivre dans les ruines de la modernité, comme des champignons qui poussent là où tout se décompose, comme le dit Anna Lowenhaupt Tsing dans Le champignon de la fin du monde, Sur les possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme.  C’est vers là que notre réflexion doit se déplacer : au-delà de l’individu, au-delà de l’espèce, parmi les ruines en décomposition.

Références

Anna Lowenhaupt Tsing Le champignon de la fin du monde, Sur les possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme, La Découverte 2017 

Amitav Gosh : The Nutmeg's Curse: Parables for a Planet in Crisis,John Murray 2022

Cedric Robinson : Black Marxism : The Making of the Black Radical Tradition, Zed Books 1983, North Carolina Press, 2021.

Sally El Hosaini, The Swimmers, 2022

 

31/01/2023

CHIARA CRUCIATI
Ramy Shaath : “Tahrir était animée par l’ espoir, le prochain soulèvement sera motivé par la faim”

 Chiara Cruciati, il manifesto, 25/1/2023
English:
Ramy Shaath: Tahrir was driven by hope, the next revolt will be driven by hunger
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

L’Égypte du 25 janvier. Douze ans après la révolution, la misère dicte la vie quotidienne : il y a pénurie de nourriture et de médicaments. Il n’y a pas de devises étrangères : les importations sont bloquées, mais le régime dépense des milliards en armes occidentales. Interview de l’activiste Ramy Shaath : « Le pays est sur le point d’exploser. Mais avec l’opposition emprisonnée, il y a un manque de vision politique ».

Douze ans plus tard, la place Tahrir a changé de visage. La restructuration voulue par le gouvernement né du coup d’État de juillet 2013 l’a défigurée. Pour l’empêcher de rester ce qu’elle a toujours été, la place de la libération, on l’a transformée en rond-point pour les automobilistes et on a rempli son cœur d’obélisques pour célébrer le plus ancien empire et oublier les réalisations modernes.

Autour de Tahrir, la vie quotidienne a également changé. Les Égyptiens ont faim. Jamais ils n’avaient eu aussi faim, disent-ils. Le journal en ligne The New Arab titrait hier : « Forcés de devenir végans », parce que la viande coûte trop cher. Les bouchers ferment boutique, les uns après les autres. Ils n’ont pas de clients. Il y a également une pénurie de producteurs : élever une vache n’est plus rentable. Douze ans après la révolution qui a dévoilé l’autre Égypte, Tahrir est de plus en plus lontaine. Au moins en apparence. La colère monte.

Ramy Shaath, l’un des militants les plus connus d’Égypte, en est convaincu. D’origine palestinienne, cofondateur de BDS Égypte et visage de la place Tahrir, il fête un an de liberté : il a été libéré en janvier 2022, après deux ans et demi de détention provisoire, sans jamais passer en jugement. Semi-liberté : le Caire lui a retiré sa citoyenneté, il a été expulsé vers Paris immédiatement après avoir mis “les pieds sur l’asphalte”, comme disent les Égyptiens lorsqu’un prisonnier sort de prison.

Ramy Shaath et son épouse Céline Lebrun-Shaath à l'aéroport de Roissy, le 8 janvier 2022, après leur expulsion. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Pour comprendre l’Égypte d’aujourd’hui, on ne peut que commencer par la situation socio-économique. Deux tiers de la population vivent dans la pauvreté, tandis que le gouvernement achète un jet présidentiel à 500 millions de dollars, dépense 50 milliards pour une capitale flambant neuve, neuf milliards pour des navires de guerre italiens. On pourrait continuer.

La situation économique ne se détériore pas, elle explose. Au cours des deux derniers mois, la livre égyptienne a perdu 50 % de sa valeur. Les produits de première nécessité ne sont plus disponibles : riz, huile de cuisson, médicaments. Ils ne sont pas là parce que 70% de ce que les Égyptiens consomment vient de l’étranger, mais il y a une pénurie de dollars dans le pays et les importations sont bloquées. Et ce qu’il y a coûte trop cher, certains produits de base ont connu une hausse de prix allant jusqu’à 300 %. Avec un budget intérieur dont un tiers va aux méga-projets d’infrastructure voulus par le régime, il ne reste rien pour la santé, l’éducation, les subventions alimentaires pour les pauvres. Mais la réduction des subventions n’a pas amélioré la situation économique de l’État.

L’Égypte ne produit presque plus rien, elle vit essentiellement des transferts de fonds des Égyptiens à l’étranger. La seule véritable exportation de l’Égypte est la population, une main-d’œuvre bon marché qui va travailler dans le Golfe, en Europe, aux USA, et qui renvoie 30 milliards de dollars par an au pays. Mais même cela ne suffit plus : l’Égypte a une dette extérieure officielle de 170 milliards de dollars, bien que les chiffres officieux parlent de 220 milliards. Chaque jour, je reçois des appels d’amis, de politiciens, de membres de ma famille restés en Égypte, qui me parlent de l’impossibilité de trouver de la nourriture et des médicaments, des chats et des chiens errants qui meurent dans les rues parce que les gens vident les poubelles à la recherche de restes.

Le régime a-t-il une stratégie ?

Il n’y a pas de vision gouvernementale. Le régime a multiplié la dette extérieure, de 30 milliards en 2013 à 170 milliards aujourd’hui, à laquelle s’ajoute la dette intérieure, de 40 milliards à 251 milliards aujourd’hui. De l’argent qui n’a pas été utilisé en faveur de l’économie de production, mais qui a été dépensé dans des projets inutiles, comme l’élargissement du canal de Suez ou la nouvelle capitale, le Nouveau Caire, symbole du besoin du régime de se fortifier, de s’éloigner du peuple afin qu’en cas de soulèvement, le désert et les postes militaires protègent le gouvernement. Des projets visant à enrichir les entreprises contrôlées par l’armée, qui détient aujourd’hui 50 à 60% de l’économie sans payer d’impôts ni de factures. Les généraux sont devenus très riches, envoyant de l’argent à l’étranger sur des comptes secrets pendant que le pays sombre. Et pour la première fois, les classes riches sombrent aussi, les entrepreneurs privés souffrent aussi. Et ne parlons pas de la classe moyenne : elle a disparu, elle n’existe plus. Il n’y a que la pauvreté.

Pourtant, de nombreux pays occidentaux racontent une histoire différente : une Égypte qui est une source de stabilité dans une région en proie à des conflits. Un régime qui emprisonne 60 000 personnes pour des raisons politiques et affame un peuple entier peut-il générer la stabilité ?

Il n’y a pas de stabilité avec la pauvreté et la persécution de dizaines de milliers de personnes pour leurs idées politiques. Il n’y a pas de stabilité avec la censure des médias et l’armée qui contrôle l’économie. Il n’y a pas de stabilité avec l’armée qui augmente son pouvoir et avec l’argent qui est dépensé pour les armes au lieu de la santé et de l’éducation. Les gouvernements occidentaux qui arment le Caire devraient faire pression pour la démocratisation, des élections libres, la fin de l’oppression politique et une gestion équitable de l’économie. Cela garantira la stabilité. Au lieu de cela, nous avons un régime qui achète des jets de guerre usaméricains au milieu de la plus grande crise de l’histoire de l’Égypte et avec neuf milliards de dollars d’importations alimentaires qui n’entrent pas dans le pays parce que nous n’avons pas de dollars pour les payer. Lorsque la situation explosera, l’Occident nous traitera de dictature du tiers monde. Nous ne sommes pas seulement cela, nous sommes un colonialisme du tiers monde, car c’est l’Occident qui maintient cette réalité de corruption et d’oppression. Il y a trois semaines, aux USA, j’ai rencontré le département d’État : ils m’ont dit que je ne devais pas placer mes espoirs dans la démocratisation, que nous pouvions au mieux travailler à améliorer le respect des droits de l’homme. Non merci, nous ne voulons pas d’une “amélioration”, nous voulons la liberté et la démocratie.

Dix ans après le coup d’État, le régime d’Al Sissi est-il stable ou existe-t-il des dissensions internes ?

Les fractures viendront. Aujourd’hui, les services secrets et l’armée soutiennent le régime parce qu’il leur accorde le pouvoir économique et l’impunité. Lorsque cette puissance économique sera mise à mal par la crise économique, qui affectera aussi inévitablement leurs entreprises, nous assisterons à des dissensions internes. En s’appuyant sur l’armée, Al Sissi a tenté de se constituer une base solide. Et il a mis les forces armées au premier plan, après des décennies de pouvoir dans les coulisses. Il n’y a plus de zone tampon entre le peuple et l’armée. Le prochain soulèvement ne peut avoir que l’armée comme interlocuteur et rien de bon n’en sortira.

Les oppositions existent-elles encore dans un climat aussi répressif ?

Les oppositions sont très faibles. Le mouvement islamique est complètement détruit et ce qui reste est divisé : il y a des divergences entre les frères musulmans en prison et ceux à l’extérieur, entre l’ancienne et la nouvelle génération. Je pense que c’est une bonne chose : au sein de la Fraternité, des voix s’élèvent désormais contre les tentatives de nouvelles ascensions vers le pouvoir. Cela pourrait pour la première fois donner à l’Egypte une chance de changement vers un gouvernement laïc, ni militaire ni religieux. Mais la société civile ne se porte pas bien non plus : des dizaines de milliers de militants sont en prison, des centaines ont dû quitter le pays. Il est difficile de former une opposition organisée. Il y en a une dans la diaspora qui essaie d’entrer en contact avec celle du pays, mais c’est dangereux : beaucoup de militants en Égypte ont peur de nous parler à l’étranger. C’est suffisant pour être arrêté.

Un nouveau soulèvement est-il encore possible ?

C’est certain, mais je crains que ce ne soit dangereux. Si vous détruisez les oppositions, le peuple qui se révolte par la faim se retrouvera sans direction politique. La révolution de 2011 était une révolution pour la liberté, lancée par la classe moyenne et soutenue par tous les secteurs sociaux. Elle avait une vision politique claire et des revendications précises : démocratisation, liberté, changements constitutionnels. Sans scénario politique, le mouvement populaire sera dépolitisé et moins organisé, animé par la colère et la faim plutôt que par l’espoir et la vision politique. La situation va exploser. Et ça va bientôt exploser. Cela peut arriver à tout moment. Avec une opposition forte, l’explosion se produirait dans un filet de sécurité qui évite l’abîme. Une révolution conduite par la colère et non par l’espoir est dangereuse. Tahrir était magnifique parce qu’elle était animé par l’espoir.

Cependant, Tahrir a changé la société égyptienne, elle a montré qu’elle était capable de faire une révolution.

Le peuple sera toujours créatif et trouvera les moyens de se soulever. Ce que le régime a fait, c’est frapper tous ceux qui ont participé à la révolution. Elle a été faite par les activistes ? Il les a emprisonnés ou déportés. Elle a été faite par le mouvement islamique ? Il a tué ses membres, les a emprisonnés. Elle a été faite  par les ONG ? Il les a fait fermer par décret et a confisqué leur argent. Elle a été faite grâce à Internet ? Les services ont intensifié le contrôle de masse des réseaux sociaux. Elle s’est faite dans les lieux de rencontre des mouvements et des intellectuels de gauche ? Il a fermé des cafés, des librairies, des lieux culturels. Le régime a visé tout espace pouvant représenter un lieu de débat politique. Il a réorganisé la place Tahrir pour rendre les manifestations difficiles. C’est une façon stupide de penser, c’est l’armée et les services. Ils n’ont pas compris que lorsque les gens veulent se rebeller, ils trouvent un moyen de communiquer et de se rassembler.

La place Tahrir le 18 février 2011 (à dr.) et le 11 novembre 2020

 

 

30/01/2023

HAGAR SHEZAF
Depuis l'attaque terroriste de vendredi, 35 actes criminels de vengeance présumés ont été commis contre des Palestiniens

Hagar Shezaf, Haaretz, 30/1/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Après la fusillade de la semaine dernière à Jérusalem-Est qui a suivi le raid meurtrier de Tsahal à Jénine, la police israélienne enquête sur ces incidents - des attaques de vengeance par des colons -, mais n'a procédé à aucune arrestation jusqu'à présent.

La voiture incendiée dans le village de Turmussya, dimanche

Une voiture a été incendiée et une inscription “Les Juifs se réveillent” a été peinte à la bombe dimanche soir dans le village palestinien de Jalud, dans le cadre d'une vague de crimes de vengeance présumés contre des Palestiniens après la série d'attentats du week-end dernier à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.

Depuis vendredi, Israël a enregistré 35 cas de crimes nationalistes visant des Palestiniens en Cisjordanie, notamment des jets de pierres sur des voitures et des actes de vandalisme, principalement dans la région de Binyamin, au nord de Jérusalem. Aucune arrestation n'a été effectuée dans ces cas.

La police a ouvert une enquête et soupçonne que des colons juifs ont mis le feu au véhicule. Le village de Jalud, situé près de l'avant-poste de Shiloh, a souvent été la cible de crimes nationalistes commis par des colons au fil des ans.

Dimanche soir également, des pierres ont été lancées sur des véhicules palestiniens sur la route menant à la ville de Rawabi, pour la deuxième nuit consécutive.

Samedi soir, six voitures ont été incendiées dans le village de Majdal Bani Fadil, où des pierres ont également été lancées en direction d'une ambulance. Les médias palestiniens ont également rapporté qu'un stand de légumes a été endommagé dans la vallée du Jourdain, mais des sources de sécurité israéliennes ont déclaré ne pas être au courant de cette affaire.

La police enquête sur ces incidents comme des crimes de vengeance potentiels après que sept personnes ont été tuées dans une fusillade devant une synagogue à Jérusalem-Est vendredi soir, suivie d'une autre fusillade à Jérusalem par un Palestinien de 13 ans qui a blessé deux personnes.

Ces récentes attaques mettent en évidence un cycle de violence en Israël et dans les territoires palestiniens qui s'est accéléré après que les forces israéliennes ont tué dix Palestiniens lors des affrontements qui ont suivi un raid à Jénine jeudi dernier.

À la suite de ce raid meurtrier, au cours duquel les forces israéliennes ont tenté d'arrêter des personnes soupçonnées de planifier des attaques terroristes, l'Autorité palestinienne a annoncé qu'elle mettait un terme à sa coordination sécuritaire avec Israël.