Le terme « écosystème de la résistance » a longtemps été brandi pour désigner les Libanais qui soutiennent la résistance à l’ennemi israélien.
Je n’ai jamais aimé ce terme. Il implique que la résistance à l’ennemi est d’abord un choix d’une communauté confessionnelle particulière de Libanais*, et deuxièmement, indépendamment des lois libanaises qui déclarent explicitement qu’Israël est un ennemi, c’est une position libre garantie par la démocratie et la liberté d’expression !
Indépendamment de mon interprétation, quelle est la définition d’un écosystème ? Comme tous les termes au Liban, chacun a un codage idéologique/sectaire. Ceux qui utilisent ce terme à l’intérieur du pays, ainsi bien chez l’ennemi, veulent se référer exclusivement à la communauté chiite, alors que les partisans de la résistance libanaise, qu’ils soient islamistes, de gauche ou nationalistes, ne se limitaient jamais à telle ou telle communauté. Les Libanais se souviennent encore que certains des principaux agents de l’occupation israélienne du sud avant la libération de l`an 2000 étaient musulmans chiites et chrétiens maronites. La trahison n’a pas de religion, comme l’ont prouvé les soi-disant « l’armée du Liban-Sud » d’Antoine Lahad, alliée à Israël à l’époque, et les arrestations répétées d’agents [d’Israël] par la suite. Cependant, depuis le début de l’agression israélienne, Israël utilise une définition plus large de l’“environnement nourricier” [du “terrorisme”, autrement dit la résistance]. Ainsi, il a considéré que toute personne hébergeant des Libanais déplacés des zones bombardées par l’ennemi, que ce soit dans la Bekaa, le sud du pays ou la banlieue sud de Beyrouth, en particulier dans les zones mixtes multiconfessionnelles, était accusée de collaborer avec l’écosystème de la résistance, et donc avec la résistance elle-même. Leur punition, malgré leur statut de civil, est tout simplement le bombardement par des missiles lourds de dizaines de tonnes d`explosifs, comme le phosphore, interdits à l’échelle internationale, dont les sources se promènent entre notre mer et notre ciel violés, matin et soir, avec des armes données à Israël par le partenaire usaméricain. Ce même partenaire qui a empêché, et empêche toujours, l’armée libanaise de posséder des armes, même défensives, qui lui permettraient de résister à la domination aérienne israélienne, et de protéger ainsi les civils et le territoire libanais. D’ailleurs c’est ce qui a justifié historiquement la résistance populaire libanaise sous toutes ses formes. Cependant, à l’exception de quelques cacophonies ici et là, amplifiées par les médias anti-résistance, et malgré le bombardement de diverses zones résidentielles accueillant des personnes déplacées, faisant des centaines des morts et blessés, Israël a échoué. Il n’a pas réussi à déclencher le conflit confessionnel sur lequel il misait. Depuis le début des déplacements forcés, les Libanais ont accueilli chaleureusement leurs frères déplacés, quelle que soit la confession à laquelle ils appartenaient, en particulier dans les zones connues pour leur tendance à la « pureté sectaire ». C’était rafraîchissant à entendre et à voir. Les différents dialectes régionaux ont commencé à se mélanger sur toute la carte du pays, à l’image de ce à quoi une nation devrait ressembler. Je l’ai remarqué un jour à Tripoli et un autre jour dans mon village, où l’on pouvait entendre un mélange de dialectes régionaux que l’on n’avait jamais l’habitude d`entendre. À Achrafieh, un quartier christianisé depuis la guerre civile, où je suis allée aider dans une cuisine ouverte par un ami pour nourrir les personnes déplacées, un peu perdue, j’ai arrêté un passant et lui ai demandé l’adresse que j’avais sur moi. L’homme a souri et m’a répondu, à ma grande surprise, avec un « pur » accent du sud, qui m’est tombé dans les oreilles comme une note juste dans une symphonie de cacophonie sectaire, à laquelle, malheureusement, nous étions trop « habitués » pour nous attendre à entendre cet accent dans cet endroit. Achrafieh, Tariq El Jdideh, le Chouf, Zghorta, Akkar, Jbeil [Byblos], Batroun, Deir al-Ahmar... Tous ces lieux sont en train de devenir un environnement incubateur, selon la définition israélienne. Une définition insidieuse et dangereuse, que la récente déclaration de la ministre allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock, qui a justifié les bombardements de civils, a rendu encore plus dangereuse si elle est adoptée comme précédent dans les guerres futures. Et je me suis interrogée : que penserait cette ministre “intelligente” [ouais, enfin…,NdlT], dont le gouvernement a utilisé hier une frégate de la FINUL pour intercepter un drone libanais lancé par la résistance vers l’ennemi avec lequel elle est engagée dans une bataille féroce ? Et si nous utilisions la définition israélienne élargie d’un écosystème, mais dans le sens inverse, et avec une petite réflexion sur la performance collective de l’Occident depuis un an jusqu’à aujourd’hui, que ce soit au Liban ou en Palestine ? Quelles seront les conséquences ? Intuitivement, les États-Unis d’Amérique, avec leur composante sioniste, et la majorité des pays européens complices de la guerre d’Israël, deviendront aussi, dans ce sens, un environnement nourricier ! Avec une différence morale majeure, ils sont une couveuse pour les criminels de guerre, qu’ils soutiennent par la parole, les actes, les armes et la diplomatie. Aujourd’hui, Israël ressemble plus que jamais à une base militaire avancée pour l’Occident collectif. Le poids d’une entité qui n’a aucune morale, aucun respect pour le droit international ou les considérations humanitaires. Son « écosystème » l’encourage à poursuivre sa brutalité en s’abstenant, en plus de le soutenir en armes et en expertise, de le punir, même au prix de la vie de ses citoyens, comme c’est le cas pour la FINUL. D’autre part, l’adhésion aux lois internationales pendant les guerres, qui étaient destinées à préserver notre humanité, est presque une faiblesse dans la performance de la résistance contre un ennemi psychologiquement perturbé et brutal. Dans un monde qui observe depuis plus d’un an le génocide à Gaza, en Cisjordanie et en Palestine en général, en plus de ce qu’il a commencé à faire au Liban, surtout depuis les assassinats que le monde « libre » a traités comme s’il s’agissait d’un comportement légitime, suivi du massacre des bipeurs, le bombardement de civils sous le prétexte qu’ils sont l’environnement incubateur de la résistance, pour ensuite les déplacer et les prendre pour cible. Tout cela fait que l’idée de viser l’environnement de soutien de l’ennemi, qui est au moins les colons armés et au plus les soutiens internationaux, est un objectif que les personnes endeuillées peuvent considérer comme plus que légitime, et c’est très dangereux. Depuis le début de l’agression contre le Liban, des amis européens et usaméricains, notamment de pays qui soutiennent farouchement Israël, nous appellent pour prendre de nos nouvelles. Ils nous disent qu’ils sont de tout cœur avec nous et nous demandent s’ils peuvent nous aider d’une manière ou d’une autre. Il est vrai que nous avons besoin de toute l’aide possible, et nous en sommes reconnaissants, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est qu’ils influencent positivement les politiques de leurs gouvernements afin d’empêcher leurs dirigeants fascistes de faire d’eux et de leur pays une simple couveuse pour le monstre. Si cette définition d’incubateur échappe à tout contrôle, elle pourrait conduire à des représailles aveugles dans une réaction qui exprime le désespoir face à une justice internationale défaillante. Une justice qui, aujourd’hui plus que jamais, semble brisée et impuissante. Le simple fait d’y penser m’effraie. Mon Dieu, que l’avenir de cette planète est sombre !
NdlT
*Le Liban
compte 18 communautés confessionnelles : quatre musulmanes, douze chrétiennes,
une druze et une juive. Depuis 1943, le système politique en vigueur est
confessionnaliste, ce qui a eu des conséquences tragiques (notamment la guerre
civile de 1975-1990)
« Un
an après les attentats du 7 octobre, Netanyahou est sur une lancée victorieuse » :
tel est le titre d’un récent article d’Axios
décrivant le Premier ministre israélien sur une vague imbattable de triomphes.
Ces « succès » militaires stupéfiants, note l’auteur Barak Ravid, comprennent
le bombardement du Yémen, l’assassinat du chef du Hamas Ismail Haniyeh et du
chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, ainsi que les attentats aux bipeurs contre
le Liban.
Le même
auteur est récemment devenu viral pour un article affirmant que les attaques
israéliennes contre le Hezbollah « n’ont pas pour but de mener à la guerre mais
sont une tentative de “désescalade par l’escalade” ». Les utilisateurs des
médias sociaux se sont moqués de Ravid pour ce raisonnement bizarre et
orwellien. Mais ce qui a échappé à presque tout le monde, c’est que Barak Ravid
est un espion israélien - ou du moins il l’était jusqu’à récemment. Ravid [né en 1980] est un
ancien analyste de l’agence
d’espionnage israélienne Unité 8200. Jusqu’en mars 2023, il était réserviste
des Forces de défense israéliennes.
L’Unité
8200 est l’organisation d’espionnage la plus importante et peut-être la plus
controversée d’Israël. Elle est responsable de nombreuses opérations d’espionnage
et de terreur très médiatisées, dont le récent attentat aux bipeurs qui a
blessé des milliers de civils libanais. Comme le révélera cette enquête, Ravid
est loin d’être le seul ancien espion israélien à travailler dans les
principaux médias usaméricains, s’efforçant de susciter le soutien de l’Occident
aux actions de son pays.
L’initié
de la Maison Blanche
Ravid est
rapidement devenu l’une des personnalités les plus influentes du corps de
presse du Capitole. En avril, il a remporté le prestigieux prix des
correspondants de presse de la Maison-Blanche « pour l’excellence globale de sa
couverture de la Maison-Blanche », l’une des plus hautes distinctions du
journalisme usaméricain. Les juges ont été impressionnés par ce qu’ils ont décrit comme «
des niveaux profonds, presque intimes, d’approvisionnement en sources aux USA
et à l’étranger » et ont sélectionné six articles comme étant des travaux
journalistiques exemplaires.
La
plupart de ces articles consistaient simplement à publier des sources anonymes
de la Maison Blanche ou du gouvernement israélien, à les mettre en valeur et à distancier
le président Biden des horreurs de l’attaque israélienne contre la Palestine.
Ainsi, il n’y avait pratiquement aucune différence entre ces articles et les
communiqués de presse de la Maison Blanche. Par exemple, l’un des articles
retenus par les juges était intitulé « Scoop : Biden dit à Bibi qu’une pause de
trois jours dans les combats pourrait aider à obtenir la libération de certains
otages », et présentait le 46e président des USA comme un
humanitaire dévoué, déterminé à réduire les souffrances. Un autre article
décrivait la « frustration » de Biden à l’égard de Netanyahou et du
gouvernement israélien.
Des
protestataires avaient appelé les
journalistes à bouder l’événement par solidarité avec leurs confrères tombés à
Gaza (ce qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, représente au moins 128
journalistes). Non seulement l’événement n’a pas été boycotté,
mais les organisateurs ont décerné leur prix le plus prestigieux à un
fonctionnaire des services de renseignement israéliens devenu reporter, qui s’est
forgé la réputation d’être peut-être le sténographe le plus consciencieux du
pouvoir à Washington.
Ravid s’est
vu remettre personnellement le prix par le président Biden, qui l’a embrassé
comme un frère. Le fait qu’un (ancien) espion israélien connu puisse serrer
Biden dans ses bras de cette manière en dit long non seulement sur les
relations intimes entre les USA et Israël, mais aussi sur la mesure dans
laquelle les médias de l’establishment sont redevables au pouvoir politique.
Ravid s’est
fait un nom en publiant sans esprit critique des informations flatteuses qui
lui sont communiquées par le gouvernement usaméricain ou israélien et en les
faisant passer pour des scoops. En avril, il a écrit que « le
président Biden a lancé un ultimatum au premier ministre israélien Benjamin
Netanyahou lors de leur conversation téléphonique de jeudi : Si Israël ne
change pas de cap à Gaza, « nous ne serons pas en mesure de vous soutenir » »,
et qu’il “ exerçait sa plus
forte pression pour mettre fin aux combats à Gaza après six mois de guerre, et
avertissait pour la première fois que la politique américaine sur la guerre
dépendrait de l’adhésion d’Israël à ses demandes”, qui incluaient “un
cessez-le-feu immédiat”. En juillet, il a répété
que
des sources anonymes lui avaient dit que Netanyahou et Israël s’efforçaient de
trouver « une solution diplomatique », une autre affirmation très douteuse.
D’autres
articles de Ravid suivent le même schéma :
Cet
acharnement à blanchir l’administration Biden a suscité de nombreuses moqueries
en ligne.
« AXIOS
EXCLUSIF : Après avoir vendu à Netanyahou des millions de dollars d’armes,
Biden a joué - à haute voix – ‘Bad Blood’ de Taylor Swift. Tout le monde
pouvait l’entendre, dit une source proche de Biden », a tweeté
l’
utilisateur X David Grossman. « Je continue à donner des tas d’argent et d’armes,
mais je secoue la tête pour que tout le monde sache que je ne suis pas d’accord
», a écrit le comédien Hussein Kesvani, en réponse au dernier article de Ravid
suggérant que Joe Biden est devenu “de plus en plus méfiant” à l’égard du
gouvernement israélien.
Tout au
long de cette prétendue rupture entre les USA et Israël, l’administration Biden
a continué à soutenir avec enthousiasme les offensives israéliennes, à bloquer
les
résolutions de cessez-le-feu et la création d’un État palestinien à l’ONU, et a
envoyé pour 18
milliards de dollars d’armes à Israël au cours des 12 derniers mois. Ainsi,
aussi discutables que soient les rapports d’Axios, ils jouent un rôle vital
pour Washington, en permettant à l’administration Biden de se distancier de ce
que les organismes internationaux ont qualifié de génocide. La fonction de
Ravid a été de fabriquer un consentement pour le gouvernement parmi les élites
libérales qui lisent Axios, leur permettant de continuer à croire que les USA
sont un honnête courtier pour la paix au Machrek plutôt qu’un complice clé d’Israël.
Ravid ne
cache pas son mépris affiché pour les Palestiniens. En septembre, il a retweeté un
message dans lequel on pouvait lire : « C’est le PaliNazi : C’est la
méthode des PaliNazis... ils empochent des concessions sans rien donner en
retour et utilisent ensuite ces concessions comme base de référence pour le
prochain cycle de négociations. Les PaliNazis ne savent pas dire la vérité ».
Moins d’une
semaine plus tard, il a fait la
promotion de l’ affirmation très douteuse du ministre israélien
de la Défense, Yoav Gallant, selon laquelle les forces de défense israéliennes
avaient trouvé une photo des enfants du chef des Brigades al-Qassam, Mohammed
Sinwar, célébrant devant une immense photo d’avions frappant le World Trade
Center. Gallant a déclaré qu’ils avaient trouvé cette photo - essayant
clairement d’associer faussement les Palestiniens au 11 septembre - dans un
tunnel « où les frères Sinwar se cachaient comme des rats ».
Une
agence d’espionnage tristement célèbre
Fondée en
1952, l’Unité 8200 est la division la plus importante et la plus controversée
de l’armée israélienne.
Responsable
des opérations secrètes, de l’espionnage, de la surveillance et de la
cyberguerre, le groupe est au centre de l’attention mondiale depuis le 7
octobre 2023. Il est largementidentifié comme l’organisation
à l’origine du tristement célèbre attentat aux bipeurs au Liban, qui a fait au
moins neuf morts et environ 3 000 blessés. Alors que beaucoup en Israël (et
Ravid lui-même) ont salué l’opération comme un succès, elle a été condamnée
dans le monde entier comme un acte de terrorisme flagrant, y compris par l’ancien
directeur de la CIA, Leon Panetta.
L’Unité
8200 a également établi une
liste de personnes à abattre pour Gaza, alimentée par l’intelligence
artificielle, suggérant des dizaines de milliers d’individus (y compris des
femmes et des enfants) à assassiner. Ce logiciel a été le principal mécanisme
de ciblage utilisé par les FDI au cours des premiers mois de leur attaque
contre cette bande densément peuplée.
Décrite
comme le Harvard israélien, l’Unité 8200 est l’une des institutions les plus
prestigieuses du pays. Les parents dépensent des fortunes pour que leurs
enfants suivent des cours de sciences et de mathématiques, dans l’espoir qu’ils
soient choisis pour y servir, ce qui leur ouvrirait les portes d’une carrière
lucrative dans le secteur florissant de la haute technologie en Israël.
L’unité
sert également de pièce maîtresse à l’appareil d’État répressif futuriste d’Israël.
En utilisant des quantités gigantesques de données compilées sur les
Palestiniens en suivant leurs moindres mouvements grâce à des caméras de
reconnaissance faciale, en surveillant leurs appels, leurs messages, leurs
courriels et leurs données personnelles, l’Unité 8200 a créé un filet
dystopique qu’elle utilise pour surveiller, harceler et réprimer les
Palestiniens.
L’Unité
8200 constitue des dossiers sur chaque Palestinien, y compris ses antécédents
médicaux, sa vie sexuelle et ses recherches, afin que ces informations puissent
être utilisées ultérieurement à des fins d’extorsion ou de chantage. Si, par
exemple, un individu trompe son conjoint, a désespérément besoin d’une
opération médicale ou est secrètement homosexuel, ces informations peuvent être
utilisées pour transformer des civils en informateurs et en espions pour le
compte d’Israël. Un ancien agent de l’Unité 8200 a déclaré que,
dans le cadre de sa formation, il devait mémoriser différents mots arabes pour
« gay » afin de pouvoir les repérer dans les conversations.
Les
agents de l’Unité 8200 ont ensuite créé certaines des applications les plus
téléchargées au monde et un grand nombre des programmes d’espionnage les plus
tristement célèbres, dont Pegasus. Pegasus a été utilisé pour surveiller des
dizaines de dirigeants politiques dans le monde entier, dont Emmanuel Macron en
France, Cyril Ramaphosa en Afrique du Sud et Imran Khan au Pakistan.
Le
gouvernement israélien a autorisé la vente de Pegasus à la Central Intelligence
Agency, ainsi qu’à certains des gouvernements les plus autoritaires de la
planète. L’Arabie saoudite, notamment, a utilisé le logiciel pour surveiller le
journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi avant qu’il ne soit
assassiné par des agents saoudiens en Turquie.
Une
récente enquête
de
MintPress News a révélé qu’une grande partie du marché mondial des VPN est
détenue et exploitée par une société israélienne dirigée et cofondée par un
ancien élève de l’Unité 8200.
En 2014,
43 réservistes de l’Unité 8200 ont
rédigé une déclaration commune dans laquelle ils déclaraient ne plus
vouloir servir dans cette unité en raison de ses pratiques contraires à l’éthique,
qui consistaient notamment à ne pas faire de distinction entre les citoyens
palestiniens ordinaires et les terroristes. La lettre indiquait également que
leurs renseignements étaient transmis à des politiciens locaux puissants, qui
les utilisaient comme bon leur semblait.
Cette
déclaration publique a hérissé Ravid de colère à l’égard de ses collègues. À la
suite de ce scandale, Ravid s’est rendu à la radio de l’armée israélienne pour attaquer les
dénonciateurs. Il a déclaré que s’opposer à l’occupation de la Palestine
revenait à s’opposer à Israël lui-même, l’occupation étant une « partie »
fondamentale d’Israël. « Si le problème est vraiment l’occupation, a-t-il dit,
alors vos impôts sont aussi un problème - ils financent le soldat au poste de
contrôle, le système éducatif... et 8200 est une belle blague ».
Si l’on
met de côté les commentaires de Ravid, une question se pose : est-il vraiment
acceptable que des membres d’un groupe conçu pour infiltrer, surveiller et
cibler des populations étrangères, qui a produit un grand nombre des
technologies d’espionnage les plus dangereuses et les plus invasives de la
planète, et qui est largement considéré comme étant à l’origine d’attaques
terroristes internationales sophistiquées, écrivent les news des USAméricains
sur Israël et la Palestine ? Quelle serait la réaction si des personnalités des
médias usaméricains s’avéraient être des agents de renseignement du Hezbollah,
du Hamas ou du FSB russe ?
Nouvelles
d’Israël, livrées par Israël
Ravid est
loin d’être le seul journaliste influent aux USA à entretenir des liens étroits
avec l’État israélien. Shachar
Peled a passé trois ans en tant qu’officier de l’unité 8200, à la
tête d’une équipe d’analystes spécialisés dans la surveillance, le
renseignement et la cyberguerre. Elle a
également travaillé comme analyste technologique pour le Shin Bet, le service
de renseignement israélien. En 2017, elle a été engagée comme productrice et
rédactrice par CNN et a passé trois ans à préparer des segments pour les
émissions de Fareed Zakaria et Christiane Amanpour. Google l’a ensuite engagée
pour devenir sa spécialiste principale des médias.
L’ancienne
espionne israélienne Shachar Peled a travaillé pour la chaîne israélienne i24
News avant d’être embauchée par CNN, puis par Google.
Tal
Heinrich est un autre agent de l’Unité 8200 qui a
travaillé pour CNN. Heinrich a passé trois ans en tant qu’agent de l’Unité
8200. Entre 2014 et 2017, elle a été productrice sur le terrain et à la
rédaction du bureau de CNN à Jérusalem, notoirement pro-israélien, où elle a
été l’une des principales journalistes à façonner la compréhension par l’USAmérique
de l’opération « Bordure protectrice », le bombardement israélien de
Gaza qui a tué plus de 2 000 personnes et laissé des centaines de milliers de
personnes déplacées. Heinrich a ensuite quitté CNN et est aujourd’hui la
porte-parole officielle du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
La
tendance de CNN à l’embauche de personnalités de l’État israélien se poursuit
encore aujourd’hui. Tamar Michaelis, par exemple, travaille actuellement pour
la chaîne et produit une grande partie de son contenu sur Israël et la
Palestine. Elle a pourtant été
porte-parole officielle des Forces de défense israéliennes (FDI).
Anat Schwartz avait liké un gazouillis d'un autre sioniste appelant à "transformer la bande de Gaza en abattoir", exemple cité par l'Afrique du Sud dans sa plainte à la CIJ contre Israël pour génocide. Elle a finalement été virée par le New York Times
Le New
York Times, quant à lui, a embauché Anat Schwartz, une ancienne officière de
renseignement de l’armée de l’air israélienne sans aucune expérience
journalistique. Schwartz a coécrit le fameux article« Screams
Without Words », aujourd’hui discrédité, qui
affirmait que des combattants du Hamas avaient systématiquement violé des
Israéliennes le 7 octobre. Le personnel du Times lui-même s’est révolté
devant l’absence de preuves et de vérification des faits dans l’article.
Plusieurs
employés du New York Times, dont l’éditorialiste vedette David Brooks,
ont des enfants qui servent
dans
les forces de défense israéliennes ; alors même qu’ils font des reportages ou
émettent des opinions sur la région, le Times n’a jamais révélé ces
conflits d’intérêts flagrants à ses lecteurs. Il n’a pas non plus révélé qu’il
avait acheté pour sa cheffe de bureau Jodi Rudoren une maison à Jérusalem qui avait été volée
à la famille de l’intellectuelle palestinienne Ghada Karmi en 1948.
"Comment réussir dans le journalisme sans vraiment prendre un diplôme" : BD à la gloire de Jeff Goldberg sur le site ouèbe de l'Université de Pennsylvanie
MintPress
News a
interviewé Ghada Karmi l’année dernière à propos de son dernier livre et
des tentatives israéliennes de la faire taire. Jeffrey Goldberg (un USAméricain),
ancien rédacteur du New York Times Magazine et actuel rédacteur en chef
de The Atlantic, avait abandonné ses études à l’université de Pennsylvanie
pour se porter volontaire en tant que gardien de prison des FDI pendant la
première Intifada (soulèvement) palestinienne. Dans ses mémoires, Goldberg a révélé que,
lorsqu’il servait dans les FDI, il a aidé à dissimuler les mauvais traitements
infligés aux prisonniers palestiniens.
Les
entreprises de médias sociaux sont elles aussi remplies d’anciens agents de l’Unité
8200. Une étude
réalisée par MintPress en 2022 a révélé que pas moins de 99
anciens agents de l’Unité 8200 travaillaient pour Google.
Marine Le Pen jeune ? Non, Emi Palmor
Facebook
emploie également des dizaines d’anciens espions de cette unité controversée. C’est
le cas d’Emi Palmor, qui siège au conseil de surveillance de Meta. Ce comité de
21 personnes décide en dernier ressort de l’orientation de Facebook, d’Instagram
et des autres offres de Meta, en se prononçant sur les contenus à autoriser, à
promouvoir et à supprimer. Human Rights Watch a formellement condamné Meta
pour sa suppression systématique des voix palestiniennes sur ses plateformes. L’organisation
a recensé plus de 1 000 cas de censure ouvertement anti-palestinienne pour les
seuls mois d’octobre et de novembre 2023. Une mesure de cette partialité est
mise en évidence par le fait que, à un moment donné, Instagram a
automatiquement inséré le mot «
terroriste » dans les profils des utilisateurs qui se disaient palestiniens.
Malgré
les affirmations répandues par des politiciens usaméricains selon lesquelles
elle est un foyer de racisme anti-israélien et antisémite, TikTok emploie
également de nombreux anciens agents de l’Unité 8200 à des postes clés de son
organisation. Par exemple, en 2021, elle a embauché Asaf
Hochman en tant que responsable mondial de la stratégie des produits
et des opérations. Avant de rejoindre TikTok, Hochman a passé plus de cinq ans
en tant qu’espion israélien. Il travaille aujourd’hui pour Meta.
Censure
pro-israélienne de haut en bas
Lorsqu’il
s’agit de l’attaque d’Israël contre ses voisins, les médias capitalistes ont
toujours fait preuve d’un parti pris pro-israélien. Le New York Times,
par exemple, s’abstient
régulièrement d’identifier l’auteur des violences lorsqu’il s’agit de l’armée
israélienne et décrit le génocide
de 750 000 Palestiniens en 1948 comme une simple « migration ». Une étude de la
couverture du journal a révélé que des mots tels que « massacre » et « horrible
» apparaissent 22 fois plus souvent lorsqu’il est question des morts israéliens
que des morts palestiniens, malgré la disparité gigantesque du nombre de
personnes tuées dans les deux camps.
Pendant
ce temps, dans un reportage sur la façon dont les soldats israéliens ont tiré
335 balles sur une voiture dans laquelle se trouvait une enfant palestinienne
et ont ensuite tiré sur les secouristes venus la sauver, CNN a imprimé
le
titre « Five-year-old Palestinian girl found dead after being trapped in car
with dead relatives » (une fillette palestinienne de cinq ans retrouvée morte
après avoir été piégée dans une voiture avec des parents décédés) - un titre
qui pourrait être interprété comme signifiant que sa mort était un accident
tragique.
Ce type
de reportage n’est pas le fruit du hasard. En fait, il vient directement du
sommet de la hiérarchie. Une note de
service duNew York Times datant de novembre et ayant fait l’objet
d’une fuite révèle que la direction de l’entreprise a explicitement demandé à
ses journalistes de ne pas utiliser des mots tels que « génocide », « massacre
» et « nettoyage ethnique » lorsqu’ils évoquent des actions d’Israël. Le
personnel du Times doit s’abstenir d’utiliser des mots tels que « camp
de réfugiés », « territoire occupé » ou même « Palestine » dans ses reportages,
ce qui rend presque impossible la transmission de certains des faits les plus
élémentaires à son public.
Le
personnel de CNN est soumis à des pressions similaires. En octobre dernier, le
nouveau directeur général Mark Thompson a envoyé une note
de service à l’ensemble du personnel, lui demandant de veiller à ce que le
Hamas (et non Israël) soit présenté comme responsable de la violence, de
toujours utiliser l’expression « contrôlé par le Hamas » lorsqu’il est question
du ministère de la santé de Gaza et de ses chiffres de mortalité civile, et lui
interdisant de rendre compte du point de vue du Hamas, dont le directeur
principal des normes et pratiques en matière d’information a déclaré au
personnel qu’il n’était « pas digne d’intérêt » et qu’il s’agissait de « rhétorique
incendiaire et de propagande ».
Le Times
et CNN ont tous deux licencié de nombreux journalistes en raison de leur
opposition aux actions israéliennes ou de leur soutien à la libération de la
Palestine. En novembre, Jazmine Hughes, du Times, a été renvoyée après
avoir signé une
lettre ouverte s’opposant au génocide en Palestine. L’année précédente, le
journal avait mis fin
au
contrat de Hosam Salem à la suite d’une campagne de pression menée par le
groupe pro-israélien Honest
Reporting. Et le présentateur de CNN Marc Lamont Hill a été brusquement
licencié en 2018
pour avoir appelé à la libération de la Palestine dans un discours aux Nations
unies.
Les
grandes organisations comme Axios, CNN et le New York Times
savent évidemment qui elles embauchent. Il s’agit de certains des emplois les
plus recherchés dans le journalisme, et des centaines de candidats postulent
probablement pour chaque poste. Le fait que ces organisations choisissent de
sélectionner des espions israéliens avant tout autre candidat soulève de
sérieuses questions quant à leur crédibilité journalistique et leur objectif.
Engager
des agents de l’unité 8200 pour produire des news usaméricaines devrait
être aussi impensable que d’employer des combattants du Hamas ou du Hezbollah
comme reporters. Pourtant, d’anciens espions israéliens sont chargés d’informer
le public usaméricain sur les offensives en cours de leur pays contre la
Palestine, le Liban, le Yémen, l’Iran et la Syrie. Qu’en est-il de la
crédibilité et de la partialité de nos médias ?
Étant
donné qu’Israël ne pourrait pas poursuivre cette guerre sans l’aide des USA, la
bataille pour le contrôle des cerveaux yankees est aussi importante que les
actions sur le terrain. Et au fur et à mesure que la guerre de propagande se
poursuit, la frontière entre journaliste et combattant s’estompe. Le fait que
nombre des principaux journalistes qui nous fournissent des informations sur
Israël et la Palestine soient littéralement d’anciens agents des services de
renseignement israéliens ne fait que le souligner.
Le Prix Pulitzer au New York Times pour sa couverture du génocide de Gaza: une grosse farce
La police antiterroriste
britannique a effectué ce jeudi 17 octobre une descente au domicile d’Asa Winstanley,
rédacteur en chef adjoint de The Electronic Intifada, et a saisi
plusieurs appareils électroniques lui appartenant.
Une dizaine d’agents sont
arrivés au domicile de Winstanley, dans le nord de Londres, avant 6 heures du
matin, et ont remis au journaliste des mandats et autres documents les
autorisant à fouiller sa maison et son véhicule à la recherche d’appareils et
de documents.
Une lettre adressée à
Winstanley par le « Counter Terrorism Command » du Metropolitan Police Service
indique que les autorités sont « conscientes de votre profession » de
journaliste mais que « nonobstant, la police enquête sur de possibles
infractions » en vertu des sections 1 et 2 du Terrorism Act (2006). Ces
dispositions définissent le délit présumé d’« encouragement au terrorisme ».
Un agent dirigeant la descente de police de jeudi a informé Winstanley
que l’enquête était liée aux publications du journaliste sur les médias
sociaux. Les tentatives de contact avec le Metropolitan Police Service pour
obtenir des commentaires sur cet article ont été infructueuses.
Bien que ses appareils aient
été saisis, Winstanley n’a pas été arrêté et n’a été inculpé d’aucune
infraction.
Winstanley est actif sur
plusieurs plateformes de médias sociaux et compte plus de 100 000 adeptes sur Twitter/X, où il
partage fréquemment des articles, des opinions d’autres personnes et ses
propres commentaires sur les crimes d’Israël contre le peuple palestinien, le
soutien du gouvernement britannique à ces crimes et la résistance palestinienne
à l’occupation, à l’apartheid et au génocide israéliens.
Les dispositions vaguement
formulées relatives à « l’encouragement du terrorisme » violeraient clairement
le premier amendement de la Constitution des USA garantissant la liberté d’expression,
mais le Royaume-Uni ne dispose pas de protections constitutionnelles similaires
pour la liberté d’expression.
Selon Andrew
Cornford, professeur de droit à l’université d’Édimbourg, cette législation
draconienne « restreint toute une série de libertés », notamment « la liberté
de discuter ouvertement de sujets controversés et de partager des opinions
morales, politiques et religieuses ».
Human Rights Watch a appelé
le gouvernement britannique à abroger les dispositions répressives de la loi
sur le terrorisme (2006), notant que « la définition de l’infraction d’encouragement
au terrorisme est trop large, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes quant à
une atteinte injustifiée à la liberté d’expression ».
En août, le Crown Prosecution
Service [procureur] britannique a lancé un avertissement
au public britannique, l’invitant à « réfléchir avant de poster » et le
menaçant de poursuivre toute personne qu’il jugerait coupable de ce qu’il
appelle la « violence en ligne ».
« Le journalisme n’est
pas un crime »
La descente de police au
domicile de Winstanley et la saisie de ses appareils semblent être la dernière
utilisation par les autorités britanniques de la législation répressive sur la
« lutte contre le terrorisme » pour réprimer les journalistes et les militants
qui dénoncent les crimes d’Israël, notamment le génocide en cours dans la bande
de Gaza, ou qui protestent contre ces crimes.
En décembre, Winstanley a
rapporté pour The Electronic Intifada comment la police antiterroriste
britannique avait arrêté Mick Napier et Tony Greenstein,
deux militants de premier plan, pour avoir dit qu’ils soutenaient le droit des
Palestiniens à résister à Israël - un droitinscrit dans le droit
international.
Dans le cadre de sa mise en
liberté sous caution, Greenstein, auteur
et collaborateur
de The Electronic Intifada, a reçu l’ordre de « ne pas publier sur X
(anciennement Twitter) de messages relatifs au conflit en cours à Gaza ».
À la mi-août, le journaliste
britannique Richard Medhurst a été arrêté à son arrivée à l’aéroport londonien
de Heathrow, détenu en vertu de la loi sur le terrorisme (2000), et s’est vu
confisquer son téléphone et les appareils d’enregistrement qu’il utilisait dans
le cadre de ses activités journalistiques.
« L’arrestation et la
détention de Richard Medhurst pendant près de 24 heures en vertu de la
législation sur le terrorisme sont profondément préoccupantes et auront
probablement un effet dissuasif sur les journalistes au Royaume-Uni et dans le
monde entier, qui craignent d’être arrêtés par les autorités britanniques
simplement pour avoir fait leur travail », ont déclaré à l’époque Michelle
Stanistreet, secrétaire générale de la National Union of Journalists du
Royaume-Uni, et Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération
internationale des journalistes, dans un communiqué
commun.
« La NUJ et la FIJ sont
toutes deux choquées par l’utilisation accrue de la législation sur le
terrorisme par la police britannique de cette manière », ont ajouté Stanistreet
et Bellanger. « Le journalisme n’est pas un crime. Les pouvoirs contenus dans
la législation antiterroriste doivent être déployés de manière proportionnée -
et non pas utilisés contre les journalistes d’une manière qui étouffe
inévitablement la liberté de la presse ».
Néanmoins, plus tard en août,
la police antiterroriste britannique a perquisitionné le domicile de Sarah
Wilkinson, une militante de la solidarité avec la Palestine qui compte de
nombreux adeptes, également en
rapport avec le contenu qu’elle a publié en ligne.
Solidarité totale avec Asa
Winstanley
La lettre remise à Asa
Winstanley par la police mentionne la descente à son domicile comme faisant
partie de l’opération « Incessantness » [= « incessance », sic,
NdT], ce qui est peut-être révélateur d’une vaste campagne de répression
contre ceux qui critiquent les crimes d’Israël soutenus par les Britanniques.
L’article d’investigation le
plus récent de Winstanley, « Comment
Israël a tué des centaines de ses propres citoyens le 7 octobre »,
rassemble un an de reportages de The Electronic Intifada, ainsi que de
nouvelles informations, détaillant l’utilisation par Israël de la directive
Hannibal - un ordre secret qui permet aux forces israéliennes de tuer leurs
propres citoyens plutôt que de permettre qu’ils soient faits prisonniers.
Keir Starmer, le PM travailliste
Winstanley est l’auteur de Weaponising
Anti-Semitism :How the Israel Lobby Brought Down Jeremy Corbyn, un
livre qui constitue le point culminant de ses années de reportage sur le Parti
travailliste britannique lorsqu’il était dans l’opposition.
Depuis 2019, le Parti
travailliste a lancé une enquête
et a proféré des menacesjuridiques
en représailles apparentes au journalisme de Winstanley.
Maintenant que le parti
travailliste est au pouvoir au Royaume-Uni, il a la possibilité d’utiliser l’appareil
de l’État contre ceux qu’il considère comme ses propres ennemis politiques - ou
ceux d’Israël.
La descente au domicile de
Winstanley a clairement pour but de l’intimider et de le réduire au silence,
ainsi que d’autres journalistes et militants.
En ce qui concerne The
Electronic Intifada, elle n’aura que l’effet inverse. Notre collègue Asa
Winstanley peut compter sur notre soutien total et notre solidarité, et en tant
que publication, nous continuerons à poursuivre avec vigueur toute histoire
documentant la complicité britannique dans les crimes d’Israël.
Un État voyou
ne peut pas déclarer impunément la guerre à l’ONU
Ramses, Cuba
Au cours de
l’année écoulée, Israël
a lancé des attaques contre de nombreux pays et territoires occupés : la bande
de Gaza, la Cisjordanie, le Liban, la Syrie, le Yémen et l’Iran.
Pourtant,
pays et territoires mis à part, Israël a également ciblé une organisation
spécifique avec une série d’attaques rhétoriques et violentes sans
précédent.
Oui, les Nations unies. Nous
avons tous vu Israël déclarer la guerre à l’ONU.
Il suffit de
regarder ce qui s’est passé ces dernières semaines et ces derniers mois :
Le Premier ministre
israélien, à la tribune de l’assemblée générale des Nations unies, a dénoncé
cet organe comme étant « méprisable », une « maison des ténèbres » et un «
marécage de bile antisémite ».
L’ambassadeur sortant
d’Israël aux Nations unies a déchiqueté un
exemplaire de la charte des Nations unies avec une déchiqueteuse miniature
alors qu’il se trouvait également à la tribune de l’assemblée générale, et
a déclaré
plus tard que le siège des Nations unies à New York « devrait être
fermé et rayé de la surface de la Terre ».
Le ministre israélien
des Affaires étrangères a accusé à
tort le secrétaire général des Nations unies de ne pas avoir condamné
les attaques de l’Iran contre Israël, l’a déclaré «
persona non grata en Israël » et a annoncé qu’il lui avait « interdit d’entrer
dans le pays ».
Le gouvernement
israélien a
activement fait obstruction à une commission d’enquête mandatée par l’ONU
qui tentait de recueillir des preuves sur les attaques du 7 octobre.
Le parlement
israélien est en train de désigner
une agence de l’ONU de longue date, l’UNRWA, comme « organisation
terroriste ».
L’armée israélienne a
bombardé des écoles,
des entrepôts
et des camps
de réfugiés de l’ONU à Gaza pendant 12 mois consécutifs, tuant au
passage un nombre record de 228 employés de l’ONU. « Il s’agit de loin du
nombre le plus élevé de membres de notre personnel tués dans un seul
conflit ou une seule catastrophe naturelle depuis la création des Nations
unies », selon les termes
du secrétaire général de l’ONU.
L’armée israélienne s’en
prend désormais également aux soldats de la paix de l’ONU dans le sud
du Liban. Selon l’ONU, «
cinq Casques bleus de la FINUL au Liban ont été blessés par les forces
israéliennes qui ont endommagé des positions de l’ONU proches de la “Ligne
bleue” ».
En quoi tout
cela est-il acceptable ? Acceptable ? Légal?
La question
la plus importante est peut-être la suivante : comment Israël peut-il encore
rester membre de l’ONU ? Pourquoi n’a-t-il pas encore été expulsé d’une
organisation qu’il attaque et sape sans relâche et sans vergogne ? Bien sûr, d’autres
auteurs de violations des droits de l’homme restent membres de l’ONU - la
Syrie, la Russie et la Corée du Nord, pour n’en citer que quelques-uns - mais
aucun d’entre eux n’a tué en
masse des employés de l’ONU ; aucun n’a envoyé des chars pour envahir
une base de l’ONU; aucun n’a « refusé
de se conformer à plus de deux douzaines de résolutions du Conseil de sécurité
de l’ONU ». Cela fait plus de 60 ans qu’aucun pays au monde
n‘a osé déclarer un secrétaire général de l’ONU «
persona non grata ».
Soyons
clairs : ce n’est pas comme s’il n’existait pas de mécanisme permettant d’expulser
un État membre de l’ONU. L’article 6 de
la charte des Nations unies stipule : « Un membre des Nations unies qui a
violé de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte peut
être exclu de l’Organisation par l’Assemblée générale sur recommandation du
Conseil de sécurité ».
D’aucuns
pourraient faire remarquer qu’aucun État membre n’a jamais été expulsé de l’ONU
en vertu de l’article 6. De plus, les USA, qui ont opposé
leur veto à plus de 50 résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU
critiquant Israël depuis le début des années 1970, ne permettraient jamais qu’une
telle « recommandation du Conseil de sécurité » soit formulée.
L’objection
est valable. L’histoire nous enseigne toutefois qu’il existe des solutions pour
contourner les vetos du Conseil de sécurité. Comme l’a souligné
Thomas Grant, professeur de droit international et ancien conseiller du
département d’État usaméricain, en octobre 2022, alors qu’il plaidait pour l’expulsion
de la Russie des Nations unies à la suite de l’invasion illégale de l’Ukraine
par Vladimir Poutine, « les membres de l’ONU ont jugé à deux reprises par le
passé qu’une délégation particulière n’était plus apte à s’asseoir à la table
de l’organisation. À chaque fois, l’ONU a improvisé une solution ».
En 1971, les
nations socialistes et non alignées du Sud ont voté à l’assemblée générale des
Nations unies pour reconnaître la République populaire de Chine comme « le
seul représentant légitime de la Chine aux Nations unies », remplaçant
ainsi les représentants de la République de Chine (Taïwan), qui avait été un
membre fondateur des Nations unies. La RdC était exclue, la RPC était admise -
et c’est l’assemblée générale, et non le conseil de sécurité, qui en a décidé
ainsi.
Trois ans
plus tard, s’appuyant à nouveau non pas sur la charte des Nations unies mais
sur ses propres « règles de procédure », comme l’a noté
l’avocat spécialiste des droits humains et ancien fonctionnaire des Nations
unies Saul Takahisi, l’assemblée générale des Nations unies « a voté le refus
de reconnaître les pouvoirs de la délégation sud-africaine » et « a interdit à
l’Afrique du Sud de participer à l’AG de l’ONU » jusqu’en 1994.
Et les deux
principales raisons invoquées par l’assemblée générale des Nations unies pour
suspendre l’adhésion de l’Afrique du Sud ? Sa pratique de l’apartheid à l’encontre
de la population noire indigène et son occupation illégale de la Namibie
voisine. Cela vous rappelle quelque chose ?
Comme l’a
écrit Thomas Grant, « l’action contre l’Afrique du Sud n’a suivi aucune
procédure précise dans la charte des Nations unies ou dans la pratique
existante des Nations unies » et les Nations unies ont montré comment « une
éthique d’improvisation prévaut, lorsque les États membres jugent qu’une
question est suffisamment importante pour qu’ils agissent ».
Qu’est-ce
qui est plus « important » pour les États membres de l’ONU en ce moment que des
attaques contre l’ONU elle-même par un État membre ? Contre l’autorité, le
personnel, le siège et la charte de l’ONU ? Samedi, 40 pays ont publié une
déclaration commune condamnant
l’attaque effrontée et continue d’Israël contre les soldats de la paix de l’ONU
au Liban, mais les paroles ne valent pas grand-chose. Les États membres de l’ONU
doivent agir.
Le
gouvernement israélien peut vouloir prétendre que les Nations unies, et l’assemblée
générale en particulier, ne sont pas pertinentes, impuissantes et remplies de
préjugés antisémites, mais Israël n’existe aujourd’hui que grâce à une résolution
de l’assemblée générale des Nations unies. La déclaration d’indépendance
de 1948 du pays fait sept références différentes aux Nations unies, toutes
très positives et toujours très reconnaissantes.
L’expulsion
d’Israël des Nations unies, ou du moins la suspension de sa participation à l’assemblée
générale dans un premier temps, enverrait donc un message fort, tant au peuple
israélien qu’au reste du monde, pour dire que l’autorité des Nations unies a
encore de l’importance ; que la vie du personnel de l’ONU et des forces de
maintien de la paix compte également. Et qu’un État voyou ne peut pas déclarer
la guerre à l’ONU elle-même et continuer à s’en tirer à bon compte.
Le message de Netanyahou au monde, par Kamal Sharaf