27/10/2021

NIKOS PROGOULIS
Brevets, vaccins et « gauche de progrès »

Nikos Progoulis, Δρόμος της Αριστεράς (Voie de gauche), 23/10/2021

Traduit par Tlaxcala

Nikos Progoulis (Athènes, 1962), est titulaire d'un diplôme en économie et possède 22 ans d'expérience professionnelle, principalement dans de grandes entreprises multinationales en Grèce et en Allemagne. Souhaitant retrouver l’équilibre avec ses domaines d’intérêt, il a repris ses études en 2003, obtenant une maîtrise puis un doctorat en philosophie, à l'Université d'Athènes.
Au cours des dix dernières années, il a publié des articles dans diverses revues et a participé à plusieurs conférences au sujet de la philosophie. Depuis 2009, il propose des séminaires d'économie pour adultes, principalement à la Société d'études interculturelles et à l'Université d'Athènes, où il tente de combiner économie et philosophie.
Auteur de « Le monde des multinationales "vu de l'intérieur" » et de « L'émergence de l'image du capitalisme financier » (avec Fotis Terzakis)

Rares sont ceux, même parmi les experts, qui sont en mesure de suivre le "dur débat scientifique" qui est mené au moyen d’études, de communications, de publications, et d'évaluer les nouvelles données qui voient constamment le jour concernant la "pandémie", la façon de lutter contre elle, voire, plus spécifiquement, concernant les performances des vaccins.

D’un autre côté, tout le monde, ou du moins toute personne gardant raisonnablement la tête froide, a pu se rendre compte que les dirigeants politiques et les médias qui leur étaient fidèles, dès le début et comme s’ils étaient "prêts depuis longtemps" (référence au poème de Kavafy Dieu abandonne Antonius), ont systématiquement terrorisé et trompé l'opinion publique sur le danger de l'épidémie : on a adopté des modèles qui prévoyaient des centaines de victimes et, bien qu'ils n'aient pas été vérifiés, on continua les prévisions sur la base des mêmes modèles, le sur-enregistrement des victimes était effectué sur ordre central, et ainsi de suite.

Comment se fait-il donc qu'une partie relativement importante de la société et surtout de la gauche (avec ou sans guillemets) se soit rangée du côté des politiques gouvernementales et ait accepté la position extrême des vaccinations directement ou indirectement obligatoires ? La question ne concerne pas seulement la Grèce, elle pourrait être posée à un niveau beaucoup plus large, voire, mondial.

Il va sans dire que notre attention ne porte pas sur ceux qui ont des intérêts tangibles, financiers ou autres, ni sur ceux qui pensaient être plus en sécurité en suivant le courant, ni à ceux qui ont été terrifiés ou assommés par le bombardement médiatique. Nous nous intéressons à la partie la plus réfléchie et la mieux intentionnée de la société qui, tout en reconnaissant peut-être un excès de précipitation ou d'autoritarisme dans la gestion venue "d’en haut", a compris qu'au fond, il s'agit ici du conflit suivant : les forces de la raison, de la science et du progrès se heurtent à l'irrationnel, au rétrograde, au dépassé. Le monde, après tout, doit aller de l'avant !

Mais le "progrès", cette progression générale et abstraite vers le "meilleur", suit des parcours très particuliers, dans chacun de ces domaines. Quelles sont les forces qui ont déterminé la direction adoptée sur cette question particulière, où toutes les autres solutions possibles ont été mises de côté et où la solution de technologie de pointe (et à haut risque) des vaccins à ADN ou à ARNm a été choisie comme voie à sens unique ? Pourquoi le "progrès" a-t-il pris cette direction et pas une autre ?

CE QUE NOUS AFFIRMERONS, c'est que cette direction a été choisie de facto depuis plusieurs décennies, non pas sur la base de critères  scientifiques,  de bénéfice social ou d'efficacité, mais sur des critères purement spéculatifs, lorsque, à la suite de féroces joutes judiciaires, des sociétés privées ont réussi à obtenir les droits de propriété intellectuelle (brevets) sur des organismes vivants. À ce stade, pour fournir une image plus cohérente, nous devons faire un détour et revenir en arrière.

Bien que la propriété privée existe depuis des millénaires, ce n'est que depuis quelques siècles que la notion du caractère communautaire de plusieurs biens a été abandonnée. Un exemple caractéristique est celui des « terres clôturées », c'est-à-dire, leur privatisation, qui a accompagné le capitalisme dès ses premiers pas.

Ce processus de « barricade » dressée autour de choses communes a pris des dimensions de plus en plus grandes et inattendues, puisqu'il a réussi à inclure l'eau (même l’eau de pluie dans plusieurs cas), la mer, l'air (avec les couloirs aériens pour les vols), les fréquences (pour la radiodiffusion), etc. Cependant, il a atteint le zénith avec la privatisation du savoir de l’homme et, en particulier, avec les brevets sur les organismes vivants.

L'histoire commence en 1971 lorsque General Electric, par l'intermédiaire d'un de ses employés (aux États-Unis, les brevets ne sont déposés que par des particuliers, qui peuvent ensuite vendre les droits à des entreprises), demanda à faire breveter un micro-organisme génétiquement modifié qui consommait le pétrole déversé dans les océans. Dans un premier temps, la demande fut rejetée au motif que les organismes vivants n'étaient pas brevetables.

Toutefois, au moyen de procédures judiciaires continues, 10 ans plus tard, General Electric a pu rompre le lien entre brevet et vivant et faire porter le débat sur un autre terrain : celui de la question de savoir s'il s'agissait ou pas d'une invention humaine.

Pour qu'un brevet soit enregistré, il doit s'agir de quelque chose de

a) nouveau ;

b) pas évident ;

c) utile, et

d) il ne doit pas s’agir d’une "découverte", c'est-à-dire que cette chose ne doit pas avoir été créée par la nature mais être une invention humaine.

Le problème des brevets sur les organismes vivants est que personne n'a synthétisé la vie en laboratoire. On a simplement modifié (souvent de manière subtile) des formes de vie déjà existantes. Toutefois, en 1987, un tribunal a estimé que la vie pouvait être considérée comme une invention et une propriété. En particulier, la vie humaine n'a pas été exclue ; celle-ci a été laissée à la protection de la constitution qui interdit l'esclavage ! Pour la première fois, nous avons eu une décision de justice qui, pour des raisons commerciales, ne faisait pas de distinction entre les êtres vivants et les objets inanimés. Aujourd'hui, comme nous le savons, il existe des brevets non seulement sur les semences, mais aussi sur différentes sortes d'animaux tels que les porcs, les moutons, les poulets, les souris, etc.

En même temps, en dépit de l'obligation de faire la distinction entre découverte et invention, dorénavant il est possible de breveter les substances dont un chercheur a simplement prévu l'utilisation possible ou qu'il a réussi à isoler.

En Europe, le Parlement européen a rejeté en 1995 la brevetabilité des organismes vivants au motif que le matériel génétique relève de la nature et est donc considéré comme une découverte et non comme une invention. Il a ensuite fait marche  arrière, en 1997, après une campagne sans précédent menée par nos fameux "groupes d'intérêt".

Bien que la chronique des litiges juridiques soit longue, compliquée et certainement pas linéaire comme le suggère le schéma ci-dessus, ce qui compte c'est le résultat : grâce à la pression exercée par des organisations mondiales telles que l'OMC et le GATT, la propagation a été fulgurante et un nouveau type de commerce mondial a vu le jour : celui où des "produits" vivants de toutes sortes sont achetés et vendus.

Les entreprises du secteur ont compris qu'elles avaient devant elles un immense trésor sans propriétaire et se sont lancées dans une course aux brevets pour toutes sortes de matériel génétique sans même savoir de quelle manière spécifique il leur sera utile.

BIEN ENTENDU, un discours fortement opposé à ce développement a été articulé, de divers points de vue : moral, écologique, philosophique, théologique, mais aussi économique et social, ces derniers étant ceux qui nous préoccupent davantage à l'heure actuelle. Un exemple bien connu, compris et condamné par une grande partie du monde et de la gauche en particulier, est la catastrophe vécue par la population rurale du monde à cause de l'utilisation de semences génétiquement modifiées et privatisées.

Ces semences, en théorie, promettent une production accrue et une résistance aux maladies ; mais la pratique a montré qu'elles appauvrissent le sol et nécessitent donc beaucoup d'engrais, ainsi que des herbicides spéciaux qui sont monopolisés par les semenciers. Les semences elles-mêmes sont "stériles" et doivent être achetées dans des versions "améliorées" tous les ans, elles nécessitent plus d'arrosage et le rendement des terres diminue fortement année après année. Bref, tout en augmentant de façon exponentielle les profits et le pouvoir des entreprises qui ont accru leur contrôle sur l'alimentation mondiale, les "progrès" marqués dans ce domaine ont détruit d'importantes populations agricoles, notamment dans les pays du tiers monde.

Étrangement, une grande partie de l'opinion publique, et la gauche en particulier, semble espérer qu'avec les vaccins les choses seront différentes et que cette fois-ci le "progrès" sera en faveur de l'humanité.

Cependant, contrairement à l'impression générale, les sociétés de biotechnologie et les grandes entreprises pharmaceutiques n'ont pas été invitées à traiter d'un nouveau virus, le Sars-CoV-2, au début de 2020, car ce virus était déjà breveté depuis des décennies !

La première demande de brevet pour un vaccin contre le coronavirus avec une "protéine de pointe" (S-spike protein) comme le coronavirus actuel, a été déposée par Pfizer le 8/1/2000 (1). En 2003, un certain nombre de brevets "problématiques" ont été enregistrés, couvrant non seulement un coronavirus mais aussi son test de détection, le RT-PCR (2).

C'est un problème car cela donne le contrôle scientifique absolu à un seul "joueur". 73 brevets délivrés entre 2008 et 2019 brevètent les caractéristiques exactes qui étaient censées être "nouvelles" et "uniques" au Sars-CoV-2 (3) avec les variantes des pointes S1, S2, et dans certains cas, les agents de traitement antiviral ont été brevetés presque simultanément(4). À ce stade, il convient de poser la question suivante : pourquoi une entreprise voudrait-elle breveter un virus ?

Admettons, pour les besoins de l'argumentation, qu'une graine génétiquement modifiée est utile parce qu'elle augmente la production. Mais un virus ne peut être que nuisible, alors pourquoi y investir ? La réponse inquiétante est que le virus ne peut être rentable que de manière négative, c'est-à-dire si une épidémie se déclare et que ceux qui contrôlent les brevets peuvent désormais fournir la "solution". Ce n'est qu'ainsi que les "rêves peuvent être vengés" et que les entreprises peuvent réaliser des bénéfices en tirant parti de décennies d'investissement.

QUI FIXE le cap du progrès technique ? Les besoins de la société tels qu'exprimés par les citoyens/électeurs ? La science indépendante ? Probablement pas. D'une part, il est déterminé par les grands investissements - donc, d'un point de vue gauchiste, les sociétés devraient avoir leur mot à dire sur l'orientation des grands investissements. D'autre part, il est déterminé par l'adéquation entre les intérêts des entreprises et les besoins de la gouvernance, ce qui est actuellement le cas dans des domaines tels que la biotechnologie, la nanotechnologie, la robotique, l'intelligence artificielle, le big data, les réseaux de télécommunications de cinquième génération et tout ce qui soutient la création d'une "société de surveillance".

Ainsi, si vous acceptez les vaccins sans procéder à aucune recherche personnelle (recherche qui est, de toute façon, difficile) mais en étant généralement convaincu qu'ils font partie du progrès, vous devriez vous demander si ce progrès-là est dans votre intérêt.

Références

1) patents.justia.com/patent/6372224
2)
pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/patent/US-7776521-B1, aussi: pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/patent/US-7776521-B1, aussi: http://patentimages.storage.googleapis.com/.../US7220852.pdf
3) À titre indicatif : patents.justia.com/patent/9193780
4) pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/patent/US-7151163-B2

 

 

 

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