31/10/2021

AMIRA HASS
Je finance des groupes terroristes

 Amira Hass, Haaretz, 26/10/2021
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

J'annonce et j'avoue ici que je finance le terrorisme. Une partie de l'argent des impôts que je verse au gouvernement israélien est transférée à ses activités terroristes et à celles de ses représentants, les colons, contre le peuple palestinien.

 
Carlos Latuff

Si l'on entend par "terrorisme" le fait d'imposer la terreur et la crainte, alors que font les commandants de l'armée et du service de sécurité Shin Bet lorsqu'ils envoient des soldats masqués faire des descentes dans les maisons des Palestiniens nuit après nuit ? Accompagnés de chiens et pointant leurs fusils, les soldats réveillent les familles de leur sommeil, renversent le contenu des placards, confisquent les biens et frappent les adultes devant les enfants.

Que font les inspecteurs de l'administration civile lorsqu'ils se promènent parmi les communautés de bergers, et vérifient si l'on n'a pas ajouté une tente ou un toboggan pour enfants qu'il faudrait démolir ? Que font les caméras de surveillance installées à chaque poste de contrôle à la sortie d'une ville palestinienne, si ce n'est intimider et tyranniser ?

Et les hommes et les femmes de la police des frontières à Jérusalem, qui arrêtent quiconque leur semble être un Arabe, et les soldats et les policiers qui donnent un coup de pied par-ci, une gifle par-là, à quiconque ose discuter avec eux, ou cueillir des olives - quel est leur travail, sinon d'instiller la peur ?

Et les bandes de colons masqués, aux torses nus, aux franges sacrées et aux armes "non létales" et aux armes à feu - comment appellerons-nous leurs orgies d’agressions contre les personnes et les arbres, sinon terrorisme ? Des fractions de pourcentages des impôts que je paie leur parviennent certainement : ils finissent peut-être par aller aux conseils des colonies qui adoubent les voyous, peut-être à leurs fonctionnaires et aux fonctionnaires du ministère de la Défense qui ont planifié et mis en œuvre ensemble le modèle réussi des avant-postes de bergers.

Dans toute la Cisjordanie, les avant-postes fonctionnent selon le même schéma : une famille de colons vétérans s'approprie une parcelle de terre palestinienne, reçoit un troupeau de moutons ou de chèvres et de bovins, puis, à l'aide de fusils, de pierres, de chiens, de jeunes bergers et de drones, menace les Palestiniens et empêche leurs troupeaux d'atteindre leurs zones de pâturage.

Le concept de "terreur" a depuis longtemps dépassé les limites de la simple intimidation et comprend également des actes de destruction et de meurtre. Mes impôts, et ceux de tous les citoyens et résidents israéliens, les financent.

Une partie de mes impôts a servi à bombarder des structures résidentielles et à tuer leurs habitants palestiniens, y compris de jeunes enfants et des femmes. Mes impôts financent les balles qui tuent et blessent les manifestants dans le village de Beita en Cisjordanie et à Gaza. Nos impôts subventionnent les colonies et couvrent le coût de la démolition des maisons palestiniennes par l'administration civile et la municipalité de Jérusalem. Sous le camouflage d'un pays respectueux des lois et grâce à notre financement, Israël a perpétré tous ces actes de terreur et bien d'autres. Jour après jour. Heure par heure.

Ceux qui contrôlent les centres de pouvoir ont toujours essayé et essaient encore de s'arroger le monopole de la langue, afin de perpétuer leur suprématie. Le patriarcat a dérivé le terme médical "hystérie" de la racine grecque de l'utérus, afin de cimenter le statut inférieur des femmes. Les Anglais ont fait en sorte que le terme "Irlandais" soit synonyme de stupide, puis de paresseux et d'ivrogne, afin d'expliquer leur colonisation de l'Irlande.

"Idiot", "noir" et "terroriste" étaient également des synonymes chez les Blancs d'Afrique du Sud, utilisés pour justifier l'exploitation, la ségrégation raciale et l'oppression terroriste. Et c'est ainsi que l'occupant israélien décide de ce qu'est la terreur, et y inclut six autres ONG palestiniennes.

La raison de leur persécution est très claire : ces organisations de la société civile ont enregistré plusieurs succès impressionnants dans leur opposition à la cruelle occupation israélienne. Ce sont elles qui ont agi et agissent pour poursuivre les Israéliens responsables de crimes de guerre et de crimes d'apartheid devant la Cour pénale internationale de La Haye, et qui ont exhorté l'Autorité palestinienne à suivre cette voie. Ce sont eux qui dénoncent le système israélien de détention massive, y compris de mineurs, et le scandale qu'est le tribunal militaire.

Ce sont eux qui soutiennent les agriculteurs palestiniens contre le harcèlement de l'administration civile et des colons. Ce sont eux qui nourrissent les valeurs de gauche et féministes, et qui critiquent aussi les autorités palestiniennes.

Ils (et pas seulement eux) sont en lutte constante contre la terreur de l'occupation. Et l'occupation, à travers la persécution de ces organisations, aspire à terroriser les autres Palestiniens et à les dissuader d'opposer une quelconque résistance.

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