21/10/2021

GIDEON LEVY
Les deux obsessions de la gauche israélienne, et leurs conséquences

Gideon Levy, Haaretz, 20/10/2021

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L'assassinat d'Yitzhak Rabin et la haine pour Benjamin Netanyahou. Rien d'autre au monde n'occupe l'attention du centre-gauche israélien, ne le dynamise et ne l'unit, ne l'excite et ne le stimule comme le meurtre du père et la haine du successeur. Les deux obsessions majeures du camp se sont rejointes cette semaine pour n'en faire qu'une.

Le Premier ministre israélien Naftali Bennett prend la parole lors de la cérémonie de commémoration d'Yitzhak Rabin au cimetière du Mont Herzl à Jérusalem, lundi. Photo : Debbie Hill/ Pool/ Reuters

Netanyahou a choisi de ne pas assister à la cérémonie commémorative au Mont Herzl, où il a été proclamé que le "pouvoir du peuple" avait vaincu "le pouvoir d'un seul". Le peuple étant le centre-gauche et le seul, bien sûr, Netanyahou. Les éclairés et les beaux esprits ont compris la situation. Nous sommes passés de l'obscurité à la lumière, comme la famille Rabin s'en est réjouie avec les autres Israéliens. Il vaut mieux que Netanyahou ne soit pas là pour gâcher la fête.

Cela a commencé par l'allumage massif de bougies le lendemain de l'assassinat de Rabin par les jeunes, les jeunes qui ont proclamé la laideur de l'autre camp, qui marche dans l'obscurité. Ils ont sangloté sur les places de la ville.

Les bougies se sont vite éteintes, mais ceux qui les ont allumées se sont dispersés dans toutes les directions avec toute une génération qui réclamait la paix. C'est ainsi que commença le rituel qui se poursuit depuis un quart de siècle : deux fois par an, une fois à la date hébraïque et une fois à la date grégorienne, ils se réunissent, se lamentent, chantent, jurent "plus jamais ça", parlent d'un héritage dont personne n'est sûr de la signification, méprisent les droitiers et pleurent un pays qui a pourri. Ce faisant, ils se purifient et s'épurent. 

Ces cérémonies de purification sont essentielles pour le centre-gauche, qui a été écarté du pouvoir pendant la plupart des années qui ont suivi l'assassinat et qui, même lorsqu'il a été au pouvoir, n'a pas été en mesure d'apporter des changements. Pire encore, le camp de centre-gauche a perdu son chemin et en est venu à utiliser le meurtre de Rabin comme son refuge spirituel. Vous pouvez toujours être contre la violence, la haine et le meurtre - qui est pour ? Vous pouvez toujours être pour l'unité et la paix - qui s'y oppose ? Vous pouvez toujours déclarer que la mort de Rabin était la "mort de la paix". Mais quelle paix ? Où est-elle ? Pourquoi la paix est-elle morte quand Rabin est mort ?

Le temps a fait son œuvre. La moitié du pays porte désormais le nom de Rabin, mais entre-temps, une génération a grandi sans le connaître. Le culte de la mort n'a pas su préserver la mémoire de la bougie éteinte et le camp de gauche qui s'est depuis réduit au silence. Ainsi est née la haine de Netanyahou. La haine qui comble le vide, dynamise le camp dans l'action et lui donne un sentiment enivrant d'engagement civique, de préoccupation et d'esprit de lutte.

Mais tout comme les commémorations pour Rabin, où les personnes endeuillées ne savent pas ce qu'elles commémorent, la lutte contre Netanyahou n'a pas non plus apporté de réponse. Que proposons-nous à la place ? Qu'est-ce qui devrait être à sa place ? Qui devrait être à sa place ?    Quelle voie devrions-nous emprunter ? Quelle est la différence entre notre chemin et le chemin de la droite détestée ?

Ces questions restent sans réponse car le centre-gauche se concentre sur l'objectif d'éradiquer le mal à tout prix. Le bien, raisonnent-ils, surgira naturellement lorsque le mal sera éliminé. La fin sera heureuse, tout sera bien.

Le bien est maintenant apparu, et son nom est Naftali Bennett/Yair Lapid. Mais on peut douter qu'il soit vraiment bon, et, bien sûr, il n'a rien à voir avec la gauche.

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