25/12/2022

GIDEON LEVY
Un porteur de schtreimel* au cabinet de sécurité israélien : scandale !

Gideon Levy, Haaretz, 25/12/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

*Shtrayml : terme yiddish désignant une toque de fourrure portée par les Juifs hassidiques originaires d’Europe centrale et orientale, généralement faite de treize queues de renard ou de marte [NdT]

Parmi les nombreuses tactiques de peur et les attaques contre le gouvernement israélien à venir - la plupart justifiées - il y en a une qui est inacceptable et dangereuse. Le centre-gauche affirme que le député Yitzchak Goldknopf [« Bouton d’or », NdT] ne peut pas être membre du cabinet de sécurité. Goldknopf, chef du parti ultra-orthodoxe Judaïsme unifié de la Torah, n’a pas servi dans les forces de défense israéliennes et ses électeurs non plus, et il ne devrait donc pas prendre part aux décisions relatives à la sécurité. C’est une interdiction qui n’a pas sa place dans un gouvernement bien géré.

Yitzchak Goldknopf, chef et député de Judaïsme unifié de la Torah, 2022.Photo : Emil Salman

Goldknopf n’est pas candidat au poste de chef d’état-major de Tsahal, ni à celui de général en charge d’un commandement régional, et il a pleinement le droit de participer à toute décision, y compris au saint des saints de la sécurité. Il représente un large groupe dont les Israéliens laïques ont décidé qu’il ne servirait pas dans l’armée. Il est dangereux de laisser le droit de décider des questions de guerre et de paix uniquement à ceux qui ont servi dans l’armée ou qui ne sont pas haredi [juif orthodoxe, NdT]. C’est une porte ouverte à des exclusions supplémentaires. Nous nous empressons d’ajouter que les Arabes ont également le droit de prendre part aux décisions relatives à la sécurité de leur pays, s’il s’agit bien de leur pays.

Yitzchak Goldknopf à la Knesset, 2022.Photo : Ohad Zwigenberg

Nous sommes destinés à entendre beaucoup plus de ce nouveau leader haredi haut en couleur, Goldknopf, une version légèrement plus pâle du précédent noble ultra-orthodoxe, Avraham Shapira, qui savait comment charmer les laïcs. Un rapport d’enquête de Gur Megiddo et Meir Tantz, publié vendredi dans TheMarker, sur les sources de la richesse de Goldknopf et la conduite de ses ONG, dont le nom même est difficile à prononcer pour les laïcs, est stupéfiant et devrait faire l’objet d’une enquête criminelle. La conduite du ministre désigné de la construction et du logement en ce qui concerne les appartements qu’il possède à Jérusalem jette une longue ombre sur son aptitude à être en charge du logement en Israël.

Mais il devrait certainement être autorisé à être membre du cabinet de sécurité. Que le Dieu des haredim nous protège si la condition pour participer au cabinet de sécurité est le service militaire. Qu’Il protège un pays où le service militaire est une condition pour tout.

Il est peu probable que si Goldknopf n’était pas ultra-orthodoxe, la demande de l’exclure aurait été formulée. Personne ne le demanderait au député Itamar Ben-Gvir, le ministre désigné de la sécurité nationale, qui n’a pas servi dans l’armée, ou au député Bezalel Smotrich, le ministre désigné des finances, qui n’a fait qu’un bref passage sous l’uniforme. La question ne serait probablement pas soulevée contre un colon qui n’a pas servi dans l’armée. Mais contre un membre de la communauté ultra-orthodoxe, elle est autorisée.

 

Itamar Ben-Gvir à la Knesset, 2022.Photo : Ohad Zwigenberg

L’image d’un décideur en matière de sécurité affublé d’un schtreimel, un vieil homme barbu parlant yiddish, est intolérable pour les laïcs. Ils pardonneront aux colons leur violence et leur avidité en formant la coalition, mais ils ne pardonneront pas aux haredim leur avidité, qui n’est pas plus grande que celle des colons et est beaucoup moins dangereuse. Haim-Moshe Shapira, le leader sioniste religieux et ministre des anciens jours, n’a pas servi dans l’armée. À la veille de la guerre des Six Jours, il a pris une position très courageuse, qui aurait peut-être permis à Israël de ne pas devenir un État d’apartheid, en s’opposant fermement à la décision d’entrer en guerre. Qui sait, peut-être, même si c’est peu probable - les ultra-orthodoxes ont tellement changé depuis 1967 - Goldknopf nous sauvera-t-il de la prochaine guerre.

Au-dessus de tout cela flotte la haine des haredim, qui s’est encore renforcée et justifiée par les actions de leurs représentants politiques - plus avides et plus exploitants que jamais, abandonnant la règle selon laquelle ils ne deviennent pas ministres, mais seulement vice-ministres. Pourtant, la haine des ultra-orthodoxes n’est pas proportionnée ; si seulement les Israéliens éclairés pouvaient haïr les colons, qui ont provoqué des désastres bien plus importants que tous les résidents de Bnei Brak et d’Elad réunis. Parmi les non-haredim, le service militaire est toujours considéré comme une “valeur”, au centre-gauche plus qu’à droite. La gauche sioniste cherchera toujours des généraux comme leaders, elle saisira toujours l’armée pour justifier ses opinions. Mais une gauche où le service militaire est principalement un ticket d’entrée pour autre chose n’est pas une gauche.

En Europe, qui est aujourd’hui confrontée à des défis complexes en matière de sécurité, il y a des femmes ministres de la défense qui ont réussi et qui n’ont pas servi un seul jour dans une armée. Le jugement de Goldknopf peut être jugé insuffisant, mais pas parce qu’il n’a pas servi dans l’armée. Nous avons vu le jugement des généraux dans le passé, et nous avons vu les résultats. À côté des Yoav Gallant** qui savent tout, il devrait aussi y avoir une place pour les Goldknopf.

NdT

**Yoav Gallant : général dont la nomination comme chef d’État-major fut annulée en 2011 suite à des allégations d’appropriation illégale d’un terrain [ce qui, généralement, est un mérite dans la galaxie sioniste].

 

 

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