02/02/2024

ABDEL BARI ATWAN
Le piège de la proposition de trêve de Paris
La duplicité US sur un “État” palestinien sert l’agenda génocidaire d’Israël

Abdel Bari Atwan, Rai Al Youm, 1/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La direction du Hamas à Gaza n’a pas encore répondu officiellement à la proposition de cessez-le-feu issue de la réunion quadripartite du week-end dernier à Paris entre les chefs des services de renseignement des USA, d’Israël, de l’Égypte et du Qatar. Ce retard est très probablement délibéré, et si l’accord est approuvé, il sera conditionné à la satisfaction des exigences de la résistance, à savoir le retrait total d’Israël et l’arrêt définitif de sa guerre contre la bande de Gaza.


Ces dirigeants, qui bénéficient du soutien massif des Palestiniens de la bande de Gaza et de Cisjordanie, doivent savoir que l’objectif de ce projet d’accord est de sauver l’État d’occupation israélien, de consolider l’influence déclinante des USA au Moyen-Orient et de réduire les perspectives d’extension de la guerre, après qu’il est apparu clairement qu’il serait impossible de détruire ou de vaincre le Hamas. Après près de quatre mois d’agressions israéliennes incessantes, le Hamas conserve intacts plus de 80 % de ses armes, de ses forces de défense, de ses tunnels et de ses manufactures d’armement.

Benjamin Netanyahou cherche à obtenir la libération du plus grand nombre possible de captifs, en particulier des civils, afin de pouvoir mettre en œuvre, sans pression intérieure ou extérieure, son plan de dépeuplement de la bande de Gaza par le biais d’une évacuation forcée ou « volontaire ». Il s’agirait d’un prélude à la mise sous tutelle militaire israélienne, au vol de ses énormes réserves de pétrole et de gaz offshore et au rétablissement des 16 colonies israéliennes qui ont été démantelées en 2005 lorsque l’occupation directe a pris fin en raison du nombre croissant de victimes parmi les colons et les militaires aux mains de la résistance.

Avec une duplicité typique, les USA tentent de vendre ce plan israélien en faisant miroiter un État palestinien « démilitarisé » en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, une fois la guerre de Gaza terminée. Le département d’État US a révélé jeudi que Blinken envisageait la possibilité de reconnaître un tel État et qu’il avait demandé à ses collaborateurs de proposer des modèles de « démilitarisation » qui pourraient lui être appliqués.

Amorim, Brésil  

Un dicton populaire dit que plus le mensonge est gros, mieux il passe. Cela vaut pour les fuites des USA et de la Grande-Bretagne sur cette question. Les deux alliés qui ont lancé ensemble toutes les guerres dévastatrices récentes au Moyen-Orient tentent de tendre un nouveau piège à la résistance et au peuple palestiniens en leur vendant une fois de plus la même vieille illusion. Leur véritable objectif est d’annuler la victoire obtenue par le raid du 7 octobre de l’année dernière et de réduire les pertes matérielles et humaines d’Israël.

La prudence est donc de mise. Les preuves de cette duplicité ne manquent pas.

Mercredi, le Congrès usaméricain a voté à une écrasante majorité (422 voix contre 2) l’interdiction d’entrée sur le territoire usaméricain pour tous les membres de l’OLP, du Hamas ou du Jihad islamique palestinien. Comment Washington peut-il soutenir la création d’un État palestinien tout en interdisant l’entrée aux membres de l’OLP qui a signé les accords d’Oslo, reconnu Israël, cédé 80 % du territoire de la Palestine historique et recruté 60 000 agents de sécurité pour protéger les colons et réprimer son propre peuple ?

Les USA ont parrainé les accords d’Oslo et organisé leur cérémonie de signature dans la roseraie de la Maison Blanche il y a 30 ans. Pourtant, au cours des vingt dernières années, ils ont utilisé leur droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour faire échouer la décision de l’Assemblée générale d’accorder à la Palestine le statut d’État membre à part entière des Nations unies. Il semble que si les USA reconnaissent un jour un tel État, ce sera uniquement pour les placards d’archives de l’ONU, sans le faire sur le terrain.



Abdellah Derkaoui, Maroc

L’administration usaméricaine a toujours affirmé qu’un État palestinien ne pouvait voir le jour qu’avec l’accord d’Israël et qu’il devait être démilitarisé. Comment un État démilitarisé peut-il survivre aux côtés d’un ennemi qui pratique le génocide et le nettoyage ethnique et sans avoir les moyens de se défendre contre une nouvelle agression ?

Aujourd’hui, ce n’est pas Joe Biden qui mène la barque à Washington, mais Benjamin Netanyahou. En témoigne le refus répété d’Israël de répondre aux appels des USA à mettre fin aux massacres et aux déplacements massifs de civils dans la bande de Gaza.

Les USA se sont déjà engagés à garantir le cessez-le-feu et les accords de reconstruction à Gaza, notamment l’accord de Charm El Cheikh qui a suivi la guerre de 2013. Mais ils n’ont jamais respecté cet engagement et n’ont jamais fait pression sur Israël pour qu’il s’y conforme. Des milliers de maisons et de tours détruites lors de cet assaut sont toujours en ruines à ce jour, malgré l’allocation de 5 milliards de dollars pour leur reconstruction.

La direction du Hamas, qui a infligé à Israël la plus grande défaite depuis sa création il y a 75 ans, devrait s’en tenir à ses propres conditions dans leur intégralité. Elle ne doit pas accepter le piège de l’accord que les agences de renseignement US et arabes ont conçu et tentent de lui vendre. Ses principaux objectifs sont d’épargner à Israël une défaite ou d’en réduire l’impact, d’imposer ses conditions à la résistance palestinienne par la terreur et le génocide, de désamorcer la colère populaire croissante à l’égard des USA et d’Israël dans le monde arabe et d’anticiper les rébellions contre les dirigeants complices.

Le sponsor usaméricain de l’accord, ainsi que la plupart de ses alliés européens, n’ont jamais exigé l’arrêt de la guerre génocidaire à Gaza, mais l’ont soutenue au nom de la « légitime défense ». Il ne s’est jamais opposé à l’interdiction de l’aide humanitaire ou à la famine délibérée des deux millions d’habitants de la bande de Gaza qui peuvent à peine trouver une bouchée de pain ou une goutte de lait pour garder leurs enfants en vie.

La victoire exige de la patience et sa réalisation approche à grands pas. 550 000 soldats israéliens n’ont pas réussi à contrôler totalement la bande de Gaza, à écraser la résistance, à tuer ou à capturer ses dirigeants. L’État d’occupation a reçu un coup de massue qui a ébranlé les piliers de son existence et veut, avec l’aide des USA, déraciner la résistance en détruisant la population qui l’abrite.

 

Patrick Chappatte, Le Temps, Suisse,  2019

DAHLIA SCHEINDLIN
Les alliés de Netanyahou veulent utiliser l’aide à Gaza comme rampe de lancement pour l’occupation et l’annexion de la bande de Gaza

Dahlia Scheindlin, Haaretz, 1/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La Dre. Dahlia Scheindlin est une chercheuse usaméricano-israélienne en opinion publique  et une conseillère politique qui a travaillé sur huit campagnes nationales en Israël et dans 15 autres pays. Elle est actuellement chargée de mission à la Century Foundation, co-animatrice du podcast The Tel Aviv Review, et du podcast Election Overdose au journal Haaretz. Son plus récent ouvrage s’intitule The Crooked Timber of Democracy in Israel : Promise Unfulfilled [Le bois tordu de la démocratie en Israël : promesses non tenues] (De Gruyter, 2023).@dahliasc

Permettre à Israël de distribuer de l’aide humanitaire par la mise en place d’un gouvernement militaire, c’est aller tout droit vers la reproduction du cauchemar en Cisjordanie, la fusion de la violence des colons et de la violence militaire contre les Palestiniens par un État autoritaire.



Aide humanitaire au compte-gouttes, par Amorim, Brésil

Lorsque le ministre des Finances Bezalel Smotrich a accordé une interview à Channel 12 la semaine dernière, il ne lui a fallu que quelques secondes pour exposer l’étonnante voie qu’Israël - ou du moins certains décideurs influents - est en train de tracer pour l’avenir.

« Nous ne devons pas laisser l’aide entrer par l’intermédiaire de l’UNRWA... afin de respecter le droit international... nous ferons entrer l’aide et la distribuerons nous-mêmes ».

Lorsque les animateurs ont fait valoir le danger que cela représenterait, il a déclaré, en ralentissant pour faire effet : « Écoutez ce que je dis : Il. y. aura. Un gouvernement militaire à Gaza. Parce que tout le monde est d’accord pour dire que nous devons rester à Gaza et la contrôler militairement, et qu’il n’y a pas de contrôle militaire sans contrôle civil ». Cette dernière partie a été prononcée si rapidement que c’est comme si Smotrich espérait qu’elle allait nous échapper.

Cet échange d’une dizaine de secondes contient de nombreux éléments. Tout d’abord, Smotrich affirme qu’Israël devrait se conformer au droit international en trouvant un moyen d’acheminer l’aide humanitaire à Gaza. Le monde entier considérera probablement qu’il s’agit là d’un pas dans la bonne direction.

Mais ce qui se passe aujourd’hui détermine le cours de l’avenir ; c’est une règle empirique en ce qui concerne les relations israélo-palestiniennes.

La proposition de distribution de l’aide par Israël semble bonne à première vue, jusqu’à ce que l’on considère les trois objectifs déclarés de Smotrich : premièrement, le contrôle permanent d’Israël sur Gaza après la guerre ; deuxièmement, le contrôle israélien sera mis en œuvre par le biais d’un régime militaire ; troisièmement, ce gouvernement militaire exercera un contrôle à la fois militaire et civil.

Comme je l’ai déjà fait remarquer, il n’existe pas, dans la pratique, de contrôle militaire israélien sur les Palestiniens qui n’entraîne pas, en fin de compte, un contrôle civil. La fiction des zones A, B et C en Cisjordanie - qui veut que les Palestiniens contrôlent les affaires civiles dans environ 40 % de la région (A et B) conformément aux accords d’Oslo - signifie simplement qu’Israël influence tous les aspects de la vie des Palestiniens, mais refuse de ramasser les ordures ou de fournir des services de santé et des prestations sociales.

Smotrich tente donc de tirer parti de la catastrophe humanitaire à Gaza, des ordonnances de la Cour internationale de justice et de quelques cajoleries usaméricaines pour faire entrer l’aide humanitaire, pour lancer l’occupation-annexion future de Gaza, avec une forte probabilité d’exode massif des Palestiniens dans l’intervalle.

Il n’est pas membre du cabinet de guerre - mais pensez à l’effet de ruissellement. Il a planté la graine et, comme le rapporte Haaretz aujourd’hui, Smotrich affirme maintenant que Netanyahou a demandé à l’armée d’examiner cette possibilité.

En début de semaine, des fuites concernant une réunion d’information du ministre de la Défense Yoav Gallant pour la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset ont révélé des positions contradictoires : la chaîne publique Kan a rapporté que Gallant avait déclaré qu’un “acteur gazaoui dirigerait la bande de Gaza après la guerre. Mais Ynet a rapporté qu’il avait déclaré : « Il est tout à fait clair que le Hamas ne gouvernera pas à Gaza, Israël gouvernera militairement, mais pas civilement ». Peut-être que Gallant s’est convaincu lui-même de la fausse séparation. Son bureau n’a pas répondu aux demandes de clarification.


Des femmes palestiniennes déplacées se rassemblent sur une dune au-dessus d’un camp de fortune à la frontière égyptienne, à l’ouest de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, en janvier.

La colonie juive de Migdalim près de Naplouse en Cisjordanie, 2022. Photo : Ariel Schalit /AP

Cette semaine, la raison pour laquelle les marginaux-radicaux ne devraient jamais être rejetés est apparue clairement. Historiquement, c’est une bande de danseurs et d’activistes divinement inspirés qui se sont installés au Park Hotel d’Hébron pour un seder de Pessah en 1968 et qui ont formé le noyau de ce qui est devenu plus tard Kiryat Arba, et le mouvement de colonisation.

Jürgen Habermas, der „Hegel der Bundesrepublik“, hat endlich seinen Napoleon gefunden, und er heißt Benjamin Netanyahu
Elend der deutschen Philosophie im 21. Jhdt.

Nachfolgend drei Texte, die das Desaster des europäischen Denkens in Zeiten des Völkermords illustrieren, der von der moralischsten Armee der Welt mit dem Segen und der bewaffneten Unterstützung der Führer der aufgeklärtesten Mächte der Welt begangen wird. Übersetzungen von Helga Heidrich, Tlaxcala

 Dank Gaza ist die europäische Philosophie als ethisch bankrott entlarvt worden

Hamid Dabashi, Middle Easte Eye, 18/1/2024


Hamid Dabashi ist Hagop Kevorkian Professor für Iranistik und Vergleichende Literaturwissenschaft an der Columbia University in New York, wo er Vergleichende Literaturwissenschaft, Weltkino und Postkoloniale Theorie unterrichtet. Zu seinen jüngsten Büchern gehören The Future of Two Illusions: Islam after the West (2022); The Last Muslim Intellectual: The Life and Legacy of Jalal Al-e Ahmad (2021); Reversing the Colonial Gaze: Persian Travelers Abroad (2020) und The Emperor is Naked: On the Inevitable Demise of the Nation-State (2020). Seine Bücher und Essays sind in viele Sprachen übersetzt worden.

Von Heideggers Nationalsozialismus bis zu Habermas' Zionismus ist das Leiden des „Anderen“ von geringer Bedeutung

Stellen Sie sich vor, der Iran, Syrien, der Libanon oder die Türkei - mit voller Unterstützung, Bewaffnung und diplomatischem Schutz durch Russland und China - hätten den Willen und die Mittel, Tel Aviv drei Monate lang Tag und Nacht zu bombardieren, Zehntausende von Israelis zu ermorden, unzählige weitere zu verstümmeln, Millionen obdachlos zu machen und die Stadt in einen unbewohnbaren Trümmerhaufen zu verwandeln, so wie heute Gaza.

Stellen Sie sich das einmal für ein paar Sekunden vor: der Iran und seine Verbündeten würden absichtlich bewohnte Teile von Tel Aviv, Krankenhäuser, Synagogen, Schulen, Universitäten, Bibliotheken - oder überhaupt alle bewohnten Orte - angreifen, um ein Maximum an zivilen Opfern zu gewährleisten. Sie würden der Welt sagen, sie seien nur auf der Suche nach dem israelischen Premierminister Benjamin Netanjahu und seinem Kriegskabinett. 

Fragen Sie sich, was die USA, das Vereinigte Königreich, die EU, Kanada, Australien und insbesondere Deutschland innerhalb von 24 Stunden nach dem Ansturm dieses fiktiven Szenarios tun würden.

Kehren Sie nun in die Realität zurück und bedenken Sie, dass Tel Avivs westliche Verbündete seit dem 7. Oktober (und seit Jahrzehnten davor) nicht nur zusehen, was Israel dem palästinensischen Volk antut, sondern es auch mit militärischer Ausrüstung, Bomben, Munition und diplomatischem Beistand versorgen, während US-amerikanische Medien ideologische Rechtfertigungen für das Abschlachten und den Völkermord an den Palästinensern liefern. 

Das oben beschriebene fiktive Szenario würde von der bestehenden Weltordnung nicht einen Tag lang toleriert werden. Mit der militärischen Gewalt der USA, Europas, Australiens und Kanadas, die vollkommen hinter Israel stehen, sind wir hilflose Menschen auf der Welt, genau wie die Palästinenser, nichts wert. Dies ist nicht nur eine politische Realität, sondern betrifft auch die moralische Vorstellung und das philosophische Universum dessen, was sich „der Westen“ nennt.  Haut du formulaire

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Diejenigen von uns, die sich außerhalb der europäischen Sphäre der moralischen Vorstellungskraft befinden, existieren nicht in ihrem philosophischen Universum. Araber, Iraner und Muslime oder Menschen in Asien, Afrika und Lateinamerika - wir haben für europäische Philosophen keine ontologische Realität, außer als metaphysische Bedrohung, die besiegt und besänftigt werden muss.

Angefangen bei Immanuel Kant und Georg Wilhelm Friedrich Hegel bis hin zu Emmanuel Levinas und Slavoj Zizek sind wir Merkwürdigkeiten, Dinge, erkennbare Objekte, die die Orientalisten zu entschlüsseln hatten. Die Ermordung von Zehntausenden von uns durch Israel oder die USA und ihre europäischen Verbündeten lässt die europäischen Philosophen daher nicht im Geringsten innehalten. 

Europäisches Stammpublikum

Wer das bezweifelt, braucht nur einen Blick auf den führenden europäischen Philosophen Jurgen Habermas und einige seiner Kollegen zu werfen, die sich in einem erstaunlich unverhohlenen Akt grausamer Gemeinheit für das Abschlachten der Palästinenser durch Israel ausgesprochen haben. Die Frage ist nicht mehr, was wir von Habermas, der jetzt 94 Jahre alt ist, als Mensch halten sollen. Die Frage ist, was wir von ihm als Sozialwissenschaftler, Philosoph und kritischer Denker halten sollen. Ist das, was er denkt, für die Welt noch von Bedeutung, wenn es das jemals war? 

Die Welt hat sich ähnliche Fragen über einen anderen bedeutenden deutschen Philosophen, Martin Heidegger, angesichts seiner verhängnisvollen Verbindungen zum Nazismus gestellt. Meiner Meinung nach müssen wir jetzt solche Fragen über Habermas' gewalttätigen Zionismus und die bedeutenden Konsequenzen für das, was wir von seinem gesamten philosophischen Projekt halten könnten, stellen.

Wenn Habermas in seiner moralischen Vorstellungskraft nicht ein Jota Platz für Menschen wie die Palästinenser hat, haben wir dann irgendeinen Grund, sein gesamtes philosophisches Projekt als in irgendeiner Weise auf den Rest der Menschheit bezogen zu betrachten - jenseits seines unmittelbaren europäischen Stammpublikums? 

In einem offenen Brief an Habermas sagte der angesehene iranische Soziologe Asef Bayat, er widerspreche „seinen eigenen Ideen“, wenn es um die Situation in Gaza geht. Bei allem Respekt, ich bin anderer Meinung. Ich glaube, dass Habermas' Missachtung des Lebens der Palästinenser ganz im Einklang mit seinem Zionismus steht. Sie entspricht ganz und gar der Weltanschauung, nach der Nichteuropäer nicht vollständig menschlich sind oder „menschliche Tiere“ sind, wie der israelische Verteidigungsminister Yoav Gallant offen erklärt hat.

Diese völlige Missachtung der Palästinenser ist tief in der deutschen und europäischen philosophischen Vorstellungswelt verwurzelt. Die allgemeine Weisheit besagt, dass die Deutschen aus der Schuld am Holocaust eine solide Verpflichtung gegenüber Israel entwickelt haben.

Aber für den Rest der Welt, wie das großartige Dokument, das Südafrika dem Internationalen Gerichtshof vorgelegt hat, beweist, gibt es eine perfekte Übereinstimmung zwischen dem, was Deutschland während seiner Nazizeit getan hat, und dem, was es jetzt während seiner zionistischen Ära tut.

Ich glaube, dass Habermas' Position im Einklang mit der Politik des deutschen Staates steht, der sich an der zionistischen Abschlachtung der Palästinenser beteiligt. Sie steht auch im Einklang mit dem, was als „deutsche Linke“ gilt, mit ihrem ebenso rassistischen, islamfeindlichen und fremdenfeindlichen Hass auf Araber und Muslime und ihrer uneingeschränkten Unterstützung für die völkermörderischen Aktionen der israelischen Siedlerkolonie.

Man möge uns verzeihen, wenn wir dachten, dass Deutschland heute keine Holocaust-Schuld, sondern Völkermord-Nostalgie hat, da es sich stellvertretend an Israels Abschlachten der Palästinenser im letzten Jahrhundert (nicht nur in den letzten 100 Tagen) ergötzt hat. 

01/02/2024

GIDEON LEVY
L’humilité des Israéliens après le 7 octobre a disparu. L’arrogance est de retour

Gideon Levy, Haaretz, 31/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Après la guerre du Kippour (octobre 1973), Israël a humblement baissé la tête et s’est remodelé. Le pays traumatisé s’est replié sur lui-même et a fait son deuil. L’arrogance et la vantardise de l’après-guerre des Six Jours (juin 1967) ont disparu, de même que le culte de la personnalité militariste et l’adoration de l’armée.


Il est d’ores et déjà clair que cette fois-ci, ce sera différent. L’arrogance, la vantardise et le culte de la puissance armée reviennent en force. En fait, ils n’ont jamais disparu. Le choc et l’impuissance, l’horreur et même l’humilité ont régné les premiers jours, mais l’arrogance est vite revenue.

Comme si Israël n’avait pas été pris par surprise et n’avait pas été attaqué par une armée assiégée et dépenaillée alors que sa propre armée était absente, sa puissance militaire s’était révélée peu fiable. Israël était plongé dans le deuil et l’inquiétude, comme après la guerre du Kippour, mais rien n’indiquait qu’il allait changer d’avis.

L’argument selon lequel continuer à vivre par l’épée ne peut que conduire Israël à la destruction est considéré comme une hérésie. Les dégâts de la guerre du 7 octobre 2023 sont donc pires que ceux de la guerre du 6 octobre 1973. Après cette dernière, il y a eu une correction ; cette fois-ci, il n’y a aucun signe de correction.

On aurait pu s’attendre à une réaction différente. Le 8 octobre, Haaretz a publié ce que j’avais écrit l’après-midi précédent, avant que l’ampleur des atrocités ne soit révélée : « L’arrogance israélienne est à l’origine de tout cela. Nous pensions que nous pouvions faire n’importe quoi sans jamais être pénalisés.

[…] Nous nous arrêterons, nous tuerons, nous abuserons, nous déposséderons, nous protégerons les colons pogromistes, nous ferons des pèlerinages au tombeau de Joseph, au tombeau d’Othniel, à l’autel de Josué et, bien sûr, au mont du Temple ; nous tirerons sur les innocents, nous crèverons des yeux et écraserons des visages.

Hier, Israël a vu sur les images du sud ce qu’il n’avait jamais vu auparavant. Des véhicules militaires palestiniens patrouillant dans ses villes, des motards franchissant ses portes. Ces images doivent faire tomber le voile de l’arrogance ».

Aujourd’hui, quatre mois plus tard, Israël agit comme si nous étions après le 5 juin 1967, et non après le 7 octobre 2023. Le discours est arrogant. Les généraux pérorent dans les studios : nous allons frapper ici, conquérir là, déplacer des forces de Beyrouth à Téhéran, en passant par la route Philadelphie et le Yémen, tandis que les soldats et les colons se déchaînent en Cisjordanie.

La discussion dans les médias passe des convulsions de l’armée à une effusion sirupeuse de sentiment national. Une guerre inutile est dépeinte sous un autre jour : celui des succès imaginaires. Il n’y a pas de soirée sans que l’on fasse l’éloge de la glorieuse armée, de la 162e division et de l’équipe de combat de la 401e brigade, comme s’il ne s’agissait pas de la même armée que celle du 7 octobre, comme si elle menait Israël vers une situation meilleure.

Personne n’exprime une opinion différente, sceptique, subversive. Il n’y a que des flatteries pour l’armée, pour la guerre, pour le peuple d’Israël, pour Israël pour toujours, pour tout le monde. La majorité des médias israéliens a trahi sa mission et son professionnalisme en faveur du déni, de la dissimulation et de l’embrigadement au service de la propagande.

Il y a une absence honteuse de reportages sur ce qui se passe dans la bande de Gaza - les ruines et les morts, les blessés, les estropiés, les affamés et les déplacés - accompagnée d’une arrogance qui s’est emparée de la discussion nationale et de la vie nationale.

Au Centre international des congrès de Jérusalem, nous construisons des colonies à Gaza. À Jénine, nous nous déguisons en équipesmédicales, en violation flagrante du droit international, sous les applaudissements. À Gaza, nous détruisons tout comme s’il n’y avait pas de lendemain. 

Dans les capitales du monde, nous menons une campagne pour définancer l’UNRWA, et à La Haye, nous essayons d’ignorer la Cour internationale de justice. Il n’y a nulle part d’humilité, de modestie, de pensée différente, de réflexion sur une nouvelle voie ou d’écoute du monde, ce qui est pourtant si important aujourd’hui.

Nous continuons à nous mentir sciemment, à croire que nous pouvons vivre éternellement par l’épée, que nous sommes toujours les plus justes, les plus forts, plus que tous les autres, plus que le monde entier. Ce ne serait pas si terrible si nous ne savions pas que cela mènera à la prochaine catastrophe.



Jürgen Habermas, le “Hegel de la République fédérale”, a enfin trouvé son Napoléon, et il s'appelle Benjamin Netanyahou
Misère de la philosophie allemande au XXIème Siècle

Ci-dessous trois textes illustrant le désastre de la pensée européenne au temps du génocide commis par l'armée la plus morale du monde avec la bénédiction et le soutien armé des dirigeants des puissances les plus éclairées de la planète. Traductions de Fausto Giudice, Tlaxcala

 Grâce à Gaza, la philosophie européenne a révélé sa faillite éthique

Hamid Dabashi, Middle Easte Eye, 18/1/2024

 Du nazisme de Heidegger au sionisme de Habermas, la souffrance de l’“autre” n’a que peu d’importance

Imaginez que l’Iran, la Syrie, le Liban ou la Turquie - pleinement soutenus, armés et protégés diplomatiquement par la Russie et la Chine - aient la volonté et les moyens de bombarder Tel-Aviv pendant trois mois, jour et nuit, d’assassiner des dizaines de milliers d’Israéliens, d’en mutiler d’innombrables autres, de faire des millions de sans-abri et de transformer la ville en un amas de décombres inhabitables, comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza.

Imaginez quelques secondes : l’Iran et ses alliés ciblant délibérément des quartiers peuplés de Tel-Aviv, des hôpitaux, des synagogues, des écoles, des universités, des bibliothèques - ou tout autre lieu peuplé - afin de faire un maximum de victimes civiles. Ils diraient au monde qu’ils ne font que chercher le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son cabinet de guerre. 

Demandez-vous ce que feraient les USA, le Royaume-Uni, l’Union européenne, le Canada, l’Australie et l’Allemagne en particulier dans les 24 heures suivant l’assaut de ce scénario fictif.

Revenons maintenant à la réalité et considérons le fait que depuis le 7 octobre (et pendant des décennies avant cette date), les alliés occidentaux de Tel-Aviv ont non seulement été témoins de ce qu’Israël a fait au peuple palestinien, mais lui ont également fourni du matériel militaire, des bombes, des munitions et une couverture diplomatique, tandis que les médias usaméricains ont offert des justifications idéologiques pour le massacre et le génocide des Palestiniens. 

Le scénario fictif susmentionné ne serait pas toléré un seul jour par l’ordre mondial existant. Avec la puissance militaire des USA, de l’Europe, de l’Australie et du Canada qui soutiennent pleinement Israël, nous, les peuples sans défense du monde, tout comme les Palestiniens, ne comptons pas. Il ne s’agit pas seulement d’une réalité politique ; elle concerne également l’imaginaire moral et l’univers philosophique de ce qui s’appelle « l’Occident ».

Ceux d’entre nous qui se trouvent en dehors de la sphère de l’imagination morale européenne n’existent pas dans leur univers philosophique. Arabes, Iraniens et musulmans, ou peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, nous n’avons aucune réalité ontologique pour les philosophes européens, si ce n’est celle d’une menace métaphysique qu’il faut maîtriser et faire taire.

Depuis Emmanuel Kant et Georg Wilhelm Friedrich Hegel jusqu’à Emmanuel Levinas et Slavoj Zizek, nous sommes des bizarreries, des choses, des objets connaissables que les orientalistes étaient chargés de déchiffrer. À ce titre, le meurtre de dizaines de milliers d’entre nous par Israël, ou par les USA et leurs alliés européens, ne suscite pas la moindre réflexion dans l’esprit des philosophes européens. 

Publics européens tribaux

Si vous en doutez, il suffit de jeter un coup d’œil au philosophe européen Jurgen Habermas et à quelques-uns de ses collègues qui, dans un acte stupéfiant de vulgarité cruelle, se sont prononcés en faveur du massacre des Palestiniens par Israël [Voir leur texte ci-dessous]. La question n’est plus de savoir ce que nous pouvons penser d’Habermas, aujourd’hui âgé de 94 ans, en tant qu’être humain. La question est de savoir ce que nous pouvons penser de lui en tant que chercheur en sciences sociales, philosophe et penseur critique. Ce qu’il pense a-t-il encore de l’importance pour le monde, si tant est que ça en ait jamais eu ? 

Le monde s’est posé des questions similaires au sujet d’un autre grand philosophe allemand, Martin Heidegger, à la lumière de ses affiliations pernicieuses avec le nazisme. À mon avis, nous devons maintenant poser de telles questions sur le sionisme violent de Habermas et les conséquences significatives sur ce que nous pourrions penser de l’ensemble de son projet philosophique.

Si Habermas n’a pas un iota d’espace dans son imagination morale pour des personnes telles que les Palestiniens, avons-nous une raison de considérer que l’ensemble de son projet philosophique est lié de quelque manière que ce soit au reste de l’humanité - au-delà de ses publics européens tribaux immédiats ? 

Dans une lettre ouverte à Habermas [voir ci-dessous], l’éminent sociologue iranien Asef Bayat a déclaré que celui-ci « contredit ses propres idées » en ce qui concerne la situation à Gaza. Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d’accord. Je pense que le mépris de Habermas pour la vie des Palestiniens est tout à fait cohérent avec son sionisme. Il est parfaitement cohérent avec la vision du monde selon laquelle les non-Européens ne sont pas complètement humains, ou sont des « animaux humains », comme l’a ouvertement déclaré le ministre israélien de la défense Yoav Gallant.

Ce mépris total pour les Palestiniens est profondément ancré dans l’imagination philosophique allemande et européenne. Il est communément admis que la culpabilité de l’Holocauste a poussé les Allemands à s’engager fermement en faveur d’Israël.

Mais pour le reste du monde, comme le montre le magnifique document que l’Afrique du Sud a présenté à la Cour internationale de justice, il y a une parfaite cohérence entre ce que l’Allemagne a fait à l’époque nazie et ce qu’elle fait aujourd’hui à l’époque sioniste.

Je pense que la position d’Habermas est conforme à la politique de l’État allemand, qui participe au massacre des Palestiniens par les sionistes. Elle est également conforme à ce qui passe pour être la « gauche allemande », avec sa haine tout aussi raciste, islamophobe et xénophobe, et son soutien total aux actions génocidaires de cette colonie de peuplement qu’est Israël.

Nous devons être pardonnés si nous pensons que l’Allemagne n’est pas coupable de l’Holocauste, mais qu’elle a la nostalgie du génocide, puisqu’elle a assisté avec complaisance au massacre des Palestiniens par Israël au cours du siècle dernier (et pas seulement au cours des 100 derniers jours).