04/07/2025

BRANKO MARCETIC
La honte : Trump menace de dénaturaliser et d’expulser Zohran Mamdani

Branko Marcetic, Jacobin, 2/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


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Branko Marcetic, né en Nouvelle-Zélande de parents croates, est membre de la rédaction du magazine socialiste usaméricain Jacobin et l’auteur de Yesterday’s Man : The Case Against Joe Biden (Verso 2019)


En seulement six mois de présidence, Donald Trump et ses alliés ont transformé la déportation en une menace explicitement politique contre les opposants et les critiques. Le dernier en date, et le plus médiatisé, est Zohran Mamdani*.


Chaque pays procède à des expulsions, point final d’un processus bureaucratique qui détermine l’éligibilité
d’une personne à rester dans un pays. Parfois, par exemple si la personne a commis un crime grave, ce processus se déroule pendant qu’elle est derrière les barreaux. Dans de nombreux autres cas, il s’agit d’une série d’audiences devant des juges de l’immigration, pendant que la personne continue à vivre sa vie.

L’expulsion est le dernier arrêt du train, la fin de la ligne si les arguments d’une personne pour rester dans le pays ne sont pas convaincants, lorsque tous les recours ont été épuisés.

L’expulsion n’est pas censée être une punition ou une menace, et certainement pas une mesure prise à l’encontre de vos opposants politiques. Il serait difficile de trouver des exemples de ce genre de déportation dans le monde occidental et certainement aux USA au cours de leur histoire récente.

Pourtant, en seulement six mois de présidence de Donald Trump, c’est exactement ce que la déportation est soudainement devenue : une menace que les politiciens usaméricains et leurs partisans brandissent désormais avec désinvolture et régulièrement contre leurs opposants politiques, avec seulement le plus mince prétexte qu’ils sont motivés par une quelconque violation réelle de la loi. En fait, la déportation a dépassé le stade de la simple menace et est activement et explicitement utilisée comme une forme de punition à l’encontre de personnes pour leur discours politique.

Le dernier exemple en date, et le plus médiatisé, s’est produit pas plus tard qu’hier, lorsque Donald Trump a menacé indirectement d’expulser le vainqueur de la primaire démocrate de New York pour le poste de maire, Zohran Mamdani. Notant que Mamdani, citoyen usaméricain, s’est engagé à empêcher les services d’immigration et de douane (ICE) d’arrêter des personnes dans la ville, un journaliste a demandé à Trump son “message au communiste Zorhan [sic] Mamdani”.

« Nous allons surveiller ça de très près, et beaucoup de gens disent qu’il est ici illégalement », a répondu Trump. « Nous allons tout examiner ».

Pour être clair, personne n’a dit ça : Mamdani, qui est né en Ouganda avant que sa famille n’immigre légalement aux USA il y a plus de vingt ans, est un citoyen usaméricain depuis qu’il a été naturalisé il y a sept ans. La référence inventée par Trump au fait que Mamdani serait sans papiers n’était pas une simple insulte. Elle faisait suite à ses avertissements selon lesquels, en raison de la position de Mamdani sur les arrestations de l’ICE, « nous devrons l’arrêter » et couper les fonds fédéraux à New York en guise de représailles. Le sous-texte est si clair qu’il est à peine sous-jacent : Mamdani veut me défier, alors nous allons peut-être l’expulser.

Cela faisait suite à une menace encore plus explicite et ouvertement raciste de la part du représentant du Tennessee, Andy Ogles, qui a déclaré deux jours après la victoire de Mamdani :

Zohran “little muhammad” Mamdani est un antisémite, un socialiste, un communiste qui détruira la grande ville de New York. Il doit être DÉPORTÉ. C’est pourquoi je demande qu’il fasse l’objet d’une procédure de dénaturalisation.

Notez qu’Ogles n’a même pas pris la peine d’accuser Mamdani de quoi que ce soit pour justifier cette décision, si ce n’est de la possibilité qu’il devienne maire de New York. Dans sa lettre à la procureure générale Pam Bondi, le mieux qu’il ait pu faire a été de citer un texte de rap vieux de huit ans écrit par Mamdani. Quelques heures plus tard, il a réitéré sa menace – d’une manière qui se voulait amusante, avec une caricature méconnaissable de lui-même générée par l’IA, qui lui a donné la mâchoire carrée et les épaules larges qui lui font défaut dans la vie réelle.


Mais ce n’
est que le dernier incident en date. Quelle a été la première chose que Trump et ses alliés ont faite lorsque le milliardaire Elon Musk, donateur de Trump, s’est brouillé très publiquement avec le président ? Ils ont menacé de l’expulser.

« Elon Musk est illégal et il doit partir. Expulsez-le immédiatement », a déclaré Steve Bannon, allié de Trump, quelques jours après le début de la polémique, avant d’appeler le président à « lancer une enquête officielle sur son statut d’immigrant ». Hier encore, Trump s’est mis de la partie (c’était une journée chargée en menaces d’expulsion pour le président), lorsqu’on lui a demandé s’il expulserait M. Musk. Il a répondu : « Nous devrons jeter un coup d’œil ».

Lorsque l’utilisateur de X/Twitter familièrement connu sous le nom de “the menswear guy” - connu pour critiquer de manière cinglante les choix de mode et l’apparence physique des personnalités de droite, y compris le vice- président J. D. Vance - a révélé le mois dernier qu’il était un immigrant sans papiers depuis qu’il a été amené enfant aux USA, plusieurs utilisateurs l’ont souligné, et l’un d’entre eux a suggéré à Vance de faire expulser l’homme. M. Vance et le Département social du ministère de la sécurité intérieure ont tous deux répondu par des GIF rigolards, suggérant qu’ils examinaient la question.

« Dénaturaliser et déporter Mehdi Hasan », a gazouillé Will Chamberlain, avocat principal du Projet Article III, une sorte de version trumpifiée de la Federalist Society, à propos du célèbre journaliste et critique de Trump. Deux ans plus tôt, le fondateur et président de l’Article III Project avait menacé de la même manière non seulement de dénaturaliser et d’expulser Hasan - encore une fois, entièrement en réponse à ses opinions politiques - mais aussi de l’inculper et de le placer en détention, se vantant d’avoir déjà « choisi sa place dans le goulag de Washington ».

Une menace joyeuse

Ce qui est remarquable ici, ce n’est pas seulement la façon dont la déportation est devenue une menace occasionnelle dans le discours politique de droite ou le fait qu’elle soit lancée entièrement en réponse aux discours et aux activités politiques que la trumposphère n’aime pas. C’est l’allégresse sadique avec laquelle elle est lancée : avec un GIF de Jack Nicholson souriant et hochant la tête d’un air malveillant ou avec la vantardise de « créer un tableau de March Madness [tournoi de basket-ball universitaire, NdT] pour célébrer la déportation imminente de Mehdi ».

C’est un signe de la façon dont la droite ne considère plus l’expulsion comme un simple élément du processus bureaucratique d’immigration, mais comme un outil qu’elle peut utiliser contre ses ennemis politiques et comme outil de répression - un objectif qui est loin de l’intention originale de l’expulsion, que ce soit aux USA ou dans d’autres pays partageant les mêmes idées.

Et ne vous y trompez pas : elle est déjà utilisée comme une arme de répression politique, dans le cadre d’un assaut de l’ensemble du gouvernement contre la liberté d’expression par le mouvement Trump. La plupart des gens connaissent maintenant Mahmoud Khalil, le détenteur d’une carte verte, nouveau père et militant pro-palestinien ciblé par l’expulsion expressément en raison de ses opinions politiques. Plus récemment, Mario Guevara, un journaliste dont la demande de carte verte était en cours et qui a été arrêté pour avoir couvert une manifestation à Atlanta, a lui aussi fait l’objet d’une procédure d’expulsion.

En fait, après avoir menacé pendant des années de « donner un coup de fouet » à une campagne de « dénaturalisation massive », Trump semble aujourd’hui être en train de le faire. Lundi, des rapports ont révélé que son ministère de la Justice donne la priorité au retrait de la citoyenneté aux citoyens naturalisés qui commettent certains crimes graves, y compris le terrorisme, l’un des objectifs de la campagne étant de « mettre fin à l’antisémitisme ». Compte tenu de la définition libérale que Trump et son mouvement ont donnée à ces termes - qu’ils ont utilisés à plusieurs reprises pour désigner des critiques d‘Israël ou des militants et des messages sur les médias sociaux - il est presque certain que ce sera le cas.

Malheureusement, l’utilisation de la législation sur l’immigration à des fins de répression politique n’est pas sans précédent dans l’histoire usaméricaine, puisqu’elle a été utilisée dans le cadre de la première peur rouge”, lors des raids Palmer, pour arrêter des milliers et déporter des centaines d’immigrés de gauche en raison de leurs opinions politiques, ainsi que dans le cadre de la seconde “peur rouge”, de type maccarthyste. Mais ces épisodes sont largement considérés aujourd’hui comme des épisodes profondément honteux, des taches dans l’histoire usaméricaine lorsque le système politique n’a pas été à la hauteur de l’éthique la plus chère au pays.

Une nouvelle déchéance

Ce que fait aujourd’hui l’administration Trump ne risque pas seulement de répéter ces épisodes honteux, mais place les USA au coude à coude avec une liste de gouvernements autoritaires honteux - y compris ceux que Trump lui-même a critiqués pour leur piétinement des libertés fondamentales.

L’année dernière, Freedom House, qui est largement financée par le gouvernement usaméricain, a désigné la “révocation de la citoyenneté” comme l’une des principales tactiques utilisées par les gouvernements autoritaires pour punir les opposants politiques. Parmi ces gouvernements figurent certains des noms les plus dictatoriaux et despotiques qui soient, aussi éloignés que possible de ce que la plupart des USAméricains ordinaires considèrent comme de bons États épris de liberté : Bahreïn, l’Égypte, le Koweït, les Émirats arabes unis et le Myanmar, qui ont tous retiré leur nationalité à des centaines de journalistes, d’activistes et d’autres dissidents au cours des dernières années.

Un nom en particulier ressort : le gouvernement nicaraguayen de Daniel Ortega, dont Trump a sanctionné les responsables lors de son premier mandat, les accusant de “saper la démocratie” et l’État de droit. La déportation et la déchéance de nationalité sont des caractéristiques du règne d’Ortega : il y a tout juste deux ans, il a déporté et révoqué la nationalité de 222 prisonniers politiques, avant de déchoir 94 autres Nicaraguayens, dont des écrivains, des journalistes et des personnalités religieuses, de leur nationalité.

Réfléchissez-y un instant : Trump se comporte, selon ses propres critères, comme un homme fort qui sape la démocratie et l’État de droit.

Il y a peu de raisons de penser que les menaces de Trump resteront limitées aux citoyens naturalisés, qui ne constituent pas une catégorie distincte de citoyens mais ont exactement la même position, les mêmes droits et les mêmes privilèges que les citoyens nés dans le pays : tout argument utilisé pour priver l’un de sa citoyenneté peut être utilisé contre l’autre. N’oublions pas que Trump a déjà pris une mesure cruelle à l’encontre des migrants - en les expulsant sans procédure régulière vers une prison brutale au Salvador - avant d’admettre en privé que son plan était de faire la même chose aux citoyens américains.

Mamdani lui-même a semblé le reconnaître dans sa réponse à la menace de Trump de l’arrêter, qu’il a accusée de « représenter non seulement une attaque contre notre démocratie, mais une tentative d’envoyer un message à tous les New-Yorkais qui refusent de se cacher dans l’ombre : si vous vous exprimez, ils viendront pour vous ». Il a ajouté que les New-Yorkais « n’accepteraient pas cette intimidation », et il pourrait avoir raison - même la gouverneure conservatrice de New York, Kathy Hochul, qui a refusé de soutenir Mamdani jusqu’à présent, a averti : « si vous menacez de vous en prendre illégalement à l’un de nos voisins, vous cherchez la bagarre avec vingt millions de New-Yorkais - à commencer par moi ».

Les menaces de Trump et de ses alliés d’expulser Mamdani et d’autres opposants politiques constituent un nouveau coup bas honteux dans la politique usaméricaine récente. Quoi qu’en dise la trumposphère, les excès qu’il a déjà commis en matière d’immigration et d’expulsion n’ont pas été populaires, une majorité du pays estimant que les actions de l’ICE sont allées trop loin. Il y a fort à parier que ce dernier excès sera à nouveau perçu avec dégoût par un public qui croit encore aux idéaux usaméricains fondamentaux, comme le droit de dire ce que l’on pense et de ne pas être harcelé par un dirigeant tyrannique.

NdT

*Zohran Kwame Mamdani est né en 1991 à Kampala, en Ouganda. Ses parents sont Mahmood Mamdani, un universitaire ougandais d'origine indienne goudjaratie d'obédience chiite duodécimaine, et Mira Nair, une réalisatrice indo-usaméricaine d'ascendance pendjabie hindoue, récipiendaire de la Caméra d'or au Festival de Cannes 1988 pour son film Salaam Bombay! Son deuxième prénom Kwame a été inspiré par l'homme d'État ghanéen Kwame Nkrumah. Ses parents ignoraient que  ce nom signifie en langue akan qu'une personne est née à un samedi (il est né à un vendredi et aurait donc porter le nom Kofi).

Le phénomène Mamdani donne du grain à moudre aux caricaturistes de tous poils, pro et contra, certains épinglant l'hostilité de la vieille garde du parti Démocrate à l'égard du candidat. Ci-dessous, un choix 








03/07/2025

HAARETZ
“C’est un champ de mise à mort” : des soldats israéliens ont reçu l’ordre de tirer délibérément sur des Gazaouis non armés qui attendaient l’aide humanitaire
Témoignages sur des crimes de guerre avérés

Des officiers et des soldats de l’armée israélienne ont déclaré à Haaretz qu’ils avaient reçu l’ordre de tirer sur des foules non armées près des sites de distribution de nourriture à Gaza, même en l’absence de menace. Des centaines de Palestiniens ont été tués, ce qui a incité le parquet militaire à demander une enquête sur d’éventuels crimes de guerre Netanyahou et Katz rejettent ces accusations, les qualifiant d’ accusation calomnieuses”


Des Palestiniens se rassemblent à un point de distribution d’aide mis en place par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation privée, près du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 juin 2025. Photo par Eyad BABA / AFP)

 

Nir Hasson, Yaniv Kubovich et Bar Peleg, Haaretz, 27/6/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

 

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Des soldats israéliens à Gaza ont déclaré à Haaretz que l’armée avait délibérément tiré sur des Palestiniens près des sites de distribution d’aide au cours du mois dernier.

Des conversations avec des officiers et des soldats révèlent que les commandants ont ordonné aux troupes de tirer sur la foule pour la repousser ou la disperser, même s’il était clair qu’elle ne représentait aucune menace.

Un soldat a décrit la situation comme un effondrement total des codes éthiques des Forces de défense israéliennes à Gaza.

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, 549 personnes ont été tuées près des centres d’aide et dans les zones où les habitants attendaient les camions de nourriture de l’ONU depuis le 27 mai. Plus de 4 000 personnes ont été blessées, mais le nombre exact de personnes tuées ou blessées par les tirs de l’armée israélienne reste incertain.

Haaretz a appris que le procureur général militaire a chargé le mécanisme d’évaluation des faits de l’état-major de l’armée israélienne, un organisme chargé d’examiner les incidents impliquant des violations potentielles du droit de la guerre, d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis sur ces sites.

Dans une déclaration publiée à la suite de la publication de cet exposé, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israel Katz ont rejeté ces accusations, qu’ils ont qualifiées d’ “accusations calomnieuses”.

Les centres d’aide de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) ont commencé à fonctionner dans la bande de Gaza à la fin du mois de mai. Les circonstances de la création de cette fondation et son financement sont obscurs : on sait qu’elle a été mise en place par Israël en coordination avec des évangéliques usaméricains et des sociétés de sécurité privées. Son PDG actuel est un leader évangélique proche du président Trump et de Netanyahou.



Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir des vivres à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 25 juin 2025. Photo DAWOUD ABU ALKAS/
REUTERS

La GHF gère quatre sites de distribution alimentaire – trois dans le sud de Gaza et un dans le centre – connus au sein de l’armée israélienne sous le nom de « centres de distribution rapide » (Mahpazim). Ils sont gérés par des travailleurs USaméricains et palestiniens et sécurisés par l’armée israélienne à une distance de plusieurs centaines de mètres.

Des milliers, voire parfois des dizaines de milliers de Gazaouis se rendent chaque jour sur ces sites pour y récupérer de la nourriture.

Contrairement aux promesses initiales de la fondation, la distribution est chaotique, la foule se précipitant sur les piles de cartons. Depuis l’ouverture des centres de distribution rapide, Haaretz a recensé 19 incidents impliquant des coups de feu à proximité. Si l’identité des tireurs n’est pas toujours claire, l’armée israélienne n’autorise pas la présence d’individus armés dans ces zones humanitaires sans en être informée.

Les centres de distribution n’ouvrent généralement qu’une heure chaque matin. Selon les officiers et les soldats qui ont servi dans ces zones, l’armée israélienne tire sur les personnes qui arrivent avant l’ouverture pour les empêcher de s’approcher, ou à nouveau après la fermeture des centres, pour les disperser. Comme certains incidents impliquant des tirs ont eu lieu la nuit, avant l’ouverture, il est possible que certains civils n’aient pas pu voir les limites de la zone désignée.

« C’est un champ de mise à mort », a déclaré un soldat. « Là où j’étais stationné, entre une et cinq personnes étaient tuées chaque jour. Elles sont traitées comme une force hostile – aucune mesure de contrôle des foules, pas de gaz lacrymogène – juste des tirs à balles réelles avec tout ce qui est imaginable : mitrailleuses lourdes, lance-grenades, mortiers. Puis, une fois que le centre ouvre, les tirs cessent et les gens savent qu’ils peuvent s’approcher. Notre forme de communication, ce sont les tirs. »

Le soldat a ajouté : « Nous ouvrons le feu tôt le matin si quelqu’un tente de faire la queue à quelques centaines de mètres de distance, et parfois nous chargeons simplement à bout portant. Mais il n’y a aucun danger pour les forces. » Selon lui, « je ne connais pas un seul cas de riposte. Il n’y a pas d’ennemi, pas d’armes. » Il a également déclaré que l’activité dans sa zone de service est appelée « Opération Poisson salé », du nom de la version israélienne du jeu pour enfants « Feu rouge, feu vert ».

Des officiers de l’armée israélienne ont déclaré au journal Haaretz que l’armée n’autorisait ni le public israélien ni celui étranger à voir les images de ce qui se passe autour des sites de distribution de nourriture. Selon eux, l’armée estime que les opérations de la GHF ont empêché l’effondrement total de la légitimité internationale de la poursuite de la guerre. Ils pensent que l’armée israélienne a réussi à transformer Gaza en « arrière-cour », en particulier depuis le début de la guerre avec l’Iran.


Des Palestiniens transportent des colis d’aide humanitaire distribués par la GHF à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le jeudi 26 juin 2025. Photo Abdel Kareem Hana/AP

 « Gaza n’intéresse plus personne », a déclaré un réserviste qui a terminé une nouvelle période de service dans le nord de la bande de Gaza cette semaine. « C’est devenu un endroit avec ses propres règles. La perte de vies humaines n’a aucune importance. Ce n’est même plus un « incident malheureux », comme on disait autrefois. »

Un officier chargé de la sécurité d’un centre de distribution a décrit l’approche de l’armée israélienne comme profondément défaillante : « Travailler avec une population civile alors que votre seul moyen d’interaction est d’ouvrir le feu, c’est pour le moins très problématique », a-t-il déclaré à Haaretz. « Il n’est ni éthiquement ni moralement acceptable que des personnes doivent atteindre, ou ne parviennent pas à atteindre, une [zone humanitaire] sous le feu des chars, des snipers et des obus de mortier. »

L’officier a expliqué que la sécurité sur les sites est organisée en plusieurs niveaux. À l’intérieur des centres de distribution et du « couloir » qui y mène se trouvent des travailleurs usaméricains, et l’armée israélienne n’est pas autorisée à opérer dans cet espace. Un niveau plus externe est constitué de superviseurs palestiniens, dont certains sont armés et affiliés à la milice Abou Shabab.

Le périmètre de sécurité de l’armée israélienne comprend des chars, des tireurs embusqués et des mortiers dont le but, selon l’officier, est de protéger les personnes présentes et de garantir la distribution de l’aide.

« La nuit, nous ouvrons le feu pour signaler à la population qu’il s’agit d’une zone de combat et qu’elle ne doit pas s’approcher », a déclaré l’officier. « Une fois, a-t-il raconté, les mortiers ont cessé de tirer et nous avons vu des gens commencer à s’approcher. Nous avons donc repris le feu pour leur faire comprendre qu’ils n’avaient pas le droit de s’approcher. Finalement, l’un des obus a atterri sur un groupe de personnes. »

Dans d’autres cas, a-t-il déclaré, « nous avons tiré avec des mitrailleuses depuis des chars et lancé des grenades. Il y a eu un incident au cours duquel un groupe de civils a été touché alors qu’il avançait à couvert dans le brouillard. Ce n’était pas intentionnel, mais ce genre de choses arrive. »

Il a souligné que ces incidents avaient également fait des morts et des blessés parmi les soldats de l’armée israélienne. « Une brigade de combat ne dispose pas des outils nécessaires pour gérer une population civile dans une zone de guerre. Tirer des mortiers pour éloigner des personnes affamées n’est ni professionnel ni humain. Je sais qu’il y a des membres du Hamas parmi eux, mais il y a aussi des personnes qui veulent simplement recevoir de l’aide. En tant que pays, nous avons la responsabilité de veiller à ce que cela se fasse en toute sécurité », a déclaré l’officier.

L’officier a souligné un autre problème lié aux centres de distribution : leur manque de cohérence. Les habitants ne savent pas quand chaque centre ouvrira, ce qui ajoute à la pression sur les sites et contribue à nuire aux civils.

« Je ne sais pas qui prend les décisions, mais nous donnons des instructions à la population, puis soit nous ne les suivons pas, soit nous les modifions », a-t-il déclaré.

« Au début du mois, nous avons été informés qu’un message avait été diffusé indiquant que le centre ouvrirait dans l’après-midi, et les gens se sont présentés tôt le matin pour être les premiers à recevoir de la nourriture. Comme ils sont arrivés trop tôt, la distribution a été annulée ce jour-là. »

Les sous-traitants comme shérifs

Selon les témoignages des commandants et des combattants, l’armée israélienne était censée maintenir une distance de sécurité entre les zones peuplées par les Palestiniens et les points de distribution de nourriture. Cependant, les actions des forces sur le terrain ne correspondent pas aux plans opérationnels.

« Aujourd’hui, tout entrepreneur privé travaillant à Gaza avec du matériel d’ingénierie reçoit 5 000 shekels [environ 1 250 €] pour chaque maison qu’il démolit », a déclaré un combattant chevronné. « Ils font fortune. De leur point de vue, chaque instant où ils ne démolissent pas de maisons est une perte d’argent, et les forces doivent sécuriser leur travail. Les entrepreneurs, qui agissent comme une sorte de shérif, démolissent où ils veulent sur tout le front. »

En conséquence, a ajouté le combattant, la campagne de démolition des entrepreneurs les amène, avec leurs équipes de sécurité relativement réduites, à proximité des points de distribution ou le long des itinéraires empruntés par les camions d’aide humanitaire.

 

Un Palestinien porte un sac de farine alors que des gens se rassemblent pour recevoir des vivres à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 juin 2025. Photo Hatem Khaled/REUTERS

 « Afin que [les entrepreneurs] puissent se protéger, une fusillade éclate et des personnes sont tuées », a-t-il déclaré. « Ce sont des zones où les Palestiniens sont autorisés à se trouver – c’est nous qui nous sommes rapprochés et avons décidé qu’ils représentaient un danger pour nous. Ainsi, pour qu’un entrepreneur gagne 5 000 shekels supplémentaires et démolisse une maison, il est jugé acceptable de tuer des personnes qui ne cherchent qu’à se nourrir. »

Un officier supérieur dont le nom revient régulièrement dans les témoignages sur les fusillades près des sites d’aide humanitaire est le brigadier général Yehuda Vach, commandant de la division 252 de l’armée israélienne. Haaretz a déjà rapporté comment Vach a transformé le corridor de Netzarim en une route mortelle, mis en danger les soldats sur le terrain et été soupçonné d’avoir ordonné la destruction d’un hôpital à Gaza sans autorisation.

Aujourd’hui, un officier de la division affirme que Vach a décidé de disperser les rassemblements de Palestiniens qui attendaient les camions d’aide humanitaire de l’ONU en ouvrant le feu. « C’est la politique de Vach », a déclaré l’officier, « mais de nombreux commandants et soldats l’ont acceptée sans poser de questions. [Les Palestiniens] ne sont pas censés être là, donc l’idée est de s’assurer qu’ils partent, même s’ils ne sont là que pour la nourriture. »



La division de Vach n’est pas celle qui opère dans la région. Elle est responsable du nord de Gaza, et la politique de Vach concerne donc ceux qui pillent les camions d’aide humanitaire de l’ONU, et non les sites du GHF.

Un soldat de réserve de la division blindée qui a récemment servi dans la division 252 dans le nord de Gaza a confirmé ces informations et a expliqué la « procédure de dissuasion » de l’armée israélienne pour disperser les civils qui se rassemblent en violation des ordres militaires.

« Les adolescents qui attendent les camions se cachent derrière des monticules de terre et se précipitent vers eux lorsqu’ils passent ou s’arrêtent aux points de distribution », a-t-il déclaré. « Nous les voyons généralement à des centaines de mètres de distance ; ils ne représentent pas une menace pour nous. »

Lors d’un incident, le soldat a reçu l’ordre de tirer un obus en direction d’une foule rassemblée près du littoral. « Techniquement, il s’agit d’un tir d’avertissement, destiné soit à repousser les gens, soit à les empêcher d’avancer », a-t-il déclaré. « Mais ces derniers temps, tirer des obus est devenu une pratique courante. Chaque fois que nous tirons, il y a des blessés et des morts, et quand quelqu’un demande pourquoi un obus est nécessaire, il n’y a jamais de bonne réponse. Parfois, le simple fait de poser la question agace les commandants. »



Dans ce cas précis, certaines personnes ont commencé à fuir après le tir d’obus et, selon le soldat, d’autres forces ont ensuite ouvert le feu sur elles. « Si c’est censé être un tir d’avertissement, et que nous les voyons courir vers Gaza, pourquoi leur tirer dessus ? », a-t-il demandé. « Parfois, on nous dit qu’ils se cachent toujours et que nous devons tirer dans leur direction parce qu’ils ne sont pas partis. Mais il est évident qu’ils ne peuvent pas partir si, dès qu’ils se lèvent et courent, nous ouvrons le feu. »

Le soldat a déclaré que cela était devenu une routine. « Vous savez que ce n’est pas juste. Vous sentez que ce n’est pas juste, que les commandants ici prennent la loi entre leurs mains. Mais Gaza est un univers parallèle. Vous passez rapidement à autre chose. La vérité, c’est que la plupart des gens ne s’arrêtent même pas pour y réfléchir. »

Au début de la semaine, des soldats de la division 252 ont ouvert le feu à un carrefour où des civils attendaient des camions d’aide humanitaire. Un commandant sur le terrain a donné l’ordre de tirer directement au centre du carrefour, causant la mort de huit civils, dont des adolescents. L’incident a été porté à l’attention du chef du commandement sud, le général de division Yaniv Asor, mais jusqu’à présent, mis à part un examen préliminaire, il n’a pris aucune mesure et n’a pas demandé d’explications à Vach concernant le nombre élevé de victimes dans son secteur.

« J’étais présent lors d’un événement similaire. D’après ce que nous avons entendu, plus de dix personnes ont été tuées là-bas », a déclaré un autre officier supérieur de réserve commandant les forces dans la région. « Lorsque nous avons demandé pourquoi ils avaient ouvert le feu, on nous a répondu que c’était un ordre venant d’en haut et que les civils représentaient une menace pour les troupes. Je peux affirmer avec certitude que les gens n’étaient pas proches des forces et ne les mettaient pas en danger. C’était inutile, ils ont été tués pour rien. Cette pratique consistant à tuer des innocents est devenue normale. On nous répétait sans cesse qu’il n’y avait pas de non-combattants à Gaza, et apparemment, ce message a été bien compris par les troupes. »

Un officier supérieur familier avec les combats à Gaza estime que cela marque une nouvelle détérioration des normes morales de l’armée israélienne. « Le pouvoir que les commandants supérieurs exercent sur le commandement général menace la chaîne de commandement », a-t-il déclaré.

Selon lui, « ma plus grande crainte est que les tirs et les dommages causés aux civils à Gaza ne soient pas le résultat d’une nécessité opérationnelle ou d’un mauvais jugement, mais plutôt le produit d’une idéologie défendue par les commandants sur le terrain, qu’ils transmettent aux troupes sous forme de plan opérationnel ».

Bombardements

Au cours des dernières semaines, le nombre de victimes près des zones de distribution alimentaire a fortement augmenté : 57 le 11 juin, 59 le 17 juin et environ 50 le 24 juin, selon le ministère de la Santé de Gaza. En réponse, une discussion a eu lieu au Commandement sud, où il est apparu que les troupes avaient commencé à disperser les foules à l’aide d’obus d’artillerie.

« Ils parlent d’utiliser l’artillerie sur un carrefour rempli de civils comme si c’était normal », a déclaré une source militaire qui a assisté à la réunion. « Toute la conversation porte sur le bien-fondé ou non de l’utilisation de l’artillerie, sans même se demander pourquoi cette arme était nécessaire au départ. Ce qui préoccupe tout le monde, c’est de savoir si cela nuira à notre légitimité de continuer à opérer à Gaza. L’aspect moral est pratiquement inexistant. Personne ne s’arrête pour se demander pourquoi des dizaines de civils à la recherche de nourriture sont tués chaque jour. »

 



Un autre officier supérieur familier avec les combats à Gaza a déclaré que la normalisation des meurtres de civils avait souvent encouragé les tirs à leur encontre près des centres de distribution d’aide humanitaire.

« Le fait que des tirs réels soient dirigés contre une population civile – que ce soit avec de l’artillerie, des chars, des tireurs d’élite ou des drones – va à l’encontre de tout ce que l’armée est censée représenter », a-t-il déclaré, critiquant les décisions prises sur le terrain. « Pourquoi des personnes qui collectent de la nourriture sont-elles tuées simplement parce qu’elles ont dépassé la ligne ou parce qu’un commandant n’aime pas qu’elles doublent tout le monde ? Pourquoi en sommes-nous arrivés à un point où un adolescent est prêt à risquer sa vie juste pour prendre un sac de riz dans un camion ? Et c’est contre lui que nous tirons avec l’artillerie ? »

Outre les tirs de l’armée israélienne, des sources militaires affirment que certaines des victimes près des centres de distribution d’aide humanitaire ont été tuées par des tirs provenant de milices soutenues et armées par l’armée. Selon un officier, l’armée israélienne continue de soutenir le groupe Abou Shabab et d’autres factions.

« Il existe de nombreux groupes qui s’opposent au Hamas, mais Abou Shabab est allé plus loin », a-t-il déclaré. « Ils contrôlent des territoires où le Hamas ne pénètre pas, et l’armée israélienne encourage cela. »

Un autre officier a fait remarquer : « Je suis stationné là-bas, et même moi, je ne sais plus qui tire sur qui. »

Lors d’une réunion à huis clos cette semaine avec des hauts responsables du bureau du procureur général militaire, organisée à la lumière des dizaines de morts quotidiennes de civils près des zones d’aide, les responsables juridiques ont demandé que les incidents soient examinés par le mécanisme d’évaluation et d’enquête de l’état-major de l’armée israélienne. Cet organisme, créé après l’incident de la flottille Mavi Marmara, est chargé d’examiner les cas où il y a suspicion de violation des lois de la guerre, afin de repousser les demandes internationales visant à enquêter sur les soldats de l’armée israélienne pour crimes de guerre présumés.

Au cours de la réunion, les hauts responsables juridiques ont déclaré que les critiques internationales concernant les meurtres de civils s’intensifiaient. Les officiers supérieurs de l’armée israélienne et du commandement sud ont toutefois affirmé que ces cas étaient isolés et que les tirs visaient des suspects qui représentaient une menace pour les troupes.

Un jeune homme transporte un carton contenant des fournitures humanitaires de la GHF, dimanche. Photo AFP

 Une source ayant assisté à la réunion a déclaré à Haaretz que les représentants du bureau du procureur général militaire avaient rejeté les affirmations de l’armée israélienne. Selon eux, ces arguments ne tiennent pas face aux faits sur le terrain. « L’affirmation selon laquelle il s’agit de cas isolés ne correspond pas aux incidents au cours desquels des grenades ont été larguées depuis les airs et des mortiers et des tirs d’artillerie ont été dirigés contre des civils », a déclaré un responsable juridique. « Il ne s’agit pas de quelques personnes tuées, mais de dizaines de victimes chaque jour. »

Bien que le procureur général militaire ait chargé le mécanisme d’évaluation et d’enquête d’examiner les récents incidents de tirs, ceux-ci ne représentent qu’une petite partie des cas dans lesquels des centaines de civils non impliqués ont été tués.


Yaniv Asor : sa place est à La Haye, devant la CPI

De hauts responsables de l’armée israélienne ont exprimé leur frustration face au fait que le commandement sud n’ait pas enquêté de manière approfondie sur ces incidents et ignore les morts civiles à Gaza. Selon des sources militaires, le chef du commandement sud, le général de division Yaniv Asor, ne mène généralement que des enquêtes préliminaires, s’appuyant principalement sur les témoignages des commandants sur le terrain. Il n’a pris aucune mesure disciplinaire à l’encontre des officiers dont les soldats ont blessé des civils, malgré des violations manifestes des ordres de l’armée israélienne et des lois de la guerre.

Un porte-parole de l’armée israélienne a répondu : « Le Hamas est une organisation terroriste brutale qui affame la population de Gaza et la met en danger afin de maintenir son pouvoir dans la bande de Gaza. Le Hamas fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la distribution de nourriture à Gaza et perturber l’aide humanitaire. L’armée israélienne autorise l’organisation civile américaine (GHF) à opérer de manière indépendante et à distribuer de l’aide aux habitants de Gaza. L’armée israélienne opère à proximité des nouvelles zones de distribution afin de permettre la distribution tout en poursuivant ses activités opérationnelles dans la bande de Gaza.

« Dans le cadre de leurs opérations menées à proximité des principales voies d’accès aux centres de distribution, les forces de défense israéliennes (FDI) mènent des processus d’apprentissage systématiques afin d’améliorer leur réponse opérationnelle dans la région et de minimiser autant que possible les frictions potentielles entre la population et les forces de défense israéliennes. Récemment, les forces ont travaillé à la réorganisation de la zone en installant de nouvelles clôtures, des panneaux de signalisation, en ouvrant des routes supplémentaires, etc. À la suite d’incidents au cours desquels des civils se rendant dans les centres de distribution auraient été blessés, des enquêtes approfondies ont été menées et des instructions ont été données aux forces sur le terrain sur la base des enseignements tirés. Ces incidents ont été soumis à l’examen du mécanisme de débriefing de l’état-major général. »

L’armée israélienne a publié une réponse supplémentaire à la suite de la publication de cet article, affirmant qu’elle « rejette fermement l’accusation soulevée dans l’article : l’armée israélienne n’a pas donné pour instruction à ses forces de tirer délibérément sur des civils, y compris ceux qui s’approchaient des centres de distribution. Pour être clair, les directives de l’armée israélienne interdisent les attaques délibérées contre des civils ».

L’armée a ajouté que « toute allégation de violation de la loi ou des directives de l’armée israélienne fera l’objet d’un examen approfondi et des mesures supplémentaires seront prises si nécessaire. Les allégations de tirs délibérés sur des civils présentées dans l’article ne sont pas reconnues sur le terrain ».

Circulez, ya rien à voir [NdT]

02/07/2025

Hommage à Patrice Lumumba pour le centenaire de sa naissance

Fausto GiudiceTlaxcala, 2/7/2025

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Tribute to Patrice Lumumba on his birth centenary


Ils étaient nés le même mois de la même année, ils sont morts la même année, à onze mois de distance. Ce n’étaient pas leurs seuls points communs. Tous deux étaient des combattants de l’Afrique en lutte pour sa décolonisation. Et tous deux ont laissé une marque indélébile dans la longue mémoire des peuples. Patrice Emery Lumumba était né le 2 juillet 1925 au Congo, Frantz Fanon était né en Martinique le 20 juillet. Le premier, éphémère Premier ministre du Congo à peine indépendant, avait, par son discours de prise de fonction en présence du roi Baudouin, signé son arrêt de mort. Il fut kidnappé, torturé et exécuté par une bande de tueurs katangais, belges et français avec la bénédiction de la CIA, le 17 janvier 1961.


Maison natale à Onalua, territoire de Katakokombe, district du Sankuru, dans le Kasaï oriental

Le second, Frantz Ibrahim Omar Fanon, devait mourir de leucémie en décembre 1961. Les deux hommes s’étaient connus (en 1958, au Ghana et en 1960 au Congo) et s’appréciaient mutuellement. Et avant tout, ils partageaient la conviction que les peuples africains ne pourraient s’émanciper réellement qu’en s’unissant, en se coordonnant contre leur ennemi commun. Frantz Fanon, qui contribua de manière décisive à la dimension panafricaniste du FLN algérien, écrivit le texte puissant et admirable ci-dessous, publié un mois après la mort de Lumumba, dans Afrique Action, l’hebdomadaire créé quelques mois auparavant à Tunis par Béchir Ben Yahmed, et qui allait devenir Jeune Afrique. Après ce texte, nous vous proposons un poème de Langston Hughes, le grand poète de la Renaissance de Harlem et deux chansons, la première du chanteur congolais Franco et son groupe l’OK Jazz, et la seconde du Cubain Carlos Pueblo. Notre manière de marquer le centenaire de la naissance de Lumumba.

Frantz Fanon
La mort de Lumumba :
Pouvions-nous faire autrement ?

Afrique Action, Tunis, N° 19, 20 février 1961
Repris dans Frantz Fanon, Pour la révolution africaine. François Maspero/La Découverte. 1964/1969/2001

Les observateurs qui se sont trouvés dans les capitales africaines pendant le mois de juin 1960 pouvaient se rendre compte d’un certain nombre de choses. De plus en plus nombreux, en effet, d’étranges personnages venus d’un Congo à peine apparu sur la scène internationale s’y succédaient.
Que disaient ces Congolais ? Ils disaient n’importe quoi. Que Lumumba était vendu aux Ghanéens. Que Gizenga était acheté par les Guinéens, Kashamura par les Yougoslaves. Que les civilisateurs belges partaient trop tôt, etc...

Mais si l’on s’avisait d’attraper dans un coin un de ces Congolais, de l’interroger, alors on s’apercevait que quelque chose de très grave se tramait contre l'indépendance du Congo et contre l’Afrique.

Des sénateurs, des députés congolais aussitôt après les fêtes de l’indépendance se sauvaient hors du Congo et se rendaient... aux États-Unis. D’autres s'installaient pour plusieurs semaines à Brazzaville. Des syndicalistes étaient invités à New-York. Là encore, si l’on prenait l’un de ces députés ou de ces sénateurs dans un coin et qu’on l’interrogeait, il devenait patent que tout un processus très précis allait se mettre en route.

Dès avant le 1er juillet 1960, l’opération Katanga était lancée. Son but ? Bien sûr, sauvegarder l’Union Minière. Mais au-delà de cette opération, c’est une conception belge qui était défendue. Un Congo unifié, avec un gouvernement central, allait à l’encontre des intérêts belges. Appuyer les revendications décentralisatrices des diverses provinces, susciter ces revendications, les alimenter, telle était la politique belge avant l’indépendance.

Dans leur tâche, les Belges étaient aidés par les autorités de la Fédération Rhodésies-Nyassaland. On sait aujourd’hui, et M. Hammarskjöld mieux que quiconque, qu’avant le 30 juin 1960, un pont aérien Salisbury-Elisabethville alimentait le Katanga en armes. Lumumba avait certain jour proclamé que la libération du Congo serait la première phase de la complète indépendance de l’Afrique centrale et méridionale et il avait très précisément fixé ses prochains objectifs : soutien des mouvements nationalistes en Rhodésie, en Angola, en Afrique du Sud.

Un Congo unifié ayant à sa tête un anticolonialiste militant constituait un danger réel pour cette Afrique sudiste, très proprement sudiste, devant laquelle le reste du monde se voile la face. Nous voulons dire devant laquelle le reste du monde se contente de pleurer, comme à Sharpeville, ou de réussir des exercices de style à l’occasion des journées anticolonialistes. Lumumba, parce qu’il était le chef du premier pays de cette région à obtenir l’indépendance, parce qu’il savait concrètement le poids du colonialisme, avait pris l’engagement au nom de son peuple de contribuer physiquement à la mort de cette Afrique-là. Que les autorités du Katanga et celles du Portugal aient tout mis en œuvre pour saboter l’indépendance du Congo ne nous étonne point. Qu’elles aient renforcé l’action des Belges et augmenté la poussée des forces centrifuges au Congo est un fait. Mais ce fait n’explique pas la détérioration qui s’est installée progressivement au Congo, ce fait n’explique pas l’assassinat froidement décidé, froidement mené de Lumumba, cette collaboration colonialiste au Congo est insuffisante à expliquer pourquoi en février 1961 l’Afrique va connaître autour du Congo sa première grande crise.

Sa première grande crise car il faudra qu’elle dise si elle avance ou si elle recule. Il faudra qu’elle comprenne qu’il ne lui est plus possible d’avancer par régions, que, comme un grand corps qui refuse toute mutilation, il lui faudra avancer en totalité, qu’il n’y aura pas une. Afrique qui se bat contre le colonialisme et une autre qui tente de s’arranger avec le colonialisme. Il faudra que l’Afrique, c’est-à-dire les Africains, comprennent qu’il n’y a jamais de grandeur à atermoyer et qu’il n’y a jamais de déshonneur à dire ce que l’on est et ce que l’on veut et qu’en réalité l’habileté du colonisé ne peut être en dernier ressort que son courage, la conception lucide de ses objectifs et de ses alliances, la ténacité qu’il apporte à sa libération.

Lumumba croyait en sa mission. Il avait une confiance exagérée dans le peuple. Ce peuple, pour lui, non seulement ne pouvait se tromper, mais ne pouvait être trompé. Et de fait, tout semblait lui donner raison. Chaque fois par exemple que dans une région les ennemis du Congo arrivaient à soulever contre lui l’opinion, il lui suffisait de paraître, d’expliquer, de dénoncer, pour que la situation redevienne normale. Il oubliait singulièrement qu’il ne pouvait être partout à la fois et que le miracle de l'explication était moins la vérité de ce qu’il exposait que la vérité de sa personne.

Lumumba avait perdu la bataille pour la présidence de la République. Mais parce qu’il incarnait d’abord la confiance que le peuple congolais avait mise en lui, parce que confusément les peuples africains avaient compris que lui seul était soucieux de la dignité de son pays, Lumumba n’en continua pas moins à exprimer le patriotisme congolais et le nationalisme africain dans ce qu’ils ont de plus rigoureux et de plus noble.

Alors d’autres pays beaucoup plus importants que la Belgique ou le Portugal décidèrent de s’intéresser directement à la question. Lumumba fut contacté, interrogé. Après son périple aux États-Unis la décision était prise : Lumumba devait disparaître.

Pourquoi ? Parce que les ennemis de l’Afrique ne s’y étaient pas trompés. Ils s’étaient parfaitement rendu compte que Lumumba était vendu, vendu à l’Afrique s’entend. C’est-à-dire qu’il n’était plus à acheter.

Les ennemis de l’Afrique se sont rendu compte avec un certain effroi que si Lumumba réussissait, en plein cœur du dispositif colonialiste, avec une Afrique française se transformant en communauté rénovée, une Angola « province portugaise » et enfin l’Afrique orientale, c’en était fini de « leur » Afrique au sujet de laquelle ils avaient des plans très précis.

Le grand succès des ennemis de l’Afrique, c’est d’avoir compromis les Africains eux-mêmes. Il est vrai que ces Africains étaient directement intéressés par le meurtre de Lumumba. Chefs de gouvernements fantoches, au sein d’une indépendance fantoche, confrontés jour après jour à une opposition massive de leurs peuples, ils n’ont pas été longs à se convaincre que l’indépendance réelle du Congo les mettrait personnellement en danger.

Et il y eut d’autres Africains, un peu moins fantoches, mais qui s’effraient dès qu’il est question de désengager l’Afrique de l’Occident. On dirait que ces Chefs d’Etat africains ont toujours peur de se trouver en face de l’Afrique. Ceux-là aussi, moins activement, mais consciemment, ont contribué à la détérioration de la situation au Congo. Petit à petit, on se mettait d’accord en Occident qu’il fallait intervenir au Congo, qu’on ne pouvait pas laisser les choses évoluer à ce rythme.

Petit à petit, l’idée d’une intervention de l’ONU prenait corps. Alors on peut dire aujourd’hui que deux erreurs simultanées ont été commises par les Africains.

Et d’abord par Lumumba quand il sollicita l’intervention de l’ONU. Il ne fallait pas faire appel à l’ONU. L’ONU n’a jamais été capable de régler valablement un seul des problèmes posés à la conscience de l’homme par le colonialisme, et chaque fois qu’elle est intervenue, c’était pour venir concrètement au secours de la puissance colonialiste du pays oppresseur.

Voyez le Cameroun. De quelle paix jouissent les sujets de M. Ahidjo tenus en respect par un corps expéditionnaire français qui, la plupart du temps, a fait ses premières armes en Algérie ? L’ONU a cependant contrôlé l’autodétermination du Cameroun et le gouvernement français y a installé un « exécutif provisoire ».

Voyez le Viet-Nam.

Voyez le Laos.

Il n'est pas vrai de dire que l’ONU échoue parce que les causes sont difficiles.

En réalité l'ONU est la carte juridique qu'utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force brute a échoué.

Les partages, les commissions mixtes contrôlées, les mises sous tutelle sont des moyens légaux internationaux de torturer, de briser la volonté d'indépendance des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et la misère.

Car enfin, avant l’arrivée de l’ONU, il n’y avait pas de massacres au Congo. Après les bruits hallucinants propagés à dessein à l'occasion du départ des Belges, on ne comptait qu’une dizaine de morts. Mais depuis l’arrivée de l’ONU on a pris l'habitude chaque matin d’apprendre que les Congolais par centaines s’entremassacraient.

 

Un exemple de propagande coloniale sur le Congo au moment de la Conférence panafricaine de fin août 1960. On peut voir Fanon avec Yazid à partir de 0 :17

On nous dit aujourd’hui que des provocations répétées furent montées par des Belges déguisés en soldats de l’Organisation des Nations Unies. On nous révèle aujourd'hui que des fonctionnaires civils de l'ONU avaient en fait mis en place un nouveau gouvernement le troisième jour de l'investiture de Lumumba. Alors on comprend beaucoup mieux ce que l’on a appelé la violence, la rigidité, la susceptibilité de Lumumba.

Tout montre en fait que Lumumba fut anormalement calme.

Les chefs de mission de l’ONU prenaient contact avec les ennemis de Lumumba et avec eux arrêtaient des décisions qui engageaient l’État du Congo. Comment un chef de gouvernement doit-il réagir dans ce cas ? Le but recherché et atteint est le suivant : manifester l’absence d’autorité, prouver la carence de l’État.

Donc motiver la mise sous séquestre du Congo.

Le tort de Lumumba a été alors dans un premier temps de croire en l'impartialité amicale de l’ONU. Il oubliait singulièrement que l’ONU dans l’état actuel n'est qu’une assemblée de réserve, mise sur pied par les Grands, pour continuer entre deux conflits armés la « lutte pacifique » pour le partage du monde. Si M. Iléo en août 1960 affirmait à qui voulait l’entendre qu'il fallait pendre Lumumba, si les membres du cabinet Lumumba ne savaient que faire des dollars qui, à partir de cette époque, envahirent Léopoldville, enfin un Mobutu tous les soirs se rendait à Brazzaville pour y faire et y entendre ce que l'on devine mieux aujourd'hui, pourquoi alors s’être tourne avec une telle sincérité, une telle absence de réserve vers l’ONU ?

Les Africains devront se souvenir de cette leçon. Si une aide extérieure nous est nécessaire, appelons nos amis. Eux seuls peuvent réellement et totalement nous aider à réaliser nos objectifs parce que précisément, l'amitié qui nous lie à eux est une amitié de combat.

Mais les pays africains de leur côté, ont commis une faute en acceptant d’envoyer leurs troupes sous le couvert de l'ONU. En fait, ils admettaient d'être neutralisés et sans s’en douter, permettaient aux autres de travailler.

Il fallait bien sûr envoyer des troupes à Lumumba, mais pas dans le cadre de l’ONU. Directement. De pays ami à pays ami. Les troupes africaines au Congo ont essuyé une défaite morale historique. L’arme au pied, elles ont assisté sans réagir (parce que troupes de l’ONU) à la désagrégation d’un État et d’une nation que l’Afrique entière avait pourtant salués et chantés. Une honte.


L’ONU envoya au Congo à partir du 16 juillet 1960 19 928 casques bleus, dont 8 800 Ghanéens et 2 500 Tunisiens, qui furent les premiers contingents à débarquer. Sur la photo, de g. à dr., un policier ghanéen, un soldat suédois et un soldat non identifié à “Léopoldville” (Kinshasa)

Notre tort à nous Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité. Si Lumumba gêne, Lumumba disparaît. L'hésitation dans le meurtre n’a jamais caractérisé l’impérialisme.

Voyez Ben M’Hidi, voyez Moumié, voyez Lumumba. Notre tort est d'avoir été légèrement confus dans nos démarches. Il est de fait qu’en Afrique, aujourd’hui, les traîtres existent. Il fallait les dénoncer et les combattre. Que cela soit dur après le rêve magnifique d’une Afrique ramassée sur elle-même et soumise aux mêmes exigences d’indépendance véritable ne change rien à la réalité.

Des Africains ont cautionné la politique impérialiste au Congo, ont servi d’intermédiaires, ont cautionné les activités et les singuliers silences de l’ONU au Congo.

Aujourd'hui ils ont peur. Ils rivalisent de tartufferies autour de Lumumba déchiqueté. Ne nous y trompons point, ils expriment la peur de leurs mandants. Les impérialistes eux aussi ont peur. Et ils ont raison car beaucoup d’Africains, beaucoup d’Afro-Asiatiques ont compris. Les impérialistes vont marquer un temps d’arrêt. Ils vont attendre que « l’émotion légitime » se calme. Nous devons profiter de ce court répit pour abandonner nos craintives démarches et décider de sauver le Congo et l’Afrique.

Les impérialistes ont décidé d’abattre Lumumba. Ils l’ont fait. Ils ont décidé de constituer des légions de volontaires. Elles sont déjà sur place.

L’aviation katangaise sous les ordres de pilotes sud-africains et belges a commencé depuis plusieurs jours les mitraillages au sol. De Brazzaville, des avions étrangers se rendent bondés de volontaires et d’officiers parachutistes au secours d’un certain Congo.

Si nous décidons de soutenir Gizenga, nous devons le faire résolument.

Car nul ne connaît le nom du prochain Lumumba. Il y a en Afrique une certaine tendance représentée par certains hommes. C’est cette tendance dangereuse pour l’impérialisme qui est en cause. Gardons-nous de ne jamais l’oublier : c’est notre sort à tous qui se joue au Congo.

Langston Hughes

TOMBE DE LUMUMBA

Lumumba était noir
Et il ne faisait pas confiance
À ces putains toutes poudrées
De poussière d’uranium.

Lumumba était noir
Et il ne croyait pas
À ces mensonges que les voleurs agitaient
Dans leur tamis « liberté ».

Lumumba était noir.
Son sang était rouge —
Et pour avoir été un homme
Ils l’ont tué.

Ils ont enterré Lumumba
Dans une tombe sans épitaphe.
Mais il n’a pas besoin d’épitaphe —
Car l’air est sa tombe.

Le soleil est sa tombe,
La lune l’est, les étoiles le sont,
L’espace est sa tombe.

Mon cœur est sa tombe,
Et là est son épitaphe.
Demain son épitaphe sera
Partout.

Traduction : Pascal Neveu, dans La panthère et le fouet, éditions YPSILON

Franco & L'O.K. Jazz

 Liwa Ya Emery

La mort d'Emery


Oh mawa vraiment na liwa ya Patrice

Oh comme c'est triste, tellement triste, que Patrice soit mort.

Oh ndenge nini tokolela ye

Oh comment allons-nous pleurer pour lui ?

 

Tango ekoki te

Ce n'était pas encore le moment.

Lumumba Patrice akeyi na mawa

Lumumba Patrice est malheureusement décédé.

Bationalistes balati mpiri

Les nationalistes sont tous en noir.

Po na liwa ya martyr Emery, ngo mawa

Nous pleurons la mort d'Emery, le martyr, oh, quelle tristesse !

 

Lumumba, soki okoyoko ngai

Lumumba, si tu m'entends

Banationalistes bomana pasi

Les nationalistes sont persécutés.

Po na kombo ya  MNC

Parce qu'ils appartiennent au MNC (Mouvement National Congolais)

Zonga mbala ata ya suka

Reviens, même pour la dernière fois

Tokumisa yo na kombo ya Uhuru

Pour que nous puissions te louer au nom d'Uhuru (liberté)

 

Lumumba akofeli lUnité Nationale

Lumumba a été assassiné parce qu'il voulait que notre pays reste uni

Oh bana na ye nani akobokolo

Oh, qui élèvera ses enfants ?


Carlos Puebla


SON A LUMUMBA

 

Ce crime impérialiste

L'univers le condamne

C'est la fin de la chaîne

Du credo colonialiste

 

Tout le mal qu'ils ont fait

Tout le mal

Ils devront très bientôt le payer

 

Ils croient qu'en tuant Lumumba

Leur triomphe est sûr et certain

Mais ils ne savent pas qu'il y a des morts

Qui ne se laissent pas ensevelir.

 

Tout le mal qu'ils ont fait

Tout le mal

Ils devront très bientôt le payer

 

Ils n'ont pas pris en compte

Quelque chose de fondamental

Qu'ils ne pourront jamais tuer

Ce qu'il représente

 

Tout le mal qu'ils ont fait

Tout le mal

Ils devront très bientôt le payer

 

Lumumba, en son nom, clôt

Ce qui ne tient pas dans la tombe

Il n'y a pas de tombe pour Lumumba

Car la lumière ne s'enterre pas

 

Tout le mal qu'ils ont fait

Tout le mal

Ils devront très bientôt le payer

 

Lumumba est aujourd'hui le chant profond

de la foi qui se fait entendre

Lumumba poursuit la lutte

Pour la liberté du monde

 

Tout le mal qu'ils ont fait

Tout le mal

Ils devront très bientôt le payer