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07/03/2024

SUSAN ABULHAWA
L’histoire retiendra qu’Israël a commis un holocauste

 Susan Abulhawa, Electronic Intifada, 6/3/2024

 Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il est 20 heures à Gaza, en Palestine, à la fin de mon quatrième jour à Rafah, et c’est le premier moment où j’ai pu m’asseoir dans un endroit calme pour réfléchir.

J’ai essayé de prendre des notes, des photos, des images mentales, mais ce moment est trop grand pour un bloc-notes ou pour ma mémoire défaillante. Rien ne m’avait préparé à ce dont j’allais être témoin.

Avant de franchir la frontière entre Rafah et l’Égypte, j’ai lu toutes les nouvelles en provenance de Gaza ou à propos de Gaza. Je n’ai détourné mon regard d’aucune vidéo ou image postée depuis le terrain, aussi horrible, choquante ou traumatisante soit-elle.

Je suis restée en contact avec des amis qui m’ont fait part de leur situation dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza, chaque région souffrant différemment. Je me tenais au courant des dernières statistiques, des dernières manœuvres politiques, militaires et économiques d’Israël, des USA et du reste du monde.

Je pensais comprendre la situation sur le terrain. Mais ce n’était pas le cas.

Rien ne peut vraiment vous préparer à cette dystopie. Ce qui parvient au reste du monde n’est qu’une fraction de ce que j’ai vu jusqu’à présent, qui n’est qu’une fraction de la totalité de cette horreur.

Gaza est un enfer. C’est un enfer qui grouille d’innocents à la recherche d’air.

Mais même l’air est brûlé. Chaque respiration gratte et colle à la gorge et aux poumons.

Ce qui était autrefois vibrant, coloré, plein de beauté, de potentiel et d’espoir, contre toute attente, est aujourd’hui drapé de misère et de saleté grises.


 Il n’y a presque plus d’arbres

Les journalistes et les politiciens parlent de guerre. Les personnes informées et honnêtes parlent de génocide.

Ce que je vois, c’est un holocauste, l’aboutissement incompréhensible de 75 ans d’impunité israélienne pour des crimes de guerre persistants.

Rafah est la partie la plus méridionale de Gaza, où Israël a entassé 1,4 million de personnes dans un espace de la taille de l’aéroport Heathrow de Londres.

L’eau, la nourriture, l’électricité, le carburant et les fournitures sont rares. Les enfants ne vont pas à l’école, leurs salles de classe ayant été transformées en abris de fortune pour des dizaines de milliers de familles.

Presque chaque centimètre carré d’espace vide est désormais occupé par une tente précaire abritant une famille.

Il ne reste presque plus d’arbres, car les gens ont été contraints de les couper pour obtenir du bois de chauffage.

Je n’ai pas remarqué l’absence de verdure jusqu’à ce que je tombe sur un bougainvillier rouge. Ses fleurs étaient poussiéreuses et seules dans un monde défloré, mais toujours vivantes.

L’incongruité m’a frappé et j’ai arrêté la voiture pour le photographier.


 Désormais, je cherche de la verdure et des fleurs partout où je vais - jusqu’à présent dans les zones sud et centrale (bien que la zone centrale devienne de plus en plus difficile d’accès). Mais il n’y a que de petites parcelles d’herbe ici et là et un arbre occasionnel qui attend d’être brûlé pour faire du pain pour une famille qui subsiste avec des rations de l’ONU de haricots en conserve, de viande en conserve et de fromage en conserve.

Un peuple fier aux riches traditions culinaires et aux habitudes de consommation d’aliments frais a été réduit et habitué à une poignée de pâtes et de bouillies qui sont restées si longtemps sur les étagères que tout ce que l’on peut sentir, c’est le goût de ranci métallique des boîtes.

La situation est pire dans le nord.

Mon ami Ahmad (nom fictif) est l’une des rares personnes à disposer d’Internet. C’est sporadique et faible, mais nous pouvons encore nous envoyer des messages.

Il m’a envoyé une photo de lui qui me semble être l’ombre du jeune homme que j’ai connu. Il a perdu plus de 25 kg.

Les gens ont d’abord commencé à manger la nourriture des chevaux et des ânes, mais cela n’existe plus. Maintenant, ils mangent les ânes et les chevaux.

Certains mangent des chats et des chiens errants, qui sont eux-mêmes affamés et se nourrissent parfois des restes humains qui jonchent les rues où les tireurs d’élite israéliens ont abattu les personnes qui osaient s’aventurer dans le champ de vision de leurs lunettes. Les vieux et les faibles sont déjà morts de faim et de soif.

La farine est rare et plus précieuse que l’or.

J’ai entendu l’histoire d’un homme dans le nord qui a réussi à mettre la main sur un sac de farine récemment (qui coûte normalement 8 dollars) et qui s’est vu offrir des bijoux, des appareils électroniques et de l’argent liquide d’une valeur de 2 500 dollars en échange. Il a refusé.

Se sentir petit

Les habitants de Rafah se sentent privilégiés de recevoir de la farine et du riz. Ils vous le diront et vous vous sentirez humilié, car ils vous proposeront de partager le peu qu’ils ont.

Et vous aurez honte, parce que vous savez que vous pouvez quitter Gaza et manger tout ce que vous voulez. Vous vous sentirez petit ici, parce que vous n’êtes pas en mesure d’apporter une contribution réelle pour soulager les besoins et les pertes catastrophiques, et parce que vous comprendrez qu’ils sont meilleurs que vous, car ils sont restés généreux et hospitaliers dans un monde qui a été très peu généreux et inhospitalier pour eux pendant si longtemps.

J’ai apporté tout ce que j’ai pu, en payant un supplément de bagages et de poids pour six pièces de bagages et en en remplissant 12 autres en Égypte. Ce que j’ai apporté pour moi tenait dans le sac à dos que je portais.

J’ai eu la prévoyance d’apporter cinq grands sacs de café, qui se sont avérés être le cadeau le plus populaire pour mes amis ici. Préparer et servir du café au personnel qui m’héberge est ce que je préfère faire, pour la pure joie que chaque gorgée semble apporter.

Mais il n’y en aura bientôt plus.

Difficile de respirer

J’ai engagé un chauffeur pour livrer sept lourdes valises de fournitures à Nuseirat, qu’il a descendues sur quelques étages. Il m’a dit que le fait de porter ces valises lui avait redonné un sentiment d’humanité, car c’était la première fois en quatre mois qu’il montait et descendait des escaliers.

Cela lui a rappelé qu’il vivait dans une maison plutôt que dans la tente où il réside actuellement.

Il est difficile de respirer ici, littéralement et métaphoriquement. Une brume inaltérable de poussière, de pourriture et de désespoir emplit l’air.

La destruction est si massive et persistante que les fines particules de vie pulvérisée n’ont pas le temps de se déposer. La pénurie d’essence a poussé les gens à remplir leur voiture de stéarate, une huile de cuisine usagée qui brûle mal.

Elle dégage une odeur nauséabonde particulière et un film qui colle à l’air, aux cheveux, aux vêtements, à la gorge et aux poumons. Il m’a fallu un certain temps pour trouver la source de cette odeur omniprésente, mais il est facile d’en discerner d’autres.

La rareté de l’eau courante ou propre dégrade les meilleurs d’entre nous. Chacun fait de son mieux avec lui-même et ses enfants, mais à un moment donné, on cesse de s’en soucier.

À un moment donné, l’indignité de la saleté est inéluctable. À un moment donné, on attend la mort, même si on attend aussi un cessez-le-feu.

Mais les gens ne savent pas ce qu’ils feront après un cessez-le-feu.

Ils ont vu des images de leurs quartiers. Lorsque de nouvelles images sont diffusées en provenance de la région nord, les gens se rassemblent pour essayer de déterminer de quel quartier il s’agit, ou à qui appartenait la maison sur laquelle se trouve ce monticule de décombres. Souvent, ces vidéos proviennent de soldats israéliens qui occupent ou font exploser leurs maisons.

L’effacement

J’ai parlé à de nombreux survivants extraits des décombres de leur maison. Ils racontent ce qui leur est arrivé avec un air impassible, comme si cela ne leur était pas arrivé, comme si c’était la famille de quelqu’un d’autre qui avait été enterrée vivante, comme si leurs propres corps déchiquetés appartenaient à d’autres.

Les psychologues disent qu’il s’agit d’un mécanisme de défense, d’une sorte d’engourdissement de l’esprit pour survivre. Les comptes seront faits plus tard - s’ils survivent.

Mais comment faire face à la perte de toute sa famille, à l’observation et à l’odeur de leurs corps qui se désintègrent autour de soi dans les décombres, dans l’attente des secours ou de la mort ? Comment faire face à l’effacement total de votre existence dans le monde - votre maison, votre famille, vos amis, votre santé, votre quartier et votre pays ?

Il ne reste plus aucune photo de votre famille, de votre mariage, de vos enfants, de vos parents ; même les tombes de vos proches et de vos ancêtres ont été détruites au bulldozer. Tout cela alors que les forces et les voix les plus puissantes vous vilipendent et vous accusent d’être responsables de votre sort misérable.

Le génocide n’est pas seulement un meurtre de masse. C’est un effacement intentionnel.

De l’histoire. Des souvenirs, des livres et de la culture.

L’effacement du potentiel d’une terre. L’effacement de l’espoir en et pour un lieu.

L’effacement est le moteur de la destruction de maisons, d’écoles, de lieux de culte, d’hôpitaux, de bibliothèques, de centres culturels, de centres de loisirs et d’universités.

Le génocide est le démantèlement intentionnel de l’humanité d’autrui. C’est la réduction d’une société ancienne, fière, éduquée et performante en objets de charité sans le sou, contraints de manger l’innommable pour survivre, de vivre dans la saleté et la maladie sans rien espérer d’autre que la fin des bombes et des balles qui pleuvent sur et à travers leurs corps, leurs vies, leurs histoires et leurs avenirs.

Personne ne peut penser ou espérer ce qui pourrait arriver après un cessez-le-feu. Le plafond de leur espoir, à cette heure, est l’arrêt des bombardements.

C’est une demande minimale. Une reconnaissance minimale de l’humanité palestinienne.

Bien qu’Israël ait coupé l’électricité et l’internet, les Palestiniens ont réussi à diffuser en direct une image de leur propre génocide à un monde qui l’autorise à se poursuivre.

Mais l’histoire ne mentira pas. Elle dira qu’Israël a perpétré un holocauste au XXIe siècle.

 

Portrait de Susan par
@artist_amiral, 14 ans, Gaza

Susan Abulhawa, née en 1970 dans un camp de réfugiés palestiniens au Koweit de parents originaires d’Al Quds, est une journaliste, femme de lettres et une militante des droits humains palestino-usaméricaine. Elle est notamment l’auteure de Mornings in Jenin (Les Matins de Jénine), traduit en 30 langues, de Le Bleu entre le ciel et la mer. Et de Against the Loveless World. Ayant émigré aux USA à l’âge de 13 ans, elle effectue des études de sciences biomédicales à l’Université de Caroline du Sud et travaille dans ce secteur. En 2001, elle fonde une organisation non-gouvernementale, Playgrounds for Palestine (Aire de jeux pour la Palestine) pour la construction d’aires de jeux dans les camps de réfugiés. @susanabulhawa

MICHAEL LESHER
Le côté obscur du Rabbi de Loubavitch

NdT
Originaire du village de Lioubavitchi, dans l’oblast de Smolensk, en Russie (aujourd’hui en Belarus), la secte des Loubavitch (appelée Habad, acronyme hébraïque désignant les trois facultés intellectuelles traditionnelles : ‘hokhmah – la sagesse, binah – la compréhension et daat – la connaissance) est une dynastie hassidique établie au XVIIIème siècle. Elle a commencé à acquérir une dimension mondiale à partir de l’installation du, sixième rebbe du mouvement, Yossef Yitzchok Schneersohn, à Brooklyn dans les années 1940. Son beau-fils Menachem Mendel Schneerson (1902-1994), considéré par ses adeptes comme « le Roi Messie », en a fait une multinationale florissante présente sur toute la planète, avec des milliers de centres, écoles, entreprises, boutiques, camps de vacances, centres aérés et sites ouèbe. Résolument modernistes et pragmatiques, les Loubavitch ne s’embarrassent pas des interdits promulgués par les autres sectes hassidiques et utilisent tous les moyens technologiques pour diffuser leur message et recruter des adeptes. Et surtout, à la différence d’autres sectes hassidiques comme les Neturei Karta, ils considèrent que l’État sioniste est parfaitement cacher. Très présents et actifs en Israël, ils y possèdent trois villes : Kfar ‘Habad (fondée en 1948), Na’halat Har ‘Habad (1969) et Kiryat ‘Habad (1979) et, comme ils le disent, « la relation spéciale entre ‘Habad et les Forces de Défense d’Israël est légendaire ». On assiste depuis plusieurs années à une mutation du sionisme : mouvement politique créé par des Juifs bourgeois de langue allemande entièrement laïques ou même athées, mis en pratique par des Juifs ashkénazes non-religieux de langue russe, polonaise et/ou yiddish, et généralement socialistes ou communistes (les fondateurs de l’État d’Israël), le sionisme est aujourd’hui majoritairement religieux. Incapable de se légitimer par des arguments rationnels, il s’est rabattu sur l’invocation d’une mission divine et messianique, en tripatouillant les textes fondateurs du judaïsme. Les Loubavitch ont joué un rôle décisif dans cette involution. D’où l’intérêt du texte ci-dessous, toujours actuel -FG

Le côté obscur du Rabbi de Loubavitch

Michael Lesher, Gilad Atzmon’s webpage, 15/4/2017
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 L’article ci-dessous a été publié sur le blog du site du Time Of Israel le 14 avril 2017.  Il a rapidement été supprimé par ce média sioniste.  C’est la première fois que je publie un article de Michael Lesher qui est un juif orthodoxe ainsi qu’un courageux lanceur d’alerte. Dans cet article, Lesher examine le militarisme, le racisme et la sionisation qui sont devenus dominants au sein de l’orthodoxie juive contemporaine. À lire et à diffuser largement.-GA

Le 18 avril marque le 115e anniversaire de la naissance de Menachem Mendel Schneerson, le défunt Lubavitcher Rebbe. Schneerson, qui a pris la tête d’une secte hassidique en difficulté à Brooklyn en 1951, était à sa mort en 1994 sans doute « le Juif le plus influent depuis Maïmonide », et c’est sur cette influence que je souhaite écrire - en particulier parce que, au cours des quelque 20 années qui ont suivi sa mort, les souvenirs du charisme personnel du Rebbe ont largement éclipsé le compte rendu de son enseignement réel.

Ce dollar béni par le Rebbe est en vente pour 1800$ sur ebay. On gagne sa vie comme on peut !

Je note d’emblée que je n’ai ni les compétences ni le désir d’essayer d’analyser l’ensemble de la doctrine religieuse du Rebbe. De son rôle en tant que prêtre et chef de communauté, je n’ai pas grand-chose à dire, n’ayant jamais vécu dans une enclave à prédominance loubavitch. De plus, n’ayant pas eu de contact avec lui, je ne suis pas en mesure d’écrire sur ses qualités personnelles ; je suis prêt à admettre qu’elles étaient impressionnantes.

Je m’intéresse davantage au côté sombre de l’enseignement du Rabbi.

Car ce côté sombre – un fatras de messianisme apocalyptique et de racisme manifeste au cœur de l’enseignement du Rebbe - est probablement sa contribution durable au monde juif, dans lequel son prestige (en grande partie grâce aux hagiographies populaires de Joseph Telushkin et d’Adin Steinsaltz) continue d’augmenter alors même que les discussions sérieuses sur son héritage ont pratiquement disparu.

Pire encore, l’enseignement du Rebbe a de graves conséquences pratiques. Certains de ses sermons les plus véhéments ont été consacrés à la promotion du militarisme au Moyen-Orient. Alors que la violence d’Israël contre ses Untermenschen palestiniens s’intensifiait et que ses attaques contre les pays voisins atteignaient de nouveaux sommets de sauvagerie, le Rebbe rationalisait l’occupation et encourageait l’assaut militaire d’Israël contre le Liban en 1982, tout comme il allait encourager le carnage mené par les USAméricains en Irak neuf ans plus tard. Il est certain qu’un religieux musulman qui prêcherait des choses similaires serait frappé d’anathème dans tout le monde occidental. Pourquoi, dans ce cas, le Rebbe bénéficie-t-il d’un passe-droit pour son bellicisme en faveur de l’oppression de la Palestine - certainement la plus vilaine tache sur la tradition juive à l’époque moderne ?

La question ne peut être éludée. Le Rebbe n’a pas seulement toléré l’oppression israélienne. Il l’a encouragée.

Dans Eyes Upon the Land, un livre explicitement « basé sur les déclarations publiques et les écrits du Lubavitcher  Rebbe», le lecteur apprend que « chaque pouce de territoire en Israël », y compris « les terres prises lors de la Guerre des Six Jours », doit être tenu par l’utilisation de la force militaire juive, sans tenir compte du droit international ou des conséquences pour la population non-juive. Pourquoi ? Parce que « l’Arabe ordinaire de la rue » ne cherche rien de moins que « la domination arabe sur toute la terre de Palestine » et considère tous les Israéliens avec « une haine profonde ». Le Rebbe n’a jamais apporté la preuve qu’une armée palestinienne inexistante submergerait d’une manière ou d’une autre les forces militaires massives d’Israël - il n’y en a pas - mais la question plus sombre est de savoir pourquoi l’insistance du Rebbe sur la domination juive sur la même terre, et la haine profonde des Palestiniens et des autres Arabes qu’il encourageait (pendant le massacre par Israël de plus de 17 000 personnes au Liban en 1982, le Rebbe a critiqué à plusieurs reprises les Israéliens pour leur trop grande timidité) ne justifiait pas l’utilisation de la force par les Arabes contre leurs agresseurs juifs. La seule réponse possible est la réponse évidente : Les Juifs sont différents des non-Juifs par définition. Les objectifs juifs importaient au Rebbe. Les vies arabes ne comptaient pas.

Et l’occupation militaire de la Cisjordanie et de Gaza par Israël ? Au cours de la première Intifada, le Rebbe a prêché avec insistance contre le moindre assouplissement des conditions d’oppression qui avaient déclenché la révolte populaire désespérée (et non violente dans son écrasante majorité). « Les concessions convainquent les Arabes de la faiblesse d’Israël », affirmait-il. « Même le simple fait d’évoquer d’éventuelles concessions est préjudiciable car ça encourage l’activité terroriste ». Meir Kahane lui-même n’aurait pas pu le dire plus brutalement.


FALAFEL POUR LES SOLDATS

“Habad de Hébron a lancé un programme “Adoptez un soldat”. Les shluchim [missionnaires] Rabbi Danny Cohen et Rabbi Mordechai Hellinger achètent le repas auprès d'entreprises locales en difficulté, car le tourisme dans la ville sainte, où se trouve le Tombeau des Patriarches, a pratiquement disparu en raison de la pandémie, et le remettent aux troupes de Tsahal stationnées dans la région en guise de remerciement pour leur service.” 


Le lecteur ordinaire entend rarement parler de tout cela : une grande partie de ce qui passe pour des commentaires sur l’œuvre du Rebbe n’est que de la propagande. Dans Toward a Meaningful Life, un livre qui se veut une distillation des enseignements du Rebbe, Simon Jacobson affirme que « le Rabbi a enseigné - et incarné - un message nettement universel, appelant toute l’humanité à mener une vie productive et vertueuse, et appelant à l’unité entre tous les peuples ». En fait, Schneerson a fondé son enseignement sur le texte traditionnel hassidique connu sous le nom de Tanya, un ouvrage profondément raciste selon lequel seuls les Juifs sont dotés d’une âme pleinement humaine. Certes, Schneerson était loin d’être le seul prédicateur raciste au monde, mais il est difficile d’imaginer que des panégyriques comme ceux de Jacobson puissent circuler à propos, par exemple, de David Duke [suprémaciste blanc US, ancien Grand Sorcier du Ku Klux Klan, devenu trumpiste, NdT].

06/03/2024

MICHAEL LESHER
La larme du rabbin

Michael Lesher, off-Guardian, 29/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Jusqu’à très récemment, je pensais ne plus pouvoir être choqué par les nouvelles concernant la sauvagerie d’Israël à l’encontre de la population piégée de Gaza - ou par le soutien sans faille de ma communauté juive orthodoxe à chacune de ces atrocités.

J’avais vu les corps déchiquetés d’enfants palestiniens.

J’avais vu les restes bombardés des derniers hôpitaux de Gaza en état de marche et les patients qui avaient été tués à l’intérieur.

J’avais vu des Gazaouis sans défense assassinés de sang-froid par des tireurs d’élite israéliens alors qu’ils tentaient de récupérer un peu d’eau potable.

J’avais lu des articles sur des médecins contraints d’amputer des membres sans anesthésie, sur des mères incapables de sauver leurs petits des bombes ou de la maladie, et sur des juifs israéliens « religieux » qui bloquaient délibérément les camions tentant d’acheminer un filet de fournitures vitales à Gaza et qui dansaient littéralement dans la rue lorsqu’ils réussissaient à le faire.

Mais ensuite, j’ai vu quelque chose qui m’a ébranlé encore plus profondément que tout cela.


 J’ai vu un rabbin essuyer une larme.

Ce rabbin appartenait à un groupe religieux résolument antisioniste, Neturei Karta, et il parlait à un intervieweur des crimes israéliens et de la manière dont tout juif authentiquement religieux devait les rejeter. Rien de surprenant à cela. Mais pendant qu’il parlait, l’interviewer a partagé avec lui une vidéo d’un récent carnage dans lequel des enfants palestiniens blessés appelaient en vain leurs parents assassinés. Et - oui - tout en regardant cette scène horrible, le rabbin a tamponné une larme avec les jointures d’une main.

C’était un geste parfaitement naturel. Et pourtant, il m’a choqué - et au début, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi.

Puis j’ai compris ce qui m’avait tant troublé dans cette larme : malgré toutes les horreurs de la campagne génocidaire d’Israël à Gaza, qui dure maintenant depuis près de cinq mois, c’était la première fois que je voyais un rabbin orthodoxe - ou, d’ailleurs, l’un de mes coreligionnaires juifs orthodoxes - montrer le moindre signe d’émotion face aux souffrances infligées aux Palestiniens par ce qu’on appelle l’État juif.

Oh, ils peuvent se passionner pour des choses qui n’ont probablement jamais eu lieu : bébés israéliens décapités, femmes israéliennes victimes de viols collectifs. Mais face aux preuves indéniables de crimes réels commis contre des femmes et des bébés, tous les rabbins orthodoxes qui se sont exprimés publiquement sur le sujet se sont instantanément mis en mode apologie.

C’est la faute du Hamas qui a riposté. Les victimes des vidéos exagéraient probablement leurs blessures. La guerre, c’est la guerre. Et de toute façon, ce ne sont que des Palestiniens, où est le problème ? Malgré toute l’émotion qu’ils ont manifestée face aux tragédies humaines de Gaza, les rabbins n’étaient peut-être que des machines à calculer.

Et ce, quand ils ne célébraient pas activement le massacre.

Noach Isaac Oelbaum, un éminent rabbin new-yorkais, s’est récemment exclamé devant un large public de juifs orthodoxes : « Les mots de la Torah sont nos armes [contre Gaza]. Chaque [page du Talmud que nous étudions] est un missile ; chaque [commentaire de] Tosfos [commentaires médiévaux du Talmud, NdT] est une roquette ; et chaque [chapitre de Psaumes que nous récitons] est une bombe ».

Aucun antisémite n’a jamais calomnié la Torah de manière aussi succincte, mais le rabbin Oelbaum n’était pas le seul à associer le judaïsme à des crimes contre l’humanité : le grand rabbin du Royaume-Uni, Ephraim Mirvis, a tenu à appeler à l’extermination en déclarant que « le Hamas [lire : Gaza] ne peut pas être autorisé à continuer à continuer d’exister », tandis qu’en Israël, la déclaration publique du rabbin Meir Mazuz selon laquelle les habitants de Gaza sont des « animaux » qui méritent de mourir de faim était si typique de l’attitude des juifs orthodoxes qu’elle a été à peine remarquée par la presse.

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
Israel se va “superando” a sí mismo… en abyección

Aaron Bushnell in memoriam

Luis E. Sabini Fernández, 4-3-2024

En este último eslabón de decadencia con depredación, moral y material, vértigo de hybris en caída libre,[1] como ingresando a los cada vez más atroces círculos del infierno de Dante, tenemos que las fuerzas policiaciomilitares israelíes y la sociedad israelí en general (con excepciones, de enorme valor ético y físico), van degradando su comportamiento: no pudieron afrontar que los despreciados palestinos le arrebataran la vida a centenares de miembros de sus fuerzas militares en un copamiento, muy anunciado y a la vez desatendido por la seguridad israelí.


Como no pueden castigarse a sí mismos por semejante divorcio con la realidad, las fuerzas israelíes empezaron ese mismo fatídico 7 de octubre a disparar mortífera artillería a todos los que se movían, incluyendo así hasta israelíes cautivos a causa del copamiento. En ese primer momento validaron esta matanza, Doctrina Aníbal mediante.

Pero la bajada a los abismos ha continuado. Como suele acontecer cuando uno domina la bajada al abismo,  se la concede al otro.

Con bombardeos a edificios de viviendas colectivas, a lo largo de calles enteras, con preaviso (generalmente corto, escaso) o sin preaviso, cumpliendo más descaradamente el fin perseguido; la destrucción y el borramiento de ciudades palestinas y sus habitantes de la (codiciada) Franja de Gaza: con el lenguaje que hemos establecido al fin de la IIGM, genocidio.

La destrucción de edificios mediante bombardeos implica enterrar vivos a sus moradores si no tuvieron tiempo, no pudieron o no quisieron salir (se estima que, a hoy, con 5 meses bajo artillería casi continua, buena parte de los hasta ahora 7000 desaparecidos son palestinos enterrados vivos. Que tienen que haber sufrido inenarrables agonías.

Acaban de ”desenterrar”, primero de marzo, un niño palestino, ojos grandes, cero sonrisa, tras 9 días enterrado vivo bajo los escombros de uno de los tantos bombardeos; sin comer ni beber durante esa atroz espera, agónica. Quienes hacen esa extraordinaria tarea de rescatar –vivos o muertos− de entre los escombros, se valieron de un carro tirado por un burro para llevarlo a un hospital.

¿Se acuerdan de la profecía que con insolencia militares israelíes proclamaban, de llevar a los palestinos a “la edad de piedra”? Ahmed es uno de los que fue llevado a la edad de piedra. Y volvió de allí. Tan inolvidable será con su voluntad de vida como Aaron Bushnell, el valiente y solidario soldado estadounidense que con todo su cuerpo se negó a hacer este genocidio.

Las cifras oficiales hablan de unos 30 mil muertos, varones, mujeres, infantes, bebes,  en 5 meses. Grosso modo, unos doscientos palestinos asesinados cada día. Pero si contamos a los desaparecidos, la cuota del genocidio se ubica alrededor de los 250 diarios. Como los señores aviadores y otros artilleros descansan, no “trabajan” permanentemente, si estimamos que han “hecho su tarea”, la mitad de estos días, tenemos entonces una cosecha roja de 500 seres humanos por intervención: un genocidio in progress de alto rendimiento, señores diseñadores del alto mando israelí.

Blas Pascal, profundamente cristiano, nos enseñó hace ya siglos que el humano es medio ángel y medio bestia, pero agregaba un corolario ético, psíquico: que cada vez que el humano procura convertirse en ángel deviene bestia. Una dialéctica que va mucho más allá de cierta linealidad del comportamiento: desde la Grecia clásica nos ayudaron a ver aspectos de esta cuestión con la noción de hybris.

El ejército más moral del mundo ha cumplido el apotegma de Pascal: es el ejército más (cerebral e) inmoral de mundo.

 “La insoportable levedad del ser” israelí queda a su vez patentada con esa foto de las diez militares israelíes sacándose selfies, sonrientes, en medio de la devastación que han producido en la Franja de Gaza.

No es nada nueva, empero. Ya la habíamos conocido cuando vecinos israelíes de la FdG instalaban butacas cerca de la frontera, preferentemente en algún promontorio, para presenciar –como mirando una película− los bombardeos que con impunidad (y cobardía, porque las poblaciones palestinas no tienen armamento antiaéreo)  descargaba la aviación y la artillería israelíes sobre ciudades palestinas, o cuando buscaban “frenéticamente” a Gilad Shalit (todo un pretexto para seguir matando palestinos), o cuando bautizaron macabramente una operación de devastación en la FdG de “Plomo Fundido”, o cuando idearon balas de tungsteno generadoras de miríadas de focos cancerígenos en el cuerpo en que se alojaban al penetrar la carne, romper los huesos… y en tantas otras ocasiones.

BRIAN VICTORIA
La bataille pour l'âme du judaïsme : tribalisme contre universalisme, Isaïe contre Samuel

Brian Victoria, Informed Comment, 02/23/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Kyoto - Les téléspectateurs de la récente interview de Vladimir Poutine par Tucker Carlson ont peut-être été surpris par la longue référence de ce dernier à la fondation historique de la Russie. Quel est le rapport avec l'invasion actuelle de l'Ukraine par la Russie, pourrait-on se demander.

Pourtant, comme tout étudiant en histoire, et a fortiori tout diplomate, peut en témoigner, les conflits entre nations ne peuvent être compris, et encore moins résolus, sans une compréhension de leurs racines historiques. Cela pourrait-il également être vrai pour le conflit actuel entre Israël et les Palestiniens ?

Les racines de ce conflit sont souvent expliquées en référence à la création d'Israël en 1948, qui a entraîné l'expulsion de centaines de milliers de Palestiniens de leur patrie et le meurtre de milliers d'autres. Bien que les sionistes qui ont fondé Israël aient été pour la plupart des socialistes travaillistes et souvent laïques, la guerre civile qui a entraîné l'effondrement du mandat britannique sur la Palestine a fait naître un tribalisme nationaliste chez les nouveaux Israéliens. Ce tribalisme parmi les sionistes a été renforcé par le génocide de masse nazi des Juifs en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire l'Holocauste.  Ironiquement, le tribalisme juif des paramilitaires sionistes dans la Palestine britannique tardive a également favorisé le tribalisme palestinien et arabe. Malgré l'universalisme éthique du Coran et des valeurs islamiques, des groupes musulmans extrémistes ont été séduits, au cours des dernières décennies, par les notions modernes de nationalisme ethnique, s'orientant vers un tribalisme qui leur est propre, face au colonialisme et au néocolonialisme.

La lutte au sein du judaïsme entre l'universalisme et le tribalisme remonte toutefois à beaucoup plus loin. C'est l'époque de l'auteur ou des auteurs du Second Isaïe dans la Bible hébraïque et l'Ancien Testament chrétien. Le Second Isaïe enseigne, entre autres, l'existence universelle de Dieu, c'est-à-dire non seulement le Dieu des Juifs, mais aussi celui du monde entier. Il contient en outre de nombreuses exhortations au comportement éthique et à la justice sociale. Le comportement éthique comprend des éléments tels que la prise en charge des pauvres et des opprimés, la poursuite de la justice et le traitement des autres avec compassion. 


Cela signifie que le ou les auteurs du Second Ésaïe faisaient partie d'un petit groupe de réformateurs religieux de l'Âge axial, une période baptisée ainsi par le philosophe allemand Karl Jaspers. Jaspers a identifié l'âge axial comme une transformation mondiale de la conscience religieuse qui a duré approximativement entre 800 et 200 avant l’ère chrétienne, centrée sur la Méditerranée, l'Inde et la Chine. Dans l'ensemble, ses principales caractéristiques sont l'accent mis sur la vie éthique, l'introspection individuelle et les principes universels.

Par comparaison, les multiples religions des peuples du monde avant l'ère axiale, y compris le judaïsme, étaient de nature tribale, c'est-à-dire qu'elles mettaient l'accent sur ce qui était bon pour la tribu dans son ensemble plutôt que pour chacun de ses membres, et encore moins sur ce qui était bon pour ceux qui n'appartenaient pas à la tribu. Alors que les tribus parlaient généralement d'elles-mêmes comme du “peuple”, les personnes extérieures à la tribu étaient considérées avec dédain, voire avec crainte, comme un ennemi potentiel qui, le cas échéant, devait être détruit afin d'assurer la survie de la tribu.

Il est séduisant, mais erroné, de supposer qu'au lendemain de l'ère axiale, après 200 avant l’ère chrétienne, les anciennes religions tribalo-centrées, généralement décrites comme étant de nature animiste, se sont simplement atrophiées et ont disparu. Cependant, comme l'ont démontré de nombreuses guerres ultérieures, ce n'est pas le cas. Lorsqu'une tribu, aujourd'hui appelée nation, est menacée, qu'elle soit réelle ou perçue comme telle, la population de cette nation revient à une mentalité tribale, voire à une moralité tribale, c'est-à-dire que nous sommes les seuls à être humains, l'“autre” ne l'est pas. La divinité universelle est ramenée, bien qu'inconsciemment, à son statut de divinité tribale préoccupée exclusivement par le bien-être de la tribu. Une fois tribalisée, la divinité bénit et protège la tribu, et uniquement la tribu, en lui assurant la victoire. Quant au traitement de l'ennemi de la tribu, tout est permis.


Loin des yeux, loin du cœur, par Mr. Fish

Dans le cas du conflit actuel en Israël/Palestine, ce paradigme séculaire n'est que trop clair. Ainsi, le Premier ministre Benjamin Netanyahou n'a pas hésité à invoquer l'image biblique de la bataille des tribus juives contre les Amalécites. Il a affirmé que les Israéliens étaient unis dans leur lutte contre le Hamas, qu'il a décrit comme un ennemi d'une cruauté incomparable. « Ils [les juifs israéliens] sont déterminés à éliminer complètement ce mal du monde », a déclaré Netanyahou en hébreu, avant d'ajouter : « Vous devez vous souvenir de ce qu'Amalek vous a fait, dit notre Sainte Bible. Et nous nous en souvenons ».

Netanyahou faisait référence au premier livre de Samuel, dans lequel Dieu ordonne au roi Saül de tuer tous les membres d'Amalek, une tribu rivale des anciens Israélites. « Voici ce que dit le Seigneur tout-puissant », déclare le prophète Samuel à Saül. « Je punirai les Amalécites pour ce qu'ils ont fait à Israël lorsqu'ils l'ont abandonné lors de sa remontée d'Égypte. Va donc attaquer les Amalécites et détruis tout ce qui leur appartient. Ne les épargnez pas, mettez à mort les hommes et les femmes, les enfants et les nourrissons, le bétail et les moutons, les chameaux et les ânes. » (1 Samuel 15:3)

Lettres de Palestine

05/03/2024

ODED YARON/OMER BENJAKOB
Les USA sanctionnent Tal Dilian, un ancien officier de renseignement israélien à l’origine d’entreprises de logiciels espions

Oded Yaron & Omer Benjakob, Haaretz, 5/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Trésor usaméricain sanctionne le fondateur israélien d’Intellexa Consortium pour le rôle que cette compagnie a joué dans le développement et la vente de “technologies d’espionnage commercial utilisées pour cibler des USAméricains”.

Tal Dilian, fondateur d’Intellexa, dans sa villa de Chypre Photo : Yiannis Kourtoglou / REUTERS

Les USA ont imposé mardi des sanctions personnelles à l’ancien officier de renseignement israélien Tal Dilian, qui est à l’origine des cyber-entreprises Cytrox et Intellexa, qui ont mis au point le logiciel espion Predator utilisé pour la surveillance des téléphones portables.

Ces sociétés, qui opèrent en dehors de la supervision du ministère israélien de la défense, sont au cœur d’un scandale mondial après la découverte de plusieurs affaires impliquant l’utilisation de technologies d’espionnage contre des hommes politiques, des journalistes et d’autres cibles en Grèce et dans d’autres pays.

Le Trésor usaméricain a annoncé mardi que son “Office of Foreign Assets Control” [Bureau de contrôle des avoirs étrangers] a désigné deux personnes et cinq entités associées au consortium Intellexa pour leur rôle dans « le développement, l’exploitation et la distribution d’une technologie commerciale d’espionnage utilisée pour cibler des USAméricains, dont des représentants du gouvernement US, des journalistes et des experts politiques ».

« La prolifération des logiciels espions commerciaux pose des risques distincts et croissants pour la sécurité des USA et a été utilisée à mauvais escient par des acteurs étrangers pour permettre des violations des droits humains et le ciblage de dissidents dans le monde entier à des fins de répression et de représailles », poursuit le communiqué du Trésor.

Les nouvelles sanctions personnelles impliquent le gel de tous les avoirs de Dilian, ainsi que de ceux de son beau-père et de ses diverses sociétés aux USA, ou de celles qui sont contrôlées par des citoyens USaméricains.

Tout intérêt commercial de ce type doit être signalé à l’Office of Foreign Assets Control, qui est chargé d’administrer la liste noire du ministère US du commerce.

Les sanctions interdisent également à tous les citoyens usaméricains d’exercer une quelconque activité commerciale avec Dilian et l’une de ses sociétés, à moins qu’ils n’obtiennent un permis spécial.

La déclaration du département du Trésor indique en outre que les institutions financières, les entreprises et les particuliers qui continuent à faire des affaires avec Dilian peuvent également faire l’objet de sanctions. Parmi les activités susceptibles d’entraîner des sanctions figurent les dons, les paiements, les biens et les services fournis à Dilian et à ses associés ou par eux.

Dilian. Predator fait partie du portefeuille d’outils d’espionnage d’Intellexa. Photo : Yiannis Kourtoglou / REUTERS

En juillet 2023, Intellexa et Cytrox ont été ajoutées à une liste noire usaméricaine d’entreprises agissant contre les intérêts usaméricains, mais c’est la première fois que des sanctions personnelles ont été imposées aux dirigeants de l’entreprise, y compris à Dilian.

Jusqu’à présent, l’entreprise figurait sur la liste de la Chambre de commerce en tant qu’entité avec laquelle les organismes et agences gouvernementaux officiels ne sont pas autorisés à faire des affaires. À partir d’aujourd’hui, les sanctions sont devenues personnelles et marquent ainsi une étape dans la lutte des USA contre les cyber-risques offensifs mondiaux.

À cet égard, la décision d’aujourd’hui représente l’aboutissement d’un long combat qui a commencé en 2021, lorsque le ministère usaméricain du commerce a ajouté les sociétés israéliennes de logiciels espions NSO group et Candiru, ainsi que des sociétés russes et singapouriennes, à sa liste d’entités pour des activités contraires aux intérêts de la sécurité nationale ou de la politique étrangère des USA.

Outre les sanctions imposées à Dilian, ancien commandant de l’unité 81 des services de renseignement de l’armée israélienne, des sanctions ont également été prises à l’encontre de sa compagne et ex-femme, Sara Aleksandra Hamou [alias Sara S. elle enregistré 4 entreprises à Chypre], que le gouvernement usaméricain définit comme une « spécialiste de la délocalisation qui a fourni des services de gestion au consortium Intellexa », notamment en louant ses bureaux en Grèce.

Le codirecteur général d’Intellexa, Tal Dilian, pose pour une photo dans sa maison de Limassol, à Chypre, en avril 2020.Photo : Yiannis Kourtoglou / REUTERS

Des sanctions ont également été imposées à cinq autres entités commerciales du consortium Intellexa, dont quatre avaient déjà été ajoutées à la liste des entités du ministère usaméricain du commerce l’année dernière. L’autre entreprise, qui n’a pas encore été mentionnée dans les sanctions, est Thalestris [basée en Irlande].

Alors que ces entreprises opèrent depuis Israël conformément à la législation israélienne, Intellexa échappe à la supervision du ministère israélien de la défense. L’inscription de la société sur la liste noire l’année dernière a marqué l’effort des USA non seulement pour freiner l’industrie israélienne des logiciels espions, mais aussi pour surveiller les Israéliens à l’étranger.

« Les mesures prises aujourd’hui représentent une avancée tangible dans la lutte contre l’utilisation abusive d’outils de surveillance commerciaux, qui représentent de plus en plus un risque pour la sécurité des USA et de leurs citoyens », a déclaré Brian E. Nelson, sous-secrétaire d’État au Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier.

« Les USA s’attachent à établir des garde-fous clairs pour le développement et l’utilisation responsables de ces technologies, tout en garantissant la protection des droits humains et des libertés civiles des individus dans le monde entier », a poursuivi Nelson.

Le logo de la société israélienne de logiciels espions NSO. Photo : Ohad Zwigenberg

Plusieurs rapports d’enquête ont été publiés ces dernières années, notamment dans Haaretz, concernant les activités d’Intellexa dans le monde. Le premier rapport concernait le déménagement de la société de Chypre en Grèce.

Dilian et la société ont fait l’objet d’une enquête criminelle à Chypre par le passé, et une société affiliée a été reconnue coupable cette année d’avoir siphonné illégalement des données de l’aéroport de Larnaca - bien que Dilian lui-même ait été blanchi de tous les chefs d’accusation.

Il s’agissait du premier cas d’un ressortissant européen ciblé par le logiciel espion Predator créé par la société israélienne Cytrox, qui appartient à Intellexa.

Il a été révélé par la suite que le chef du Parti socialiste grec avait également été la cible d’espionnage, de même qu’un haut responsable de Meta [ex-Facebook].

Le logiciel espion Pegasus vendu par le NSO israélien, ou le Predator de Cytrox, peuvent être utilisés par les gouvernements pour suivre et surveiller leurs propres citoyens, sans raison, de manière presque invisible et en toute dénégation, voire en toute impunité. Photos : Sebastian Scheiner, AP / Andrei Minsk / Shutterstock, photoshopées par Anastasia Shub

En collaboration avec un groupe de journalistes, Haaretz a révélé comment le logiciel espion Predator d’Intellexa a également été vendu à une milice soudanaise et même à des militants du Bangladesh - des pays avec lesquels les Israéliens n’ont pas le droit de faire des affaires.

Depuis lors, une série de rapports a été publiée sur l’entreprise et ses logiciels espions - fabriqués par Cytrox - qui, comme l’a révélé Haaretz, a reçu un investissement initial des Industries aérospatiales israéliennes, qui se sont par la suite retirées de l’entreprise.

Les cyber-entreprises Sekoia.io et Recorded Future ont simultanément publié des enquêtes sur les sanctions qui ont révélé l’existence d’une nouvelle infrastructure de logiciels espions Predator dans 11 pays aux régimes répressifs. La plupart des pays avaient déjà été identifiés, mais la nouvelle infrastructure a également été découverte pour la première fois aux Philippines et au Botswana, ont noté les chercheurs du groupe Insikt de Recorded Future.

De vastes infrastructures ont également été découvertes en Arabie saoudite, en Angola, en Arménie, en Égypte, en Indonésie, au Kazakhstan, à Oman, à Madagascar et à Trinité-et-Tobago.