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12/08/2022

DARIO MANNI/MARCO MAURIZI
Politiques de la relation
Libération animale, mode de production capitaliste et dérives libérales

Dario Manni e Marco Maurizi, Comune-Info, 8/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Marco Maurizi (Rome 1974) est un philosophe et musicien italien. Spécialiste de la pensée dialectique (Nicolas de Cues, Hegel, Marx, Adorno), il partage ses intérêts entre la Théorie critique de la société, avec une attention particulière au rapport humain/non-humain, et la philosophie de la musique. Il a obtenu son diplôme à l'Université de Rome "Tor Vergata" sous la direction du professeur Gianfranco Dalmasso avec une thèse sur la pensée de Theodor W. Adorno et, après avoir obtenu une bourse d'études à l'Université de Calabre et passé une année à l'Université et à la Hochschule für Graphik und Buchkunst de Leipzig sous la direction du professeur Christoph Türcke, il a obtenu son doctorat en philosophie à Rome et a mené des activités de recherche en tant que chercheur à l'Université de Bergame. Il est cofondateur des revues Liberazioni et Animal Studies consacrées aux thèmes de l'antispécisme et de la libération animale. De lui, Haymarket Books doit publier en septembre 2022 la version en livre de poche Beyond Nature: Animal Liberation, Marxism, and Critical Theory. Bio-bibliographie. @marco_maurizi

Dario Manni (Rome, 1984), est un militant antispéciste et écosocialiste italien. Il a été co-rédacteur en chef du magazine de culture générale et de philosophie “Aperture”. Il est licencié en sciences historiques-ethno-anthropologiques avec une thèse en histoire moderne et épistémologie de l'histoire sur la dialectique science-religion chez Galilée et Newton. Auteur avec Marco Maurizi de “L'animale e il macellaio. Antispecismo, antimilitarismo, non-violenza” [L’animal et le boucher : antspécisme, antimilitarisme, non-violence], publié dans la revue Spazi di filosofia. https://www.facebook.com/dario.manni.16

Introduction : sur certaines idées fausses récurrentes concernant l'antispécisme politique

I.

Une nouvelle génération d'activistes des droits et de la libération des animaux entre dans la lutte, chargée non seulement de détermination et d'espoir, mais aussi du bagage philosophique et culturel de l'animalisme et de l'antispécisme tels qu'ils ont été élaborés et mis en œuvre par leurs prédécesseurs. Les nouveaux thèmes génèrent de nouveaux problèmes théoriques et de nouvelles formes d'action. A côté d'eux, certains thèmes anciens continuent de faire débat et d'influencer la pratique de la lutte. Certaines idées agissent intensément sous la peau du « mouvement »[i], pas toujours à un niveau conscient mais pas pour autant avec des effets négligeables, au contraire. Il semble donc opportun de porter ces idées à l'attention du mouvement, de dissiper certains malentendus à leur sujet et d'indiquer les voies possibles pour affronter le chemin à parcourir avec l'équipement intellectuel le plus approprié.

La diatribe entre antispécisme politique (alias "historique") et moral (alias "métaphysique"), qui s'est développée dans des livres et des numéros de revues spécialisées, lors de conférences et, plus récemment, dans des vidéos et des contenus en ligne, fait partie du corpus de connaissances et d'expériences acquises au cours des vingt dernières années. Elle alimente la réflexion et les activités de la nouvelle génération, du moins de sa partie théoriquement la plus avancée. Non pas que les effets pratiques d'une approche théorique - même implicite - n'affectent pas l'ensemble du mouvement ; mais ce sont surtout ceux qui réfléchissent à cette approche qui modifient le plus leur activisme en fonction de leur idée de la question.

Or, la question comporte deux aspects entrelacés qu'il faut garder ensemble : d'une part, le problème de la priorité entre l'élément idéal du spécisme (la " discrimination ") et l'élément matériel (l'" exploitation ") ; d'autre part, la nature du sujet spéciste, c'est-à-dire s'il faut le faire remonter à la conscience individuelle (individualisme méthodologique) ou s'il faut le comprendre comme un processus, comme le résultat de forces sociales différentes, plurielles et antagonistes (holisme sociologique, fonctionnalisme, marxisme, structuralisme, etc.)

Le premier problème pourrait être posé de la manière suivante : est-ce que nous exploitons les autres animaux parce que nous les discriminons (antispécisme moral) ou est-ce que nous les discriminons parce que nous les exploitons (antispécisme politique)[ii] ; autrement dit, est-ce que le fait de nous nourrir, de nous habiller et de faire toute une série de choses au détriment des autres animaux est dû au fait que nous les considérons comme inférieurs, ou est-ce que le fait de les considérer comme inférieurs n'est rien d'autre qu'une justification rationnelle qui rassure les consciences les plus sensibles et assure la poursuite de leur exploitation.

De nombreuses personnes du mouvement répondraient que les deux sont vraies ; d'une certaine manière, elles auraient raison. Car il est vrai que l'humanité (et certaines classes sociales plus que d'autres) profite de l'exploitation des autres animaux et qu'elle a tout intérêt - du moins le pense-t-elle - à continuer de les exploiter. Il est également vrai que l'humanité exerce une discrimination à l'égard des autres animaux, que sa vision des autres animaux est spéciste. La question est de savoir dans quelle relation se trouvent les deux termes du discours, à savoir la discrimination d'une part et l'exploitation d'autre part : s'ils sont co-dépendants ou si l'un est subordonné à l'autre. Y a-t-il une relation de cause à effet entre eux ? D'où vient l'oppression des animaux ?

Il faut ici introduire le deuxième problème : de quoi est faite l'action sociétale ? Est-ce l'effet d'actions individuelles isolées ou, au contraire, les actions individuelles sont-elles rendues possibles par un champ de forces sociales qui les précède ?

La sociologie, dans ses diverses articulations, a bien étudié les rapports entre ces deux aspects de l'être social, mais elle s'est bien gardée de réduire l'action sociétale à l'action spontanée des individus (ce qui serait une véritable négation de la nature intrinsèquement collective des processus qui font l'objet de la connaissance sociologique). À cet égard, ce que le sociologue américain Herbert Blumer a écrit dans son ouvrage Race Relations peut être utile :

Les préjugés naissent [...] d'un processus collectif dans lequel les porte- parole d'un groupe racial ou ethnique - personnalités publiques de premier plan, dirigeants d'organisations puissantes et élites intellectuelles et sociales - agissant principalement par le biais des médias de masse, caractérisent publiquement un autre groupe. Ces porte-parole encouragent les sentiments de supériorité raciale, de distance raciale et de revendication de certains droits et privilèges. Les autres membres du groupe dominant, bien qu'ayant des opinions et des sentiments différents, s'alignent par crainte de l'ostracisme du groupe interne. Le sentiment de position de groupe sert de norme sociale particulière, surtout pour les individus qui s'identifient fortement au groupe interne. De cette manière, le sentiment d'appartenance à un groupe - avec la matrice de préjugés qui l'englobe - devient un type d'orientation générale. Il s'agit donc d'une hypothèse qui considère que le groupe dominant a un intérêt direct dans la subordination d'un autre groupe ; le dominant a intérêt à préserver un ordre caractérisé par le privilège et l'avantage. Les préjugés deviennent un instrument pour défendre ce privilège et cet avantage. [iii]

Plutôt que de naître d'en bas et de se propager à travers les classes et les groupes sociaux, les préjugés sont propagés - en toute connaissance de cause - d'en haut, de manière instrumentale à des intérêts pour lesquels le préjugé est toujours un moyen, jamais une fin. C'est-à-dire qu'elle est une fonction de ces intérêts, elle n'aurait littéralement aucun sens sans eux. On pense au récit de la droite italienne sur les "terroni" [les ploucs, les bouseux, de préférence méridionaux, NdT] d'abord, puis sur les migrants, avec l'élargissement progressif de l'axe des privilèges à des sujets qui en étaient auparavant exclus et qui étaient même considérés comme un danger pour la survie même de leur propre groupe. [Ou encore à certaines déclarations farfelues du leader de Forza Nuova, Roberto Fiore, selon lesquelles les campagnes des années 90 contre les Roumains et les Albanais étaient fausses, puisque le "véritable" ennemi de l'Européen blanc ne peut être que l'Africain ! Ceux qui imaginent le préjugé comme le point de départ de l'action politique de la droite xénophobe et nationaliste n'ont pas d'outils pour comprendre ces glissements de sens : ils restent de pures "contradictions" si l'on ne suit pas la logique qui se déplace, en fait, dans un autre domaine, non pas symbolique mais matériel. Aujourd'hui, l'identitarisme (quelle que soit l'identité en question) fascine viscéralement un certain électorat, pas les élites, qui affichent une attitude plus sans scrupules qu'obtuse, plus calculatrice et manipulatrice que réactionnaire et dogmatique.

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GIDEON LEVY
Pourquoi le militant palestinien Nasser Nawajah a subi un raid de l'armée israélienne et 14 heures de détention

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 12/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Une importante force de l'armée israaélienne a fait une descente dans le village du militant palestinien des droits humains Nasser Nawajah. Il a été emmené menotté et les yeux bandés en détention pendant 14 heures, tout cela pour un entretien de 15 minutes avec un agent du Shin Bet qui lui a conseillé de modérer son comportement.

Nawajah montre comment il a été arrêté. Le "capitaine" du Shin Bet l'a averti de ne pas ennuyer l'armée ou de "franchir les lignes rouges", mais n'a pas pu exiger que l'activiste cesse de documenter les événements.

N'y a-t-il vraiment pas d'arrestations à caractère politique en Israël ? Se produisent-elles uniquement en Syrie et en Russie ? Est-il possible qu'un militant des droits humains de Cisjordanie ait été placé en détention uniquement pour l'empêcher de documenter l'invasion d'un village palestinien par un groupe de colons ? Ce qui est arrivé samedi soir dernier à Nasser Nawajah, militant des droits humains et chercheur sur le terrain pour B'Tselem et Haqel - deux organisations israéliennes de défense des droits humains - ne peut être décrit que comme une arrestation politique.

Aucune autre description ne correspond à ce que le service de sécurité Shin Bet et les Forces de défense israéliennes, son sous-traitant pour les arrestations et les enlèvements, ont fait à ce jeune homme impressionnant et déterminé du village de Susya, dans les collines du sud d'Hébron. L'envoi de dizaines de soldats à son domicile tard dans la nuit, sa détention totalement injustifiée pendant 14 heures, menotté et les yeux bandés, le soldat qui l'a photographié pour avoir la photo d'un "terroriste", le traitement abusif et humiliant qu'il a subi - tout cela pour une très courte conversation avec le "capitaine Yassin", l'agent régional du Shin Bet.

« Pourquoi ne m'ont-ils pas convoqué par téléphone ? » demande Nawajah, le lendemain de sa libération inconditionnelle. Pourquoi ? Parce que Nawajah est un résistant non violent à l'occupation qui se présente n'importe où et n'importe quand dans les collines du sud d'Hébron et ailleurs en Cisjordanie, là où il y a des épisodes de violence des colons ou lorsque l'administration civile démolit des maisons. Il est toujours là, il filme et documente les événements pour B'Tselem et Haqel.

C'est précisément ce que le Shin Bet veut empêcher. À cette fin, un militant palestinien peut être enlevé chez lui, sans mandat, bousculé durant une nuit et une journée, laissé en détention par l'armée pendant des heures - puis relâché comme si de rien n'était.

Lundi dernier, lors de notre visite, au lendemain de la libération de Nawajah, les gens avaient afflué chez lui. Personne, dit-il, pas même lui, ne savait au moment de son arrestation combien de temps il serait détenu et de quoi il serait faussement accusé cette fois-ci, le samedi 6 août. La première fois qu'il a été détenu, suite à l'accusation diffamatoire concoctée par la journaliste israélienne Ilana Dayan et le cinéaste Omri Assenheim, dans le cadre d'une collaboration honteuse entre l'organisation de droite Ad Kan et l'émission télévisée d'investigation "Fact" de Dayan, c'était en janvier 2016. Il a été maintenu en détention pendant près de deux semaines avant d'être libéré - sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui. La détention au début de ce mois a été plus courte, et tout aussi dépourvue de motifs.

Nawajah est âgé de 40 ans, père de quatre enfants, originaire de l'ancienne Susya (Susya al-Qadima), dont les habitants palestiniens ont été expulsés en 1986 pour que leur village puisse être cédé à des colons. Les villageois ont alors été contraints de s'installer sur des terres privées, à environ un kilomètre de là, où ils ont créé une nouvelle communauté, également appelée Susya.

Nawajah n'a été scolarisé que pendant huit ans, après avoir été blessé par une munition non explosée laissée dans un champ alors qu'il se rendait à l'école dans la ville de Yatta. C'était une marche de cinq kilomètres, et il avait dû la faire tous les jours, sous la pluie et au soleil. Aujourd'hui, il regrette d'avoir abandonné l'école. « Si j'avais eu un diplôme, je serais allé beaucoup plus loin dans la vie », dit-il.


Nasser Nawajah

À 14 ans, il commence à faire des petits boulots en Israël. Le pire de tous, dit-il, était de gaver les oies dans deux mochavim [colonies coopératives juives « socialistes », NdT], Azaria et Ben Zakai. Après avoir pris conscience de l'ampleur de la souffrance qu'il infligeait aux oies, il a rêvé de devenir vétérinaire pour expier ses crimes contre ces créatures. Cela ne s'est pas produit : son affection et sa compassion pour les animaux demeurent, mais à un moment donné, il décide de transformer l'idée de protéger les animaux en une mission de défense des droits humains.

Cela s'est produit après le meurtre de Yair Har Sinai, de la colonie juive de Susya, en 2001. Les colons ont appréhendé Nawajah et un autre jeune homme de son village et les ont remis au Shin Bet et à l'armée. Il avait 17 ans à l'époque, et a enduré une nuit d'interrogatoires et de passages à tabac avant d'être relâché à l'aube.

De retour dans son village, il découvre à son grand étonnement qu'il n'existe plus. « Je monte sur la colline et je ne vois pas de village. Où est le village ? J'ai cru que j'avais perdu la tête à cause des interrogatoires. J'étais mal en point, j'étais en état de choc à cause d'eux - et il n'y a pas de village. Je me suis rapproché et j'ai vu des tas de tiges métalliques et de plastique déchiré, et des murs démolis. Mon village s'était transformé en un tas de ruines. L'armée était arrivée à 6 heures du matin et avait tout démoli ».

11/08/2022

JENNIFER WILSON
Le premier Russe : les écrits de Pouchkine sur sa négritude

Jennifer Wilson, The New York Review of Books, 18/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Jennifer Wilson est professeure adjointe et directrice du programme de reportage sur les arts et la culture à la Newmark Graduate School of Journalism de la City University of New York (CUNY). Elle a contribué à The Nation, The New Republic, Vogue, The New Yorker, The Paris Review, The Atlantic, Art in America, Pitchfork, The Guardian, Slate, The New York Times Book Review et The New York Review of Books. Elle est titulaire d'une licence de l'université de Columbia et d'un doctorat en littérature russe de l'université de Princeton, obtenu en 2014 avec une thèse intitulée Radical Chastity : The Politics of Abstinence in Nineteenth- century Russian Literature [Chasteté radicale : La politique de l'abstinence dans la littérature russe du XIXe siècle], où elle a également obtenu un certificat d'études supérieures sur le genre et la sexualité. CV. @JenLouiseWilson

Un roman inachevé sur son arrière-grand-père africain donne la meilleure idée de la façon dont Pouchkine considérait sa propre négritude.

Ouvrage recensé

Peter the Great’s African: Experiments in Prose  [L'Africain de Pierre le Grand : Expériences en prose]
par Alexandre Pouchkine, traduit du russe par Robert et Elizabeth Chandler et Boris Dralyuk, édité par Robert Chandler

New York Review Books, 195 p., 16,95 $ (papier)

Pouchkine, par Orest Kiprensky, 1827

 

En janvier 1832, un cadeau de Nouvel An est arrivé au domicile d'Alexandre Pouchkine. Le colis avait été envoyé par un ami proche, le collectionneur d'art Pavel Nashchokine, avec une note : « Je t’ envoie ton ancêtre ». Au centre du cadeau, un encrier, se trouvait la figure d'un petit garçon noir aux lèvres rouge vif, appuyé contre deux balles de coton. À l'intérieur de celles-ci, à la place de la récolte blanche, se trouvait de l'encre (chernilo, littéralement "substance noire" en russe). Cette substitution a révélé que l'ancêtre de Pouchkine était un homme « très prévoyant », a écrit Nashchokine, car comment un enfant esclave de l'actuel Cameroun, acheté à Constantinople (pour une bouteille de rhum, selon une rumeur), aurait-il pu savoir que son arrière-petit-fils deviendrait le plus grand poète russe, un homme connu sous le nom familier de nashe vse, « notre tout » ?

Pouchkine est né en 1799 dans une famille aristocratique dont la lignée remonte au XIIe siècle et aux boyards de la Russie féodale. Snob invétéré, il en voulait à la nouvelle noblesse qui avait acquis son statut grâce à la Table des grades de Pierre le Grand - une tentative de méritocratie qui conférait des titres en fonction des services rendus à l'État. Dans ses écrits, il prend soin de souligner l'influence de sa famille à des moments cruciaux de l'histoire de la Russie. Il donne aux ancêtres Pouchkine des rôles importants dans Boris Godounov (1825), sa pièce sur la Période des troubles (1598-1613), le chaos de la succession qui a suivi la mort d'Ivan le Terrible.

Abram Petrovitch Hannibal (1696-1781)

Pouchkine avait également l'intention d'immortaliser son arrière-grand-père Abram Petrovitch Hannibal par écrit. En 1828, la première expérience de fiction en prose du poète fut l'inachevé (et au titre posthume de) « L'Africain de Pierre le Grand », une histoire d'Othello russe ayant pour toile de fond les réformes modernisatrices du tsar ; le roman est maintenant disponible dans une nouvelle traduction de Robert et Elizabeth Chandler et Boris Dralyuk, aux côtés des œuvres en prose "Dubrovsky", "L'Histoire de Goriukhino" et "Les Nuits égyptiennes". Conformément à la fierté de classe des Pouchkine, la famille a tenu à souligner que Hannibal, né en 1696, avait été un prince dans son pays natal ; de même, elle a préféré la version de l'histoire dans laquelle il avait été pris en otage (et non acheté) par les envahisseurs ottomans. Il est arrivé à Constantinople à l'âge de sept ans, où il a été gardé dans le sérail du sultan Ahmed III jusqu'à ce qu'il soit acquis par un envoyé russe, probablement grâce à un pot-de-vin sous forme de fourrure de Sibérie (et non de rhum).

Les Africains étaient une bizarrerie courante dans la Russie impériale. Pierre le Grand en gardait plusieurs dans son palais et, jusqu'à la révolution russe de 1917, les tsars Romanov ont tous fait garder les portes de leurs chambres à coucher par des soldats noirs. Ils étaient connus sous le nom de « gardes abyssins », bien qu'ils ne soient pas tous originaires d'Éthiopie ou d'Érythrée. Un boxeur afro-américain du nom de Jim Hercules a travaillé comme garde pour Alexandre III après que sa femme, l'impératrice, l’eut repéré à Londres et lui ait offert le poste. Il faisait régulièrement des voyages aux USA et était connu pour rapporter des pots de gelée de goyave pour les enfants du tsar. Un certain nombre de nobles russes avaient leurs propres domestiques africains pour suivre la mode de la cour ; un "nègre" apparaît même brièvement dans la maison de la famille Rostov dans Guerre et Paix.

Mais Hannibal était spécial. Cet Africain particulier est devenu le favori de Pierre le Grand, qui l'a élevé comme un filleul. Le tsar l'a envoyé faire ses études à l'étranger, en France, puis il est rentré en Russie pour servir dans l'armée, où il a atteint le rang de général. Il était chargé d'enseigner le génie civil aux architectes du nouvel empire occidentalisé de Pierre le Grand. Un tel destin aurait dû suffire à faire de Hannibal la star de son arbre généalogique.

Il ne suffit pas de dire que l'arrière-petit-fils de Hannibal est devenu un poète, voire un grand poète. Pouchkine, dit-on souvent, a inventé la langue littéraire russe elle-même. Il s'agit certes d'une hyperbole (Pouchkine a eu pour maîtres des poètes aussi vénérables que Gavrila Derjavine), mais il est vrai qu'à la fin du XVIIIe siècle, lorsque Pouchkine est né, les genres séculaires étaient encore en train d'émerger en Russie. L'utilisation de la langue vernaculaire était relativement balbutiante (la plupart des textes imprimés, à l'exception de ceux rédigés dans une langue étrangère, étaient écrits dans la langue liturgique, le slavon d’église), et le système de patronage faisait prédominer des genres comme l'ode de cour (qui rendait hommage au tsar). Les modèles russes de genres littéraires populaires tels que le récit d'aventure ou la fiction historique étaient soit limités, soit de qualité médiocre. C'est dans ce contexte que Pouchkine a produit des drames (Boris Godounov), des contes ("Rouslan et Ludmila"), des romans historiques (La fille du capitaine), un roman en vers (Eugène Onéguine), des traités historiques (L'histoire de la révolte ds Pougatchev) et d'étonnantes pièces de poésie lyrique.

OMER BENJAKOB
NSO, le fabricant israélien du logiciel espion Pegasus, a 22 clients dans l'UE. Et il n'est pas seul

Omer Benjakob, Haaretz, 9/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Omer Benjakob est reporter et rédacteur sur les questions de technologie et cybernétique pour Haaretz en anglais. Il couvre également Wikipédia et la désinformation en hébreu. Il est né à New York et a grandi à Tel Aviv. Il est titulaire d'une licence en sciences politiques et en philosophie et prépare une maîtrise en philosophie des sciences. @omerbenj

Des membres de la commission d'enquête du Parlement européen sont venus en Israël pour enquêter sur Pegasus, et ont été surpris de découvrir des contrats avec leur pays d'origine. Sur le marché animé des logiciels espions en Europe, voici les principaux concurrents de NSO

NSO et ses concurrents sur le marché européen des logiciels espions

 Des représentants de la commission d'enquête du Parlement européen sur le logiciel espion Pegasus se sont récemment rendus en Israël et ont appris du personnel de NSO que la société a des contrats actifs dans 12 des 27 pays membres de l’UE. Les réponses de la société israélienne de cyberguerre aux questions de la commission, qui ont été obtenues par Haaretz, révèlent que la société travaille actuellement avec 22 organisations de sécurité et de police dans l'UE.

Des représentants du comité se sont rendus en Israël ces dernières semaines pour s'informer en profondeur sur l'industrie locale de la cyberguerre, et ont eu des discussions avec des employés de NSO, des représentants du ministère de la Défense et des experts locaux. Parmi les membres du comité figurait un député catalan dont le téléphone portable a été piraté par un client de NSO.

Le comité a été créé après la publication du Projet Pegasus l'année dernière, et son objectif est de créer une réglementation paneuropéenne pour l'acquisition, l'importation et l'utilisation de logiciels de cyberguerre tels que Pegasus. Mais pendant que les membres du comité étaient en Israël, et surtout depuis leur retour à Bruxelles, il a été révélé qu'en Europe, il existe également une industrie de la cyberguerre bien développée - et que nombre de ses clients sont des pays européens.

Le logiciel espion Pegasus de la société israélienne et les produits concurrents permettent d'infecter le téléphone portable de la victime de la surveillance, puis de permettre à l'opérateur d'écouter les conversations, de lire les applications contenant des messages cryptés et de fournir un accès total aux contacts et aux fichiers de l'appareil, ainsi que la possibilité d'écouter en temps réel ce qui se passe autour du téléphone portable, en actionnant la caméra et le microphone.

Lors de leur visite en Israël, les eurodéputés ont voulu connaître l'identité des clients actuels de NSO en Europe et ont été surpris de découvrir que la plupart des pays de l'UE avaient des contrats avec la société : 14 pays ont fait affaire avec NSO dans le passé et au moins 12 utilisent encore Pegasus pour l'interception légale des appels mobiles, selon la réponse de NSO aux questions de la commission.

En réponse aux questions des députés, la société a expliqué qu'à l'heure actuelle, NSO travaille avec 22 « utilisateurs finaux » - des organisations de sécurité et de renseignement et des autorités chargées de faire respecter la loi - dans 12 pays européens. Dans certains de ces pays, il y a plus d'un client. (Le contrat n'est pas conclu avec le pays, mais avec l'organisation exploitante). Dans le passé, comme NSO l'a écrit au comité, la société a travaillé avec deux autres pays - mais les liens avec eux ont été rompus. NSO n'a pas révélé quels pays sont des clients actifs et avec quels deux pays le contrat a été gelé. Des sources dans le domaine de la cybernétique indiquent que ces pays sont la Pologne et la Hongrie, qui ont été retirées l'année dernière de la liste des pays auxquels Israël autorise la vente de cybernétique offensive.

Certains membres de la commission pensaient que l'Espagne avait pu être gelée après la révélation de la surveillance des dirigeants des séparatistes catalans, mais des sources sur le terrain ont expliqué que l'Espagne, qui est considérée comme un pays respectueux de la loi, figure toujours sur la liste des pays approuvés par le ministère israélien de la Défense. Les sources ont ajouté qu'après l'éclatement de l'affaire, Israël, NSO et une autre entreprise israélienne travaillant en Espagne ont exigé des explications de Madrid - et se sont vu assurer que l'utilisation des dispositifs israéliens était légale. Les sources affirment que le contrat entre les sociétés israéliennes et le gouvernement espagnol n'a pas été interrompu. Pendant ce temps, en Espagne, il a été révélé que les opérations de piratage - aussi problématiques soient-elles en termes politiques - ont été effectuées légalement.

L'exposition de l'ampleur de l'activité de NSO en Europe met en lumière le côté moins sombre de l'industrie cybernétique offensive : Les pays occidentaux qui opèrent selon la loi et le contrôle judiciaire des écoutes de civils, par opposition aux dictatures qui utilisent ces services secrètement contre les dissidents. NSO, d'autres sociétés israéliennes et de nouveaux fournisseurs européens sont en concurrence pour un marché de clients légitimes - un travail qui n'implique généralement pas de publicité négative.

Ce domaine, appelé interception légale, a suscité ces dernières années la colère d'entreprises technologiques telles qu'Apple (fabricant de l'iPhone) et Meta (Facebook est le propriétaire de WhatsApp, via lequel le logiciel espion a été installé). Ces deux entreprises ont intenté un procès à NSO pour avoir piraté des téléphones via leurs plateformes et mènent la bataille contre ce secteur. Le domaine suscite également un grand malaise en Europe, qui a mené une législation complète sur la question de la confidentialité de l'internet, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a aucun intérêt pour ces technologies ou leur utilisation sur le continent.

La semaine dernière encore, il a été révélé que la Grèce utilisait un logiciel similaire à Pegasus, appelé Predator, contre un journaliste d'investigation et contre le chef du parti socialiste. Le Premier ministre a affirmé que les écoutes étaient légales et fondées sur une injonction. Predator est fabriqué par la société cybernétique Cytrox, qui est enregistrée dans le nord de la Macédoine et opère depuis la Grèce. Cytrox appartient au groupe Intellexa, détenu par Tal Dilian, un ancien membre haut placé des services de renseignement israéliens. Intellexa était auparavant situé à Chypre, mais après une série d'incidents embarrassants, il a transféré son activité en Grèce. Alors que l'exportation du Pegasus de NSO est supervisée par le ministère israélien de la Défense, l'activité d'Intellexa et de Cytrox ne l'est pas.


L’ex-chef du renseignement grec Panagiotis Kontoleon, qui a démissionné dans le cadre d'un scandale lié à l'espionnage présumé d'un politicien de l'opposition, à Athènes en juillet. Photo : YIANNIS PANAGOPOULOS - AFP

Aux Pays-Bas également, un débat public a récemment eu lieu après qu'il a été révélé que les services secrets ont utilisé Pegasus pour capturer Ridouan Taghi, un baron de la drogue arrêté à Dubaï et accusé de 10 meurtres choquants. Bien que l'utilisation ait été légale et activée contre un élément criminel, aux Pays-Bas, on a voulu savoir pourquoi les services secrets étaient impliqués dans une enquête interne de la police néerlandaise, et après le rapport, il y a eu des demandes pour un auto- examen concernant la manière dont le logiciel espion a été utilisé aux Pays-Bas.

Outre les sociétés israéliennes actives sur le continent, il s'avère que l'Europe compte un certain nombre de fabricants de logiciels espions. La semaine dernière, Microsoft a révélé un nouveau logiciel espion appelé Subzero, qui est fabriqué par une société autrichienne située au Lichtenstein, appelée DSIRF. Ce logiciel espion exploite une faiblesse sophistiquée de type « zero-day » pour pirater les ordinateurs. Contrairement à NSO, qui a attendu plusieurs années avant d'admettre qu'elle travaille avec des clients en Europe, les Autrichiens se sont défendus. Deux jours après la révélation de Microsoft, ils ont réagi durement et expliqué que leur logiciel espion « a été développé uniquement pour un usage officiel dans les pays de l'UE, et que le logiciel n'a jamais été utilisé à mauvais escient ».

En Europe, les entreprises de logiciels espions sont plus expérimentées : il y a quelques semaines, les enquêteurs de sécurité de Google ont révélé un nouveau logiciel espion nommé Hermit, fabriqué par une société italienne appelée RSC Labs, un successeur de Hacking Team, un concurrent ancien et familier, dont la correspondance interne a été rendue publique par une énorme fuite à Wikileaks en 2015. Hermit a également exploité une faiblesse de sécurité peu connue pour permettre le piratage d'iPhones et d'appareils Android, et a été trouvé sur des appareils au Kazakhstan, en Syrie et en Italie.

Dans ce cas également, il y a une indication que les clients de RCS Labs, qui est situé à Milan avec des succursales en France et en Espagne, comprennent des organisations européennes officielles d'application de la loi. Sur son site web, elle fait fièrement état de plus de « 10 000 piratages réussis et légaux en Europe ».

D'autres logiciels espions pour téléphones portables et ordinateurs ont été révélés par le passé sous les noms de FinFisher et FinSpy. En 2012, le New York Times a rapporté comment le gouvernement égyptien a utilisé ce dispositif, initialement conçu pour lutter contre la criminalité, contre des militants politiques. En 2014, le logiciel espion a été trouvé sur l'appareil d'un USAméricain d'origine éthiopienne, ce qui a éveillé les soupçons selon lesquels les autorités d'Addis-Abeba sont clientes du fabricant britannico- allemand, une société appelée Lench IT Solutions.

L'eurodéputée néerlandaise Sophie in 't Veld [groupe Renew Europe, NdT], qui est membre de la commission d'enquête Pegasus, a déclaré à Haaretz : « Si une seule entreprise a pour clients 14 États membres, vous pouvez imaginer l'ampleur du secteur dans son ensemble. Il semble y avoir un énorme marché pour les logiciels espions commerciaux, et les gouvernements de l'UE sont des acheteurs très enthousiastes. Mais ils sont très discrets à ce sujet, en le gardant à l'abri des regards du public ».

Les entreprises comme NSO sont confrontées à un dilemme : révéler l'identité des gouvernements clients qui utilisent légalement ses outils permettra de faire face aux critiques publiques d'organisations telles que Citizen Lab, des médias et des élus, mais mettra en péril les accords futurs, compte tenu des clauses sur l'abus de confiance et des contrats de confidentialité conclus avec ses clients.

« Nous savons que des logiciels espions sont développés dans plusieurs pays de l'UE. L'Italie, l'Allemagne et la France ne sont pas les moindres », a déclaré in 't Veld. « Même s'ils l'utilisent à des fins légitimes, ils n'ont aucun appétit pour plus de transparence, de surveillance et de garanties. Les services secrets ont leur propre univers, où les lois normales ne s'appliquent pas. Dans une certaine mesure, cela a toujours été le cas, mais à l'ère numérique, ils sont devenus tout-puissants, et pratiquement invisibles et totalement insaisissables ».

NSO n'a pas répondu à la demande de commentaire de Haaretz.

HAIDAR EID
Pourquoi Gaza a besoin d'un nouveau paradigme

 Haidar Eid, Middle East Eye, 9/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

La situation stagne depuis 16 ans. Il est temps d'abandonner la coordination de la sécurité, la solution à deux États et l'amélioration des conditions d'oppression.

Des proches pleurent pendant les funérailles de quatre cousins palestiniens adolescents tués lors du dernier assaut israélien sur Gaza, à Jabalia, le 8 août 2022 (Reuters).

 Combien de fois l'histoire se répète-t-elle ? Une fois ? Deux fois ? Trois fois ? La réponse venant de la bande de Gaza brutalisée est : six fois en l'espace de 16 ans : 20062009201220142021; et 2022Et, hélas, elle s'est répétée sous la forme d'une horrible tragédie, grâce à l'Israël de l'apartheid qui nie l'humanité du peuple palestinien en général, et des Palestiniens de Gaza en particulier.

J'écris cet article le premier jour de la hudna, un cessez-le-feu négocié entre Israël et le mouvement de résistance palestinien - représenté cette fois par le Jihad islamique. Comme les années précédentes, Gaza vient d'être brutalement déshumanisée et diabolisée par l'Israël de l'apartheid.

Le véritable objectif non déclaré est de faire en sorte que la séparation entre Gaza et la Cisjordanie soit consolidée.

Mais certains masques hideux ont été changés. Au lieu d'Ehud Olmert et de Benjamin Netanyahou, Israël nous offre des visages plus « jolis », comme Yair Lapid.

Au lieu de « la femme fatale », Tzipi Livni, agitant  le doigt au Caire et menaçant les innocents de Gaza, nous avons le criminel de guerre Benny Gantz, qui a déjà été filmé en train de se vanter que sous son commandement en 2014, « certaines parties de Gaza ont été renvoyées à l'âge de pierre », et qu'il a tué « 1,364 [Gazaouis] ».

Des familles anéanties

Et ici, à Gaza, les visages que nous voyons sont les visages angéliques d'Alaa Qaddum, cinq ans, mort dans les bras de son grand-père ; et les frères Nijm du camp de réfugiés de Jabalia, qui ont été assassinés alors qu'ils jouaient dans le cimetière du camp ; et la famille Nabahin, trois frères et leur père, qui sortaient de la morgue de l'hôpital al-Shifa.

Il y a aussi Alaa Tahrawi, de Rafah, dont la famille n'a même pas pu lui faire ses adieux parce que son corps était pulvérisé en petits morceaux, et Khalil Abu Hamada, 19 ans, enfant unique de parents qui ont passé 15 ans à essayer de concevoir un enfant et dont la grand-mère est tombée martyre en 2003.

Des familles entières ont été décimées à Rafah et à Khan Younis. Le bilan de ces seuls derniers jours s'élève à 44 martyrs, dont 15 enfants. De toute évidence, les enfants, qui représentent environ 50 % de la population de Gaza, sont devenus la cible favorite d'Israël.

Comme si le temps avait décidé de s'arrêter, Gaza 2022, c’est Gaza 2021, 2014, 2012, 2009 et 2006.

Pourtant, les Palestiniens ont ce que le regretté Edward Said appelait « une supériorité morale », et notre victoire, en fin de compte, sera le résultat inévitable de notre fermeté, qui n'a pas faibli malgré le sentiment que nous avons été laissés à nous-mêmes.

La recherche du contrôle total

Lorsqu'Israël a attaqué Gaza pendant 22 jours consécutifs en 2009, il a clairement indiqué qu'il poursuivait trois objectifs, qu'il n'a pas réussi à atteindre, comme on pouvait s'y attendre : renverser le gouvernement du Hamas, mettre fin aux tirs de roquettes et rétablir les forces pro-Oslo à Gaza.

Il a répété le même scénario quatre fois, tout en maintenant un siège mortel et médiéval sur Gaza. Maintenant, en 2022, et sans aucune provocation, il a déclaré un "nouvel" objectif pour sa guerre barbare contre les enfants et les femmes de Gaza : se débarrasser du Jihad islamique.

Mais l'objectif réel, non déclaré, est de s'assurer que la division entre Gaza et la Cisjordanie est solidifiée et que la Palestine historique est sous son contrôle total. C'est ce que l'attaque de 2021 contre Gaza n'a pas réussi à faire. Au lieu de cela, elle a conduit à ce que nous appelons l'Intifada de l'unité.

Les habitants de Gaza sont résilients et déterminés, ce qui leur donne le droit, avec le reste du peuple palestinien de la diaspora, de la Cisjordanie et des territoires de 1948, de diriger la campagne internationale de boycott de l'apartheid israélien.

Notre seule revendication, à ce stade, est le boycott d'Israël sur le plan économique, politique et culturel. C'est le moins que la « communauté internationale » indifférente puisse faire pour se racheter de sa complicité dans les crimes commis par l'Israël de l'apartheid contre notre peuple.

Un Palestinien examine une maison endommagée dans la ville de Gaza, le 8 août 2022 (Reuters)

Quant aux Palestiniens, nous devons unifier nos rangs sur le terrain au sein d'un front national - un front qui tournera le dos aux vestiges de l'horrible époque d'Oslo et de la coordination de la sécurité, et qui déclarera le divorce avec toutes les propositions racistes, y compris la solution mort-née des deux États.

Nous devons dire clairement qu'il n'y a pas de place pour les normalisateurs parmi nous à partir de maintenant. Nous chasserons tous les normalisateurs - les cheikhs d'Abu Dhabi, de Manama et du Maroc - avec le sang de nos enfants.

Nous ne les autoriserons plus à s'asseoir avec nous tant qu'ils n'auront pas rompu leurs relations avec l'occupation et qu'ils n'auront pas cessé de blanchir son visage hideux : un visage taché du sang des enfants palestiniens, comme Alaa Qaddum, Hazem Khalid, et les enfants Nijm, Nabahin et Nairab.

Pourquoi Gaza ?

Pourquoi cibler Gaza en particulier ? Comme l'a écrit Said dans The Politics of Dispossession, « Gaza est le noyau essentiel du problème palestinien, un enfer surpeuplé sur terre composé en grande partie de réfugiés démunis, maltraités, opprimés et difficiles, toujours un centre de résistance et de lutte ».

C'est un rappel constant du péché colonial d'Israël : la Nakba, lorsque des bandes sionistes de colons européens ont décidé d'expulser les habitants de centaines de villes et villages palestiniens et de commettre des massacres. Les Palestiniens ont été chassés de chez eux dans des endroits tels que Gaza, qui ne représente qu'une infime partie de la Palestine historique.

Combien de Deir Yassin, de Qana, de Sharpeville, de My Lai, de Sétif et Guelma ce monde peut-il encore supporter ?

Cette fois, nous avons besoin d'un nouveau paradigme. Nous devons nous éloigner de la coordination sécuritaire, de la solution à deux États et de l'amélioration des conditions d'oppression. Après une nouvelle agression brutale, nous exigeons le catalogue complet des droits, afin de garantir la sécurité de nos enfants dans un État libre, laïc et démocratique.