25/05/2023

RONI (FANTANESH) MALKAI
Vous vous souvenez des Israéliens éthiopiens, maintenant ?

Roni (Fantanesh) Malkai, Haaretz, 23/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Roni (Fantanesh) Malkai est une militante et avocate, présidente de la commission "Faisceau de lumière" du ministère de l’Énergie et de la Compagnie israélienne d’électricité et collaboratrice fréquente des journaux israéliens. Elle est l’ancienne directrice du Forum public pour les villages de jeunes et les internats, ancienne porte-parole du ministère des Affaires sociales et directrice des enquêtes publiques, et ancienne journaliste et présentatrice de nouvelles à Channel 10. @Roni_Malkai

En ces jours de manifestations contre la refonte du système judiciaire, les ministres et députés du Likoud soulèvent à maintes reprises un argument selon lequel les manifestations de la communauté éthiopienne sont la preuve d’une application sélective et d’un traitement discriminatoire de la part de la police, par rapport aux manifestations actuelles.

Un manifestant israélo-éthiopien arrêté après avoir manifesté contre le meurtre de Solmon Teka, 18 ans, abattu par la police, en 2019. Photo : Rami Shllush

Cette préoccupation soudaine pour le bien-être de la communauté juive éthiopienne est réconfortante, enfin pas vraiment.

Apparemment, ces ministres du Likoud et ces membres de la Knesset ont oublié qui était au pouvoir lorsque les manifestations de la communauté éthiopienne ont eu lieu, et il faudrait peut-être leur rappeler ce que le premier ministre de l’époque et d’aujourd’hui, Benjamin Netanyahou, a dit à propos de ces manifestants. Sa première déclaration sur les manifestations a été la suivante : « Nous ne tolérerons pas le blocage des routes et la violence contre nos forces, ni l’incendie de voitures ou de tout autre bien civil ». Il n’y a eu aucune tentative, dans ces mots, de comprendre la douleur qui a déclenché les protestations, aucune tentative de promouvoir un discours pour examiner comment traiter le racisme et la discrimination que les Israéliens d’origine éthiopienne subissent chaque jour.

Il n’y a eu que des critiques, d’un seul côté.

Et cela ne s’arrête pas à Netanyahou. Miri Regev a également choisi de s’exprimer contre les manifestants, déclarant que « la protestation violente de la communauté éthiopienne poursuit un objectif personnel ». Autant de condescendance en une seule phrase, ainsi qu’une accusation de victimisation - ceux qui crient du fond de leur âme après des années de silence, ceux qui absorbent des années et des années de racisme et de discrimination, sont accusés de l’avoir eux-mêmes provoqué.

À l’époque, aucun d’entre eux n’a parlé de l’usage excessif de la force contre les manifestants éthiopiens. Personne n’a mis fin aux canons à eau, aux violences policières, et aucun n’a vérifié ce qui est arrivé et continue d’arriver à tous les jeunes qui ont reçu un casier judiciaire à la suite des manifestations - qui, il est important de le rappeler, encore et encore, sont un droit fondamental de tout citoyen. Aujourd’hui, lorsque cela leur convient et correspond à l’histoire qu’ils veulent raconter et à l’agenda qu’ils promeuvent pour attaquer les manifestations - qu’ils appellent les manifestations “des privilégiés ashkénazes” - ils se rappellent soudainement les Éthiopiens.

L’orgie de critiques à l’encontre des manifestants éthiopiens ne s’est pas arrêtée au Premier ministre et aux membres du Likoud. Ceux-ci ont été rejoints par des militants du Likoud qui ont crié aux Éthiopiens qui manifestaient à la convention du Likoud : « Soyez reconnaissants qu’on vous ait fait descendre des arbres ». Yuval Stienitz* et Amir Ohana**, qui étaient présents, sont restés silencieux.

Et ce silence tonitruant dure depuis de nombreuses années. Le Likoud a été au pouvoir pendant 12 années consécutives. Il avait (et a toujours) le pouvoir et les budgets pour changer fondamentalement la situation de la communauté éthiopienne, pour agir contre le racisme et la discrimination, pour réduire les écarts, pour intégrer les Éthiopiens dans les universités et pour créer un meilleur avenir pour eux, dans l’intérêt de la société israélienne dans son ensemble. Mais au lieu de cela, aujourd’hui, ils sont occupés à parler de l’application sélective de la loi à l’encontre des Éthiopiens.

Messieurs les ministres du Likoud, si vous avez déjà décidé de parler de cette question, dites-nous où vous étiez pendant les 12 années consécutives de gouvernement du Likoud ? Pourquoi n’avez-vous rien fait pour remédier au nombre disproportionné d’arrestations et de dossiers de police ? Pourquoi n’avez-vous pas empêché les excès policiers contre la communauté éthiopienne ?

Et si vous choisissez d’ignorer ces questions, répondez au moins à celle-ci : qu’avez-vous fait pendant ces 12 années pour qu’une mère éthiopienne puisse dormir la nuit sans craindre que son fils soit dehors, en train de marcher dans la rue ?

NdT

*Yuval Steinitz (1958), le ”philosophe de la Knesset”, a été membre de “La Paix maintenant” et blessé à ce titre par un jet de grenade d’un extrémiste en 1983. En 1982, il avait été blessé lors d’un affrontement avec l’armée syrienne au Liban (il n’était pas encore pacifiste, mais soldat). Son opposition aux accords d’Oslo l’a conduit au Likoud. Il a été ministre des Finances de 2009 à 2013, ministre du Renseignement et des Affaires stratégiques de 2013 à 2015 et ministre des Infrastructures nationales, de l'énergie et des ressources en eau, ainsi que ministre responsable de la Commission israélienne de l'énergie atomique de 2015 à 2021.

** Amir Ohana (1976), avocat et homosexuel déclaré, est président de la Knesset depuis le 29 décembre 2022. Il a été ministre de la Justice (2019) puis de la Sécurité intérieure (2020) dans le gouvernement Netanyahou V.

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