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Giorgio Griziotti
Equalize the world (italiano)


13/08/2024

YOUSEF MUNAYYER
Le soutien à Israël aux USA s’effiloche et l’AIPAC le sait

Yousef Munayyer, The Guardian, 7/8/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

Yousef Munayyer est responsable du programme Palestine/Israël et chargé de recherche à l’Arab Center Washington DC. Il est également membre du comité de rédaction du Journal of Palestine Studies et a été directeur exécutif de la Campagne américaine pour les droits des Palestiniens. Il est né à Al Lydd/Lydda/Lod en Palestine de 1948 et a grandi dans le New Jersey. @YousefMunayyer

 

L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) a peut-être réussi à faire échouer la candidate pro-palestinienne Cori Bush. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus pour une cause perdue d’avance.


Mardi soir 6 août 2024, la représentante au Congrès Cori Bush a perdu les élections primaires démocrates face à son adversaire Wesley Bell, dont la campagne électorale a été financée en grande partie par des groupes pro-israéliens tels que l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC). Selon le New York Times, les dépenses des groupes pro-israéliens « ont transformé la course en l’une des primaires les plus coûteuses de l’histoire de la Chambre des représentant ».  Alors que Mme Bush, opposante déclarée aux crimes commis par Israël à l’encontre des Palestiniens, est en passe de quitter le Congrès grâce aux dépenses importantes de l’AIPAC, la victoire des donateurs israéliens est le dernier signe en date du déclin de leur cause aux USA, et plus particulièrement au sein du parti démocrate.

 

Suivi à la trace par l’organisation Track AIPAC (Pistons l’AIPAC), Wesley Bell (voir pedigree ici) a reçu en tout 8,5 millions de $ de ce lobby pour sa campagne aux primaires

Comment se fait-il qu’une démonstration de force aussi puissante des donateurs pro-israéliens soit le reflet d’une cause qui s’affaiblit ? C’est simple : c’est parce que de tels étalages de pouvoir n’ont jamais été nécessaires auparavant. Aujourd’hui, c’est devenu une routine. Récemment, AIPAC et compagnie ont dépensé des sommes colossales pour faire échouer Jamal Bowman dans une primaire. Ils ont déployé des efforts similaires contre la représentante Summer Lee la dernière fois, bien qu’elle ait pu survivre à l’assaut.

À court terme, cela semble être un reflet de puissance, mais tous ceux qui suivent depuis des années la politique autour de cette question aux USA savent qu’il n’en est rien. Les groupes d’intérêt pro-israéliens n’ont jamais eu à s’immiscer ouvertement et massivement dans la politique électorale de cette manière auparavant, précisément parce que leur cause jouit d’un haut niveau d’hégémonie culturelle. Aux USA, les politicien·nes embrassent les bébés, caressent les chiens, aiment le baseball et soutiennent Israël sans équivoque. Cette dernière partie n’est plus tout à fait ce qu’elle était. Le consensus autour du soutien à Israël, en particulier au sein du parti démocrate, s’est effondré.

Aussi horrible qu’ait été la guerre d’Israël en 2014, elle pâlira probablement en comparaison de la guerre génocidaire qu’Israël mène depuis dix mois

Au cours des deux dernières décennies, nous avons assisté à un changement d’opinion assez remarquable sur cette question parmi les démocrates en particulier. De nombreux sondages d’opinion témoignent de la même tendance. Les démocrates en particulier, mais aussi les indépendants, ont perdu de leur sympathie pour Israël au fil du temps. Un sondage Pew de mars 2023 a révélé que, pour la première fois, les démocrates avaient plus de sympathie pour les Palestiniens que pour les Israéliens. Il est important de noter que si vous regardez les graphiques, c’est entre 2014 et 2015 que s’amorce un plongeon clair et régulier qui se poursuivra au cours de la décennie suivante. Que s’est-il passé alors ? L’horrible guerre d’un mois et demi menée par Israël contre Gaza, qui a détruit des pans entiers d’infrastructures civiles et tué environ 1 500 civils, dont la plupart étaient des femmes et des enfants, voilà ce qui s’est passé. La barbarie dont a fait preuve l’armée israélienne et les ravages causés à Gaza ont conduit de nombreux USAméricains à se détourner avec consternation et à se demander pourquoi leur gouvernement continue de financer l’armée israélienne.

Mais aussi horrible qu’ait été la guerre d’Israël contre Gaza en 2014 et aussi clair que se soit révélé un tournant dans les sondages, son impact pâlira probablement en comparaison de l’impact de la guerre génocidaire qu’Israël mène à Gaza depuis 10 mois. Cette campagne d’atrocités de masse a duré près de sept fois plus longtemps que la guerre de 2014 et a tué un nombre beaucoup plus important de Palestiniens, certains estimant qu ‘elle a fait plus de 186 000 morts. En effet, des sondages ont déjà montré que la plupart des démocrates pensent qu’Israël commet un génocide à Gaza. Ce consensus est de plus en plus partagé dans le monde entier : des dizaines d’États, dont le Brésil, l’Espagne, la Slovénie, le Mexique et bien d’autres, se sont joints à la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice.

 Non seulement cette guerre est beaucoup plus destructrice que celle de 2014, mais elle a également eu pour conséquence que beaucoup plus d’images du sadisme des troupes israéliennes commettant des crimes de guerre à Gaza, souvent postées par les militaires elles-mêmes, ont fait le tour du monde sur TikTok, Instagram et d’autres médias sociaux, donnant aux gens du monde entier la possibilité de témoigner de leur brutalité. Nous avons vu à quoi ressemblait la décennie qui a suivi 2014 pour l’opinion publique sur Israël - pouvez-vous imaginer à quoi ressemblera la prochaine décennie après ces horreurs ? L’AIPAC le peut, et c’est précisément pour cela qu’elle est terrifiée. Ils tentent de boucher un trou dans la digue proverbiale avec des millions en dons de campagne, mais leur problème n’est pas une fuite, c’est une marée montante de colère et de dégoût à l’égard des crimes israéliens qui façonnera la génération à venir.

Le soutien dont bénéficiait autrefois Israël aux USA, lorsque les gens considéraient qu’il était aussi normal que le soleil se lève chaque jour, n’existe plus. Pour maintenir le soutien qui reste, il faudra faire preuve de persuasion - ce qui n’est pas facile étant donné que l’on essaie de persuader le public de soutenir les crimes de guerre - et, de plus en plus, de coercition. Cette ère de coercition et de répression est celle à laquelle nous sommes en train de passer rapidement et qui façonnera les années à venir, mais elle s’accompagne également de coûts de réputation pour les forces pro-israéliennes et finira par s’effondrer elle aussi. Lorsque ce sera le cas, des voix comme celle de Cori Bush seront monnaie courante dans notre classe politique et on se souviendra d’elle pour avoir vaillamment défendu les droits des Palestiniens alors que trop de gens n’avaient pas encore le courage politique de le faire.


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