Luis E. Sabini Fernández, 18/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Témoignant peut-être d’une certaine prédisposition à la solidarité, à la pitié et à la justice, de nombreuses personnes d’origines et de situations très différentes condamnent les atrocités par lesquelles Israël, son gouvernement et ses dirigeants politiques et religieux - avec un énorme soutien populaire - sont en train de massacrer le peuple palestinien.
-J'allais te demander la même chose
En même temps, et depuis longtemps, les dirigeants sionistes insistent sur le
fait que ce qu’ils font en Palestine n’est rien d’autre que ce que les
Européens du Nord ont fait en Abya Yala contre les autochtones qui habitaient
le Mexique, les USA, le Canada d’aujourd’hui...
Tout d’abord, nous ne devons pas oublier l’origine génocidaire de la « naissance »
de nombreux États modernes. Dans les trois “Amériques”, sans aller plus loin.
Il
est certain que l’implantation sioniste en Palestine ressemble beaucoup plus à
celle des WASP [1] en Amérique du Nord, par
exemple, qu’à celle des Européens ibériques dans le reste de ce qu’on allait
appeler le continent américain.
Car
les WASP sont arrivés sur leurs bateaux, se sont installés et se sont
emparés de tout, expulsant et exterminant les habitants millénaires. Ils ont
pris les rivières, la pêche, les plaines, les forêts, les bisons, qu’ils ont
transformés en cibles de tir, un jeu qu’ils ne se permettaient pas dans leur piteuse
Europe.
Les Ibèriques ont procédé de la même manière, sans se sentir persécutés
religieusement comme l’avaient été les quakers, les presbytériens, les
congrégationalistes et autres sectes venues dans le « Nouveau Monde ». Mais ils
ont ajouté au pillage par laquelle les Européens ont pris possession de la
terre et de tout ce qu’elle contenait, les femmes, celles qui avaient été
enlevées aux peuples dépossédés. Celles des indigènes du territoire conquis.
Les sionistes prétendent alors humblement répéter l’histoire. Il y
a cependant un élément crucial qui démolit l’analogie que les sionistes ont
brandie pour leur propre apologie.
Les génocidaires européens ne retournaient nulle part.
Ils ont fait ce qu’ils ont fait, des génocides, par exemple, sur une terre
nouvelle et étrangère.
L’insertion des Juifs persécutés de l’Europe catholique médiévale dans l’Angleterre leur a sans aucun doute permis de trouver un havre de paix. Bien que cette intégration ait connu des difficultés, comme l’a souligné William Shakespeare dans ses pièces de théâtre. Néanmoins, les Juifs coloniseront l’Amérique avec les Angleo. Et de nombreuses preuves montrent qu’ils ont joué un rôle très important dans la traite des esclaves qui a caractérisé la colonisation du continent nord-américain.
L’Amérique est devenue la première Jérusalem de la modernité. Et les USA restent l’État où la population juive est la plus importante au monde. Et tout porte à croire que pour les secteurs les plus militants du judaïsme usaméricain, ce pays d’accueil possède des attributs religieux qui lui sont très chers.
L’année 1942 marque un tournant avec le changement de « parrain » que le sionisme adopte sous la direction de Ben Gourion lors du Congrès sioniste mondial de Biltmore : la protection britannique est abandonnée au profit de la protection usaméricaine. Ben Gourion constate une certaine lassitude ou épuisement anglo-saxon (qui se manifestera en 1945) et la force et la vigueur usaméricaines [2].
En
1945, un autre événement vient consolider la nouvelle alliance du sionisme avec
les USA : le procès des dirigeants nazis à Nuremberg, en Allemagne.
Bien que convoqué par les Alliés après la défaite du IIIe Reich, ce
procès devait être administré exclusivement par des Juifs, à la stupéfaction
même des responsables alliés qui imaginaient qu’il s’agissait d’une affaire
supranationale.
À partir de 1945, avec un certain changement de la mentalité dominante aux USA - montée en puissance de l’intelligentsia juive et lente éclipse de la mentalité WASP -le rêve du No Limits, si consubstantiel au formidable développement de la techno-utopie usaméricaine, se fait de plus en plus pesant . D’où la prétention sioniste de rééditer en Palestine ce qui s’est passé en Amérique du Nord.
Mais le sionisme se mord la queue en prétendant faire coïncider une histoire american sans passé, futur pur génocide inclus, avec un retour, une aliah, un cataplasme biblique qui se prétend historique et cherche à restaurer le passé (glorieux, il va sans dire).
Si le rêve american s’est avéré être un cauchemar pour un très grand nombre de peuples de la planète, souvent ravagés par le pillage et les guerres incessantes, comment qualifier le projet sioniste qui a fait main basse sur une grande partie de la population juive (en plus de la multitude de chrétiens sionistes[3]), même si ce délire colonialiste est rejeté par une autre partie importante des juifs qui n’acceptent pas le rôle de bourreaux[4].
Parce que c’est une torture biblique de millions de Palestiniens, atteignant des niveaux de cruauté, de mépris et d’égolâtrie que le despotisme, ivre de sa démence, peut atteindre.
La
Palestine, les Palestiniens sont encore, sont. Ravagés, affamés, décimés, ils
sont, ils sont. Même pas vaincus, pas encore vaincus.
Et on se souviendra d’Israël comme d’un modèle génocidaire. Très triste.
Notes
[1] Protestants blancs anglo-saxons : définition de la population politiquement dominante aux USA depuis leur fondation jusqu’au milieu du XXe siècle.
[2] La « carte » de Ben Gourion se jouait à plusieurs niveaux, car en 1942 les organisations sionistes philo-fascistes et philo-nazies étaient encore très fortes [révisionnistes de Jabotinsky].
[3] Rien qu’aux USA, ils seraient environ 40 millions
[ 4] [Je ne donne qu’un exemple, même si je sais qu’il y en a beaucoup, comme ceux de Breaking the Silence, ou les Juifs qui ont dû quitter Israël à cause du harcèlement (comme Felicia Langer ou Ilan Pappé) et beaucoup, beaucoup d’autres, dont certains sont des amis chers : en 1981, un jeune homme, à l’époque sioniste pur jus et faisant son service militaire en Israël, visite un établissement militaire et demande pourquoi il y a tant de niches à chiens. Les collègues lui répondent sardoniquement qu’il ne s’agit pas de chenils, mais, disons, de palestinils : l’espace ne dépasse pas un mètre et demi de haut, de long ou de large pour y enfermer des prisonniers palestiniens. Ils expliquent en souriant qu’ils ne blaguent pas. Pour Gilad Atzmon, c’est un choc, et au contact des prisonniers palestiniens, il a apprécié leur humanité et a rompu brutalement avec le sionisme, le judéocentrisme et a quitté le pays, renonçant à la nationalité israélienne.
Dessins de Carlos Latuff
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