05/04/2024

GIDEON LEVY
Pour Israël, le sang de travailleurs humanitaires est plus épais que celui des Palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 3/4/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’armée d’Israël s’est comportée comme on l’attendait d’elle. C’est exactement ce qu’on attend d’elle. Le concert d’hypocrisie et de bien-pensance pharisienne internationales qui s’est élevé après l’assassinat de sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen est une injustice pour les forces de défense israéliennes et une injustice encore plus grande pour les milliers d’autres victimes. Quelle est la différence entre un jour et un autre ? Quelle est la différence entre une personne tuée et la suivante ? Qu’est-ce qui a changé lundi soir avec l’attaque contre les sept travailleurs humanitaires ?


Emad Hajjaj

Même les promesses d’Israël de mener une enquête approfondie sont tout à fait ridicules : Qu’y a-t-il à enquêter ici ? Qui a donné l’ordre ? Qu’est-ce que cela change de savoir qui a donné cet ordre ? N’y a-t-il pas eu d’innombrables ordres de ce genre pendant la guerre ? Des dizaines de milliers d’ordres d’ouvrir le feu pour tuer des journalistes, des équipes médicales, des personnes portant des drapeaux blancs, des gens qui ont été déracinés et qui n’ont rien, et surtout des enfants et des femmes.

Allez-y, faites sauter une université à Gaza, mais suivez la procédure !

Les FDI ont bombardé à trois reprises un convoi d’aide humanitaire de la WCK, visant un membre armé du Hamas qui ne s’y trouvait pas.

Si seulement Israël considérait toutes ses victimes de Gaza comme un désastre en termes de relations publiques.

Des personnes se rassemblent autour du véhicule utilisé par l’organisation humanitaire usaméricaine World Central Kitchen après qu’il a été touché par une frappe israélienne la veille à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, mardi. Photo AFP

Avez-vous entendu parler des champs de mort et de destruction révélés dans Haaretz par Yaniv Kubovich, le seul correspondant militaire en Israël qui a également révélé les détails de l’attaque contre les travailleurs humanitaires ? Tel est l’esprit de Tsahal dans cette guerre, le seul. Qu’y a-t-il à enquêter ?

Il n’y a aucune différence, aucune, entre l’attaque de l’hôpital Al-Shifa - qui a duré deux semaines et a laissé des centaines de cadavres dans la poussière et un hôpital dont il ne reste plus une pierre sur l’autre - et l’assassinat des sept travailleurs humanitaires dans leur véhicule. Dans les deux cas, l’armée savait qu’elle allait blesser des innocents, dans les deux cas, la justification était les membres du Hamas qui s’y cachaient, dans les deux cas, il s’agissait de cibles humanitaires qu’il est interdit de frapper.

Nous ne saurons jamais combien de personnes ont été tuées à Al Shifa et combien d’entre elles étaient réellement des terroristes, mais il est parfaitement clair que beaucoup des personnes qui ont été tuées étaient des patients et des personnes réfugiées dans l’hôpital. Israël s’en est réjoui et le monde est resté silencieux. Quelle excellente opération chirurgicale, au milieu des décombres de ce qui avait été un centre médical important, le seul de toute la bande de Gaza.

Tout le monde sait également que l’attaque contre les travailleurs humanitaires n’était pas intentionnelle, qu’il s’agissait d’une erreur - après tout, les FDI ne sont pas comme ça, nos soldats ne sont pas comme ça. Même lorsqu’il est absolument clair qu’il n’y a pas eu d’erreur, ni d’écart par rapport aux ordres et aux procédures.

Ce que les soldats ont appris à Al  Shifa, ils l’ont également mis en œuvre à Deir al-Balah. Ceux qui se sont tus à propos d’Al Shifa feraient bien de se taire à propos de la World Central Kitchen. Même les ratios sont similaires : tuer sept personnes pour obtenir la tête d’un terroriste, dont personne ne connaît avec certitude l’identité et le crime. En tout cas, il n’était pas dans la voiture, ni lui ni Yahya Sinwar.


L’aide humanitaire transportée par World Central Kitchen arrive à Gaza le mois dernier. Photo FDI via AP

Le terme “terroriste” est le plus souple du lexique israélien. Dans les zones de combat, il désigne n’importe quel individu. C’est ainsi que le pharisaïsme est arrivé en Israël également. Le premier ministre a regretté l’assassinat des travailleurs humanitaires - pourquoi regrette-t-il soudainement, et à propos de quoi exactement ? Le chef d’état-major de l’armée israélienne déclare qu’une erreur s’est produite - quelle erreur, avec le tir de trois roquettes sur trois voitures parfaitement identifiées ? Et les FDI ont enquêté à la vitesse de la lumière.

En tête de liste, curieusement, la critique gastronomique Ruthie Rousso. Très engagée dans cette guerre, elle a apporté son aide aux Israéliens délogés et aux familles des otages. Mme Rousso a travaillé avec les responsables de la World Central Kitchen, qui opèrent également dans les communautés frontalières de Gaza. « Je suis anéantie », a-t-elle écrit sur X, ce qui, bien sûr, est déchirant.

Mais la Rousso anéantie est la même personne qui a écrit il y a exactement trois ans sur Twitter : « Ils sont tous du Hamas. Personne n’est à l’abri (à part les animaux qui sont là) ».

Que dire de plus ? Si personne à Gaza n’est innocent, à part les animaux, c’est bien que les FDI ont aussi tué les amis de Rousso de la WCK. Ou peut-être que leur sang étranger est plus épais que le sang fluide et de second ordre des Palestiniens, et que leur race est supérieure ?



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