Original : 55 Members of US Congress call on the US Govt. to suspend all aid to Colombia’s police
Traduit par Fausto Giudice
Congrès des États-Unis
Washington, DC 20515
Le 14 mai 2021
Antony John Blinken
Secrétaire d'État
Département d'État des États-Unis
2201 "C" Street NW
Washington, DC 20520
Monsieur le Secrétaire Blinken,
Nous vous écrivons pour vous faire part de notre vive inquiétude concernant la situation politique et des droits de l'homme en Colombie, qui reste hors de contrôle alors que les manifestations légitimes entrent dans leur troisième semaine. Nous demandons instamment au Département d'État et à tous les autres départements et agences des États-Unis de dénoncer clairement et sans ambiguïté la violence, d'appeler à une désescalade immédiate, de contribuer à apaiser les tensions et de faciliter des solutions sociales et politiques inclusives en Colombie. Des déclarations publiques et des actions fortes de la part des États-Unis peuvent aider la Colombie à rétablir le calme et la confiance et à faire progresser la promesse de l'accord de paix de 2016 de résoudre les problèmes par une large participation au processus politique.
Les forces de sécurité colombiennes, en particulier la police nationale, sont plus déchaînées que ce que nous avons vu depuis des décennies de conflit - des centaines de vidéos de citoyens montrent une utilisation agressive et indiscriminée d'armes létales et non létales contre les citoyens, d'une manière qui viole à la fois le droit colombien et les normes internationales en matière de droits humains. Selon le médiateur colombien des droits de l'homme (Defensor), au moins 42 personnes ont été tuées, dont un policier, à la date du 12 mai, et des centaines d'autres civils et policiers ont été blessés. La semaine dernière, à Cali, nous avons été choqués d'apprendre que la police nationale avait tiré sur des membres non armés de la Garde indigène. L'usage brutal et excessif de la force par la police nationale colombienne et la police anti-émeute a été dénoncé par la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, la Commission interaméricaine des droits de l'homme, l'OEA, l'Union européenne et des centaines d'organisations, d'observateurs et de défenseurs des droits humains colombiens et internationaux.
Une longue liste de griefs, exacerbés par la pandémie, pousse les gens à manifester en grand nombre dans de nombreuses villes et villages. Au cours des deux dernières semaines, nous avons assisté à une escalade significative de l'usage agressif et excessif de la force par les forces de sécurité publique et les forces militaires contre les manifestants civils. La brutalité de la réponse a souvent été justifiée comme une réponse aux éléments en marge de la protestation commettant des actes de vandalisme, de pillage, d'agression et autres désordres.
Après près de deux semaines de protestation, nous nous réjouissons d'apprendre que le gouvernement colombien a rencontré, le lundi 10 mai, des représentants des manifestations nationales, accompagnés d'observateurs des Nations Unies et de la Conférence des évêques catholiques de Colombie. Malgré une première rencontre décevante, nous espérons que cela pourra contribuer à désamorcer les tensions, à mettre fin à la réponse brutale des forces de sécurité publique contre les manifestants, et à commencer à aborder les nombreuses préoccupations sous-jacentes soulevées par la protestation.
Si les États-Unis ne peuvent pas résoudre cette crise, ils doivent faire partie de la solution, en commençant par des efforts immédiats pour empêcher la spirale de la violence. Après des décennies de partenariat étroit, ce que le gouvernement américain dit a du poids en Colombie - tout comme ce que le gouvernement américain ne dit pas. Plus précisément, nous demandons au Département d'État et aux agences gouvernementales de :
- Émettre des déclarations claires, non ambiguës et publiques appelant les forces de sécurité, en particulier la police nationale colombienne et la police anti-émeute (ESMAD), à désescalader leur réponse et à cesser tout usage inapproprié de la force. Les abus nombreux et fréquents des deux dernières semaines doivent cesser.
La brutalité policière prolonge en fait les protestations : c'est une nouvelle et importante source d'indignation qui fait descendre les gens dans la rue.
Bien que nous ayons accueilli favorablement la déclaration du 4 mai du porte-parole adjoint du département d'État et que nous convenions qu'il est important de condamner les crimes et délits commis par des éléments désordonnés en marge des manifestations, il ne doit y avoir aucune ambiguïté quant à la critique publique du gouvernement américain à l'égard de l'inconduite de la police.
- Suspendre l'assistance directe des États-Unis, autre que la formation aux droits de l'homme, à la police nationale de Colombie et établir des objectifs concrets et réalisables sur les améliorations de l'usage de la force et de la responsabilité judiciaire pour les cas de brutalité policière passés, y compris ceux commis dans le contexte des manifestations de novembre 2019 et septembre 2020. L'année dernière, en 2020, Temblores, une organisation colombienne qui surveille les brutalités policières, a documenté 86 cas de civils tués par la police, ainsi que « 7 992 cas d'agression, et 30 cas de violence sexuelle, les communautés de migrants et les Afro-Colombiens étant souvent les victimes », a rapporté le Guardian. Le département d'État et les autres agences concernées devraient procéder à un examen approfondi de la manière dont l'aide américaine à la police nationale colombienne a été et est utilisée, y compris l'utilisation finale, établir des repères clairs pour des progrès mesurables en matière de recours à la force et de responsabilité judiciaire, et déterminer si d'autres conditions, garanties, interdictions ou une cessation permanente sont justifiées. Le département d'État doit également déterminer si la loi Leahy doit être appliquée dans les cas où la police nationale a fait usage de la force.
Le Département d'État devrait également déterminer si la loi Leahy [interdisant l’assistance militaire US à des gouvernements violant les droits humains, NdT] doit être appliquée lorsqu'il existe des preuves crédibles que des unités de police se livrent à des violations flagrantes des droits de l'homme.
Une grande partie de l’équipement et de l’armement des 3 800 hommes des 23 escadrons de l’ESMAD est importé des USA
- Veiller à ce que l'unité antiémeute de l'Escadron mobile de lutte contre les troubles (ESMAD) de la police nationale colombienne ne reçoive pas de subventions des États-Unis, directement ou indirectement. L'ESMAD a une formation et une culture qui conduisent à des actions agressives et abusives inquiétantes contre la population civile, y compris contre des manifestants qui ne représentent aucune menace. Il en résulte de nombreuses victimes - l'ESMAD est à l'origine de plus des trois quarts de tous les meurtres attribués aux forces de sécurité pendant les manifestations actuelles - et une escalade inutile des confrontations. Nous demandons au Département d'État et aux autres agences et départements américains concernés de confirmer qu'ESMAD ne reçoit aucune aide américaine en matière de sécurité, directement ou indirectement (par exemple, une aide américaine fournie à la police nationale colombienne ou au ministère de la Défense, etc. qui est ensuite partagée ou transférée à l’ESMAD). Nous demandons également au Département d'Etat d'encourager le système civil de justice pénale de Colombie (justicia ordinaria) à porsuivre le personnel de l'ESMAD impliqué dans des cas graves d'abus.
- Geler les ventes commerciales et militaires américaines d'armes, d'équipement, de services ou de formation à l'ESMAD, et geler toute subvention ou vente d'équipement anti-émeute ou de contrôle des foules à toutes les autres forces de sécurité, à la police et aux unités spéciales colombiennes. Les licences de ventes militaires étrangères et de ventes commerciales directes doivent être suspendues immédiatement pour éviter de contribuer indirectement à de nouveaux abus et à une escalade. Les critères de reprise des ventes devraient inclure la responsabilité judiciaire des auteurs d'abus, la réforme satisfaisante des protocoles colombiens d'usage de la force et l'observation et la confirmation sur le terrain des changements dans l'usage de la force lors des opérations futures.
- Mettre en garde le gouvernement colombien contre le déploiement de ses militaires aguerris au combat pour le contrôle des foules. L'armée colombienne combat des ennemis internes comme les groupes de guérilla armés depuis les années 1960. En tant que tels, ils ont l'habitude de considérer la population civile avec une grande suspicion. De plus, elle n'a que peu ou pas de formation en matière de désescalade ou de contrôle des foules et la probabilité d'une réponse militaire indiscriminée et disproportionnée est préoccupante.
- Appeler le gouvernement colombien à respecter et à garantir le travail des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes lié aux manifestations. De nombreux journalistes qui couvrent la grève nationale et les manifestations, ainsi que des défenseurs des droits de l'homme qui surveillent les manifestations et tentent de vérifier les allégations d'abus policiers, ont fait l'objet d'attaques et d'agressions de la part du personnel des forces de sécurité.
- Rejeter publiquement les déclarations de hauts responsables du gouvernement colombien, de politiciens, de procureurs et d'autres personnes laissant entendre que les manifestations, ou les actes de vandalisme et de désordre, sont planifiés et coordonnés par des groupes terroristes. Une telle rhétorique sert de prétexte dangereux pour justifier une répression encore plus sévère et une escalade de la violence contre les civils.
- Enfin, et c'est important, il faut encourager et favoriser le dialogue, et le faciliter le cas échéant. Comme nous l'avons indiqué plus haut, nous nous félicitons de la première rencontre de lundi entre l'administration Duque et les représentants de la grève nationale. Auparavant, pour mettre fin aux protestations passées, le gouvernement Duque a également promis le dialogue, puis n'a pas donné suite à ces promesses. Pour parvenir à un dialogue véritable et inclusif, il faudra peut-être faire preuve d'un peu d'initiative, voire d'une médiation et faire appel aux bons offices des amis de la Colombie. Les États-Unis devraient être le premier et le plus important de ces amis et devraient également soutenir ouvertement les efforts des autres garants. Le plaidoyer pour un dialogue large, multisectoriel et ouvert devrait faire référence aux accords de paix de 2016, qui ont créé un cadre prometteur pour une participation politique non violente.
En outre, Monsieur le Secrétaire, alors que les tensions s'apaisent, nous demandons instamment aux États-Unis de mettre immédiatement à la disposition de la Colombie (et plus largement de l'Amérique latine) des dizaines de millions de doses excédentaires de vaccin COVID-19 qu'ils ont stockées. La Colombie subit sa troisième vague de COVID-19, la plus meurtrière. Nous pouvons faire une véritable différence en restaurant la santé, la sécurité, la confiance et l'espoir au sein du peuple colombien.
M. le Secrétaire, la Colombie pourrait sortir de cette expérience comme un partenaire plus fort et plus démocratique des Etats-Unis. Dans ses rues en ce moment, il y a une génération qui est politiquement engagée et soucieuse de l'avenir de son pays. Si elle est capable de participer à un dialogue significatif, cette génération pourrait aider à faire avancer la Colombie pendant des années, en augmentant la qualité de la démocratie et la probabilité de paix et de prospérité.
Nous vous remercions de l'attention et de la considération que vous porterez immédiatement à ces demandes.
Sincèrement,
Rosa L. DeLauro, Maxine Waters, Frank Pallone, Nydia M. Velázquez, John Yarmuth, Zoe Lofgren, David N. Cicilline, Jesús C. “Chuy” García, Ro Khanna, Bobby L. Rush, Dwight Evans, Jamaal Bowman, Karen Bass, Alan Lowenthal, Earl Blumenauer, Henry C. “Hank” Johnson, , Mark DeSaulnier, Anna G. Eshoo, Jared Huffman, Ayanna Pressley, Andy Levin, Grace Meng, Eleanor Holmes Norton, Alexandria Ocasio-Cortez, Susan Wild, Joaquin Castro, Rashida Tlaib, Juan Vargas, Peter Welch, Cori Bush, Bill Pascrell, André Carson, Grace F. Napolitano, Norma Torres, Suzanne Bonamici, Emanuel Cleaver, , Dina Titus, Sylvia R. Garcia, Pramila Jayapal, Bonnie Watson Coleman, Stephen F. Lynch, Linda T. Sánchez, William R. Keating, Ilhan Omar, Jackie Speier, Veronica Escobar, Mondaire Jones, Kim Schrier, , Eddie Bernice Johnson, Gerald E. Connolly, Lloyd Doggett.
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