14/05/2021

Gideon Levy : Ceux qui ont soif de sang

Gideon Levy, Haaretz, 13/5/2021

Traduit par Fausto Giudice

Chaque « round » apporte avec lui ses propres assoiffés de sang. À chaque round, ils sortent de leurs trous comme des souris, enlèvent leurs masques politiquement corrects, et leur vrai visage est exposé à tous : tout ce qu'ils veulent, c'est voir du sang. Du sang arabe, autant que possible - du sang, plus il y en a, mieux c'est - du sang, l'essentiel est que le sang arabe soit versé. Les tours résidentielles s'effondrent comme des châteaux de cartes à Gaza, et les mondes en ruine en dessous d'elles sont une douce plaisanterie pour eux. Ils veulent voir du sang, pas seulement des ruines, de la peur et de la destruction.

Un secouriste palestinien s'approche d'un corps enterré dans les décombres d'une maison effondrée appartenant à la famille Al Tanani à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza. [Qusay Dawud/AFP]

Les dizaines de morts des premières 24 heures, dont environ la moitié sont des femmes et des enfants, ne sont rien pour eux. Ils veulent beaucoup plus de sang. Tant que des rivières de sang n’inondent pas Gaza, et avec elle Lod, si possible, leur appétit ne sera que partiellement assouvi. Tant que les Palestiniens ne se mettront pas à genoux, ne s'inclineront pas devant Israël et ne se rendront pas à lui sans conditions, pour l'éternité - ils ne seront pas satisfaits. Ils veulent une photo de victoire, la victoire du mensonge qu'ils désirent tant, et qui ne sera jamais atteinte.

Les assoiffés de sang se divisent en deux groupes : les sécuritaristes et les racistes. Ils inondent massivement les studios de télévision et de radio et les réseaux sociaux, de généraux, de commentateurs, d'experts - en temps de guerre, il n'y a pas d'autres porte-parole - et tout incite à faire de plus en plus de cette chose, la guerre, peu importe pourquoi, peu importe dans quel but. L'essentiel est que nous buvions leur sang.

Les sécuritaristes veulent autant de guerre que possible parce qu'au fond d'eux-mêmes, ils aiment les guerres, ce sont leurs souvenirs les plus forts. Une guerre qui n'est jamais assez pour eux, juste pour les frapper, pour prouver que nous sommes forts. Toutes les guerres à Gaza et au Liban, qui n'ont rien donné, ne leur ont rien appris non plus. Ils s'en tiennent à leurs armes. Si seulement on les avait écoutés à l'époque, il y aurait eu des dizaines de milliers de morts, et alors seulement on aurait atteint la victoire souhaitée, qui ne sera jamais atteinte.

Comme des mirages dans le désert, ils s'approchent de la victoire, et elle s'éloigne d'eux. Elle ne sera jamais atteinte par la force. Puisque nous ne les avons pas écoutés, ils essaient à nouveau. Frapper et écraser, une caricature ridicule de la bouche de ceux qui ont été généraux, ou de ceux qui ont rêvé de l'être et ne l'ont pas été.

Le journaliste Danny Kushmaro, aux allures d’ homme d'État qui, d'ordinaire, ne révèle pas son opinion sur quoi que ce soit, demande innocemment : « Pourquoi Yihya Sinwar [chef du Hamas dans la bande de Gaza] a-t-il encore une maison ? » Si seulement les gens écoutaient la voix du motocycliste, Sinwar n'aurait plus de maison, de femme, d'enfants, de voisins, comme tous ses prédécesseurs décédés, et alors nous gagnerions.

Bien sûr que nous gagnerions. Du journaliste Nahum Barnea (« Frappez fort, avec force ») à Roni Daniel (« Arrêtons de nous émerveiller devant un spectacle ou un autre ») en passant par Amir Buhbut (« Ce n'est pas comme ça qu'il faut porter un coup dur et douloureux »), tous les gars peuvent être des soldats, ils ne veulent que de plus en plus d'actions de combat par des hommes, des vrais de vrais, qui ne pleurent jamais, pas même la nuit. Ils s'assoient sur les sommets des collines entourant Gaza comme un chœur de pom-pom girls et encouragent les forces qui vont tuer des civils et des combattants dans le ghetto enfermé, donnez-leur juste toujours plus.

Le deuxième groupe est celui des racistes. « Deux Arabes ont été tués à Lod par un missile lancé par le Hamas. J'appelle ça de la justice poétique. ... Dommage qu'il n'y en ait eu que deux », a gazouillé mercredi le journaliste Shimon Riklin à propos du meurtre de deux Israéliens, un père et sa fille. « Pourquoi ne réduisent-ils pas l'électricité à Gaza à 10 % ? Laissez-les s'asseoir dans le noir et souffrir. Qu'ils se tiennent debout dans la chaleur et souffrent, et en général qu'ils souffrent ».

Riklin a un objectif, qui est un crime de guerre à la fois méprisable et inutile. Ben Caspit, en revanche, est vraisemblablement un journaliste centriste, et il a hurlé à l'imam de Lod : « Il faut vraiment vous frapper fort, et vous montrer qui est le patron ici, vous montrer qu'on ne brûle rien qui appartienne aux Juifs en Israël ».

Le visage laid et arrogant est mis à nu. Qui est le patron ici, on ne brûle pas ce qui appartient aux Juifs. On ne les réveille pas non plus au milieu de la nuit avec des sirènes.

L'État juif, le rêve de 2 000 ans. Laissez les FDI gagner.

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