Gideon Levy, Haaretz, 23/5/2021
Traduit par Fausto Giudice
Vendredi dernier, à midi, la piscine municipale a rouvert ses portes. La ville craignait que les nageurs ne glissent sur le sol mouillé en courant vers les abris, et avait donc fermé la piscine pendant les récentes hostilités. Les habitants de Gaza peuvent se fendre les côtes de rire ou mourir d'envie, étant donné qu'il n'y a pas de piscine ou d'abri en vue chez eux.
Dimanche, les ouvriers palestiniens qui construisent les nouveaux vestiaires de la piscine reprendront le travail. La piscine a été construite sur les ruines d'un bassin d'arrosage desservant le village de Sheikh Munis, aujourd'hui disparu. Ces travailleurs se lèveront à nouveau à 3 heures du matin dans leurs maisons de Cisjordanie occupée afin d'atteindre le poste de contrôle à 5 heures et leur travail à 6 heures, afin de construire pour les Juifs des vestiaires comme il n'en existe pas dans leurs propres villages.
-Incroyable : des extrémistes des deux côtés ont soudan créé une relation toxique catastrophique
-Terrifiant. J'attends avec impatience le moment où nous pourrons retourner à notre relation toxique normale de tous les jours
À 6 heures du matin, samedi, le parc Hayarkon était rempli de joggeurs et de cyclistes, heureux d'être de retour. Les conversations sur les thèmes militaires – « où ont-ils trouvé les missiles Kornet ? » - ont été progressivement remplacées par les discussions habituelles sur la vitesse, les distances et les mesures du pouls. Sur les courts de tennis d'en face, les derniers fêtards éthiopiens sortaient d'une fête au club de sport « blanc », transformé le samedi soir en discothèque « noire ». Et depuis Gaza, les photos et les vidéos continuent d'affluer : des personnes choquées par les obus à côté des décombres, des tentes de deuil, le bâtiment bombardé abritant le ministère de la Santé, ainsi qu'un père et son fils en bas âge debout dans la rue, le père cueillant quelques fleurs blanches dans un buisson retombant et les remettant à son fils dans un moment déchirant qui fait pleurer.
K.T., étudiante en médecine à l'université Al-Azhar de Gaza, qui a pris ces photos et ces clips vidéo, a hésité avant de sortir de chez elle vendredi, pour la première fois en 11 jours, afin de voir les destructions. « J'étais très méfiante à l'idée de sortir, mais ensuite j'ai pensé que c'était l'histoire palestinienne en train de se faire, et je voulais la voir de mes propres yeux. Je veux me souvenir de ces crimes et alimenter ma rage », a-t-elle écrit.
Les postes de contrôle près de la frontière de Gaza et à Jaffa ont été levés vendredi, les abris de Tel-Aviv fermeront dimanche, et Galina, la chienne qui a disparu lors de la première alerte et dont les propriétaires n'ont cessé de placarder des affiches dans le parc depuis lors, n'est apparemment pas encore rentrée chez elle : Reviens Galina, il est temps de revenir à la normale.
Cette routine est ce qui provoquera la prochaine guerre. Tout ce qui était et tout ce qui sera fournira le carburant pour la prochaine série d'hostilités. Le blocus de Gaza se poursuivra ; la botte israélienne continuera d'appuyer sur le cou de la Cisjordanie, et dans les villes mixtes judéo-arabes, les provocations se poursuivront contre les survivants de la communauté palestinienne d'avant 1948, tandis que le monde continuera de soutenir Israël. L'arrogance restera également ce qu'elle était : Nous allons provoquer et tourmenter, humilier et opprimer, en restant convaincus que nous pouvons continuer à le faire sans entrave. Il est difficile de croire combien Israël est prêt à investir dans chaque guerre sans rien investir pour essayer de la prévenir. Comment il ne s'inquiète pas des risques de la guerre mais tremble de peur à toute tentative de la prévenir. En Israël, discuter avec le Hamas est présenté comme une option bien plus dangereuse que de le bombarder.
Y a-t-il un seul Israélien qui ait un plan pour Gaza ? Y a-t-il un seul Israélien qui sache ce qu'Israël veut de Gaza, à part le calme pour son propre peuple ? Devraient-ils nous jeter du riz en l'honneur de la suffocation que nous leur imposons ? Devraient-ils nous accueillir en l'honneur de la destruction que nous avons semée ? Devraient-ils oublier tout ce que nous avons fait à Gaza depuis 1948 et jusqu'à ce jour, sans qu’il ne nous en coûte rien ? Israël a-t-il jamais essayé une méthode différente avec Gaza, autre que la méthode unilatérale ?
Dans les heures qui ont suivi l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, Israël a fait aveuglément confiance au Hamas, ouvrant des routes et des écoles et fermant des abris. En d'autres termes, il y a un partenaire à Gaza en qui on peut avoir confiance, ils tiennent leur parole. Peut-être devrions-nous essayer de leur parler avant la prochaine guerre, et pas seulement après ? Le Hamas ne manque pas de courage ni de volonté de sacrifice, il en a bien plus, soit dit en passant, que nous. Peut-être ce courage se traduira-t-il cette fois par un courage politique ? Il y a aussi des gens rationnels là-bas, il ne faut pas l'oublier.
Mais ce sont des mots vides. Galina peut bien rentrer chez elle, mais Israël n'apprendra rien et n'oubliera rien. Le général à la retraite Israël Ziv reviendra dans les studios de télévision pour expliquer comment nous devons frapper et détruire, autant que possible, sous les acclamations des téléspectateurs. Bienvenue à nouveau dans notre train-train « normal ».
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