30/06/2024

GIDEON LEVY
L’armée israélienne affirme que Wissam Hanoun a été tué lors d’un raid sur Jénine. Sa famille ne le croit pas

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 28/6/2024

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Wissam Hanoun a-t-il été tué il y a 7 mois par les FDI, comme l’a déclaré l’armée, ou est-il la personne photographiée gisant inconsciente à l’hôpital Hadassah longtemps après, comme l’affirment ses parents ? L’habitude d’Israël de ne pas rendre les corps laisse les familles déchirées entre le désespoir et l’espoir.

Iyad Hanoun chez lui, cette semaine, dans le camp de réfugiés de Jénine

 

Le clip vidéo, qui a apparemment été tourné clandestinement, montre un jeune homme barbu, inconscient, allongé dans une unité de soins intensifs, un tube inséré dans sa gorge pour qu’il puisse respirer, un autre dans son nez pour l’alimenter. Son regard est vide. Les draps portent le nom de l’hôpital : Centre médical Hadassah, Aïn Karem, Jérusalem.

 

S’agit-il de Wissam, le fils d’Iyad et de Kifah Hanoun, qui en sont “sûrs à 150 % ”? Ou est-ce quelqu’un d’autre ? Wissam a-t-il été hospitalisé ici sous un autre nom - Hadassah a informé Haaretz cette semaine que, selon les registres de l’hôpital, personne du nom de Wissam Hanoun n’y a jamais été patient - ou s’agit-il d’une erreur d’identité et l’homme n’est pas Wissam ?

 

Les forces de défense israéliennes ont déclaré il y a sept mois que Wissam avait été tué lors d’une incursion dans le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Quelques jours plus tard, cependant, le doute a commencé à ronger les parents. Leurs doutes sur la mort de Wissam se sont accrus au cours des derniers mois, et ils sont maintenant absolument convaincus que leur fils est vivant. Ils ont déjà dépensé des dizaines de milliers de shekels en avocats pour tenter de retrouver Wissam, mais en vain. Le temps presse pour sa mère, Kifah, 50 ans : elle souffre d’un cancer du poumon à un stade avancé.

 

Jusqu’à la guerre de Gaza, le couple avait deux fils et une fille. Wiam, 28 ans, a été tué en octobre 2023 par un missile tiré sur lui par un avion israélien dans le camp de réfugiés de Jénine ; son frère aîné, selon les FDI, a été tué lors d’un raid de l’armée dans le camp cinq semaines plus tard, le 29 novembre. Le seul enfant qui leur reste, si c’est le cas, est leur fille, Rahil, une étudiante en ingénierie de 24 ans. Mais la mère et le père insistent sur le fait qu’il n’en est rien. xyz


Le squelette d’une jeep accidentée, ornée d’un drapeau palestinien et d’une couronne de fleurs, reste muet à l’entrée de la maison où nous avons rencontré Iyad, 54 ans, cette semaine. Ce marchand de légumes vit avec sa famille dans le camp de Jénine et possède un magasin de légumes dans la ville voisine de Qabatiyah. Quatre jeunes hommes ont été tués dans ce véhicule pendant le Ramadan, au printemps dernier, lorsqu’il a été touché par un missile.

 

L’homme qui murmure à l’oreille des présidents demande à Uncle Joe de prendre sa retraite

Thomas Friedman, l’éditorialiste star du New York Times, vient de publier l’édito suivant, qui reflète l’état de consternation du camp démocrate. Traduit avec jubilation par Fausto Giudice, Tlaxcala  et illustré par les meilleurs dessins de la presse US. Le débat de jeudi soir sur CNN a été du pain bénit pour les dessinateurs, qui s'en sont donné à cœur joie.
Ossama Hajjaj

Biden est un homme bon et un bon président. Il doit se retirer de la course.

Thomas L. Friedman, The New York Times, 28/6/2024

J’ai regardé le débat Biden-Trump seul dans une chambre d’hôtel de Lisbonne, et cela m’a fait pleurer. Je ne me souviens pas d’un moment plus déchirant de campagne présidentielle usaméricaine de mon vivant, précisément en raison de ce qu’il a révélé : Joe Biden, un homme bon et un bon président, n’a pas intérêt à se représenter. Et Donald Trump, un homme malveillant et un président mesquin, n’a rien appris ni rien oublié. Il est le même canon à eau de mensonges qu’il a toujours été, obsédé par ses doléances - bien loin de ce qu’il faudra pour que l’Amérique soit à la tête du XXIe siècle [sic].

-La wifi déconne: l'image est glauque, gelée et le son est inaudible
-C'est pas la wifi: tu es en train de regarder Joe Biden en débat

Christopher Weyant

La famille Biden et son équipe politique doivent se réunir rapidement et avoir la plus difficile des conversations avec le président, une conversation d’amour, de clarté et de détermination. Pour donner à l’Amérique la meilleure chance possible de dissuader la menace Trump en novembre, le président doit déclarer qu’il ne se représentera pas et qu’il libère tous ses délégués pour la convention nationale du parti démocrate.

Le parti républicain, si ses dirigeants avaient une once d’intégrité, exigerait la même chose, mais il ne le fera pas, parce qu’ils ne veulent pas. Il est donc d’autant plus important que les démocrates fassent passer les intérêts du pays en premier et annoncent le lancement d’un processus public permettant aux différents candidats démocrates de concourir pour l’investiture : assemblées publiques, débats, réunions avec les donateurs, etc. Oui, cela pourrait être chaotique et désordonné lorsque la convention démocrate débutera le 19 août à Chicago, mais je pense que la menace Trump est suffisamment grave pour que les délégués puissent rapidement se rallier à un candidat consensuel.


-Mon handicap est meilleur !
- Mon handicap est meilleur !
-OK, vous êtes tous les deux handicapés

Rick MacKee

 Si la vice-présidente Kamala Harris veut concourir, elle doit le faire. Mais les électeurs méritent un processus ouvert à la recherche d’un candidat démocrate à la présidence qui puisse unir non seulement le parti mais aussi le pays, en offrant ce qu’aucun homme sur cette scène d’Atlanta n’a fait jeudi soir : une description convaincante de la situation actuelle du monde et une vision convaincante de ce que l’USAmérique peut et doit faire pour continuer à le diriger - moralement, économiquement et diplomatiquement [resic].

 
Jeffrey Koterba

Car nous ne nous trouvons pas à une charnière historique ordinaire. Nous sommes au début des plus grandes ruptures technologiques et du plus grand dérèglement climatique de l’histoire de l’humanité. Nous sommes à l’aube d’une révolution de l’intelligence artificielle qui va TOUT changer POUR TOUS - comment nous travaillons, comment nous apprenons, comment nous enseignons, comment nous commerçons, comment nous inventons, comment nous collaborons, comment nous menons des guerres, comment nous commettons des crimes et comment nous les combattons. Cela m’a peut-être échappé, mais je n’ai pas entendu l’expression “intelligence artificielle” mentionnée par l’un ou l’autre des participants au débat.

S’il est un moment où le monde a besoin d’une USAmérique à son meilleur niveau, dirigée par son meilleur niveau, c’est bien maintenant, car de grands dangers et de grandes opportunités se présentent à nous. Un Biden plus jeune aurait pu être ce leader, mais le temps l’a finalement rattrapé. C’est ce qui est apparu douloureusement et inéluctablement jeudi.

M. Biden est l’un de mes amis depuis que nous avons voyagé ensemble en Afghanistan et au Pakistan après le 11 septembre 2001, alors qu’il était président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, et c’est donc avec une grande tristesse que je dis tout ce qui précède.

Je suis plus SUPER que toi !, par KAL
 Mais s’il met fin à sa présidence maintenant, en reconnaissant qu’en raison de son âge, il n’est pas en mesure d’effectuer un second mandat, on se souviendra de son premier et unique mandat comme l’une des meilleures présidences de notre histoire. Il nous a évité des mandats consécutifs de Trump, et rien que pour cela, il mérite la médaille présidentielle de la liberté, mais il a également promulgué une législation importante, cruciale pour faire face aux révolutions climatiques et technologiques qui nous attendent.

Jusqu’à présent, j’étais prêt à accorder à M. Biden le bénéfice du doute, car les fois où je me suis engagé avec lui en tête-à-tête, je l’ai trouvé à la hauteur de sa tâche. Il est clair qu’il ne l’est plus. Sa famille et son équipe devaient le savoir. Cela faisait des jours qu’ils se terraient à Camp David pour préparer ce débat capital. Si c’est la meilleure performance qu’ils ont pu obtenir de lui, il devrait préserver sa dignité et quitter la scène à la fin de ce mandat.

S’il le fait, les USAméricains salueront Joe Biden pour avoir fait ce que Donald Trump ne ferait jamais : faire passer le pays avant lui-même.

S’il insiste pour se présenter et qu’il perd face à Trump, Joe Biden et sa famille - ainsi que son équipe et les membres du parti qui l’ont soutenu - ne pourront que voiler leur face.

Ils méritent mieux. L’USAmérique a besoin de mieux. Le monde a besoin de mieux.


L'heure de la retraite a sonné, par Bob Englehart

 

29/06/2024

JOHN CATALINOTTO
Le plus grand rôle de Donald Sutherland (1935-2024)

John Catalinotto, Workers World, 26/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Donald Sutherland est mort le 21 juin à l’âge de 88 ans. L’acteur d’origine canadienne ayant été une star du cinéma au cours des six dernières décennies, il n’a fallu que quelques jours pour que beaucoup de choses soient écrites, entendues ou diffusées sur tous les types de médias au sujet de son travail au cinéma et de sa vie. On a moins parlé de son militantisme politique et des activités qu’il a menées pour résister à la guerre des USA au Viêt Nam.

Pour moi, il s’agit de son plus grand rôle.

Sutherland a joué dans au moins 87 films, notamment dans des succès populaires comme "The Dirty Dozen" en 1967, "M*A*S*H" en 1970 et, au cours de ce siècle, "The Hunger Games". Mes souvenirs les plus forts sont ses rôles de père aimant dans "Ordinary People" (1980), de fasciste extrêmement détestable dans "1900" (1976) de Bernardo Bertolucci, et de professeur blanc se rendant compte des injustices de l’apartheid en Afrique du Sud dans "A Dry White Season" (1989). Tous ses personnages étaient crédibles.

Avoir des compétences et du talent et s’efforcer de les améliorer est une chose ; la façon dont on utilise ces compétences, la façon dont on utilise sa célébrité en est une autre. Au début des années 70, Sutherland a contribué au développement d’un mouvement anti-guerre au cœur de l’armée impérialiste usaméricaine.

Je ne suis pas loin de croire que ce que Sutherland et ses collègues artistes ont fait dans le cadre d’une tournée appelée FTA a contribué à la libération du Viêt Nam. C’est énorme. C’est plus important que de gagner un Oscar.

FTA

Pour ceux qui ne l’ont jamais su ou qui l’ont oublié, FTA était un jeu de mots sur la publicité de l’armée américaine qui promettait aux nouvelles recrues “Freedom, Travel and Adventure” [Liberté, Voyages et Aventure], mais qui leur apportait la misère, le racisme et la mort. Les militaires usaméricains ont donné leur propre signification à FTA, à savoir “Fuck the Army”. Les artistes de la troupe FTA disaient, en rigolant, que ça signifiait “Libérez l’armée” (Free the Army).


Une partie de la troupe FTA : Sutherland, Jane Fonda, Len Chandler, Pamela Dinegan et Nina Simone

Sutherland et Jane Fonda - tous deux ayant déjà atteint le statut de star en 1971 - et d’autres artistes professionnels ont mis leurs talents au service de la tournée FTA. Ils se sont produits sur des bases militaires ou à proximité, devant 60 000 soldats, d’abord sur le territoire continental des USA, puis sur les bases du Pacifique à Hawaï, aux Philippines, au Japon et à Okinawa.

28/06/2024

GIANFRANCO LACCONE
Satnam Singh, martyr de l’agrobusiness

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 27/6/2024

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

 

Le 19 juin 2024, à l’hôpital San Camillo de Rome, Satnam Singh, un jeune homme de 31 ans d’origine indienne, est décédé des suites de très graves blessures subies sur son lieu de travail, une ferme de Borgo Santa Maria, dans la province de Latina. Quelques jours seulement avant sa mort, à la suite d’un accident dans le champ où il travaillait, Satnam a perdu un bras, sectionné par une machine à ensacher les récoltes. Selon les résultats de l’autopsie, publiés le 24 juin, Singh est mort d’une hémorragie et aurait probablement pu être sauvé si son employeur avait appelé les secours plus tôt. En effet, au moins une heure et demie se serait écoulée entre le moment de l’accident et l’appel au 112. Satnam Singh n’avait pas de permis de séjour et était exploité à la ferme, avec sa femme, au moins douze heures par jour, sans contrat régulier.

Je pense que tout le monde a entendu parler, au moins en termes généraux, de l’histoire tragique de Satnam Singh, un ouvrier indien décédé dans la campagne de Latina à la suite d’un accident de travail et du chemin de croix qui a suivi avec l’abandon de son corps “en morceaux” devant sa maison.

 

Cette tragédie, qui horrifie tout le monde et jette le discrédit sur le système agricole italien, est emblématique de tout ce contre quoi nous luttons en exigeant la mise en œuvre de l’Agenda 2030 de l’ONU. Elle est emblématique de toutes les revendications et de toutes les batailles que nous avons menées pour construire les objectifs de l’Agenda et ensuite les vérifier à travers des indicateurs qui évaluent leur progression au fil des années ; elle est emblématique de la nécessité de lier les droits, les secteurs productifs et l’environnement à la société qui y travaille, pour limiter le changement climatique et ses effets ; elle est emblématique du fait qu’il n’y a pas de tragédies qui ne soient pas liées de manière souvent dramatique à l’évolution de la planète.

 

Bras volés par l'agriculture, par Manuel De Rossi

 

Commençons par un élément qui est une métaphore du côté négatif du développement industriel, relatif à la sécurité au travail. Enfants, nous avons ri en regardant le film de Charlie Chaplin Les temps modernes, lorsque l’ouvrier est avalé par la machine et commence son voyage à l’intérieur de celle-ci.  C’est ce qui est arrivé à Luana D’Orazio à Prato, avalée par l’ourdisseur, la machine qui démêle les fils du tissu et aspire la personne qui y travaille si sa main se trouve sur les fils ; c’est ce qui est arrivé à la campagne à Satnam Singh parce que, si la machine qui débarrasse le sol des couvertures qui permettent de protéger les cultures ne ramasse pas le plastique qui s’est enfoncé dans le sol, il faut s’en éloigner pour éviter qu’elle ne vous attrape le bras.   Mais ce qui rend encore plus odieux les décès liés au travail survenus dans les campagnes, c’est le contexte et, avec lui, la trame des réactions qui ont conduit inexorablement à l’issue tragique. Les conditions de travail dans les campagnes sont indignes, mais elles sont acceptées, et l’invisibilité des personnes qui vivent de ce travail, de leurs familles, de leurs conditions de vie, est encore plus grande que l’invisibilité des crimes qui se cachent dans la boîte de tomates pelées ou de légumes que nous achetons. 

 

Le capitalisme vert tue : 23 travailleurs intérimaires, en majorité immigrés, meurent dans l’incendie d’une usine de batteries au lithium en Corée du Sud

Ci-dessous 3 articles du quotidien Hankyoreh sur l’accident qui a coûté la vie à 23 travailleurs intérimaires, en majorité immigrés, dans une usine de Hwaseong, à 45 km au sud de Séoul, en Corée du Sud, suivis d’un article sur la version sud-coréenne du grand remplacement, traduits par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Park Soon-kwan, PDG d’Aricell, (à droite) et d’autres cadres de l’entreprise s’inclinent sur le site de l’accident mardi, pour présenter des excuses publiques suite à l’incendie massif de l’usine qui a tué 23 travailleurs lundi. Le PDG Park et 4 autres responsables ont été inculpés le même jour de divers délits, notamment de négligence dans l’assurance de la sécurité des employés. Park a également été inculpé en vertu de la loi sur la répression des accidents graves. Photo YONHAP

Les risques sur le lieu de travail peuvent être évités ; pourquoi ne l’ont-ils pas été cette fois-ci ?

Éditorial, Hankyoreh, 25/6/2024

Les incendies de lithium sont notoirement dangereux et difficiles à éteindre. Des mesures préventives auraient pu sauver des vies.


Un incendie se déclare dans une usine de batteries au lithium à Hwaseong, une ville de la province de Gyeonggi, en Corée du Sud, le 24 juin 2024. L’incendie a tué plus de 20 travailleurs, pour la plupart étrangers. Photo Yonhap

Un incendie s’est déclaré lundi matin dans une usine de batteries au lithium à Hwaseong, dans la province de Gyeonggi, faisant au moins 22 morts et huit blessés. Une personne est toujours portée disparue (à 18h30 lundi). Il s’agit d’une horrible tragédie de masse.  Vingt des victimes étaient des travailleurs migrants originaires de Chine, du Laos et d’autres pays. Les blessures laissées par l’incendie survenu en 2020 sur le chantier de construction d’un centre logistique à Icheon, dans la province de Gyeonggi, qui avait tué 38 personnes, commençaient à peine à se cicatriser que nous avons assisté à une nouvelle tragédie qui aurait pu être évitée.  L’incendie s’est déclaré au deuxième étage d’un bâtiment d’usine où les batteries au lithium finies sont inspectées et emballées, et s’est propagé de manière incontrôlée à la suite d’une série d’explosions. Plus de 35 000 piles au lithium étaient stockées sur ce site.

 Lorsqu’une batterie au lithium prend feu, elle déclenche un emballement thermique, dans lequel la température monte instantanément à plus de 1 000 degrés Celsius, et produit de grandes quantités de fluorure d’hydrogène gazeux. Si de l’eau entre en contact avec les batteries dans cet état, de l’hydrogène gazeux est produit, ce qui peut entraîner des explosions secondaires et rendre difficile l’extinction des incendies par les méthodes traditionnelles.  Les pompiers avaient préparé du sable sec et de l’azote gazeux pour éteindre l’incendie causé par les piles au lithium, mais comme ils n’ont pas réussi à maîtriser les flammes, ils ont dû attendre près de quatre heures avant de commencer leur opération de sauvetage. 

Il n’y a pas de mot pour exprimer l’horreur d’apprendre que les évacuations n’ont pas eu lieu dès les premiers stades de l’incendie, ce qui a conduit à une tragédie qui a coûté la vie à tant de personnes.  Quelle que soit la rapidité avec laquelle le feu s’est propagé, il n’est pas logique que plus de 20 personnes aient été tuées avant d’avoir pu évacuer. Des corps d’ouvriers ont été retrouvés éparpillés au deuxième étage du bâtiment, là où l’incendie s’est déclaré. Malgré l’existence d’un escalier de secours menant au premier étage, trop de vies ont été perdues. 

27/06/2024

GIDEON LEVY
Exposer le linge sale d’Israël à l’étranger est la meilleure hasbara que nous puissions espérer

Gideon Levy, Haaretz, 27/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Pourquoi suis-je allé faire une prestation à l’étranger ? Pourquoi aller y laver le linge sale ? Tout d’abord, parce qu’il y a beaucoup plus d’intérêt et de désir d’écouter à l’étranger qu’ici en Israël. Le débat public auquel j’ai participé la semaine dernière à Toronto avec Mehdi Hasan, Douglas Murray et Natasha Hausdorff portait sur la question de savoir si l’antisionisme est de l’antisémitisme. Les 3 000 billets (qui n’étaient pas bon marché) ont été vendus bien à l’avance, et la salle de concert de la ville était entièrement remplie - et orageuse. Je doute que 30 billets auraient pu être vendus pour un débat similaire à l’auditorium Bronfman de Tel Aviv.


Une manifestante déguisée en Statue de la Liberté lors d’un rassemblement de sympathisants et de familles d’otages pour demander leur libération, à Tel Aviv, lundi. La banderole fait allusion à la phrase “All eyes on Rafah” circulant sur la toile. Photo : Marko Djurica/Reuters

Mais l’intérêt de débattre de questions de principe, qui existe à l’étranger et n’existe pas en Israël, n’est pas la seule raison de s’y rendre. C’est à l’étranger que se trouve l’arène qui, dans une large mesure, déterminera l’avenir d’Israël. Nous ne devons pas l’abandonner à la droite. Personne ne se plaint lorsque les propagandistes de la droite sèment la pagaille dans le monde par le biais de l’establishment sioniste, des machers [“faiseurs” en yiddish et en anglais US , personnes influentes, NdT], des organisations juives et des ambassades israéliennes - un vaste lobby avec un paquet de fric. Ils sèment la panique en affirmant que toute critique d’Israël, de l’occupation ou de l’apartheid israélien est de l’antisémitisme, et réduisent ainsi la moitié du monde au silence par crainte d’être soupçonné d’antisémitisme.


Un extrait de l’intervention de Gideon Levy au Munk Debate à Toronto

Cette pratique manipulatrice donne des résultats à court terme. À long terme, elle se retournera contre Israël et les Juifs, à cause desquels la liberté d’expression a été supprimée. Un rapport d’enquête du Guardian a révélé une fois de plus les méthodes utilisées par le ministère de la Diaspora et promues par le ministère des Affaires stratégiques pour faire face à ce qui se passe aux USA et sur les campus usaméricains. De telles méthodes suffisent à donner une mauvaise image d’Israël. Tout est permis à la droite des colons et à l’establishment sioniste et juif ; faire entendre une voix différente de celle d’Israël est une trahison.

26/06/2024

RACHEL FINK
Le ministre israélien de la Diaspora, Amichai Chikli, fait l'éloge de Jordan Bardella, rompant ainsi le boycott officiel du RN par Israël

 Rachel Fink, Haaretz, 26/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le ministre israélien des Affaires de la Diaspora Amichai Chikli (Likoud) a fait l'éloge d'un discours prononcé par le président du Rassemblement national français d'extrême droite, Jordan Bardella, dans lequel celui-ci a déclaré qu'une solution à deux Etats était “caduque” et qu'un Etat palestinien relèverait d’une “reconnaissance du terrorisme”. Le bureau de Chikli déclare : « Nous avons d'excellents contacts » avec le parti de Mme Le Pen.


Marine Le Pen, lideure du Rassemblement national d'extrême droite, et Jordan Bardella, président du parti, à Paris ce mois-ci. Photo : Thomas Padilla, AP

Le ministre israélien des Affaires de la Diaspora, Amichai Chikli, a publiquement fait l'éloge d'un discours prononcé par Jordan Bardella, président du parti d'extrême droite français Rassemblement national et protégé de Marine Le Pen, dans lequel il a déclaré qu'une solution à deux États était “caduque” à la lumière des attaques menées par le Hamas le 7 octobre.

Le soutien de Chikli à Bardella, exprimé dans un message sur X mardi, constitue une rupture significative dans le boycott de longue date par Israël du parti du Rassemblement national et de son ancienne incarnation, le Front national. Toutefois, cela s'inscrit dans la continuité de l'adhésion de Chikli aux partis et factions d'extrême-droite en Europe. Le portefeuille ministériel de Chikli comprend la lutte contre l'antisémitisme dans le monde.

En réponse à une question de Haaretz demandant si le post de Chikli indiquait une révocation publique du boycott d'Israël, son porte-parole a répondu : « Le ministre est en excellent contact avec le Rassemblement national et nous sommes ravis à l'idée d'établir un dialogue productif avec eux ».

Bardella a tenu ces propos lors d'une conférence de presse qui s'est tenue lundi à l'approche des élections législatives françaises, dont le premier tour est prévu le 30 juin. Souvent décrit comme le “poster boy de l'extrême droite”, Bardella, âgé de 28 ans, serait le candidat du Rassemblement national au poste de premier ministre si le parti obtenait de bons résultats aux élections de la semaine prochaine. Marine Le Pen, figure de proue du parti, serait sa candidate à la présidence en 2027.

Lors de sa conférence de presse, Bardella a exposé le plan économique “réaliste et crédible” de son parti avant d'aborder les thèmes têtes de console de la droite, notamment la restauration de l'exceptionnalisme français et le durcissement des politiques migratoires. Il a mentionné Israël vers la fin de son intervention.

« La France a soutenu la solution des deux États au fil des ans », a déclaré Bardella. « Mais cette position est devenue caduque à la lumière des atrocités commises par le Hamas le 7 octobre. La reconnaissance d'un État palestinien en ce moment serait une reconnaissance du terrorisme et l'octroi d'une légitimité politique à un mouvement qui inscrit sur sa bannière la destruction d'Israël ».

Il s'est ensuite engagé à protéger les Juifs de France contre la montée de l'antisémitisme provenant « d'organisations politiques de gauche et d'extrême gauche » ainsi que contre « la menace de l'islam radical ». Lors d'une récente interview à la radio, Bardella a déclaré que « pour beaucoup de Juifs français [il voulait dire Français juifs, NdT], le Rassemblement national est un bouclier contre l'idéologie islamiste ».


Le lendemain, Chikli a publié cette partie du discours de Bardella, en y ajoutant des sous-titres en hébreu. Ce faisant, il a semblé rompre avec la politique officielle d'Israël qui consiste à boycotter le Rassemblement national.

Le origini algerine di Jordan Bardella: indagine su un tabù

Farid Alilat, Jeune Afrique, 24/6/2024
Tradotto da Fausto Giudice, Tlaxcala

Il bisnonno di Jordan Bardella, presidente del Rassemblement National, era un lavoratore algerino immigrato. Si era stabilito nella regione di Lione, in Francia, all’inizio degli anni Trenta. Abbiamo indagato su questo antenato nel suo villaggio in Cabilia e a Parigi.

Jordan Bardella à Villepinte le 19 juin 2024. © Daniel Dorko / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Jordan Bardella a Villepinte il 19 giugno 2024. Daniel Dorko / Hans Lucas via AFP

Jordan Bardella, presidente del Rassemblement National e possibile futuro primo ministro, non parla mai delle origini algerine del suo bisnonno. Nella famiglia Bardella l’argomento è taciuto. All’interno dell’ex Front National di Marine Le Pen, la questione è tabù. Eppure Mohand Séghir Mada, il bisnonno di Bardella, proveniva davvero dalla Cabilia, in Algeria.

Jeune Afrique è andata alla ricerca di questo antenato e della sua famiglia, nel suo villaggio natale di Guendouz, capoluogo del comune di Aït Rzine, nella wilaya (provincia) di Bejaïa*. Erano gli anni ‘20. L’Algeria era allora “francese” e, in questo piccolo villaggio aggrappato alle montagne che si affacciano sulla valle del Soummam, la popolazione sopravviveva coltivando magri campi di ulivi e allevando capre e pecore. Qui, come altrove in Cabilia, la povertà è ovunque. All’epoca, Albert Camus, scrittore e futuro premio Nobel per la letteratura, ne fu talmente colpito da dedicarvi una serie di reportage, apparsi nel 1939 sul quotidiano Alger Républicain con il titolo “Misère de Kabylie” (“Miseria in Cabilia”).

Qui non c’erano fabbriche, né fattorie coloniali, né fabbriche per dare lavoro ed evitare la fame. In effetti, furono proprio la miseria e la fame a spingere centinaia di migliaia di cabili a emigrare dall’inizio del XX secolo per lavorare nelle fabbriche e nelle miniere della Francia metropolitana. Nel villaggio di Guendouz, la famiglia Mada lotta per sopravvivere. L’indigenza è tale che Tahar Mada e i suoi due figli Bachir, il maggiore, e Mohand Séghir, il più giovane, sono costretti a vendere i loro oliveti o a ipotecarne alcuni.

 Guendouz, dans la wilaya (département) de Bejaïa, le village natal de Mohand Séghir Mada.

Guendouz, nella wilaya (provincia) di Bejaïa, il villaggio natale di Mohand Séghir Mada

Los orígenes argelinos de Jordan Bardella: investigación de un tabú

Farid AlilatJeune Afrique, 24/6/2024

Traducido por Fausto Giudice, Tlaxcala

El bisabuelo de Jordan Bardella, presidente de la Agrupación Nacional, era un trabajador inmigrante argelino. Se instaló en la región francesa de Lyon a principios de los años treinta. Investigamos a este abuelo en su pueblo de Cabilia y en París.

 Jordan Bardella à Villepinte le 19 juin 2024. © Daniel Dorko / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Jordan Bardella en Villepinte el 19 de junio de 2024. Daniel Dorko / Hans Lucas vía AFP

Jordan Bardella, presidente de la Agrupación Nacional y posible futuro Primer Ministro, nunca habla de los orígenes argelinos de su bisabuelo. En la familia Bardella, el tema se silencia. En el antiguo Frente Nacional de Marine Le Pen, la cuestión es tabú. Sin embargo, Mohand Séghir Mada, bisabuelo de Bardella, procedía de la Cabilia argelina.

Jeune Afrique fue en busca de este abuelo y de su familia, a su pueblo natal de Guendouz, cabecera del municipio de Aït Rzine, en la wilaya (departamento) de Bejaïa*. Eran los años veinte. Argelia era entonces “francesa” y, en este pequeño pueblo aferrado a las montañas que se asoman al valle del Soummam, la población sobrevivía cultivando exiguos campos de olivos y criando cabras y ovejas. Aquí, como en el resto de la Cabilia, la pobreza está por todas partes. En aquella época, Albert Camus, escritor y futuro Premio Nobel de Literatura, estaba tan conmovido por ella que dedicó una serie de reportajes al tema, que aparecieron en el periódico Alger Républicain en 1939 bajo el título “Misère de Kabylie” ("Miseria en Cabilia").

Aquí no había fábricas, ni granjas coloniales, ni fábricas que dieran trabajo y evitaran el hambre. De hecho, fue esta miseria y el hambre lo que empujó a cientos de miles de cabilios a emigrar a Francia desde principios del siglo XX para trabajar en las fábricas y minas de la metrópoli. En el pueblo de Guendouz, la familia Mada lucha por sobrevivir. Tal es su miseria que Tahar Mada y sus dos hijos Bachir, el mayor, y Mohand Séghir, el menor, se ven obligados a vender sus olivares o a hipotecar algunos de ellos.

 Guendouz, dans la wilaya (département) de Bejaïa, le village natal de Mohand Séghir Mada.

Guendouz, en la wilaya de Bejaïa, pueblo natal de Mohand Séghir Mada.

Lo único que quedaba para alimentar a la familia era tomar el barco hacia Francia. En 1930, Mohand Séghir Mada y su hermano mayor Bachir salieron de su pueblo rumbo a la Francia metropolitana. Tras llegar a Marsella, el bisabuelo de Jordan Bardella se trasladó a la región de Lyon, donde en aquella época ya había varios miles de inmigrantes argelinos trabajando en fábricas textiles. Según Moussa Mada, hijo de Bachir Mada, que ahora tiene 90 años, los dos hermanos trabajaban en una fábrica de tintes en Villeurbanne.

Bachir Mada es una hormiga que envía regularmente dinero a su familia. Su hermano, Mohand Séghir, fuerte y robusto como un leñador canadiense, es una cigarra que ama la vida francesa. Se dice que es un bebedor. Para un joven llegado de una Cabilia sumida en la pobreza, las tentaciones de la vida en una ciudad moderna son grandes. Mohand Séghir disfruta tanto de la vida en el Lyon de los años 30 que desaparece en el aire sin dar noticias a su hermano mayor ni a su familia en Cabilia.