Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Nous sommes en 2022 et certains membres de la droite israélienne refusent toujours de parler avec le président palestinien Mahmoud Abbas - c'est un terroriste, disent-ils. Nous sommes en 2022 et il y a encore des gens qui expriment cette affirmation sans fondement et ridicule avec le plus grand sérieux. Il est inutile de les corriger.
Abbas rend visite à Gantz, par MaartenWolterink : « Vous ne restez pas pour le dîner ? »
En tout état de cause, la rencontre de la semaine dernière entre Abbas et le ministre de la Défense Benny Gantz n'avait pour but que de faciliter le maintien de l'occupation. Et pourtant, on ne peut ignorer l'incroyable chutzpah [impudence] des critiques dans les raisons qu'ils invoquent pour condamner toute réunion avec Abbas.
Les mains de l'Israélien avec lequel Abbas a discuté sont couvertes d'infiniment plus de sang que les mains de ce vieux politicien de Ramallah. Pas de discussion avec les terroristes et les assassins ? Dans ce cas, pas de discussion avec Gantz. Tout dirigeant palestinien qui rencontre Gantz ou des personnes comme lui met sa fierté de côté bien plus que son interlocuteur israélien. Gantz est bien plus un « terroriste » qu'Abbas.
Non seulement Gantz n'essaie pas de le cacher. Il en est fier. Et Yitzhak Rabin était aussi plus « terroriste » que Yasser Arafat. Il avait plus de sang sur les mains, depuis 1948. Et qui s'est acharné à leur serrer la main à tous les deux, en veillant à lui donner une expression publique ? Paiuvre Rabin. Ses mains pures étaient dégoûtées à l'idée de serrer la main de la personne avec laquelle il était en pourparlers.
Le monde pardonne certains actes de meurtre mais pas d'autres, même si leur manque de légitimité est égal à tous égards. Le monde du prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a failli s'écrouler autour de lui après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Ce meurtre était en effet brutal - comme s'il existait des meurtres qui ne le soient pas - et comprenait le démembrement de son corps au consulat saoudien d'Istanbul et un lien avéré avec le prince héritier Mohammed. Le prince héritier saoudien a envoyé les tueurs du journaliste, et lui et son pays ont été pénalisés par des sanctions.
Et qui a envoyé les assassins d'un autre journaliste ? Le 8 juillet 1972, la voiture du journaliste, auteur et intellectuel Ghassan Kanafani, né à Acre, a explosé. Kanafani et sa nièce de 17 ans ont été tués. Il est vrai que son corps n'a pas été démembré et qu'au lieu d'être tué dans un consulat, il l'a été près de son domicile. Son meurtre était-il plus légitime que celui de Khashoggi ? En quoi ? Tous deux étaient des opposants à un régime. Pour Khashoggi, c'était celui de son pays, et dans le cas de Kanafani, le pays qu'il a perdu. L'un soutenait les Frères musulmans et l'autre était un militant politique du Front populaire de libération de la Palestine.
Le meurtre de Kanafani est l'un des assassinats les plus criminels commis par l'État d'Israël, un parmi tant d'autres. Quelqu'un a donné l'ordre et quelqu'un d'autre l'a exécuté. Le meurtre a suscité des accolades, un clin d'œil ou un haussement d'épaules.
Est-il venu à l'esprit de quiconque dans le monde d'imposer des sanctions à Israël après la mort de Kanafani ? C'est risible de le suggérer. Kanafani a été éliminé et c'est admissible, Khashoggi a été assassiné et ça ne l'est pas.
Au cours de l'année écoulée, Israël a tué 319 Palestiniens. Ce fut une année plutôt calme, sans véritable guerre et avec relativement peu d'attaques terroristes. Quelque 319 Palestiniens ont été tués, presque tous sans raison, presque tous de manière injustifiée, et presque tous sans arme. Peu d'entre eux avaient mis quelqu'un en danger. Il s'agissait pour la plupart de manifestants et d'agriculteurs, et peu d'entre eux ont réellement tenté de perpétrer des attaques terroristes. Pourtant, malgré cela, Abbas a accepté de rencontrer la personne qui a supervisé les tueries, la personne qui a donné l'ordre, l'a soutenu et l'a même loué.
Au cours de la même année, 11 Israéliens ont également été tués, soit 29 fois moins. Un rapport de 319 à 11. Le faible nombre de morts israéliens réjouit certainement de nombreux Israéliens, mais à côté de la joie, il n'y a aucun signe de ce qui devrait être une question inquiétante.
De quelle proportion s'agit-il ? Est-ce qu'elle témoigne simplement du rapport de force entre les deux camps ? Les tueurs des 319 sont-ils les bons, protégeant réellement leur vie, tandis que les tueurs des 11 sont des terroristes et des assassins dont les chefs ne doivent pas être rencontrés ?
Et surtout, combien de sang palestinien devra-t-il encore être versé avant que les Israéliens osent courageusement et honnêtement, pour la première fois dans l'histoire de ce pays, répondre à la question de savoir qui, ici, est un terroriste et qui se bat pour ses droits - avant de faire des déclarations incitant à ne pas rencontrer Abbas parce que, au bout du compte, c'est un terroriste.
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