Gilad Atzmon, 18/6/2021 (Note biographique)
Traduit par Fausto Giudice
Je suis légèrement amusé par les nombreuses voix qui célèbrent ce qui est perçu comme la fin de l'ère Netanyahou. Bien sûr, je ne suis pas un partisan de Netanyahou, loin de là, mais je reconnais à Netanyahou le mérite qui lui revient. Le « roi Bibi », comme ses partisans juifs l'appellent souvent, a en fait été un facteur crucial dans la montée de la résistance palestinienne et de l'unité palestinienne. Bibi était un pragmatique qui a réussi à entraîner sa nation, la région et même le monde entier dans une série de catastrophes, dans une tentative désespérée mais acharnée de se sauver lui-même. Bibi n'est pas un conspirateur. Il a tout fait au grand jour et, malgré cela, il reste l'homme politique le plus populaire d'Israël.
Comme je l'ai déjà souligné à maintes reprises, Israël n'est pas politiquement divisé. La grande majorité des membres de la Knesset (MK) israélienne sont à la droite de Netanyahou. L'establishment politique israélien est divisé sur Netanyahou, mais principalement en raison de divergences personnelles.
Israël est maintenant gouverné par une coalition très faible qui ne tiendra probablement pas longtemps. Un affrontement frontalier mineur à Gaza ou une marche de l'extrême droite juive à Jérusalem pourrait renverser le gouvernement et mettre fin à « l'esprit de changement » en Israël. Étant donné que le gouvernement actuel ne dispose que d'une majorité d'un seul membre de la Knesset, chaque membre de la coalition a le pouvoir de renverser le gouvernement ou d'exercer une pression importante sur le dirigeant. Le gouvernement est pratiquement paralysé.
Mais le problème est bien plus profond. La disparition potentielle de Netanyahou (que ce soit en se retirant de la vie politique ou en se mettant à l'abri de ses problèmes judiciaires dans un pays ami) entraînera l'effondrement immédiat de la coalition actuelle au profit d'un gouvernement d'ultra-droite. Un tel gouvernement bénéficierait du soutien d'au moins 80 membres de la Knesset. Il comprendrait ce qui reste du parti Likoud, les partis rabbiniques orthodoxes et, bien sûr, environ 20 à 25 des rivaux de droite de Netanyahou qui se sont retrouvés (momentanément) dans la coalition dite « du changement ».
Dans l'impasse politique compliquée qui s’est créée en raison de la tension non résolue entre Netanyahou et ses rivaux de droite (tels que Naftali Bennett, Gideon Sa'ar et Avigdor Lieberman), le parti islamiste et son leader Mansour Abbas sont devenus les faiseurs de roi. À première vue, le succès d'Abbas pourrait amener beaucoup plus d'Arabes israéliens aux urnes. Si les Arabes d'Israël voient un avantage à leur participation politique et décident de se rendre aux urnes à un rythme similaire à celui de leurs homologues juifs, ils pourraient presque doubler leur représentation à la Knesset. Les Arabes israéliens pourraient facilement devenir le bloc politique le plus important de l'État juif. Pourtant, la disparition de Netanyahou entraînerait un changement dans la direction totalement opposée. Avec une coalition juive de droite composée de 80 députés, personne ne serait dépendant du soutien du Ra'am ou de tout autre parti arabe.
Quelles sont les chances que Netanyahou disparaisse ? Cela dépend de l'évolution de son procès. Mais malgré certains appels à le remplacer au sein du parti Likoud, chaque militant de base du Likoud sait que l'avenir du Likoud et sa survie électorale dépendent totalement de Netanyahou et de son charisme. Non seulement il n'a pas préparé de successeur, mais il a travaillé sans relâche pour saper tous les politiciens doués qui l'entouraient. Il a fait de chaque alternative de droite montante son ennemi le plus acharné et, dans une certaine mesure, il doit son dégommage à lui-même.
Contrairement aux voix naïves qui parlent au nom de la Palestine en Occident mais comprennent à peine la région et ont trop peur de demander ce qui motive l'État juif, les stratèges du Hamas voient tout. Ils ont aidé Bibi à rester au pouvoir : il les a laissés gagner, ils l'ont laissé paralyser Israël et le laisser s'effondrer. Je crois aussi que Mansour Abbas sait lire la carte. Il sait que la gauche israélienne est un acte comique et compromis. Il sait que le Meretz et le parti travailliste se sont retirés du conflit et sont uniquement préoccupés par les questions climatiques et identitaires (LGBTQ en particulier). Mansour Abbas a fait un effort stratégique pour se lier à l'aile droite juive, pour former une coalition avec les partis orthodoxes. Bibi était heureux d'accueillir Abbas dans sa coalition, mais Abbas n'a pas atteint son objectif car les partis juifs d'ultra-droite ont identifié sa stratégie et ont travaillé dur pour la saper.
J'aurais pensé qu'à la lumière de ce qui précède, ceux qui souhaitent un seul État entre le Fleuve et la Mer devraient envisager d'accepter que Bibi puisse être la voie la plus sûre et la plus rapide vers un tel objectif.
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