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12/09/2021

EYAL PRESS
Les blessures du guerrier des drones

Eyal Press, The New York Times Magazine, 13/6/2018
Photos Dina Litovsky/Redux, pour le New York Times.
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala  

Eyal Press est un écrivain et journaliste qui contribue au New Yorker, au New York Times et à d'autres publications. Depuis le printemps 2021, il est également titulaire d'un doctorat en sociologie de l'université de New York. Il a grandi à Buffalo, qui a servi de toile de fond à son premier livre, Absolute Convictions (2006). Son deuxième livre, Beautiful Souls (2012), examinait la nature du courage moral à travers les histoires de personnes qui ont risqué leur carrière, et parfois leur vie, pour défier des ordres injustes. Choix de la rédaction du New York Times, le livre a été traduit dans de nombreuses langues et choisi comme lecture commune dans plusieurs universités, dont Penn State et son alma mater, l'université Brown. Son livre le plus récent, Dirty Work (2021), examine les emplois moralement troublants que la société tolère tacitement et la classe cachée des travailleurs qui les accomplissent. L’article ci-dessous, publié en 2018, est un élément de ce livre. Lauréat du James Aronson Award for Social Justice Journalism, il a reçu une bourse Andrew Carnegie, une bourse du Cullman Center à la New York Public Library et une bourse de la Puffin Foundation au Type Media Center. @EyalPress

Même les soldats qui combattent les guerres à une distance sûre se sont retrouvés traumatisés. Leurs blessures pourraient-elles être d'ordre moral ?

Un drone MQ-9 sous un pare-soleil sur la base aérienne de Creech au Nevada

Au printemps 2006, Christopher Aaron a commencé à travailler 12 heures d'affilée dans une pièce sans fenêtre du Centre d'analyse aéroporté de lutte contre le terrorisme (CTAAC) à Langley, en Virginie. Il était assis devant un mur de moniteurs à écran plat qui diffusaient en direct des flux vidéo classifiés provenant de drones en vol stationnaire dans des zones de guerre éloignées. Certains jours, Aaron a découvert que peu de choses intéressantes apparaissaient sur les écrans, soit parce qu'une couverture de nuages masquait la visibilité, soit parce que ce qui était visible - des chèvres broutant sur une colline afghane, par exemple - était banal, voire serein. D'autres fois, ce qui se déroulait devant les yeux d'Aaron était étonnamment intime : des cercueils transportés dans les rues après des frappes de drones ; un homme accroupi dans un champ pour déféquer après un repas (les excréments généraient une signature thermique qui brillait dans l'infrarouge) ; un imam parlant à un groupe de 15 jeunes garçons dans la cour de sa madrasa. Si un missile Hellfire tue la cible, se dit Aaron en fixant l'écran, tout ce que l'imam aurait pu dire à ses élèves sur la guerre de l'Amérique contre leur foi serait confirmé.

Les capteurs infrarouges et les caméras haute résolution fixés sur les drones ont permis de recueillir de tels détails depuis un bureau en Virginie. Mais comme Aaron l'a appris, il n'est pas toujours facile d'identifier qui se trouve dans la ligne de mire d'une frappe potentielle de drone. Les images sur les moniteurs pouvaient être granuleuses et pixellisées, ce qui permettait de confondre facilement un civil marchant sur une route avec une canne avec un insurgé portant une arme. Les personnages à l'écran ressemblaient souvent moins à des personnes qu'à des taches grises sans visage. Comment Aaron pouvait-il être certain de leur identité ? « Dans les bons jours, lorsqu'une foule de facteurs environnementaux, humains et technologiques étaient réunis, nous avions la forte impression que ce que nous regardions était la personne que nous recherchions », dit Aaron. « Les mauvais jours, nous devions littéralement deviner ».

Au début, les bons jours étaient plus nombreux que les mauvais pour Aaron. Il n'était pas gêné par les longs quarts de travail, les décisions sous haute pression ou l'étrangeté de pouvoir traquer - et potentiellement tuer - des cibles à des milliers de kilomètres de distance. Bien qu'Aaron et ses pairs passaient plus de temps à faire de la surveillance et de la reconnaissance qu'à coordonner des frappes, il leur arrivait de transmettre des informations à un commandant sur ce qu'ils voyaient à l'écran, et « 60 secondes plus tard, en fonction de ce que nous avions rapportés, vous pouviez voir si un missile avait été tiré ou non », dit-il. D'autres fois, ils suivaient des cibles pendant des mois. Les premières fois qu'il a vu un drone Predator libérer sa charge mortelle - la caméra zoomant, le laser se verrouillant, un panache de fumée s'élevant au-dessus du terrain brûlé où le missile a frappé - il a trouvé cela surréaliste, m'a-t-il dit. Mais il trouvait aussi cela impressionnant. Souvent, il ressentait une poussée d'adrénaline, alors que les analystes présents dans la salle échangeaient des high-five [« tape m’en cinq », signe de victoire, NdT].

Le parcours d'Aaron vers le programme de drones était inhabituel. Il a grandi à Lexington, dans le Massachusetts, dans un foyer où la viande rouge et les jeux vidéo violents étaient interdits. Ses parents étaient d'anciens hippies qui ont manifesté contre la guerre du Vietnam dans les années 1960. Mais Aaron vénérait son grand-père, un homme calme et imperturbable qui avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Aaron avait aussi le goût de l'exploration et des épreuves de force : la randonnée et l'errance dans les bois du Maine, où sa famille passait ses vacances chaque été, et la lutte, un sport dont l'exigence de discipline martiale le captivait. Aaron a fréquenté le College of William & Mary en Virginie, où il s'est spécialisé en histoire, avec une mineure en commerce. Athlète doué, indépendant et aventureux, il est une figure charismatique sur le campus. Un été, il s'est rendu seul en Alaska pour travailler comme matelot sur un bateau de pêche.

Pendant l'année junior [équivalent de la classe de 1ère au lycée, NdT] d'Aaron, en 2001, il est réveillé un matin par un appel téléphonique de son père, qui lui annonce que les tours jumelles et le Pentagone ont été attaqués. Aaron a immédiatement pensé à son grand-père, qui avait servi pendant trois ans comme officier de police militaire sur le front européen après l'attaque de Pearl Harbor. Il voulait faire quelque chose de tout aussi héroïque. Un an plus tard, après avoir repéré au bureau des services d'orientation professionnelle de William & Mary une brochure sur la National Geospatial-Intelligence Agency [NGA], une agence de sécurité nationale spécialisée dans l'analyse géographique et l'analyse d'images, il a posé sa candidature.

Aaron a commencé à travailler comme analyste en imagerie à la NGA en 2005, étudiant les images satellites de pays qui n'avaient aucun lien avec la guerre contre le terrorisme. Peu de temps après son arrivée, un courriel a circulé au sujet d'un groupe de travail du ministère de la Défense qui était en train d'être créé pour déterminer comment les drones pourraient aider à vaincre Al-Qaïda. Aaron a répondu à l'appel à volontaires et a rapidement travaillé au Centre d'analyse aéroporté de lutte contre le terrorisme. Il trouve exaltant de participer directement à une guerre qu'il considère comme le défi majeur de sa génération. Sa fierté s'est accrue lorsqu'il est devenu évident que la task force [force opérationnelle] avait un impact significatif et que l'utilisation des drones était en augmentation.

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11/09/2021

FAUSTO GIUDICE
Talibanistán: cementerio de imperios, cuna de imaginarios

Fausto Giudice, Basta Yekfi!, 5/9/2021
Traducido por María Piedad Ossaba, Tlaxcala & LaPluma

 

La entrada de los talibanes en Kabul el 15 de agosto de 2021 ha hecho tambalear muchas de las certezas que la maquinaria de propaganda mediática ha generado durante los últimos 20 años, empezando por la primera: que constituirían el mal absoluto. La prueba: negociamos con ellos, conversamos con ellos, intercambiamos información con ellos, los entrevistamos, los acompañamos en las patrullas, en definitiva, nos embarcamos con ellos.  Poco a poco pero con seguridad, la imagen de locos furiosos de Dios está siendo sustituida por la de padres tranquilos con chalecos amarillos que pretenden administrar su país como buenos padres de familia. Las manitas yihadistas pastunes de finales del siglo XX se han convertido en profesionales, en todos los ámbitos: militar, político, diplomático, comunicacional. En definitiva, en 20 años han aprendido la lección. Y han aprendido inglés. Lo hablan, mal, pero se les entiende. Un adjetivo aparece a menudo: “inclusive”, inclusivo. Van a incluir a todo el mundo en el Afganistán de la década de 2020: las mujeres, las minorías, e incluso los colaboradores bastardos que se fueron con la pasta, como  Nour o Dostom, y, por qué no, incluso el pequeño Massoud de Panshir. En resumen, a partir de ahora los talibanes van a afeitar gratis.

Viendo los reportajes y documentales producidos sobre Afganistán en los últimos 30 años, una cosa me llama la atención: los muyahidines de las montañas parecen hippies de los años 1960 y 1970, con sus barbas, sus largas cabelleras teñidas con henna y sus ojos delineados con khol. Son tímidos, reservados y desconfiados al primer contacto, pero, una vez establecido el contacto, son alurosos y fraternales. Un verdadero sueño gay californiano. Peace and Love más kalash, 4X4, youtube y walkie-talkie. Sólo queda esperar la serie de Netflix Love in Hindukush, cuya consecuencia lógica debería ser una decisión del Banco Mundial y del FMI de conceder un importante préstamo al Emirato Islámico para la reconstrucción del cementerio de los imperios. Estamos de verdad viviendo una época maravillosa.

 

Kabul, 1971. Fotos Jack Garofalo/Paris Match via Getty Images




Afghanistan: the new Taliban government
List of ministers and key figures


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Folter: Was Guantánamo aus ihnen machte

 

Im Kampf gegen den Terror sollte Mister X den Gefangenen Mohamedou Slahi brechen. Er folterte ihn – und ging selbst daran kaputt. Nun haben die beiden wieder miteinander gesprochen.

Bastian Berbner und John Goetz, DIE ZEIT Nr. 36/2021, 2.9. 2021

Mister X (links) folterte immer nachts. Mohamedou Slahi war der Gefangene 760 – der wichtigste Häftling im Lager. © Balazs Gardi für DIE ZEIT (links); Daouda Corera für DIE ZEIT (rechts)

Der Mann, der sich in Guantánamo "Mister X" nannte, trug, wenn er folterte, eine Sturmmaske und eine verspiegelte Sonnenbrille. Der Mensch, den er quälte, sollte sein Gesicht nicht sehen. Jetzt, 17 Jahre später, steht Mister X in seiner Garage in Irgendwo, Amerika, an einer Töpferscheibe. Ein Mann mit Glatze und ergrauendem Bart, am Nacken tätowiert. Seine Hände, groß und stark, formen einen graubraunen Klumpen Ton. Das Töpfchen wird nicht besonders schön werden, das sieht man schon. Er sagt, so sei das mit seiner Kunst, er fühle sich eher zu Hässlichem hingezogen.

Mister X hat lange überlegt, ob er Journalisten empfangen und darüber reden will, was damals geschah. Es wäre das erste Mal, dass sich ein Folterer aus Guantánamo öffentlich zu seinen Taten äußert. Dem Treffen an diesem Tag im Oktober 2020 sind zahlreiche Mails vorausgegangen. Jetzt endlich sind wir bei ihm. Ein Interview von mehreren Stunden liegt schon hinter uns, in dem Mister X uns von seiner grausamen Arbeit berichtet hat. Wir haben ihm erzählt, dass auch der Mann, den er damals malträtierte, gern mit ihm sprechen würde. Mister X hat geantwortet, einerseits habe er ein solches Gespräch 17 Jahre lang herbeigesehnt – andererseits habe er es 17 Jahre lang gefürchtet. Er hat um eine halbe Stunde Bedenkzeit gebeten. Beim Töpfern könne er gut denken.

Der Mann, der gern mit ihm sprechen möchte, heißt Mohamedou Ould Slahi und galt im Sommer 2003 als wichtigster Gefangener im Lager Guantánamo Bay. Von den knapp 800 Häftlingen dort wurde, nach allem, was bekannt ist, niemand so heftig gefoltert wie er.

Es gibt Ereignisse, die bestimmen eine Biografie. Die entfalten, auch wenn sie gemessen an der Lebenszeit gar nicht so lange andauern, in diesem Fall knapp acht Wochen, eine Kraft, die alles Davor in Vergessenheit geraten lassen und alles Danach in ihren Bann ziehen.

Damals, im Sommer 2003, war Mister X Mitte dreißig und Verhörer in der amerikanischen Armee. Er gehörte zum sogenannten Special Projects Team, dessen Aufgabe es war, Slahi zu brechen. Der Häftling hatte bisher hartnäckig geschwiegen, die Geheimdienste waren aber überzeugt, dass er wichtige Informationen besaß. Vielleicht sogar solche, die den nächsten Großanschlag verhindern oder zu Osama bin Laden führen könnten, der damals der meistgesuchte Terrorist der Welt war: der Anführer von Al-Kaida, der Hauptverantwortliche der Anschläge vom 11. September 2001.

Die Mission des Teams war es, das Böse zu besiegen. Um das zu erreichen, setzte es ihm ein anderes Böses entgegen.

Mister X folterte immer nachts. Mit jeder Nacht, die Slahis Schweigen andauerte, probierte er eine neue Grausamkeit aus. Er sagt, Folter sei letztlich ein kreativer Prozess. Wenn man Mister X zuhört, wie er schildert, was er getan hat, kann einem der Atem stocken, und manchmal scheint es Mister X beim Erzählen selbst so zu gehen. Dann schüttelt er den Kopf. Hält inne. Fährt sich durch den Bart. Kämpft Tränen zurück. Er sagt: "Mann, ich kann das selbst nicht glauben."

So wie er spricht, hat man nicht den Eindruck, dass das alles lange her ist. Tatsächlich ist es auch gar nicht zu Ende. Mister X sagt, es gebe kaum einen Tag, an dem er nicht über Slahi nachdenke oder an dem dieser ihn nicht im Traum heimsuche. Slahi war der Fall seines Lebens, im schlimmsten aller Sinne. 

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