08/12/2023

ROSA LLORENS
Un détail mineur, roman d’Adania Shibli : destruction et résistance de la Palestine

Rosa Llorens, 8/12/2023

Le 23 novembre dernier, Le Point titrait : « Le viol, arme de guerre du Hamas », employant ce procédé permanent des sionistes, l’inversion des charges. Le livre d’Adania Shibli vient donc à point : il a fait parler de lui à l’occasion de la Foire du Livre de Francfort, lorsque les responsables ont décidé d’annuler (ou suspendre sine die) son prix à la suite de l’opération palestinienne du 7 octobre ; ils ont voulu, disent-ils, condamner cette attaque et rendre plus audible la voix des auteurs israéliens (comme si elle risquait d’être étouffée !). Le sujet du livre était en effet brûlant : le massacre de chameliers bédouins et de leurs quelques bêtes, et le viol et l’assassinat d’une jeune fille, dans le désert du Néguev, en 1949, par un détachement militaire israélien.

Adania Shibli

Le récit est divisé en deux parties : la première suit, dans sa routine quotidienne, le commandant de ce détachement qui a pour  mission de contrôler la zone, occupée à la suite de la première guerre entre pays arabes et Israël, et d’en éliminer les Arabes qui s’y infiltreraient – ce qui se traduit par un massacre d’habitants traditionnels de la région, décrit de façon elliptique, puis, célébré par le commandant comme un haut fait d’armes : haranguant ses troupes, il expose une synthèse d’idéologie sioniste que l’auteur nous livre sans commentaires : le devoir des soldats est de combattre et chasser les « infiltrés » bédouins, incapables de mettre en valeur la région, pour permettre au peuple juif « en exil » de rentrer dans sa « patrie », et d’en faire une région florissante et « civilisée » ; il va jusqu’à accuser les chameaux de détruire la végétation du pays : « Nous ne devons pas laisser le Néguev ainsi : un désert pelé et ingrat, en proie aux nuisances des Arabes et de leurs bêtes ».

Dans la deuxième partie, 75 ans après, une jeune femme, qui, comme le commandant, n’a pas de nom, et que j’appellerai l’enquêtrice, raconte à la première personne sa découverte, grâce à un article dans le journal Haaretz, de cet « incident », et sa décision de se rendre sur les lieux, pour essayer de retrouver des indices, des témoignages, lui permettant de donner la version de la victime. Son récit se présente donc comme une sorte de nouvelle policière ; mais, comme elle doit enquêter d’abord dans un centre d’archives israélien, dans le Nord, à Jaffa, puis dans le Sud, dans le Néguev, ce sera aussi un road movie, et un véritable périple, qui nous donnera une idée des obstacles que les Palestiniens doivent affronter au quotidien, du fait du système élaboré par la bureaucratie militaire israélienne.  Israël est divisé en quatre zones, et les Palestiniens ne peuvent accéder qu’à certaines, voire seulement à leur zone d’habitation, en fonction de la couleur de la carte d’identité dont ils sont titulaires. En outre, chaque trajet est un voyage de découverte, car l’extension des murs, des zones militaires, des colonies transforme sans cesse le paysage, et rend les Palestiniens étrangers à leur propre pays. Cette destruction du pays est rendue manifeste par la superposition des deux cartes que l’enquêtrice consulte au cours de ses déplacements : une carte touristique israélienne, et une carte de la Palestine d’avant 1948 ; entre les deux, des dizaines, des centaines de villages et de chemins ont été anéantis.

Pourtant, à mesure que le récit avance, l’enquêtrice voit revivre le passé : elle retrouve le lieu du massacre de 1949, et celui du camp où la jeune Bédouine a été détenue et violée. On peut croire qu’elle va en quelque sorte lui redonner vie, et lui rendre justice ; toute une série de sensations et objets qui reviennent en écho de la première partie (aboiements de chiens, tuyau d’arrosage, odeur d’essence…) nous donnent en effet l’impression qu’elle remet ses pas dans ceux de la victime ; en fait, la solidarité entre les deux femmes ira beaucoup plus loin : au lieu d’être conjuré, le passé ne fera que se répéter.

Les deux parties semblaient s’opposer, en fait, c’est toujours la même catastrophe qui se répète (l’enquêtrice côtoie même Rafah bombardée, au Sud de la Bande de Gaza, avant de s’éloigner et de l’abandonner au « sort qui l’attend »). Le « détail mineur » du titre, c’est le fait que l’assassinat de la jeune fille se produit un 13 août, jour de naissance de l’enquêtrice ; mais on découvrira que c’est loin de n’être qu’une coïncidence : en fait, le viol de la jeune Bédouine n’a pas cessé de se reproduire jusqu’à nos jours, c’est le viol de la Palestine, comme nous l’annonçait la belle illustration de la page de titre, une anamorphose où on peut voir soit une carte de la Palestine, soit un visage féminin flouté.

Le problème posé à l’auteure, comme aux autres écrivains et cinéastes qui traitent de la situation des Palestiniens, c’est que l’excès de souffrances et d’injustices risque d’aboutir à décourager, abattre le lecteur. Les romanciers sud-américains des années 50-70 ont mis au point, pour décrire les horreurs des dictatures sanglantes et sadiques mises en place par les USA, le système du réalisme magique, qui obtenait une distanciation par une exagération épique. Les artistes qui parlent de la Palestine arrivent à la même distanciation par un procédé contraire : le choix d’un style sobre et objectif : c’est ainsi qu’A. Shibli se réfère constamment au drame comme à un « incident », ou que le viol n’est suggéré qu’à travers les grincement d’un sommier (c’est ainsi aussi que Till Roeskens, dans Vidéocartographies : Aïda, Palestine, décrivait les drames et les difficultés du camp en filmant des schémas de l’évolution obligée des déplacements de ses habitants à mesure qu’il était bloqué par les Israéliens).

 Mais les notations apparemment anodines qui parsèment le récit, et qui se répètent en leitmotive, s’avèrent en fait symboliques (comme le chancre du commandant qui, comme Israël, s’étend inexorablement), lui donnant, malgré sa sobriété, de la profondeur, et l’imprégnant d’une angoisse que le lecteur partage avec la protagoniste. C’est la beauté et la force de ce style à la fois très simple et ciselé qui apporte, en plus de l’émotion, une catharsis, et un espoir.

ISBN : 978-2-330-14209-4
Livre papier : 16.00€
Ebook : 11,99€

 

07/12/2023

ROSA LLORENS
Joséphine, combien de divisions ?
Napoléon, de Ridley Scott ou la mystification des biopics

Rosa Llorens, 7/12/2023

 A lire les critiques sur le Napoléon de Ridley Scott, il semble qu’on n’ait d’autre choix que d’aimer ce blockbuster ou d’apparaître comme un franchouillard admirateur de Napoléon.  Les commentateurs français regrettent alors que le film ne mette pas assez en valeur le génie militaire de l’Empereur, et les aspects positifs de sa politique intérieure – ici intervient la tarte à la crème du Code Civil. On saisit bien là le rôle des médias : quand ils ne portent pas aux nues ou ne dénigrent pas carrément un film, ils posent en tout cas pour nous les limites de la réflexion.

Bien sûr, il y a une autre position possible : dénigrer le film et haïr Bonaparte.

Quel est l’atout de cet énième film sur Napoléon ? Le rôle attribué à Joséphine, qui serait l’explication de toute la vie publique et des entreprises guerrières de Bonaparte. D’abord, ce n’est pas une idée très originale : il suffit de consulter Wikipédia pour trouver une quinzaine de films centrés sur Joséphine, parmi eux Joséphine, l’atout irrésistible de Napoléon, téléfilm tourné pour Secrets d’Histoire - Stéphane Bern, inspirateur de Ridley Scott ? L’idée centrale de Napoléon est en effet d’une puérilité confondante : après deux siècles d’historiographie sérieuse, sinon « scientifique », on en est encore à chercher l’explication des grands événements de l’Histoire dans la vie sentimentale des « grands hommes » ? 

Napoléon Bonaparte observant à la dérobée Joséphine et Madame de Fontenay, alias Teresa Cabarrús, alias Madame Tallien, dansant nues devant Paul Barras. Caricature de James Gillray, Londres, 1797

Certes, on peut mettre en avant le rôle de public relations de Joséphine, sa place dans les salons des Merveilleuses du Directoire et du Consulat, en concurrence avec Madame Tallien et Juliette Récamier, entre autres.  Mais alors, il faudrait s’intéresser aux hommes dont ces salons diffusaient les mots d’ordre, Tallien, Barras, Cambacérès ; il faudrait faire, non pas un portrait, mais le tableau de tous ces requins qui émergent après Thermidor, ceux dont le mérite essentiel était d’avoir « survécu », tel Talleyrand, à la Révolution, grâce à leur absence de convictions politiques ; car ils ne voyaient dans les événements que des occasions de s’enrichir par leurs spéculations. La période qui voit l’ascension de Bonaparte est le règne des affairistes, de ce qu’on a appelé en Russie, dans les années 90, les oligarques. Ce qu’il faudrait faire entendre, derrière les minauderies des Joséphine, ce sont les arrangements entre banquiers et fournisseurs aux armées, pour procurer de l’argent aux ambitieux qui devaient remettre de l’ordre dans le pays, cet ordre social et politique nécessaire aux affaires. C’est ainsi qu’une vingtaine, réduite plus tard à une dizaine de banquiers, fonde en 1799 le groupe des Négociants réunis (rien qu’au nom, on sent la magouille !), dont le fournisseur aux armées Ouvrard sera un élément permanent, reconstituant ainsi les Fermiers Généraux de l’Ancien Régime.

Au lieu d’insipides « Barbie et Ken sous l’Empire » (formule heureuse du Figaro Magazine), ce dont on aurait besoin, c’est de films comme Mille millions de dollars, de 1982, avec Patrick Dewaere et Mel Ferrer, où Verneuil montrait comment les entreprises USaméricaines avaient continué à collaborer avec les entreprises nazies pour la production guerrière. La bêtise des biopics apparaît de façon magistrale quand on relit l’immense Guerre et Paix, où Tolstoï s’attache à ridiculiser la croyance des historiens (et, ajouterait-on aujourd’hui, des réalisateurs) dans le rôle prépondérant des décisions des « grands hommes », des héros – croyance particulièrement grotesque quand on parle d’un individu aussi vaniteux, arrogant, grossier, criminel et borné (oui, borné, car quelqu’un qui manque de tout sentiment humain ne peut que manquer aussi d’intelligence) que Napoléon.

Arrivons donc au glorieux Napoléon, que tout bon Français se devrait d’idolâtrer.

Inutile de s’attarder sur la question classique : dans quel sens Napoléon a-t-il achevé la Révolution (l’a-t-il portée à son terme ou liquidée) ? Issu d’une famille aristocratique déclassée, Napoléon n’a eu de cesse d’affubler tous les membres de sa famille de titres ronflants (roi, vice-roi, grand-duc, prince…) afin de constituer une nouvelle dynastie (les Bonaparte après les Bourbon). Passons à son œuvre intérieure : les tentatives pour unifier les lois françaises remontent à Louis XIV (ce dont Voltaire, dans son ouvrage historique Le siècle de Louis XIV, le félicite). Elles reprirent à la fin de l’Ancien Régime et, pendant la Révolution, des Comités furent constamment occupés à la rédaction d’un Code Civil ; Cambacérès en fut le principal maître d’œuvre, et il continua à l’être sous le Directoire et finalement l’Empire. La seule contribution de Napoléon est de lui avoir donné son nom en 1804. Quand bien même il l’aurait entièrement rédigé, en en dictant les articles à 20 secrétaires simultanément, y aurait-il lieu de lui en faire un mérite ?

Le Code Civil n’a rien de novateur, encore moins de progressiste, c’est le code de lois dont on avait besoin pour reprendre tranquillement les affaires après quinze ans de désordres ; les féministes devraient le vouer aux gémonies, puisqu’il fait de la femme une éternelle mineure, qui passe de l’autorité paternelle à l’autorité maritale (c’est là un terrible recul, au Moyen Âge, les femmes avaient davantage de droits) ; il n’y est pas question des droits des Noirs, l’esclavage ayant été officiellement rétabli en 1802 (c’est là qu’on pourrait parler de Joséphine, fille de planteurs martiniquais possédant 200 esclaves) ; enfin, tout pouvoir est donné aux  patrons (mais il en était déjà ainsi depuis 1791 et les Lois Le Chapelier de sinistre mémoire) dans leurs rapports avec les ouvriers, à qui il est interdit de se concerter entre eux. En général, le Code Civil supprime tout type de propriété non individuel : c’est le triomphe de la propriété bourgeoise.

Mais le prestige de Napoléon vient essentiellement de ses entreprises militaires : ainsi, en octobre 1795 (Vendémiaire), il fait tirer au canon sur des insurgés royalistes : quel courage, quelle ingéniosité stratégique ! Plus tard, en 1799, il prendra l’habitude (il y reviendra en 1812, lors de la retraite de Russie) d’abandonner ses troupes, les laissant dans les conditions les plus catastrophiques. Avant cette fuite, il avait étendu ses opérations à la Palestine et la Syrie, se livrant à de terribles exactions et massacres (à Jaffa, 4000 prisonniers sont fusillés ou décapités : Chateaubriand, dans ses Mémoires d’Outre-Tombe, décrit ce carnage.) La cruauté*, la lâcheté, l’égoïsme narcissique ou l’irresponsabilité de Bonaparte-Napoléon ne font pas de doute.

 Mais il reste son génie stratégique ! Ironie du sort, Saint Jean d’Acre fut victorieusement défendu contre lui par son ex-condisciple à l’Ecole Militaire et collègue artilleur, le colonel émigré Antoine de Phélippeaux ; et, Dans Guerre et Paix, Tolstoï prend un plaisir tout particulier à démythifier le génie de Napoléon : il démontre que les batailles ne se déroulent jamais comme on les décrit, après coup, dans les rapports des officiers : ainsi, à Borodino, dernière bataille avant la fatidique entrée à Moscou, aucun des ordres de Napoléon ( pas plus que de Koutouzov du reste, mais Koutouzov ne se prenait pas pour un génie) n’a été exécuté, la bataille se déroulant dans une confusion, pourrait-on dire, quantique (les unités qu’on veut déplacer n’étant plus au même endroit quand l’ordre arrive). Et, pendant l’occupation de Moscou, puis la débâcle, Tolstoï montre que Napoléon prend les décisions les plus catastrophiques possible. De façon générale, les théoriciens trouvent toujours des raisons pour qualifier de géniaux les dispositifs les plus stupides : pourvu qu’ils aboutissent à la victoire, on ne les contredira pas ; mais que les revers arrivent, toutes les fautes apparaissent. Tolstoï ne croit pas au génie militaire et aux dispositifs savants des théoriciens (Die erste Kolonne marchiert…, s’amuse-t-il à parodier) mais à la motivation d’un peuple qui mène une guerre de survie et de libération.

200 millions de dollars pour nous faire croire que l’épopée napoléonienne est avant tout un beau roman d’amour (un spectateur qui réagit dans Allociné ou Sens critique attribue à Napoléon cette recommandation à Joséphine : « Ne te lave pas, j’arrive », - même si on l’a toujours connue comme adressée par Henri IV à Gabrielle d’Estrées).  Comment lutter contre cette politique de crétinisation du public ? On peut certes regarder chez soi le Napoléon de Bondartchouk de 1970, ou Adieu Bonaparte (1985) de Youssef Chahine, où Patrice Chéreau nous offre une interprétation hilarante de Bonaparte dansant avec conviction à la mode arabe (on peut bien parler d’une danse du ventre) devant des dignitaires égyptiens ; mais rien à voir avec la force de frappe publicitaire des plates-formes USaméricaines.

*Je ne résiste pas à l’envie de recopier ce spécimen de prose et de tartufferie bonapartiste, trouvé dans Wikipédia : La « commission militaire » (conseil de guerre) chargée de juger de juger l’assassin (kurde) de Kléber en 1800 « a cru devoir, dans l’application de la peine, suivre les usages de l’Égypte : elle a condamné l’assassin à être empalé après avoir eu la main droite brûlée » (lettre publiée dans Le Moniteur du 6 septembre 1800).

 

03/12/2023

The West and Israel's crimes in Gaza! Der Westen und Israels Verbrechen in Gaza! غرب و جنایت اسراییل در غزه

             

Der Westen und Israels Verbrechen in Gaza!

 Mostafa Ghahremani

 03.12.2023

Seit dem Ende des Waffenstillstands wurden allein in den letzten 24 Stunden 700 Zivilisten in Gaza durch den ununterbrochenen Angriff der Armee des israelischen Besatzungsregimes getötet.

Wo ist der grosse Philosoph Jürgen Habermas? Wird er dieses Mal wenigstens vom Massaker Israels sprechen?

Ist das die Legitimität und die moralische Autorität des Westens und sein Respekt vor den universellen Menschenrechten, die er tagtäglich schulmeisternd in die Welt hinausposaunt.

Betrachten die Europäer diese neuen "Verdammten der Erde" in Gaza überhaupt als  unsere Mitmenschen, als unsere Brüder und Schwester?

Warum werden sie dann auf einmal so still und wortkarg?

Für mich besteht kein Zweifel mehr daran, dass das europäische Wertesystem im Kern immer noch diskriminierend ist und auf den Werten der Apartheid basiert.

Das vom Westen geduldete Verbrechen und der Völkermord in Gaza ist eine Wahrheit, die sie weder reinwaschen noch verbergen können. Oder sollte der Krieg in Gaza als ein Beginn der „zweiten Kreuzzüge“ bezeichnet werden?

 

The West and Israel's crimes in Gaza!

 Mostafa Ghahremani

3/12/2023

 

Since the end of the ceasefire, 700 civilians in Gaza have been killed in the last 24 hours alone by the continuous onslaught of the Israeli occupation regime's army.

Where is the great philosopher Jürgen Habermas? Will he at least talk about Israel's massacre this time?

Is this the legitimacy and moral authority of the West and its respect for the universal human rights that it preaches to the world every day?

Do Europeans even consider these new "Wretched of the Earth" in Gaza to be our fellow human beings, our brothers and sisters?

Then why do they suddenly become so quiet and taciturn?

There is no longer any doubt in my mind that the European value system is still fundamentally discriminatory and based on the values of apartheid. The crime and genocide tolerated by the West in Gaza is a truth that they cannot whitewash or hide.

Or should the war in Gaza be described as a beginning of the “Second Crusades”?

 

غرب و جنایت اسراییل در غزه!

 مصطفی قهرمانی

   3 دسامبر 2023

 

پس از پایان آتش‌بس تنها در ۲۴ ساعت گذشته ۷۰۰ نفر غیرنظامی در غزه بر اثر تهاجم بی‌وقفه ارتش رژیم اشغال‌گر اسرائیل کشته شده‌اند.

کجاست جناب یورگن هابرماس که این‌بار لااقل از کشتار اسرائیل نیز بگوید. این است مشروعیت و اقتدار اخلاقی غربی و احترامش به حقوق‌ جهان‌شمول بشر که آنها هر روز آن‌را با تبختر برای جهانیان تبلیغ می‌کنند.

آیا اروپایی‌ها مردم بی‌پناه غزه را اصلاً در زمره ابنا بشر می‌دانند؟ پس چرا آنها اين‌گونه دچار خفقان شده‌اند. برای من دیگر جای هیچ شکی باقی نمانده است  که نظام ارزشی اروپایی هنوز در هسته‌ مرکزی خود به‌غایت تبعیض گرا و مبتنی بر ارزش‌های آپارتایدگونه می‌باشد.

جنایت و نسل‌کشی‌ در غزه حقیقتی است که آنها آن را نه دیگر می‌توانند سفید شویی کنند و نه کتمان.

جنگ غزه را بایستی آغاز دیگری برای "جنگ های صلیبی دوم" بنامیم.

 

 

 

 

 

 

Paris, 5 décembre 2023 : rencontre avec Antonio Beltrán Hernández et les éditions The Glocal Workshop


 

28/11/2023

SAMAN MUDUNKOTUWAGE
Le Sri Lanka, une proie pour tous les requins

 Saman Mudunkotuwage, 25/11/2023
L’auteur est un exilé srilankais vivant en France

Le conflit entre les puissances internationales et régionales dans l’océan Indien s'intensifie depuis le Sommet du G20 qui s’est tenu en septembre dernier, organisé par le Premier ministre indien Narendra Modi.

Deux mois après cette réunion, où le grand absent était la Chine, l’ United States International Development Finance Corporation (DFC) , une agence du gouvernement fédéral américain, a injecté 550 millions de dollars au profit du Groupe ADANI, une société multinationale indienne qui a déjà investi 700 millions de dollars dans le développement d’une partie du port de Colombo, en dépit de l'opposition et des protestations des syndicats et des dockers.

De ce fait, les médias occidentaux posent la question de savoir si les Américains et les Indiens n’auraient pas passé un accord pour s’opposer l'expansion chinoise dans l'île de Ceylan, au vu de sa situation stratégique dans l’océan Indien.


Namal Amarasinghe

Au lendemain de cet investissement, la Banque mondiale a également accordé à ce pays un crédit de 150 millions de dollars, au prétexte de sauver l’épargne et la stabilité financière du pays.

Ce conflit d'intérêt entre les impérialistes et les puissances régionales concernant Ceylan et sa situation stratégique n'est pas une nouveauté :

- Le 25 mars 1802, le traité d'Amiens, signé entre le Royaume-Uni d’une part et la France napoléonienne, l’Espagne et la République Batave (ex-Provinces-unies, futurs Pays-Bas) d’autre part, aurait dû confier l'île à la France. Mais les Britanniques ont finalement gardé cette clef de l’accès à l’océan Indien.

- La République batave, installée en maître à Colombo, a refusé de remettre le pays aux Britanniques, en dépit de la lettre envoyée par son chancelier en exil à Londres après la guerre de l'ensemble de monarchies européennes contre la France révolutionnaire. En attaquent les possessions hollandaises avec le soutien de l'armée cinghalaise, les Britanniques ont donc pris le contrôle de ces territoires et ports maritimes.

Cela démontre parfaitement l'intérêt militaire que représente Ceylan (devenu Sri Lanka), avec ses rades naturelles similaires à celles de la presqu'île de Crimée ou de Djibouti, aux yeux des pays impérialistes. Aujourd’hui, ce pays est partagé entre les pays impérialistes et la Chine.

Lors de la visite-éclair du président français en juillet dernier, certains médias et experts de cette région ont également évoqué cette question. La DFC a indiqué que son prêt de 550 millions de dollars ne modifiait pas la dette de 55 milliards de dollars due par le Sri Lanka à divers bailleurs de fonds, mais que « ce prêt améliorerait la situation de nos alliés dans la région ».

Tiens donc ! Cette phrase nous rappelle l’histoire d'un autre carnage et de la déclaration cynique de la secrétaire d'État américaine, Condoleeza Rice, après le tsunami de 2004 : « Le tsunami représente pour nous une opportunité merveilleuse ». A chaque fois que ce peuple lutte pour sa survie, son malheur représenterait une merveilleuse opportunité d'améliorer la situation des impérialistes ? Rien que ça !

Tous les experts économiques, sans exception, indiquent que l'économie du Sri Lanka s’est effondrée en raison de son rapprochement avec les valeurs néo-libérales propagées par les néoclassiques de l'école des Chicago Boys. L'ouverture à l'importation massive, la réduction de ses exportations de 80%, et le blocage de toutes les interventions de l’État dans le domaine économique sont des facteurs majeurs du désastre politique et social dans ce pays.

Force est de constater que l'économie sri-lankaise est fondée sur trois secteurs prépondérants, à savoir le textile, le tourisme et les fonds des diasporas. Dès lors que ces trois secteurs entrent en crise, le Sri Lanka est à chaque fois confronté à des difficultés sans précédent. Après l'épidémie de coronavirus en 2020, 25% de la population du pays souffrent d’extrême pauvreté, selon un rapport du 23 septembre 2023. La dette extérieure atteint 55 milliards de dollars.

Aragalaya/The Struggle [La lutte], le raz-de-marée de révolte qui a déferlé sur le Sri Lanka de mars à juillet 2022, a conduit à la fuite du président Gotabaya Rajapaksa et à la démission de tous les membres de sa famille installés à des postes-clé, mais son remplacement par Ranil Wickremesinghe n’a rien changé.

Le peuple et la jeunesse se sont révoltés contre le régime en 2022, mais avant qu’ils aient pu atteindre leurs objectifs, la situation prérévolutionnaire a été confisquée par le système en place avec l'aide du FMI et autres bailleurs du fonds. Le 20 octobre 2023, le FMI a bloqué l’octroi d’un prêt de 333 millions de dollars, en accusant le pouvoir de Colombo de n’avoir pas assez collaboré avec le programme d'austérité proposé par cet organisme. La classe ouvrière s’oppose à tous les programmes de privatisation des ressources naturelles du pays, telles que l'eau, les terres, les assurances, la distribution d'énergie, les compagnies aériennes ou le patrimoine culturel, etc. Voilà la vraie raison du retard dans ce versement. Quant au régime en place, il a reporté toutes les élections municipales et provinciales sous prétexte d’un manque d'argent. Le Président par intérim a déclaré à l'Assemblée nationale que la montée du communisme est à l'origine de ce report. Ils veulent retarder ces élections pour gagner du temps, croyant que les impérialistes finiront par se porter à leur chevet ou que la crise mondiale va se terminer.

La question de l’octroi de ces 555 millions de dollars est une démonstration parfaite de la façon dont l’impérialisme intervient pour sauver ce système pourri, contre l'instauration d'un pouvoir soutenu par le peuple sur la base de la démocratie directe, exigée par les luttes et l'occupation par la jeunesse du Parc Galle Face Green à Colombo en 2022. Face à l’endettement du pays d’une part et aux exigences de la jeunesse et du peuple d’autre part, la classe capitaliste sri-lankaise s'apprête à accepter n'importe quelles concessions suggérées par les impérialistes et les puissances régionales pour sauvegarder son système corrompu.

La guerre d'Ukraine-Russie et d'Israël-Palestine va provoquer une nouvelle montée des taux d'intérêts et l'inflation mondiale va à nouveau toucher de plein fouet les trois ressources économiques du Sri Lanka - textile, tourisme et transferts de fonds des membres de la diaspora qui travaillent majoritairement dans les pays du Golfe et au Machreq. La crise qui se développe au Bangladesh est un bon exemple pour comprendre le désarroi de la classe ouvrière du textile dans la région et le reste du monde. De ce fait, l'injection de dollars par les impérialismes et leurs institutions financières en contrepartie d’occupations militaires et d’acquisitions économiques ne calmeront pas la résistance de la classe ouvrière et du peuple qui se battent pour leur propre émancipation.

Aragalaye Smarakaya’, le Monument à la Lutte, connu sous le nom The Slipper (la tong), une œuvre de l’artiste Salinda Roshan installée sur l’emplacement du Gotagogama, le Village Gotabaya Dégage !, est fortement symbolique : elle montre une tong écrasant un bidon de gaz lacrymogène.

26/11/2023

GIDEON LEVY
Est-il permis de se réjouir de la joie des Palestinien·nes libérés des prisons israéliennes ?

 Gideon Levy, Haaretz, 26/11/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Ce week-end a été marqué par des montagnes russes qui n’ont laissé personne indifférent. Les images des otages libérés, des vieilles femmes et des petits enfants, étaient dignes d’un millier de telenovelas à la fin heureuse.

Emad Hajjaj, Jordanie

Voir Emilia, six ans, pleurer ; voir Ohad, neuf ans, frissonner ; voir la libération d’Hannah Katzir, déclarée morte par le Djihad islamique palestinien, et de Yaffa Adar, qui a survécu à la captivité à l’âge de 85 ans, et avoir la gorge nouée.

Le fait que tous soient en bon état de santé est un motif de soulagement et de bonheur. C’est à cela que ressemble la joie nationale, mélangée au chagrin, à l’anxiété et à la déconfiture qui ont prévalu en Israël depuis le 7 octobre. Qu’ils reviennent tous, tout simplement.

Israël dans sa joie mitigée, et les Palestiniens dans leur joie mitigée. Est-il permis de se réjouir de leur joie ? Qui a même le droit de se réjouir dans ce pays ? La police des émotions a fixé des limites : Les Palestiniens ne peuvent pas se réjouir.

Des représentants de la police israélienne ont visité les maisons des personnes libérées à Jérusalem-Est, avertissant les occupants de s’abstenir de toute manifestation de joie. Nous avons le droit de nous réjouir du retour de nos enfants ; ils n’ont pas le droit de se réjouir du retour des leurs. Mais l’interdiction ne s’arrête pas là. Nous n’avons pas non plus le droit de les regarder se réjouir.

Le lendemain du retour des otages, le soleil s’est levé sur Gaza. C’était le premier matin depuis 50 jours consécutifs que le ciel de Gaza n’était pas couvert de panaches de fumée et de poussière dus aux bombardements. Les gens ne fuyaient pas pour sauver leur vie, tentant impuissants d’échapper aux bombes qui pouvaient tomber à tout moment sans avertissement. Les enfants, inquiets la nuit, mouillent encore leur lit (pour ceux qui en ont un), mais moins qu’avant. Est-il permis de se réjouir de cela en Israël ?

Enterrement de personnes tuées lors du bombardement israélien de l'hôpital Al Shifa, dans une fosse commune dans la ville de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, mercredi 22 novembre 2023. Mohammed Dahman/AP Photo

À une heure de route des hôpitaux où les familles ont été réunies, suscitant une joie nationale, des scènes similaires ont été observées à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Un père qui n’avait pas vu sa fille depuis huit ans l’a retrouvée dans une étreinte déchirante. Une femme a couru hystériquement vers sa fille, incarcérée depuis sept ans.

J’ai vu la mère de Malek Salman, de Beit Safafa, étreindre sa fille en pleurant et en criant. “Mama, mama”, a crié Malek, et j’ai ressenti de la joie. Est-ce une transgression ? Un défaut psychologique ? Un défaut moral ?

Trente-neuf femmes et mineurs palestiniens ont également quitté la prison pour retrouver leur famille et la liberté. Certains ont été condamnés pour des attaques à l’arme blanche, la possession d’un couteau ou une tentative de meurtre, d’autres pour des jets de pierres ou des peccadilles mineures. Aucun n’est innocent du crime de résistance violente contre l’occupation, et l’État était en droit de les juger et de les punir [sic]. Mais ce sont aussi des êtres humains.

Les enfants sont certainement des enfants, même lorsqu’il s’agit de jeunes lanceurs de pierres, condamnés en Israël à des peines de prison disproportionnées et à des conditions bien pires que les accusés juifs de leur âge. J’ai également été heureux de les voir sortir libres. Je sais que ce n’est pas permis.

Dans l’un des moments exceptionnels de la couverture télévisée péniblement unilatérale en Israël, Channel 13 News a montré un très bref moment de joie palestinienne au retour d’une fille. Almog Boker, journaliste de terrain dans l’âme, qui, de guerre en guerre, devient de plus en plus nationaliste et ne peut prononcer le mot Hamas sans y adjoindre le mot “nazis”, s’est écrié, indigné : “Nous ne devons pas montrer çà !”

Le journaliste Raviv Drucker a tenté de le convaincre qu’il est important de montrer que les Palestiniens sont heureux afin de révéler leur vrai visage - après avoir échoué à le persuader que tout doit être rapporté, tout simplement parce que c’est la raison d’être du journalisme.

Boker pense qu’en temps de guerre, les seules choses qui doivent être montrées sont celles qui servent les intérêts d’Israël. Et en effet, dans les médias israéliens, non seulement la souffrance de Gaza est bannie de l’écran, mais la joie des parents au retour de leur fille de prison l’est aussi, de peur que nous ne soyons tentés de penser qu’ils sont aussi des êtres humains, avec des sentiments et tout le reste.

C’est l’époque des grandes fluctuations émotionnelles. Les montagnes russes montent et descendent, et il est normal d’y laisser une petite place pour la petite joie des Palestiniens. La guerre, nous répète le gouvernement, n’est que contre le Hamas.

 

Kenny Tosh, Nigeria 

25/11/2023

Les femmes soldates qui ont averti de l’imminence d’une attaque du Hamas le 7 octobre, et qui ont été ignorées
Le blues des tatzpitanit de l’armée israélienne rescapées du Samedi noir

NdT
Les deux articles ci-dessous, du correspondant militaire du quotidien israélien Haaretz, jettent une lumière aveuglante sur le merdier qu’est devenue “l’armée la plus morale du monde”, actuellement occupée à commettre un génocide pour exercer “le droit à la défense” de “la seule démocratie du Moyen-Orient”. L’’état de l’’armée israélienne évoque de plus en plus celui de l’armée US au Vietnam à partir de l’Offensive du Têt du FNL au Sud-Vietnam en février 1968 : une armée-patchwork traversée par des clivages et des incompatibilités de toutes sortes : ethniques, idéologiques, culturels, de genre, en un mot anthropologiques. Aujourd’hui, la galère des petites guetteuses, véritables cyber-esclaves .-FG

Yaniv Kubovich, Haaretz, 20/11/2023

Tout au long de l’année écoulée, les guetteuses des Forces de défense israéliennes (FDI) stationnées à la frontière avec Gaza, toutes des femmes, ont averti que quelque chose d’inhabituel était en train de se produire. Celles qui ont survécu au massacre du 7 octobre sont convaincues que si des hommes avaient tiré la sonnette d’alarme, la situation serait différente aujourd’hui

 

Photo : Ariel Shalit / Animation : Aron Ehrlich

Trois jours après le massacre du 7 octobre dans le sud d’Israël, Mai - une guetteuse qui sert dans la division de Gaza des FDI et qui a survécu à l’assaut meurtrier du Hamas contre sa base militaire près de la frontière - a reçu un appel téléphonique à son domicile.

Au bout du fil, une personne de la division des ressources humaines de l’armée. « Si tu ne reviens pas à ton poste, l’a-t-elle prévenue, c’est de l’absentéisme en temps de guerre et ça peut te valoir jusqu’à dix ans de prison ». Des messages identiques ont également été envoyés à des collègues de la base militaire qui, comme elle, s’étaient retrouvées le Samedi noir enfermées dans une salle d’opérations, “armées” uniquement de leurs téléphones cellulaires, alors que les terroristes du Hamas se déchaînaient.

« Nous avons essayé d’expliquer que nous ne pouvions pas revenir au boulot », raconte Mai. « Nous avons perdu nos camarades. Nous avons passé des heures à nous cacher, au milieu des cadavres, dans cette salle d’opérations ».

23/11/2023

Argentina: Javier Milei, un canalla tiktoktokado, enviado a la Casa Rosada por la chusma tiktoktokera

 Fausto Giudice,, 21/11/2023
Traducido por Luis Casado, Tlaxcala

David Pugliese

 El 10 de diciembre próximo, Javier Milei se instalará en la Casa Rosada, situada en la Plaza de Mayo en Buenos Aires. El 58º presidente argentino llegará allí con sus perros clonados, su hermana rasputiniana y su concubina telegénica. Se supone que permanecerá allí hasta el 2027, a menos que no se fugue en helicóptero en pleno mandato, como hizo uno de sus predecesores, Fernando de la Rúa, el 20 de diciembre 2001. En este país aplastado por una política surrealista, uno puede esperarse a todo.

 Vistas sus prestaciones públicas desde hace algunos años, Milei merece su apodo: El Loco. Hizo todo, dijo todo, desembaló todo, sobre su infancia desdichada, la pérdida de su perro, su práctica del yoga tántrico, blandiendo la motosierra con la que va a decapitar el Banco Central, el Ministerio de la Mujer, el de la Cultura, el del Bienestar Social y el Museo de la Memoria de la ex-ESMA.

Prohibirá el aborto, autorizará la venta de niños, la venta de órganos y el armamento de los buenos ciudadanos de bien apasionados de legítima defensa, privatizará el petróleo y el gas de esquistos, y un gran etcétera.

 Dicho de otro modo, no tiene programa, pero profirió a lo largo de su campaña eructos a diestra y siniestra. Poco antes de la segunda vuelta, cayendo en la cuenta que había ido un poco lejos, buscó tranquilizar a los electores:  « Tranquilos, no privatizaré ni la Salud ni la Educación ».

En resumen, El Loco es un mosaico: una dosis de humpy-trumpy, una cucharada de bolsonaritis, un efluvio de zelenskiada, aliño de meloni-abascaliadas con una cascarita de marina-orbanidad, y todo a la salsa porteña*.

 Y el payaso la rompió entre los de arriba, entre los del medio, y sobre todo entre los pringaos.

Los descamisados, término despectivo -asumido por los peronistas- para designar a los pringaos, le hicieron un triunfo a Juan Domingo Perón en 1946, en 1951 y, mucho después del golpe de Estado de 1955 que lo envió al exilio, al inicio de los años 1970. Luego el movimiento peronista se dividió en facciones totalmente opuestas: de un lado el ala marchanta-revolucionaria, algo teñida de marxismo y de teología de la liberación, y el ala fascista, dirigida por Lopez Rega, el Rasputín de Perón y de su viuda Isabelita, organizador de los comandos de asesinos de la Triple A, la Alianza Anticomunista Argentina.

 Al salir de las sombras después de la caída de la dictadura en 1983, el peronismo no ha hecho sino derivar de líder en líder: Menem, Duhalde, Kirchner I (el marido, Néstor) y Kirchner II (la mujer, Cristina) y finalmente Alberto Fernández.

Ochenta años después de su nacimiento, luego de la Revolución de 1943, el peronismo está definitivamente muerto. Lo que fue en su día un maremoto obrero y popular que escogió como primer nombre el inimitable « Partido Único de la Revolución », antes de rebautizarse « Partido Justicialista » y cambiar de nombre a cada gran elección, devino en una canasta de escorpiones matándose entre ellos en la carrera por los curules y los taburetes.

 Los descamisados de hoy, el 42% de la población clasificada pobre, no son los del siglo pasado. Para 46 millones de habitantes, se cuentan 38,2 millones de teléfonos « inteligentes ». No sorprende pues que los tiktokeros hayan votado por un pirado. La alternativa el Señor 648% de inflación, el ministro de Economía Sergio Massa. Al presentarlo como candidato a la presidencia, el postpostpostneoneoperonismo se hizo el hara-kiri.

De ello dan testimonio los resultados del voto en las villas miseria, equivalente argentino de las favelas brasileñas. En casi todos los antiguos bastiones del peronismo votaron por El Loco, sin comprender que El Loco era un Alfil (fou: loco, en francés) del Rey, y que ese rey se llama Macri, el cual -agazapado en las sombras- va a manipular las cuerdas del nuevo pelele de la Casa Rosada dolarizada.

 « El hombre desciende del mono, el Argentino desciende del barco », dice una antigua broma. ¿Los Argentinos retomarán un barco -o un avión- para un nuevo éxodo? ¿O bien nos regalarán una explosión social generalizada, un Argentinazo ? Vivir para ver.

 NdT
* Los no familiarizados con la política mundial tal vez no reconozcan aquí todos los personajillos neofascistas:

bolsonaritis: por Bolsonaro, de Brasil

zelenskiada: por Zelensky, de Ucrania

meloni: por Giorgia Meloni, de Italia

abascaliadas: por Abascal, de España

marina: por Marine Le Pen, de Francia

orbanidad: por Viktor Orban, de Hungría

22/11/2023

RABHA ATTAF
Sionisme et apartheid en Israël

Rabha Attaf, novembre 2002/2022

L’auteure est journaliste indépendante, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient. Elle a publié “Place Tahrir, une révolution inachevée”, aux éditions workshop19, Tunis, 2012. On peut lire, des mêmes éditeurs, Premier Congrès sioniste : Protocole officiel

Présentation

Ce texte a été écrit en novembre 2002, à un moment où, en France et ailleurs, une campagne d’intoxication d’une rare violence était menée par les autorités israélienne avec le film de propagande « Décryptage », dans lequel Yasser Arafat et plus largement les Palestiniens sont caricaturés comme l’étaient les juifs dans les médias nazis. À l’époque, les bombardements sur les habitants de Gaza avaient ému l’opinion publique, et il s’agissait de la faire taire. D’où les procès intentés par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) contre Daniel Mermet (Radio France) et d’autres journalistes pour « antisémitisme ». Objectif : criminaliser l’antisionisme en l’assimilant au racisme. 20 ans plus tard, ce texte reste hélas toujours aussi pertinent.

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Enzo Traverso : la guerre à Gaza « brouille la mémoire de l’Holocauste »

 

L’historien italien s’inquiète des effets dévastateurs de l’instrumentalisation de la mémoire de l’Holocauste pour justifier la « guerre génocidaire » menée par l’armée israélienne à Gaza. Ce dévoiement pourrait causer une « remontée spectaculaire » de l’antisémitisme, alerte-t-il. 

Joseph Confavreux et Mathieu Dejean

5 novembre 2023 à 11h45 


L’historien italien Enzo Traverso, spécialiste du totalitarisme et des politiques de la mémoire, enseigne l’histoire intellectuelle à l’université Cornell aux États-Unis. De passage à Paris, l’auteur de La Violence nazie (La Fabrique, 2002), La fin de la modernité juive (La Découverte, 2013), Mélancolie de gauche (La Découverte, 2016) ou encore Révolution - Une histoire culturelle (La Découverte, 2022), analyse dans cet entretien les effets potentiellement dévastateurs de l’instrumentalisation de la mémoire de l’Holocauste pour justifier la « guerre génocidaire » menée par l’armée israélienne à Gaza. 

Tout en dénonçant la terreur du 7 octobre, il appelle à ne pas tomber dans le piège tendu par le Hamas et par l’extrême droite israélienne, qui conduirait à la destruction de Gaza et à une nouvelle Nakba. « On peut manifester pour la Palestine sans déployer le drapeau du Hamas ; on peut dénoncer la terreur du 7 octobre sans cautionner une guerre génocidaire menée sous prétexte du “droit légitime d’Israël de se défendre” », défend-il.

Mediapart : Dans « La fin de la modernité juive » (La Découverte, 2013), vous défendiez l’idée qu’après avoir été un foyer de la pensée critique du monde occidental, les juifs se sont retrouvés, par une sorte de renversement paradoxal, du côté de la domination. Ce qui se passe aujourd’hui confirme-t-il ce que vous écriviez ?

Enzo Traverso : Hélas, ce qui est train de se passer aujourd’hui me semble confirmer les tendances de fond que j’avais analysées, et cette confirmation n’est pas du tout réjouissante. Dans ce livre, je montrais que l’entrée des juifs dans la modernité eut lieu, vers la fin du XVIIIsiècle, sur la base d’une anthropologie politique particulière. Cette minorité diasporique se heurtait à une modernité politique façonnée par le nationalisme, qui voyait en eux un corps étranger, irréductible à des nations conçues comme des communautés ethniques et territoriales.

Engagés, après l’émancipation, dans la sécularisation du monde moderne, les juifs se sont retrouvés, au tournant du XXsiècle, dans une situation paradoxale : d’une part, ils s’éloignaient progressivement de la religion, en épousant avec enthousiasme les idées héritées des Lumières ; de l’autre, ils étaient confrontés à l’hostilité d’un environnement antisémite. C’est ainsi qu’ils sont devenus un foyer de cosmopolitisme, d’universalisme et d’internationalisme. Ils adhéraient à tous les courants d’avant-garde et incarnaient la pensée critique. Dans mon livre, je fais de Trotski, révolutionnaire russe qui vécut la plupart de sa vie en exil, la figure emblématique de cette judéité diasporique, anticonformiste et opposée au pouvoir.

La guerre à Gaza confirme que le nationalisme le plus étriqué, xénophobe et raciste, dirige aujourd’hui le gouvernement israélien.

Le paysage change après la Seconde Guerre mondiale, après l’Holocauste et la naissance d’Israël. Certes, le cosmopolitisme et la pensée critique ne disparaissent pas, ils demeurent des traits de la judéité. Pendant la deuxième moitié du XXsiècle, cependant, un autre paradigme juif s’impose, dont la figure emblématique est celle de Henry Kissinger : un juif allemand exilé aux États-Unis qui devient le principal stratège de l’impérialisme américain.

Avec Israël, le peuple qui était par définition cosmopolite, diasporique et universaliste est devenu la source de l’État le plus ethnocentrique et territorial que l’on puisse imaginer. Un État qui s’est bâti au fil des guerres contre ses voisins, en se concevant comme un État juif exclusif – c’est inscrit depuis 2018 dans sa Loi fondamentale – et qui planifie l’élargissement de son territoire aux dépens des Palestiniens. Je vois là une mutation historique majeure, qui indique deux pôles antinomiques de la judéité moderne. La guerre à Gaza confirme que le nationalisme le plus étriqué, xénophobe et raciste, dirige aujourd’hui le gouvernement israélien.

D’un autre côté, l’offensive du Hamas le 7 octobre a agi comme une réactivation mémorielle très forte en Israël, à tel point qu’aujourd’hui la mémoire de l’Holocauste est utilisée pour justifier les massacres à Gaza. Comment maintenir une mémoire juive qui ne soit pas instrumentalisée ainsi ? Peut-on réactiver la première judéité dont vous parliez ?

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