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14/09/2025

FRANÇOIS VADROT
When the Hôtel Matignon Turns into a War Office
A Prime Minister of war without a war: Macron elevates the Defense portfolio to Matignon — a peacetime first

 François Vadrot, Sept. 14, 2025

Dramatic engraving showing Macron as Napoleon on a rearing horse, pointing East, with Lecornu holding a French tricolore in front of a “Ministère de la Guerre.” On the ground, the words “En Marche” and “Renaissance” appear upside down, as does the ministry’s sign — the reversed backdrop of the official “Ministry of Defense.”

Macron as war leader: the gesture points East, while the words lie reversed — the political language itself turned inside out.

An unprecedented appointment under the Fifth Republic

Since the creation of the Fifth Republic in 1958, no sitting Minister of Defense has ever been elevated directly to the post of Prime Minister. Pierre Messmer, Minister of the Armed Forces from 1959 to 1969, only returned as Prime Minister in 1972 after three years of retreat — hardly a direct succession.

The only true precedent is Maurice Bourgès-Maunoury, under the Fourth Republic in 1957, at the height of the Algerian war. In the aftermath of the Suez expedition, he authorized the transfer of nuclear technology to Israel, paving the way for the Dimona program.

👉 In peacetime, Lecornu’s promotion is therefore a historic first under the Fifth Republic.

The 2023 law as a legal lock

The 2023 Military Programming Law (2024–2030) gave the executive a reinforced legal arsenal. It allows the state, in the event of an “actual or foreseeable threat,” to requisition people, goods, and services, with penalties for refusal. This is not full mobilization, but rather a ready-made legal toolbox for partial militarization. Macron can thus rule by decree within a war logic.

The American parallel

In the United States, Trump has resurrected the title of Secretary of War, abandoned in 1947 in favor of the softer Secretary of Defense. This is not bureaucratic trivia but a political signal: calling war by its name. In France, Macron lifts a Minister of Defense straight to Matignon — a first in the Fifth Republic. Two gestures that reveal the same climate: the West is settling into open confrontation.

Governing by decree

By appointing Lecornu, Macron has no reason to risk a confidence vote that could topple him. The institutions of the Fifth Republic allow him to maintain a Prime Minister without passing through parliament, as long as no motion of censure succeeds. Matignon thus becomes a command tower, governing by decree and 49.3, sidelining the Assembly. The narrative shifts: it is no longer about reform, but about “holding” and “protecting.”

Projection without crossing the line

In this logic, France can reinforce its military presence in the East — Romania, Poland, the Baltic states — without crossing into Ukraine. It is the strategy of pre-positioning: visible troops, stockpiled materiel, logistical cooperation, training exercises. This allows Macron to:

  • Restore international credibility by posing as Europe’s driver.

  • Reframe the domestic scene under the banner of national security.

  • Prepare the military apparatus for future escalation.

Macron’s calculus

What does he gain from triggering or embracing war? No electoral victory, no reform to rescue. But a cold rationality of survival:

  • To dissolve domestic failure beneath the martial narrative.

  • To shield himself from political irrelevance by becoming the “war president” rather than the “useless president.”

  • To consolidate the state apparatus through militarization and exceptional authority.

  • To reclaim Western centrality by posing as Europe’s leader, while Washington is absorbed by its own fractures, the Caribbean, and Israel.

The paradox

The United States will not open a European front: too polarized, too absorbed by other priorities. They will leave Europeans to hold the line, while directing from afar. Macron’s bet is to turn France into the standard-bearer of a front Washington itself will not carry.

👉 In short: Lecornu at Matignon is not a stopgap but a signal. Macron can no longer govern civil France, so he prepares military France. After “En Marche” and “Renaissance,” only one word remains: the “Standard.”

FRANÇOIS VADROT
Quand Matignon devient un poste de commandement
Un Premier ministre de guerre sans guerre

Macron propulse la Défense à Matignon, une première en temps de paix.

Gravure dramatique représentant Macron en Napoléon sur un cheval cabré, pointant vers l’Est, avec Lecornu tenant un drapeau tricolore devant un « Ministère de la Guerre ». Au sol, les mots « En Marche » et « Renaissance » à l'envers, et le ministère de la Guerre écrit à l'envers sur le bâtiment comme envers du décor du ministère de la Défense.
Macron brandi en Napoléon regarde vers l’Est, étendard au vent. Mais au sol comme sur le bâtiment, les mots apparaissent à l’envers : « En Marche », « Renaissance », « Ministère de la Guerre ». Comme si le décor lui-même se retournait, révélant l’envers du langage officiel.

Une nomination inédite sous la Ve République

Sous la Ve République (depuis 1958), aucun ministre de la Défense n’avait jamais été propulsé directement Premier ministre. Pierre Messmer, ministre des Armées de 1959 à 1969, ne devint chef du gouvernement qu’en 1972, après trois ans de retrait : ce n’était pas une continuité, mais un retour.

Le seul véritable précédent est celui de Maurice Bourgès-Maunoury, sous la IVᵉ République, en 1957, en pleine guerre d’Algérie. C’est lui qui, dans la foulée de l’expédition de Suez, donna le feu vert au transfert de technologie nucléaire vers Israël, rendant possible le programme de Dimona.

👉 En temps de paix, c’est donc une première historique : Macron place à Matignon un ministre de la Défense en exercice.

La loi de 2023 comme verrou juridique

La loi de programmation militaire (2024-2030), votée en 2023, a consolidé l’arsenal légal du pouvoir exécutif. Elle permet à l’État, en cas de « menace actuelle ou prévisible », de réquisitionner personnes, biens et services, avec sanctions pour ceux qui refuseraient. Ce n’est pas la mobilisation générale, mais une boîte à outils de militarisation partielle, prête à l’emploi. Macron dispose ainsi d’un socle légal pour gouverner par décrets dans une logique de guerre.

Le parallèle américain

Aux États-Unis, Trump ressuscite l’appellation de Secretary of War, effacée en 1947 au profit du plus euphémisé Secretary of Defense. Ce n’est pas un détail de vocabulaire, mais un signal politique : assumer le mot « guerre » au lieu de se réfugier derrière la « défense ». En France, Macron hisse un ministre de la Défense à Matignon, une première sous la Ve République. Deux gestes qui traduisent le même climat : l’Occident s’installe dans une logique de confrontation ouverte.

Gouverner par décrets

En plaçant Lecornu, Macron n’a aucun intérêt à risquer un vote de confiance qu’il pourrait perdre. La Ve République lui permet de maintenir son Premier ministre sans passer par l’Assemblée, tant qu’aucune motion de censure n’est votée. Matignon devient alors une tour de contrôle qui gouverne par décrets et par 49.3, marginalisant le Parlement. Le récit change : il ne s’agit plus de réformer, mais de « tenir » et de « protéger ».

Projeter sans franchir la ligne

Dans cette logique, la France peut renforcer sa présence militaire à l’Est (Roumanie, Pologne, pays baltes) sans franchir la frontière ukrainienne. C’est la stratégie du « pré-positionnement » : troupes visibles, matériel stocké, coopération logistique, entraînement. Cela permet à Macron de :

  • Restaurer une crédibilité internationale en apparaissant comme moteur européen.

  • Créer un récit de sécurité nationale qui neutralise les débats sociaux.

  • Préparer l’appareil militaire à un engrenage futur.

Le calcul de Macron

Quel intérêt à déclencher ou à embrasser la guerre ? Pas de victoire électorale possible, pas de réforme à sauver. Mais une rationalité de survie :

  • Dissoudre l’échec intérieur en le recouvrant par le récit martial.

  • Se protéger du vide politique en devenant « le président de guerre », et non « le président inutile ».

  • Consolider l’appareil d’État par la militarisation et l’autorité exceptionnelle.

  • Récupérer une centralité occidentale en se posant en leader européen, pendant que Washington se concentre sur ses fractures internes, les Caraïbes et Israël.

Le paradoxe

Les États-Unis ne viendront pas ouvrir un front européen : trop polarisés, trop absorbés par leurs propres priorités. Ils laisseront les Européens tenir la ligne, tout en dirigeant de loin. C’est là le pari de Macron : transformer la France en étendard d’un front que Washington ne portera pas.

👉 En clair : Lecornu à Matignon n’est pas un fusible, mais un signal. Macron n’a plus les moyens de gouverner la France civile, alors il prépare la France militaire. Après “En Marche” et “Renaissance”, il ne reste plus qu’un mot d’ordre : l’“Étendard”.

GIDEON LEVY
“Un père de 10 enfants qui a travaillé en Israël pendant plus de 30 ans : comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ?”

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 12/09/2025
Traduit par Tlaxcala

Exécution au poste de contrôle : Un éleveur de volailles palestinien quitte un mariage et se rend acheter des plateaux de carton pour ses œufs dans une ville voisine. Des soldats israéliens à un poste de contrôle lui tirent près de 20 balles à bout portant, alors qu’il était déjà blessé.


Des proches en deuil chez Ahmed Shahadeh, au village d’Urif, non loin de Naplouse

Un coup de feu, puis un autre, puis un troisième. À travers les fentes entre les blocs de béton, on distingue un homme s’effondrer, étendu sur le dos, bras écartés sur la route. Le tir continue, balle après balle.

Deux soldats israéliens se tiennent sous un toit de toile rouge à un poste de contrôle, visant leur victime de leurs fusils, alors qu’elle gît blessée. À ce moment-là, il est déjà certainement mort. En un clin d’œil, un père de dix enfants est abattu. Sa voiture est garée à proximité. La vidéo entière dure 22 secondes, y compris le moment où, pour une raison obscure, la caméra est tournée ailleurs.

C’est ce qui s’est passé vendredi dernier au crépuscule. Le poste de contrôle d’Al-Murabba’a, au sud-ouest de Naplouse, est l’un des rares points de passage restés ouverts pour entrer et sortir de la ville, après que le poste principal de Hawara a été fermé lorsque la guerre à Gaza a éclaté il y a presque deux ans.


Le corps d’Ahmed Shahadeh, entouré de soldats israéliens. Photo fournie par la famille

C’est une barrière de blocs de béton avec une installation de fortune pour les soldats, derrière laquelle se dresse une grille de fer jaune. Parfois les soldats contrôlent les voitures et leurs conducteurs, parfois non. Vendredi dernier, ils ont contrôlé la voiture de leur victime.

Que s’est-il passé durant les instants où l’éleveur de volailles, Ahmed Shahadeh – qui avait travaillé des décennies en Israël et parlait hébreu couramment – est sorti de son véhicule, apparemment sur ordre des soldats, avant d’être abattu par près de vingt balles tirées à bout portant ?

Peut-être ne le saura-t-on jamais. La vidéo – on ne sait pas qui l’a publiée – diffusée sur les réseaux sociaux montre peu et dissimule beaucoup. On n’y comprend pas pourquoi les soldats ont tiré sur leur victime avec une telle rage.

Il est douteux qu’Ahmed ait représenté un danger, même un instant. Mais alors qu’il gisait blessé sur la route, près du poste de contrôle, les soldats ont apparemment décidé de l’exécuter coûte que coûte. Qu’est-ce qui a bien pu provoquer un tel acte ?

Un appartement du village d’Urif, près de Naplouse. C’est le troisième jour de deuil de la famille. Au rez-de-chaussée, un petit poulailler, avec son odeur désagréable. Le défunt vivait à l’étage avec son épouse malade ; dans un autre appartement du même immeuble vivait l’un de ses fils avec sa famille. Depuis le 7 octobre 2023, deux attentats ont été perpétrés par des habitants d’Urif.

Ahmed Shahadeh avait travaillé en Israël durant des décennies, comme certains de ses enfants avant la guerre. Âgé de 57 ans, il avait travaillé dans une imprimerie à Holon, dans la banlieue de Tel-Aviv, puis 15 ans dans l’usine de plastiques Keter, dans la zone industrielle de Barkan, près de la colonie d’Ariel. Ses fils affirment qu’il avait des amis juifs.

Il y a un an, il a pris sa retraite. Ou peut-être a-t-il été licencié. Il a alors monté une petite activité à domicile pour rester occupé et gagner un peu d’argent. Il vendait les œufs de ses quelque 200 poules aux magasins d’Urif.

Vendredi après-midi, les Shahadeh ont assisté au mariage d’un proche, dans une salle du village. Le matin, Ahmed avait nettoyé le poulailler, nourri les poules, s’était bien habillé et était parti avec son épouse à l’événement. Aelia, 55 ans, souffre d’atrophie musculaire et a besoin d’aide pour se déplacer ; Ahmed s’occupait d’elle.


Une banderole commémorative d’Ahmed Shahadeh cette semaine à Urif.  “Un homme qui a 10 enfants et travaillé en Israël plus de 30 ans – comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ?”, demande son frère.

Ses trois fils s’appellent Jihad (37 ans), Abdelfatteh (33 ans) et Mohammed (32 ans), ouvrier du bâtiment dans la colonie de Beit Arye, qui parle hébreu. Vendredi, Ahmed est resté environ une heure au mariage, puis a dit à ses fils qu’il partait pour le village de Tal, à 15 minutes en voiture, acheter des plateaux en carton pour les œufs récoltés. Il les a invités à l’accompagner mais ils ont préféré rester. Leur père leur a dit qu’au retour il ramasserait leur mère. Personne n’imaginait qu’il ne reviendrait jamais.

Vers 17h40, une demi-heure après son départ, ses fils ont vu un message sur le groupe WhatsApp local signalant un incident au poste de contrôle d’Al-Murabba’a, où un Palestinien avait été blessé. La photo jointe montrait une Ford Focus bleu métallisé, la voiture de leur père. Les fils ont quitté en hâte le mariage et se sont rendus au poste de contrôle.

À une centaine de mètres de la barrière, les soldats leur ont fait signe de s’arrêter et ont pointé leurs armes sur eux. « C’est mon père, c’est mon père ! », a crié Mohammed. Les soldats leur ont ordonné de sortir du véhicule, de relever leurs chemises et de lever les mains. Seul Jihad a été autorisé à avancer, très lentement. Cette semaine, il dit avoir aperçu une partie du corps encore découvert de son père, dépassant entre les blocs de béton.


Deux petites-filles d’Ahmed dans le poulailler

« Mon père est  vivant ou mort ? », a-t-il demandé avec agitation. L’un des soldats a répondu en arabe approximatif : « Ton père est mort. »

« Pourquoi vous avez tué mon père ? », a-t-il demandé. Le soldat a répondu qu’Ahmed avait lancé quelque chose vers eux. « Vous auriez pu lui tirer dans la jambe, s’il avait vraiment jeté quelque chose », a répliqué Jihad. Pas de réponse.

Quelques minutes plus tard, raconte Jihad, un autre soldat s’est approché, lui a serré la main et a dit : « Je suis désolé. » Jihad a demandé à voir le corps de son père. Le soldat a répondu qu’il le verrait lorsque les autorités israéliennes, via la COGAT (Coordination des activités gouvernementales dans les territoires), le transféreraient à l’hôpital.

Les trois fils sont rentrés à la maison, en deuil, pour annoncer la terrible nouvelle à leur mère. Vers 20h, ils ont reçu un appel de la COGAT : l’armée avait transféré le corps au camp de Hawara et il se trouvait désormais dans une ambulance palestinienne en route vers l’hôpital Rafidia de Naplouse.

Toute la famille s’y est rendue. Jihad dit avoir compté pas moins de 18 impacts de balles sur le corps de son père, la plupart dans le cou, la poitrine et l’abdomen.

Le corps est resté une nuit à Rafidia. Le lendemain, les fils l’ont enterré. Le seul témoin oculaire a rapporté avoir seulement vu les soldats ordonner à Ahmed de sortir de sa voiture, rien de plus.


Les frères d’Ahmed lors du deuil

Selon Salma al-Deb’i, chercheuse de terrain pour l’ONG israélienne B’Tselem, les soldats au poste de contrôle d’Al-Murabba’a se comportent souvent de façon très agressive, surtout lorsqu’ils voient un véhicule avec un seul conducteur. Parfois un soldat dit au conducteur d’avancer, un autre lui ordonne de s’arrêter : la situation est tendue.

Elle dit n’avoir trouvé aucun témoin capable d’éclairer ce qui s’est passé lors de ces instants fatidiques, ni pourquoi les soldats ont tué Ahmed Shahadeh. Elle ajoute que chaque poste de contrôle de Cisjordanie est équipé d’innombrables caméras de surveillance : l’armée sait donc exactement ce qui s’est passé.

Cette semaine, Haaretz a posé une question à l’armée, partant du fait que les fils de la victime avaient retrouvé la carte d’identité de leur père à la maison. Nous avons demandé si Ahmed avait été tué parce qu’il conduisait sans sa carte. Voici la réponse du porte-parole de l’armée :

« Le 5 septembre (vendredi), un suspect est arrivé à un poste de contrôle militaire près du village de Burin, dans le secteur de la brigade de Samarie de Tsahal. Lors de l’inspection, le suspect a contourné imprudemment les véhicules devant lui, est entré en collision avec une autre voiture, puis a poursuivi à pied vers les forces, tout en tenant à la main un objet identifié comme suspect.

Les soldats ont suivi la procédure d’arrestation d’un suspect, qui comprend des sommations et des tirs de sommation en l’air. Le suspect n’a pas obéi, a continué à avancer vers les forces et a lancé l’objet. En réponse, les forces ont tiré sur lui afin d’éliminer la menace, conformément aux règles d’engagement en vigueur. »

Le frère d’Ahmed arrive. Il demande que son nom ne soit pas mentionné. « Comment pouvez-vous être assis dans notre maison ? On peut venir  me dire : prends 10 millions de shekels [2,5 millions d’€] et tue-les, mais je ne le ferai jamais. Vous avez une maison, des enfants, une famille. Voilà ce qui est arrivé à mon grand frère. Un homme qui a 10 enfants et travaillé en Israël plus de 30 ans – comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ? », demande-t-il, luttant pour ne pas éclater en sanglots.

Dans un coin du poulailler d’Ahmed, trois plateaux d’œufs en carton ; les poules caquettent sans cesse. Lundi, la rentrée scolaire a commencé avec retard en Cisjordanie, et la maison était pleine d’enfants dégustant des Krembos lorsque nous sommes venus en visite. Ce sont les petits-enfants d’Ahmed.

Un peu plus haut dans la rue, sur un terrain vague, la Ford Focus bleue est garée. Seule une balle parmi les nombreuses tirées a atteint le côté de la voiture : on distingue un impact et la vitre côté passager est brisée. Les baskets de la victime se trouvent encore dans le coffre.

ALEX SHAMS
Nosso homem para Teerã
A campanha apoiada pelos EUA e Israel posiciona Reza Pahlavi, filho do xá, para uma mudança de regime no Irã

 Alex Shams, Boston Review, 6/8/2025

Traduzido por Tlaxcala

Quando Israel lançou um ataque surpresa contra o Irã em 13 de junho, seu objetivo declarado era destruir o programa nuclear do adversário. Mas, em poucos dias, a missão se expandiu. O primeiro-ministro de Israel, Benjamin Netanyahu, admitiu abertamente que a operação poderia levar à derrubada da República Islâmica. No último dia de combates, Donald Trump, que apoiou o ataque desde o início, uniu-se a Netanyahu falando sobre a mudança de regime.



RICHARD LUSCOMBE
Después de haber construido una vida tranquila en Florida, Parviz Sabeti, el presunto “verdugo en jefe” del Sha de Irán, debe ahora enfrentar un juicio

Richard Luscombe en Orlando, The Guardian, 11-9-2025
Traducido por Tlaxcala

Richard Luscombe es corresponsal de The Guardian US con sede en Miami, Florida.

Parviz Sabeti se había fabricado una nueva vida anónima para él y su familia, pero hoy se enfrenta a una demanda que reclama 225 millones de dólares en daños y perjuicios por atrocidades cometidas en las cárceles de Teherán y otros lugares. 

Los vecinos de la acaudalada comunidad de Windermere, en Florida, los conocen como Peter y Nancy, un matrimonio jubilado aparentemente amable al que saludan durante sus paseos matinales, siempre contentos de recibir a sus dos brillantes hijas adultas, una de ellas una respetada profesora de ciencias en la Universidad de Harvard.

Sin embargo, detrás de los altos muros de su mansión frente al lago, valorada en 3,6 millones de dólares, se esconde una realidad más oscura y celosamente guardada: “Peter” es en realidad Parviz Sabeti, el antiguo jefe presunto de la policía secreta y “verdugo en jefe” del régimen prerrevolucionario del Sha de Irán. Hoy se enfrenta en Florida a una demanda de 225 millones de dólares por atrocidades cometidas en las cárceles de Teherán y otros lugares. [Cada uno de los tres demandantes reclama 75 millones de dólares, NdT].

El mes pasado, un juez federal de distrito dictaminó que Sabeti, de 89 años –tras haber logrado construir una vida anónima para él y su familia desde que huyó de su país en 1978– debe responder ante la justicia en una demanda interpuesta por tres personas que se presentan como ex presos políticos.

En los documentos judiciales, los demandantes afirman haber formado parte de los miles de detenidos por la SAVAK, la tristemente célebre agencia de seguridad interior e inteligencia del Sha, por ser percibidos como opositores. Alegan haber sufrido abusos bajo las órdenes directas de Sabeti: violaciones, electrocuciones, casi ahogamientos y extracción forzada de uñas.

“Apolo”

Un dispositivo particularmente bárbaro, sostienen, era “Apolo”, una silla eléctrica bautizada con el nombre del programa espacial usamericano, equipada con un casco metálico que amplificaba los gritos de las víctimas en sus propios oídos.


Antiguos presos mutilados por la SAVAK, la policía política del Sha, 28 de febrero de 1980 en Irán – Michel Artault/Gamma-Rapho/Getty Images

Sabeti no ha respondido públicamente a las acusaciones presentadas ante el tribunal, aunque en el pasado negó que la SAVAK hubiera torturado a detenidos, asegurando que él “siempre se opuso a la tortura”.

Aunque su paradero permaneció desconocido durante casi 45 años, su papel en el gobierno iraní –como director del departamento de seguridad interior de la SAVAK y presunto arquitecto de su crueldad– nunca estuvo en duda.

Un informe secreto de la CIA, redactado en 1978 y publicado en 2018, lo identificaba como un aliado ferozmente leal del Sha, “ampliamente reconocido como uno de los hombres más poderosos y temidos del régimen… con autoridad para detener, interrogar y procesar a opositores en todo el país”, según la demanda.

Las estimaciones sobre el número de víctimas de la SAVAK entre su creación en 1957 y su disolución en 1979 varían, pero se calcula que miles fueron detenidos y torturados, y al menos varios cientos asesinados.

Los tres demandantes, iraníes residentes en California de entre 68 y 85 años, afirman haber sido secuestrados por la SAVAK en Teherán, golpeados para arrancarles confesiones falsas y luego encarcelados. La petición de los abogados de Sabeti para desestimar el caso por prescripción fue rechazada el 12 de agosto por el juez federal Gregory Presnell, del distrito central de Florida. Un juicio podría celebrarse el próximo año.

Según la demanda, Sabeti “pasó las últimas cuatro décadas fuera de la vista pública, ocultando su identidad y paradero”. Él y su esposa Nasrin, de 75 años, podrían haber permanecido en el anonimato si una de sus hijas no lo hubiera “revelado accidentalmente” en un tuit de febrero de 2023, que lo mostraba en una manifestación en Los Ángeles contra el gobierno islámico iraní.

La foto de Sabeti reapareció el 19 de febrero de 2023 en Múnich, en una manifestación de monárquicos partidarios de Reza Pahlavi, acompañada de la frase «Pesadilla de futuros terroristas» y adornada con su declaración del 7 de septiembre de 1978: «Si se disuelve la SAVAK, los terroristas reinarán en Irán».


Aunque la revelación pudo ser accidental, y permitió directamente a los abogados de los demandantes localizarlo y presentar la demanda, algunos la ven como una maniobra de la diáspora iraní en USA para “blanquear” la historia del régimen caído del Sha y preparar a la opinión pública a favor de un futuro gobierno prooccidental.

Reza Pahlavi, a veces apodado el “príncipe heredero” de Irán por ser hijo del último Sha Mohammad Reza Pahlavi, declaró en una entrevista al Guardian en 2023, en el punto álgido de las manifestaciones contra Teherán, que trabajaba en una “carta de principios democráticos” para un futuro gobierno iraní. Desde entonces se ha presentado como dispuesto a reemplazar al ayatolá Ali Jamenei y convertirse en jefe de Estado interino.

En este marco, Sabeti habría trabajado como “asesor de seguridad” de Reza Pahlavi, según un artículo publicado en 2023 en el sitio del Consejo Nacional de la Resistencia Iraní, coalición política que se presenta como un parlamento en el exilio [emanación de la organización de los Muyahidines del Pueblo, NdT].

Los intentos del Guardian por contactar con Sabeti –por correos electrónicos, llamadas telefónicas a su domicilio y mensajes a sus cuatro abogados– han sido infructuosos.

Una cosa no está en debate: la comodidad de la que Sabeti y su familia han disfrutado en USA desde su llegada a Florida en 1978, tras huir de Teherán unas semanas antes de la revolución islámica de 1979.

Según documentos filtrados del Departamento de Estado, la familia Sabeti habría transferido una suma importante desde Irán –estimada por una fuente en más de 20 millones de dólares. En Florida, americanizaron sus nombres a Peter y Nancy. Bajo estas identidades, Sabeti fundó una empresa inmobiliaria próspera en Florida central. Él, su esposa y sus dos hijas figuran aún como directivos de varias compañías activas.

Los registros públicos muestran que la familia posee al menos ocho propiedades en el condado de Orange, incluida la mansión de Windermere (5 habitaciones, 6 baños) adquirida por 3,5 millones de dólares en agosto de 2005.

El Departamento de Estado y la CIA no respondieron a las preguntas sobre el estatus migratorio de los Sabeti en USA o las condiciones de su admisión en 1978. Sin embargo, Parviz y Nasrin Sabeti disponen de una inscripción electoral activa en Florida y votaron en la elección presidencial de 2024, prueba de su naturalización usamericana.

Una vecina declaró ver a menudo a la pareja, en particular a Nasrin, paseando por el barrio, pero precisó que los Sabeti parecían sobre todo apegados a su discreción. Su casa estaba casi siempre silenciosa, salvo por las visitas ocasionales de sus hijas.

Ninguna de las hijas respondió a las solicitudes de comentarios.

El fiscal general republicano de Florida, James Uthmeier, no respondió a la pregunta de si abriría una investigación penal sobre las actividades de Sabeti, como ya lo ha hecho con otras personas acusadas de crímenes en el extranjero y residentes en Florida.

Sara Colón, abogada de los demandantes, celebró la negativa del juez Presnell a desestimar el caso y su decisión de preservar el anonimato de sus clientes, quienes declararon haber recibido amenazas de muerte desde la presentación de la demanda.


Un disidente iraní, con el rostro oculto, tumbado sobre una rejilla de tres niveles equipada con quemadores, encontrada en el sótano de un alto cargo de la SAVAK, incendiada por manifestantes el 31 de diciembre de 1978 – Derek Ive/AP

«Estas decisiones representan un avance positivo para los sobrevivientes de la tortura que buscan rendición de cuentas y justicia. Este caso no pretende solamente poner fin a la impunidad, sino afirmar que los sobrevivientes tienen derecho a perseguir la justicia y a recuperar su dignidad sin miedo», declaró.

El Colectivo Iraní por la Justicia y la Rendición de Cuentas, asociación que milita por las víctimas de tortura y sus familias, dijo esperar que el caso Sabeti contribuya a poner fin al “ciclo de violencia” observado en Irán, primero bajo el Sha y luego bajo el gobierno islamista que lo sucedió.

«El mensaje debe ser claro y simple: todas las víctimas merecen justicia, y todos los que participaron en la tortura y la represión deben rendir cuentas», afirmó un portavoz.

«Las raíces de las políticas brutales que hoy lleva a cabo la República Islámica de Irán están ligadas a los métodos de tortura instaurados por Sabeti y la SAVAK. [Este caso] debe marcar el rechazo a un futuro Irán que restablezca la SAVAK o conceda una amnistía general a las fuerzas de seguridad actuales implicadas en tortura y represión.

Solo a través de la justicia y la rendición de cuentas podremos superar la violencia y la represión horribles que han dominado Irán durante décadas.»

Testimonios de los tres demandantes, cuyo anonimato fue preservado, citados por, The Independent, 24 de febrero de 2025:

Juan Nadie I: Estudiante en la Universidad de Tabriz, arrestado en su dormitorio en 1974 por la SAVAK. Según la demanda, fue torturado durante semanas, acusado de haber entregado a un compañero una recopilación de poemas políticos prohibidos. La tortura habría sido “coordinada” y “aprobada” por Sabeti. Tras 40 días de interrogatorios violentos, fue llevado ante un tribunal militar, acusado de atentar contra la seguridad nacional y condenado a cuatro años de prisión.
«Ha sufrido toda su vida problemas renales debido a las lesiones e infecciones padecidas en prisión. Todavía lleva las cicatrices de los latigazos, que ocultó, al igual que los detalles de su calvario, a la mayoría de las personas de su entorno.»

Juan Nadie II: Artista, miembro de un colectivo artístico clausurado por la SAVAK en los años setenta. Arrestado y encarcelado en varias ocasiones por defender la libertad de expresión, fue condenado por un tribunal militar a 12 años de prisión, de los cuales cumplió 7, durante los cuales afirma haber sido “torturado repetidamente” por orden de Sabeti.
«Su tortura le dejó una pesada carga psicológica. Cada día es una lucha. Ha seguido años de terapia para intentar superar las secuelas. Tan solo pensar en su tortura es una experiencia visceral y dolorosa. A veces sufre reacciones de estrés postraumático cuando intenta hablar de ello: temblores, mareos.»

Juan Nadie III: Estudiante de secundaria al momento de su arresto por la SAVAK, acusado de haber difundido panfletos anti-Sha. Tras ser denunciado por un compañero detenido con un arma artesanal, fue inculpado de participación en un grupo armado y condenado a dos años de prisión. Según la demanda, allí sufrió torturas atroces, «todas autorizadas y supervisadas por Sabeti», cuyas secuelas aún lo afectan.
«Revivir y contar su tortura es una experiencia penosa, a veces vergonzosa y humillante. El trauma le dejó una pesada carga que lleva consigo toda la vida, aunque ha hecho todo lo posible por afrontarla.»

 

13/09/2025

RICHARD LUSCOMBE
Après avoir construit une vie tranquille en Floride, Parviz Sabeti, le “tortionnaire en chef” présumé du Shah d’Iran doit désormais faire face à un procès

Richard Luscombe à Orlando, The Guardian, 11/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Richard Luscombe est correspondant du Guardian US basé à Miami, Floride

Parviz Sabeti s’était fabriqué une nouvelle vie anonyme pour lui et sa famille – mais il est aujourd’hui visé par une plainte avec demande de dommages et intérêts pour 225 millions de dollars pour atrocités commises dans les prisons de Téhéran et d’ailleurs 

Les voisins de la riche communauté de Windermere, en Floride, les connaissent sous les prénoms de Peter et Nancy, un couple de retraités apparemment aimable qu’ils saluent lors de promenades matinales, et qui semblent toujours heureux de recevoir leurs deux filles adultes brillantes, dont l’une est une professeure de sciences respectée à l’université Harvard.

Pourtant, derrière les hauts murs de leur manoir au bord du lac, d’une valeur de 3,6 millions de dollars, se cache une réalité plus sombre et soigneusement gardée : « Peter » est en réalité Parviz Sabeti, l’ancien chef présumé de la police secrète et « tortionnaire en chef » du régime prérévolutionnaire du Shah d’Iran. Il fait aujourd’hui face, en Floride, à une plainte à 225 millions de dollars pour atrocités commises dans les prisons de Téhéran et d’ailleurs. [chacun des 3 plaignants réclame 75 millions de $ de dommages et intérêts, NdT]

Le mois dernier, un juge fédéral de district a statué que Sabeti, âgé de 89 ans, – après avoir construit avec succès une vie anonyme pour lui et sa famille depuis sa fuite de son pays en 1978 – devait répondre devant la justice dans le cadre d’une plainte déposée par trois plaignants se présentant comme d’anciens prisonniers politiques.

Dans les documents déposés au tribunal, les plaignants affirment avoir fait partie des milliers de personnes arrêtées par la SAVAK, l’agence de sécurité intérieure et de renseignement tristement célèbre pour sa brutalité, parce qu’elles étaient perçues comme des opposants au Shah. Ils disent avoir subi des abus sous les ordres directs de Sabeti : viols, électrochocs, quasi-noyades et arrachage forcé d’ongles.

“Apollo”

Un dispositif particulièrement barbare, affirment-ils, était « Apollo », une chaise électrique baptisée d’après le programme spatial usaméricain, équipée d’un casque métallique qui amplifiait les cris des victimes jusque dans leurs propres oreilles.


Anciens prisonniers mutilés par la SAVAK, la police politique du Shah, 28 février 1980 en Iran – Michel Artault/Gamma-Rapho/Getty Images

Sabeti n’a pas répondu publiquement aux accusations déposées devant le tribunal, mais a déjà nié par le passé que la SAVAK ait torturé des détenus, affirmant qu’il s’était « toujours opposé à la torture ».

Si sa localisation était restée inconnue pendant près de 45 ans, son rôle au sein du gouvernement iranien – en tant que directeur du département de la sécurité intérieure de la SAVAK et architecte présumé de sa cruauté – n’a jamais fait de doute.

Un rapport secret de la CIA, rédigé en 1978 et publié seulement en 2018, l’identifiait comme un allié farouchement loyal du Shah, « largement reconnu comme l’un des hommes les plus puissants et les plus redoutés du régime… avec autorité pour arrêter, interroger et poursuivre les opposants à travers tout le pays », selon la plainte.

Les estimations varient sur le nombre de victimes de la SAVAK entre sa création en 1957 et sa dissolution en 1979, mais plusieurs milliers de personnes auraient été détenues et torturées, et au moins plusieurs centaines tuées.

Les trois plaignants, des Iraniens résidant en Californie âgés de 68 à 85 ans, affirment avoir été enlevés par la SAVAK à Téhéran, battus pour leur arracher de faux aveux, puis emprisonnés. La demande des avocats de Sabeti visant à faire rejeter l’affaire pour prescription a été rejetée par le juge fédéral Gregory Presnell, du district central de Floride, le 12 août. Un procès pourrait avoir lieu dès l’an prochain.

Selon la plainte, Sabeti « a passé les quatre dernières décennies loin du regard public, dissimulant son identité et sa localisation ». Lui et son épouse Nasrin, 75 ans, auraient même pu rester incognito si l’une de leurs filles ne l’avait pas « accidentellement révélé » dans un tweet de février 2023, le montrant lors d’un rassemblement à Los Angeles contre le gouvernement islamique iranien.

La photo de Sabeti ressurgit le 19 février 2023 à Munich, dans une manifestation de monarchistes partisans de Reza Pahlavi, surmontée par la phrase “Cauchemar de futurs terroristes” et agrémentée de sa déclaration du 7 septembre 1978 : “Si la SAVAK est dissoute, les terroristes règneront sur l'Iran”


Bien que la révélation ait pu être accidentelle, et ait directement permis aux avocats des plaignants de le localiser et de déposer la plainte, certains y voient une manœuvre de la diaspora iranienne aux USA visant à « blanchir » l’histoire du régime déchu du Shah et à préparer l’opinion en faveur d’un futur gouvernement pro-occidental.

Reza Pahlavi, surnommé parfois le « prince héritier » d’Iran car fils du dernier Shah Mohammad Reza Pahlavi, déclarait dans une interview au Guardian en 2023, au plus fort des manifestations anti-Téhéran, qu’il travaillait à un « charte de principes démocratiques » pour un futur gouvernement iranien. Depuis, il s’est présenté comme prêt à remplacer l’ayatollah Ali Khamenei et à devenir chef d’État par intérim.

Dans ce cadre, Sabeti aurait travaillé comme « conseiller en sécurité » de Reza Pahlavi, selon un article publié en 2023 sur le site du Conseil national de la résistance iranienne, coalition politique se présentant comme un parlement en exil [émanation de l’organisation des Moudjahidines du Peuple, NdT].

Les tentatives du Guardian pour contacter Sabeti – par emails, appels téléphoniques à son domicile et messages à ses quatre avocats – sont restées vaines.

Une chose ne fait pas débat : le confort dont Sabeti et sa famille ont bénéficié aux USA depuis leur arrivée en Floride en 1978, après avoir fui Téhéran quelques semaines avant la révolution islamique de 1979.

Selon des documents du département d’État ayant fuité, la famille Sabeti aurait transféré une somme importante depuis l’Iran – estimée par une source à plus de 20 millions de dollars. En Floride, ils ont américanisé leurs prénoms en Peter et Nancy. Sous ces identités, Sabeti a fondé une société immobilière prospère en Floride centrale. Lui, son épouse et leurs deux filles figurent toujours comme dirigeants de plusieurs entreprises encore actives.

Les registres publics montrent que la famille possède au moins huit propriétés dans le comté d’Orange, dont le manoir de Windermere (5 chambres, 6 salles de bains) acquis pour 3,5 millions de dollars en août 2005.

Le département d’État et la CIA n’ont pas répondu aux questions sur le statut migratoire des Sabeti aux USA ou les conditions de leur admission en 1978. Cependant, Parviz et Nasrin Sabeti disposent d’une inscription électorale active en Floride et ont voté à l’élection présidentielle de 2024, preuve de leur naturalisation usaméricaine.

Une voisine a déclaré voir souvent le couple, en particulier Nasrin, marcher dans le quartier, mais a précisé que les Sabeti semblaient surtout attachés à leur discrétion. Leur maison était presque toujours silencieuse, hormis les visites ponctuelles de leurs filles.

Aucune des filles n’a répondu aux demandes de commentaires.

Le procureur général républicain de Floride, James Uthmeier, n’a pas répondu à la question de savoir s’il ouvrirait une enquête pénale sur les activités de Sabeti, comme il l’a déjà fait pour d’autres personnes accusées de crimes à l’étranger et résidant en Floride.

Sara Colón, avocate des plaignants, s’est félicitée du refus du juge Presnell de rejeter l’affaire et de sa décision de préserver l’anonymat de ses clients, qui ont déclaré avoir reçu des menaces de mort depuis le dépôt de la plainte.


Un dissident iranien, le visage dissimulé, couché sur une grille à trois niveaux munie de brûleurs retrouvée dans la cave d’un haut responsable de la SAVAK, incendiée par des manifestants le 31 décembre 1978 – Derek Ive/AP

« Ces décisions représentent une avancée positive pour les survivants de la torture qui cherchent reddition de comptes et justice. Cette affaire ne vise pas seulement à mettre fin à l’impunité, mais à affirmer que les survivants ont le droit de poursuivre la justice et de retrouver leur dignité sans peur », a-t-elle déclaré.

Le Collectif iranien pour la justice et la reddition de comptes, association militant pour les victimes de torture et leurs familles, a dit espérer que l’affaire Sabeti contribue à mettre fin au « cycle de violence » observé en Iran, d’abord sous le Shah puis sous le gouvernement islamiste qui lui a succédé.

« Le message doit être clair et simple : toutes les victimes méritent justice, et tous ceux qui ont participé à la torture et à la répression doivent rendre des comptes », a affirmé un porte-parole.

« Les racines des politiques brutales menées aujourd’hui par la République islamique d’Iran sont liées aux méthodes de torture instaurées par Sabeti et la SAVAK. [Cette affaire] doit marquer le rejet d’un futur Iran qui rétablirait la SAVAK ou accorderait une amnistie générale aux forces de sécurité actuelles impliquées dans la torture et la répression.

Ce n’est qu’à travers justice et reddition de comptes que nous pourrons surmonter la violence et la répression horrifiques qui dominent l’Iran depuis des décennies. »

Témoignages des trois plaignants, dont l’anonymat a été préservé, cités par Justin Rohrlich, The Independent, 24 février 2025 :

John Doe I : Étudiant à l’université de Tabriz, arrêté dans son dortoir en 1974 par la SAVAK. Selon la plainte, il a été torturé pendant des semaines, accusé d’avoir fourni un recueil de poèmes politiques interdits à un camarade. La torture aurait été « coordonnée » et « approuvée » par Sabeti. Après 40 jours d’interrogatoires violents, il a été traduit devant un tribunal militaire, accusé d’atteinte à la sécurité nationale, et condamné à quatre ans de prison.

« Il a souffert toute sa vie de problèmes rénaux dus aux blessures et infections subies en prison. Il porte encore les cicatrices des coups de fouet, qu’il a cachées, ainsi que les détails de son calvaire, à la plupart des gens de son entourage. »

John Doe II : Artiste, membre d’un collectif artistique fermé de force par la SAVAK dans les années 1970. Arrêté et emprisonné à plusieurs reprises pour avoir notamment défendu la liberté d’expression, il a été condamné par un tribunal militaire à 12 ans de prison, dont 7 purgés, au cours desquels il dit avoir été « torturé à répétition » sur ordre de Sabeti.

« Sa torture a laissé une lourde charge psychologique. Chaque jour est une lutte. Il a suivi des années de thérapie pour tenter de surmonter les séquelles. Rien que penser à sa torture est une expérience viscérale et douloureuse. Parfois, il souffre de réactions de stress post-traumatique lorsqu’il essaie d’en parler : tremblements, étourdissements. »

John Doe III : Lycéen lors de son arrestation par la SAVAK, accusé d’avoir diffusé des tracts anti-Shah. Après qu’un camarade, arrêté avec une arme artisanale, l’a dénoncé, il a été inculpé de participation à un groupe armé et condamné à deux ans de prison. Selon la plainte, il y a subi des tortures atroces, « toutes autorisées et supervisées par Sabeti », dont les séquelles l’affectent encore.

« Revivre et raconter sa torture est une expérience pénible, parfois honteuse et humiliante. Le traumatisme lui a laissé un lourd fardeau qu’il porte depuis toute sa vie, même s’il a fait de son mieux pour y faire face. »

 

ALEX SHAMS
Notre homme pour Téhéran
La campagne soutenue par les USA et Israël pour placer Reza Pahlavi, fils du Shah, à la tête d’un changement de régime en Iran

Alex Shams, Boston Review, 6/8/2025

Traduit par Tlaxcala

Lorsqu’Israël a lancé une attaque surprise contre l’Iran le 13 juin, son objectif déclaré était de détruire le programme nucléaire de son adversaire. Mais en quelques jours, la mission a pris une autre tournure. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a ouvertement admis que l’opération pourrait conduire au renversement de la République islamique. Le dernier jour des combats, Donald Trump, qui avait soutenu l’attaque dès le début, a rejoint Netanyahou dans le discours de changement de régime.