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26/11/2021

HAARETZ
Herzog, le président des colonies juives

Éditorial, Haaretz, 26/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le président Isaac Herzog a décidé de donner le coup d'envoi de la célébration de Hanoukka en allumant dimanche soir 28 novembre la première bougie au Tombeau des Patriarches/Mosquée d’Ibrahim à al-Khalil/Hébron. De tous les lieux d'Israël, le président a choisi Hébron, symbole ultime de la laideur et de la brutalité de l'occupation, de la violence et de la domination des colons.

 Une ménorah de Hanoukka à neuf branches est plantée à côté d'un drapeau israélien sur le toit de la mosquée d’Ibrahim (Abraham) dans la ville d'al-Khalil/Hebron, en Cisjordanie occupée, le 9 décembre 2020 (AFP).

 La visite du premier citoyen d'Israël dans ce lieu - dont la plupart des habitants palestiniens ont été contraints par peur des colons de fuir et d'abandonner leurs maisons et leurs magasins, ce qui a transformé le cœur d'Hébron en ville fantôme - équivaut à accorder une légitimité officielle aux effroyables injustices qui y sont perpétrées chaque jour, avant et après le massacre par le Dr Baruch Goldstein de 29 fidèles arabes dans la mosquée d’Ibrahim.

 Dans aucun autre endroit de Cisjordanie, l'apartheid israélien n'est aussi horriblement flagrant : des rues séparées dans lesquelles les Palestiniens n'ont pas le droit de marcher, l’entrée des véhicules interdite aux Palestiniens qui y vivent encore, des postes de contrôle à chaque tournant - uniquement pour les Palestiniens, bien sûr. La violence et l'humiliation sont le lot quotidien de chaque résident palestinien de la part des colons et de leurs enfants, ainsi que de l'armée et de la police des frontières stationnées à chaque coin de rue.

 C'est là qu'Herzog pense qu'il doit se rendre. Sa visite prévue à Hébron est un geste de reconnaissance et de solidarité envers les colons les plus violents et une preuve supplémentaire que Hébron occupée a été annexée à    Israël, du moins de facto. Sinon, le président n'a aucune raison de s'y rendre.


Il ne viendrait probablement pas à l'esprit de Herzog de rencontrer, lors de sa visite prévue à Hébron, des victimes des colons de la ville, reconnaissant ainsi l'apartheid qui y est pratiqué.


Ce ne sera pas la première visite de Herzog en tant que président dans les colonies de Cisjordanie - et les plus violentes et les plus extrêmes. Il y a environ trois mois, peu après sa prise de fonction, le président s'est empressé de visiter Har Bracha - une colonie qui, avec ses avant-postes non autorisés, terrorise les habitants palestiniens de la région - et ce faisant, lui a accordé également une légitimité.

Si Herzog, qui vient de la gauche sioniste, veut allumer des bougies dans des lieux qui sont sacrés pour les Juifs, c'est bien sûr son droit. Mais en tant que président de l'État, un président qui a déclaré vouloir être le président de tout le monde, il devrait s'abstenir de visiter le lieu qui est totalement contraire à cette vision.

Il n'est pas encore trop tard pour annuler cette visite inacceptable. [On peut toujours rêver, NdT]

« En prière-en guerre », affiche de Mitchell Loeb de 1948 éditée par le Home of the Sages of Israel , une maison de retraite pour rabbins du Lower East Side de New York, assimilant les sionistes aux Maccabées, qui sauvèrent les Juifs de l’héllénisation au IIème siècle av. J-C, victoire célébrée par la fête de Hanoukka, devenue une variante juive du Noël « chrétien ». Cette fête dure 8 jours, une bougie de la ménorah à 9 branches étant allumée chaque soir, pour commémorer le « miracle » de la fiole d’huile qui dura huit jours dans le temple de Jérusalem arraché à l’emprise des Séleucides. [NdT]

ELDA CANTÚ
Le Honduras aux urnes

Elda Cantú, El Times, 26/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Elda Cantú (Reynosa, Tamaulipas) est une journaliste mexicaine basée à Mexico, où elle rédige le bulletin d'information bihebdomadaire gratuit du New York Times en espagnol, El Times. @eldacantu

Au Honduras, deux habitants sur trois vivent dans la pauvreté. Le pays souffre des graves effets du changement climatique : rien que l'année dernière, il a été frappé par deux ouragans. Chaque mois, des milliers de personnes migrent vers le nord à la recherche d'une vie meilleure. Environ un million de Honduriens vivent déjà aux USA.

Que faudra-t-il pour changer cette situation ? Un autre président ?

Dimanche, 5,3 millions de Hondurien·nes se rendront aux urnes pour des élections générales (parlementaires, municipales et présidentielle), et aussi pour savoir qui remplacera le président Juan Orlando Hernández, qui a dirigé le pays pendant huit années très turbulentes.


Les autorités nationales et usaméricaines ont accusé Hernández de corruption et d'avoir laissé le trafic de drogue organisé pénétrer son gouvernement.


L'élection sera également importante pour l'administration du président Biden, qui cherche depuis longtemps un allié dans cette région difficile.

 

Tegucigalpa, cinq jours avant les élections de dimanche ; Photo Orlando Sierra/Agence France-Presse - Getty Images

 
Avant la couverture de dimanche, j'ai parlé avec Juliana Barbassa, rédactrice en chef du Times pour l'Amérique latine, qui édite également ce bulletin chaque semaine.


Pourquoi l'administration Biden attend-elle autant de cette élection ?


JULIANA : Les USA et le Honduras ont une relation historiquement proche. Il y a deux raisons principales pour lesquelles les USA suivent cette élection avec intérêt.


La première est la migration. Les Honduriens, confrontés à d'énormes difficultés dans leur pays, se sont dirigés vers le nord en nombre croissant, créant un goulot d'étranglement à la frontière. Cela a posé un problème politique à Biden.

La seconde est la corruption et le trafic de drogue au Honduras, qui peuvent rendre la vie difficile et pousser de nombreuses personnes à chercher leur chance aux USA. Le gouvernement de M. Hernández a fait face à des allégations de corruption et des hommes proches du président, dont son frère, ont été condamnés pour trafic de drogue. L'administration Biden aimerait voir un vainqueur qui remporte un large mandat populaire. Cela donnerait aux USA un partenaire crédible au Honduras et pourrait améliorer les conditions dans le pays.


Qui sont les prétendants ?

JULIANA : La course est très serrée. En tête, Nasry Asfura, candidat charismatique et maire de la capitale, Tegucigalpa. Il se présente pour le parti qui est au pouvoir depuis le coup d'État de 2009, et de nombreux Honduriens aimeraient voir un changement.

À    gauche, le leader est Xiomara Castro, l'épouse de Manuel Zelaya, l'ancien président qui a été déposé lors du coup d'État. Elle a promis le changement. Mais le Honduras est un pays conservateur, et ses opposants tentent de la dépeindre comme une communiste qui pourrait s'allier au Venezuela et adopter des mesures socialement libérales.

Les enjeux sont élevés et le résultat devrait être très serré. Cela a suscité des craintes de fraude et d'instabilité parmi les partisans des deux partis.

 

Les agents électoraux préparent les bulletins de vote avant l'élection générale. Photo Fredy Rodriguez/Reuters

Les élections honduriennes s’ajoutent une série d'autres scrutins qui ont amené les Latino-Américain·es à se prononcer durant cette pandémie. Des élections législatives au Mexique aux élections présidentielles au Chili - en passant par le Nicaragua, le Venezuela, le Pérou et l'Argentine - les habitants du continent ont utilisé leur vote pour exprimer leurs frustrations et, surtout, leurs espoirs d'améliorer leur vie par des moyens démocratiques.

ELDA CANTÚ
Honduras a las urnas

 Elda Cantú, El Times, 26/11/2021


Elda Cantú (Reynosa, Tamaulipas) es una periodista mexicana radicada en Ciudad de México, donde escribe el boletín bisemanal gratuito de The New York Times en español, El Times. @eldacantu
En Honduras, dos de cada tres habitantes viven en condiciones de pobreza. El país sufre los fuertes efectos del cambio climático: solo en el último año fue azotado por dos huracanes. Cada mes, miles de personas emigran al norte en busca de una vida mejor. Alrededor de un millón de hondureños ya viven en Estados Unidos.

¿Qué hace falta para cambiar esta situación? ¿Otro presidente?

El domingo irán a las urnas 5,3 millones de hondureños en una elección que definirá legisladores, cargos municipales y también quién remplazará al presidente Juan Orlando Hernández, que ha gobernado el país durante ocho años muy turbulentos.

 

 

Autoridades nacionales y las de Estados Unidos han acusado a Hernández de corrupción y de permitir que el narcotráfico organizado penetre su gobierno.

La elección también será de importancia para el gobierno del presidente Biden, quien busca desde hace tiempo un aliado en esta región tan complicada.

Tegucigalpa, cinco días antes de los comicios del domingo; Foto Orlando Sierra/Agence France-Presse — Getty Images

 Previo a la cobertura del domingo, conversé con Juliana Barbassa, editora para América Latina del Times y quien también edita todas las semanas este boletín.

 

 

¿Por qué hay tanta expectativa por esta elección en el gobierno de Biden?

JULIANA: Estados Unidos y Honduras tienen una relación históricamente cercana. Ahora hay dos motivos principales por los cuales EE. UU. sigue esta elección con interés.

 

 

El primero es la migración. Los hondureños, al enfrentar tremendas dificultades en casa, se han dirigido al norte en cantidades cada vez mayores, lo que crea un cuello de botella en la frontera. Esto ha representado un problema político para Biden.

El segundo es la corrupción y el narcotráfico existentes en Honduras, que pueden dificultar la vida y empujar a muchos a buscar suerte en Estados Unidos. El gobierno de Hernández ha enfrentado acusaciones de corrupción y hombres cercanos al presidente, entre ellos su hermano, han sido condenados por narcotráfico. A la gestión de Biden le gustaría ver a un ganador que obtenga un amplio mandato popular. Eso le daría a Estados Unidos un socio creíble en Honduras y podría mejorar las condiciones en el país.

 
¿Quiénes son los contendientes?

JULIANA: La carrera está muy ajustada. A la cabeza va Nasry Asfura, un candidato carismático y alcalde de la capital, Tegucigalpa. Él compite por el partido que ha estado en el poder desde el golpe de 2009, y muchos hondureños desearían ver un cambio.

 

A la izquierda, quien lidera es Xiomara Castro, esposa de Manuel Zelaya, el expresidente que fue depuesto por el golpe. Ha prometido el cambio. Pero Honduras es un país conservador, y sus oponentes intentan presentarla como una comunista que podría aliarse con Venezuela y adoptar medidas socialmente liberales.

Hay mucho en juego y se espera que el resultado sea muy cerrado. Esto ha creado temores de fraude e inestabilidad entre los seguidores de ambos partidos.

 

Empleados electorales preparan las papeletas antes de las elecciones generales. Foto Fredy Rodriguez/Reuters 

Las elecciones en Honduras se suman a varias votaciones que han convocado a los latinoamericanos a las urnas en esta pandemia. Desde las legislativas en México hasta las
presidenciales en Chile —pasando por Nicaragua, Venezuela, Perú y Argentina— los habitantes del continente han empleado su sufragio para expresar sus frustraciones y, sobre todo, sus esperanzas de mejorar sus vidas por la vía democrática.



 

GIDEON LEVY
« Donnez-nous des armes pour protéger les Palestiniens de la violence des colons » : la proposition de Haïm Shadmi provoque un barouf du diable chez les Israéliens

Gideon Levy, Haaretz, 25/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Plusieurs faits sont incontestables : les Palestiniens des territoires occupés depuis 1967, en particulier les ruraux, sont une population en grand danger, sans défenseur. Ces derniers mois, leur situation s'est aggravée. Les attaques des colons sont devenues plus violentes, méthodiques et fréquentes, et leur vie est devenue un cauchemar. Il n'y a pas un seul agriculteur palestinien qui n'ait pas peur de sortir pour travailler sa terre, et beaucoup ont dû abandonner leurs parcelles par peur des colons.

 Des colons masqués armés de matraques (réglementaires) pour attaquer des Palestiniens et des militants, près de la ville de Surif, aux environs d'Al Khali/Hébron, ce mois-ci. Photo : Shai Kendler

 Les FDI, qui sont responsables de leur sécurité, ne songent même pas à bouger pour les défendre. Ses soldats restent là, protégeant presque toujours les attaquants, leur fournissant parfois des armes. Le haut commandement encourage cette conduite par son silence et son inaction, même si récemment une directive de pure forme a dit le contraire. Il est peu probable qu'elle soit mise en œuvre. La police israélienne ne fait rien non plus, et la police de l'Autorité palestinienne n'est pas autorisée à lever le petit doigt pour défendre sa population. Ainsi, la population est laissée plus sans défense qu'elle ne l'a jamais été.

On peut bien sûr l'accepter en haussant les épaules, comme on le fait pour toute la réalité de l'apartheid, et ne rien faire. Haïm Shadmi, journaliste et militant de la gauche radicale, pense autrement. Il pense exactement comme les colons : puisque les FDI ne font pas assez pour protéger les habitants, une autre force doit entrer en jeu. C'est ainsi que sont nées les milices de colons, dont le bras juridique s'appelle les "ravshatzim" (acronyme hébreu pour "coordinateurs de la sécurité militaire permanente"). Elles sont payées par l'État, armées par l'armée et autorisées à faire presque n'importe quoi au nom de la protection des colonies.

Et en effet, ils le font. Ils terrorisent les Palestiniens, blessant parfois des innocents, au nom de l'autodéfense. L'organisation "Hashomer Hachadash" a vu le jour dans un but similaire : là où la police n'en fait pas assez, une organisation civile a vu le jour en Israël avec une unité montée sur jeeps, une unité de motards et une unité de supplétifs volontaires de la police des frontières ; exactement ce dont la brutale police des frontières officielle avait besoin. « L'État d'Israël ne protège pas ses terres - nous protégeons les terres de l'État pour lui », déclare la page d'accueil du site ouèbe de l'organisation.

Shadmi pense de la même façon : une population sans défense doit être défendue. Sa conscience est éveillée : la gauche doit se lever pour défendre les personnes attaquées. C'est d'ailleurs ce que certains Blancs, dont de nombreux Juifs, ont fait en Afrique du Sud à l'égard de la population noire. Imaginez la lâcheté des voyous colons face à des Israéliens armés, vétérans de Tsahal, qui leur tiendraient tête.

 

Haim Shadmi (de sa page Facebook)

Lors d'un symposium de la Knesset sur la violence des colons organisé par la gauche cette semaine, Shadmi a fait part de sa proposition : « Si vous ne pouvez pas le faire », a-t-il dit aux députés, « s'il vous plaît, donnez-nous l'autorité d'utiliser des armes. Nous ferons le travail pour les Palestiniens et protégerons la vie humaine ». En d'autres termes, "ravshatzim", ou Hashomer Hachadash, sous les auspices de l'État, pour défendre les sans-défense. Shadmi a ajouté : « Nous ne ferons de mal à personne », mais, à ce stade, personne ne voulait entendre quoi que ce soit.

Le tumulte était révélateur. Il ne faut pas parler comme ça. Le premier était le membre le plus à gauche, le plus arabe du gouvernement de centre-gauche, Issaoui Freige [ministre de la Coopération régionale, parti Meretz, né à Kafr Qassem, où son grand-père a été assassiné par la police des frontières en octobre 1956 avec 48 autres Palestiniens, NdT]. « C'est déplacé. Vous êtes allés trop loin, trop loin, trop loin ». Pourquoi déplacé ? Et qui est allé trop loin ? Et qui va protéger vos frères dans les territoires ? Puis est venu le barouf on line, de gauche et de droite, violent, hyperbolique, incendiaire, déformant les mots de Shadmi : la gauche menace de meurtre.

La touche comique a été apportée par le président du Conseil des colonies de Yesha [Judée, Samarie et Gaza], David Elhayani, qui a demandé au commissaire de police de « placer Shadmi en détention pour l'interroger sur les menaces et l'incitation au meurtre ». Le si sensible Elhayani, qui en connaît un bout sur la violence, est effrayé par les menaces de la gauche. C'est drôle.

Presque personne n'a soutenu la proposition de Shadmi, l'une des plus pertinentes à être soulevée à gauche ces dernières années. S'il y avait une gauche, c'est ce qu'elle aurait dû faire depuis longtemps. Le problème avec cette armée du salut imaginaire, qui ne sera jamais créée : qui s'y portera volontaire ? Les enfants allumeurs de bougies [tradition d’Hanoukka, étendue à tout rassemblement commémoratif d’Israéliens « progressistes », NdT] ? Les supporters d’Hapoel [équipe de foot de Tel Aviv, dont les supporters sont en majorité ashkénazes et de gauche, NdT]? Les jeunes du Meretz ?

Lettre ouverte du peuple Kanak au peuple de France

 

 

Nouméa, le 23 novembre 2021

Chères Françaises, chers Français,

Vendredi 12 novembre 2021, le Haut-Commissaire de la République a annoncé la décision du gouvernement français de maintenir la date du 12 décembre 2021 pour la troisième et ultime consultation référendaire de l’accord de Nouméa sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Cette décision a été prise par le gouvernement en toute conscience des implications et des conséquences délétères qu’une telle décision ne manquera pas d’avoir.

Cette décision a été prise par le gouvernement alors même que les représentants politiques et coutumiers du peuple kanak avaient explicitement demandé son report pour cause de deuil.

Dire que nous sommes surpris serait mentir. Nous nous y attendions. Mais comme toujours nous espérions. Nous espérions que le gouvernement français malgré 168 ans de colonisation saurait pour une fois faire preuve d’humanité, de compassion, d’intelligence, de respect, de bon sens. Nous espérions que le gouvernement français agirait dans l’esprit de consensus de l’Accord de Nouméa, dans l’esprit de son préambule. Nous espérions… et nous avions tort.

Des questions viennent à l’esprit, auxquelles il va nous falloir absolument répondre dans les prochaines semaines, mais sans nous tromper cette fois, sans nous faire d’illusions sur l’humanité de l’État français et de son gouvernement. Des questions à nous-mêmes, au gouvernement français, au peuple de France et à ses élus. Des questions aussi à tous ceux qui vivent dans ce pays, disent l’aimer et vouloir le construire.

Le gouvernement français se berce d’illusions

Jusqu’à quand le gouvernement français entend-il abuser de la patience du peuple kanak, peuple premier de ce pays, peuple victime de la colonisation française depuis plus d’un siècle et demi ?

Jusqu’à quand la France pense-t-elle pouvoir bâtir un avenir institutionnel durable pour la Nouvelle-Calédonie en s’asseyant sciemment sur la culture du peuple kanak ? En feignant ostensiblement d’ignorer la place qui y occupent les cérémonies du deuil et le respect qu’on y doit aux morts ? En piétinant les sentiments, la sensibilité, la dignité humaine de tout un peuple ?

Le gouvernement français pense-t-il sérieusement que le scrutin qu’il entend maintenir le 12 décembre mettra fin à la revendication du peuple kanak, lui ôtera toute légitimité et lui permettra de poursuivre - un siècle encore, un siècle de plus, un siècle de trop - son travail d’assujettissement et de domination ?

Jusqu’à quand le gouvernement français continuera-t-il à se bercer et à bercer ses ressortissants d’illusions ? A faire croire qu’une consultation référendaire d’où le peuple kanak sera absent pourra ramener dans le pays toute la sérénité nécessaire à la reprise et au développement d’une économie durement éprouvée par la crise sanitaire ? A laisser penser qu’une consultation référendaire sans la participation du peuple colonisé aura valeur de solution et réglera, une fois pour toutes, la question de l’indépendance du pays ?

En maintenant la tenue de la consultation référendaire le 12 décembre prochain, le gouvernement français pense-t-il réellement convaincre l’Australie et la Nouvelle-Zélande qu’il est toujours un acteur fiable de la stabilité régionale et un maillon incontournable de l’axe Indo-Pacifique ? Et jusqu’à quand le gouvernement français pense-t-il pouvoir persuader les petits Pays du Pacifique qu’il est un allié crédible et respectueux de leur identité et de leur souveraineté ? Et ce gouvernement français pense-t-il vraiment abuser les Nations Unies sur la réalité de la situation politique en Nouvelle-Calédonie ? Ou encore convaincre les Nations Unies qu’il a pleinement rempli ses obligations internationales en matière de décolonisation ?

Qui peut croire possible de construire un avenir de concorde, de paix et de prospérité dans ce pays en n’entendant rien de ce que dit le peuple qui en est la racine depuis au moins 3000 ans ? Qui peut seulement croire possible de construire un avenir, quel qu’il soit, dans ce pays en oubliant l’esprit qui a présidé depuis plus de 30 années maintenant au dialogue des communautés qui y vivent ? Qui peut préférer le chant des sirènes gouvernementales françaises plutôt que de continuer à bâtir l’avenir du pays avec les Kanak ?

Ce gouvernement français croit-il sincèrement pouvoir ranimer les ombres de la colonisation et les faire passer pour des lumières ?


25/11/2021

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Silvio Rodríguez : 75 ans...et ceux qui restent à venir

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 29 novembre, l'auteur-compositeur-interprète, guitariste et poète cubain Silvio Rodríguez Domínguez a 75 ans. Ci-dessous un hommage plein de souvenirs à ce géant de la Nueva Trova, par un de ses camarades et amis - FG, Tlaxcala

 

En 1980 paraît l'album "Rabo de Nube" de Silvio Rodríguez. L'une de ses chansons est "Testamento". Contrairement à la tradition, dans son testament, Silvio ne parle pas de ce qu'il va quitter, mais de ce qu'il lui reste à   faire, ce qui n'est pas rien si l'on considère qu'à cette époque il n'a pas encore 35 ans. On dit qu'il a écrit cette chanson parce que son déplacement en Angola, en pleine guerre contre le colonialisme et l'apartheid, a rendu réelle et objective une éventuelle rencontre avec la mort.

   

Plus de 40 ans ont passé, la vie a continué à tracer son chemin, les années montrent que l'on est plus proche de la fin que du début. Je ne suis pas un chanteur, j'essaie de parler par écrit et dans cette mesure - en paraphrasant Silvio - je dois dire que je lui dois une chronique à un moment où j'ai également fait mon testament sur les choses que je dois encore faire.

J'écris ces lignes quelques jours avant le 75e anniversaire de Silvio. En fait, j'aurais dû le faire il y a cinq ans, lorsqu'il est entré dans sa huitième décennie de vie, mais le départ prématuré de Fidel nous a ébranlés - lui et moi. Je le lui ai dit quand nous avons parlé quelques jours plus tard. Il a été très laconique : « Nous ne sommes pas ici pour faire la fête ». Et c'est ainsi que la douleur nous a rongés, paralysant tout effort créatif. Il vaut donc la peine maintenant, en guise de souvenir, de raconter quelques anecdotes peu connues qui dépeignent l'être humain que j'apprécie, entremêlé au compositeur et au poète qui manque à tout le monde.

J'ai rencontré Silvio au milieu des années 1970, alors que je vivais encore dans l'appartement de l’avenue 23 à La Havane. Bien que nous ne nous soyons pas rencontrés fréquemment, les fois où je l'ai fait, nous avons eu des discussions intenses sur mon travail "étrange". C'était l'époque où je faisais les premiers pas dans ma formation militaire. L'étrangeté était due à mon statut d'étranger qui avait accès aux académies militaires cubaines.

Dans ces premières conversations, j'ai pu percevoir la qualité d'un être exceptionnel. Bien que sa musique ait commencé à m'accompagner et ait été présente dans ma vie depuis ce moment jusqu'à aujourd'hui, je ne pense pas l'avoir approché tant pour sa condition de musicien incomparable que pour sa condition humaine et son extraordinaire sensibilité qui lui fait posséder un esprit internationaliste, détenteur d'un sentiment de solidarité indéfectible avec ceux qui luttent "où que ce soit" car nous sommes leurs frères, comme l'a souligné Camilo [Cienfuegos].

En arrière-plan, je pouvais deviner que Silvio était envieux des possibilités que la vie m'avait offertes. J'étais très jeune, je n'étais personne (je ne suis toujours personne) et il était déjà SILVIO RODRÍGUEZ, avec une majuscule, bien qu'il ne s'intéressât pas, ni alors, ni aujourd'hui, à le faire sentir à qui que ce soit. À cette époque, je n’avais pas la capacité rhétorique ni la faculté de discernement que les années procurent, mais je pouvais percevoir que Silvio aspirait à libérer ce sentiment internationaliste avec autre chose que la guitare. Il le dit dans son testament :

« Je dois une chanson à une balle
à
un projectile qui devait m'attendre dans une jungle. 

Je te dois une chanson désespérée 

 

Désespérée de ne pas pouvoir la voir ».

 

Puis vinrent la guerre et la révolution au Nicaragua. Après le triomphe du 19 juillet, en septembre, un ami qui travaillait à l'époque à la transformation de la défunte "Radiodifusora Nacional" en "La Voz de Nicaragua", sachant que je me rendrais à Cuba, m'a demandé de lui apporter des disques de l'île car il avait été chargé de créer une bibliothèque musicale. Quand je suis arrivé à La Havane, je suis allé voir Silvio et lui ai parlé de ma mission. Il m'a demandé quand je rentrais à Managua et m'a dit de passer la veille. Entretemps, il s'était chargé d'enregistrer sur cassettes un large éventail de musique cubaine (pas seulement la sienne), qui ferait partie des premiers morceaux constituant la collection de la nouvelle station de radio du Nicaragua révolutionnaire.