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17/06/2022

HAIDAR EID
Écrire notre propre histoire : note de lecture de The Stone House, de Yara Hawari

Haidar Eid, Mondoweiss, 16/6/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

"The Stone House" de Yara Hawari est l'histoire d'un traumatisme palestinien sans fin, enraciné dans la Nakba. Mais c'est aussi un témoignage de fermeté, de résistance et,  j'ose le dire, d'espoir.

Bâtiments dépeuplés dans le village de Lifta, à l'ouest de Jérusalem, le 6 mars 2022. Le village de Lifta, qui se trouve juste à l'extérieur de Jérusalem, est abandonné depuis que l'armée israélienne a chassé les derniers de ses habitants palestiniens en 1948. Photo : Wajed Nobani/APA Images

THE STONE HOUSE
par Yara Hawari
96 pages. Hajar Press, 12,50 £.

Il se trouve que je donnais mes derniers cours de critique littéraire, où je discutais avec mes étudiants de termes littéraires tels que le réalisme et la question de savoir si la littérature peut le transcender et aller «  au-delà du réalisme « , pour ainsi dire, lorsque j'ai commencé à lire la " novella "[roman court] de Yara Hawari, The Stone House. Mais s'agit-il d'une novella, c'est-à-dire d'un genre littéraire qui fictionnalise la réalité ? Il est rare que je finisse de lire une fiction d'une traite, mais ce livre était une exception.

Dans mon autre cours sur le genre, nous lisons des textes palestiniens et sud-africains, de Ghassan Kanafani et Njabulo Ndebele, où nous discutons de l'histoire du point de vue du colonisé et de la manière dont elle offre une alternative à l'histoire officielle, c'est-à-dire à la version plus dominante du colonisateur. Nous comparons ensuite l'histoire de la Palestine et de l'Afrique du Sud et concluons que l'apartheid et le sionisme ont tous deux créé un récit historique dominant qui cherche à éliminer tous les autres récits.

C'est pourquoi j'ai trouvé la (non-)fiction de Yara étonnante ! Écrit/narré du point de vue de trois "personnages" représentant trois générations de Palestiniens des années 1920 et 1930, puis de 1948 (la génération de la Nakba) et enfin de 1968, après la Naksa, lorsque toute la Palestine historique est tombée aux mains des troupes sionistes.  Le centre de la nouvelle, étant une histoire palestinienne, est bien sûr la Nakba et son impact sur le père, la grand-mère et l'arrière-grand-mère de Yara, racontée sur un ton mélancolique. En fait, étant moi-même Palestinien, je dirais certainement que c'est l'histoire de ma propre famille qui m'a été racontée par ma mère et ma grand-mère sous la forme de hekaya, de contes, notre forme d'histoire orale qui a maintenu notre récit en vie malgré toutes les tentatives des puissances plus hégémoniques de l'effacer. Dans la nouvelle de Yara, elle est parfois racontée de manière directe, et parfois sous forme de flux de conscience, personnel et collectif.

Mahmoud, le père de Yara, se voit consacrer le premier chapitre pour nous faire part de l'impact direct de la Nakba sur sa vie, même s'il est né quelques années après. Mahmoud est un citoyen palestinien de seconde classe en Israël, vivant sous le coup des lois racistes d'Israël, un "absent présent", un rappel constant du péché originel d'Israël, à savoir le nettoyage ethnique de la Palestine, et il doit en payer le prix fort.

Le deuxième chapitre est raconté par sa mère, Dheeba, une femme bédouine courageuse et éloquente, mariée à un fellah (agriculteur/paysan) et qui doit faire face à ce fait en plus d'être Palestinienne. Bien que Dheeba soit analphabète, le social et le politique sont abordés de manière fascinante à travers sa conscience.

Le troisième chapitre est consacré à Hamda, l'arrière-grand-mère de Yara, qui nous ramène au début du siècle, lorsque la Palestine était d'abord sous occupation ottomane, puis sous le colonialisme britannique, naïvement bien accueilli par les Palestiniens sur la base d'une fausse promesse de liberté.

Ce qui relie les trois personnages, et le reste du peuple palestinien, c'est la Nakba. Edward Said l'a très bien exprimé dans After the Last Sky, où il voit une ligne entre la vie personnelle de chaque Palestinien et la Nakba. Le thème de presque tous les écrits de Ghassan Kanafani tourne autour de cet événement horrible. La plupart des poèmes de Mahmoud Darwish portent sur l'identité palestinienne après la Nakba. Et Handala de Naji Al Ali est le fils de la Nakba. Le livre de Yara ne fait pas exception.

... [Mahmoud] a découvert que les récits de la Catastrophe se posaient lourdement et douloureusement dans son esprit. Il pouvait les imaginer de manière très vive, avec angoisse, comme s'il s'agissait de ses propres souvenirs. Ils éclipsaient le présent et brouillaient les distinctions dans le temps et entre les générations.

Comme si Yara décrivait mes propres sentiments !

C'est l'histoire de hekayas personnelles, d'un traumatisme sans fin, dont le centre est la Nakba. Mais en même temps, c'est une exposition de Sumud/résistance, muqawama/résistance, Thaakera/mémoire, Hawiyya/identité et... j'ose dire, d'ESPOIR !

C'est pourquoi j'ai décidé de conclure cette note par une citation de Patrice Lumumba, le premier Premier ministre démocratiquement élu de la République démocratique du Congo. :

   « Un jour, l’histoire aura son mot à dire, mais ce ne sera pas l'histoire qu'on enseigne à l’ONU, à Washington, Paris ou Bruxelles [ou Tel Aviv], mais l'histoire qu’on enseignera dans le pays libéré du colonialisme et de ses marionnettes.

    L'Afrique [la Palestine] écrira sa propre histoire et ce sera une histoire de gloire et de dignité ».

 

 

 

GIDEON LEVY
A.B. Yehoshua, le visionnaire de l'État unifié

Gideon Levy, Haaretz, 17/6/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

A.B. Yehoshua était le visionnaire de l'État unifié. Ce n'est pas un hasard si cette pierre angulaire de sa pensée a été laissée de côté dans les nombreux éloges funèbres prononcés à son sujet depuis sa mort, mardi. Yehoshua était le seul de sa génération et de son statut à avoir osé franchir le Rubicon. Il n'a pas terminé la traversée, et peut-être ne l'aurait-il jamais fait, car la route était encore longue ; mais il a osé commencer à y marcher. Contrairement à son cher ami Amos Oz, et à la gauche sioniste en général, Yehoshua a eu l'audace d'admettre l'échec de la solution à deux États et de reconnaître publiquement sa futilité.

A.B. Yehoshua. Photo : Rafaela Fahn Schoffman

 Le reste de ses amis de gauche ont continué et continuent de s'enliser dans cette solution pour apaiser leurs consciences. Voici la solution. Tout ce que nous avons à faire, c'est de la retirer de l'étagère. Mais l'étagère n'existe pas, la solution n'existe pas, et elle n'a probablement jamais existé. En s'enfonçant dans leur faux rêve, ils ne font que nous éloigner de toute solution et renforcer l'occupation. La plupart d'entre eux se mentent également à eux-mêmes, car au fond de leur cœur, ils savent, bien sûr, qu'il n'y aura jamais deux véritables États entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Yehoshua était presque le seul à le reconnaître. C'était son caractère unique, c'était sa grandeur.

Le début a été très différent. En lisant l'entretien que j'ai eu avec lui lors de notre première rencontre, chez lui à Haïfa, il y a 35 ans cet été (publié dans le magazine Haaretz, le 15 mai 1987), lorsque son livre  L’année des cinq saisons a été publié, il dépeint une personne totalement différente, le porte-parole de la gauche sioniste à son pire. Yehoshua compare l'ascension du Likoud au gouvernement de l'époque à la nuit où la guerre du Kippour a éclaté : « une odeur de sang, quelqu'un est blessé, quelqu'un est déchiré... comme si des parachutistes égyptiens débarquaient dans le [col] de Mitla... comme si des pilotes égyptiens bombardaient les aérodromes israéliens... le monde s'est écroulé ». Le jeune Yehoshua voyait le changement de gouvernement lors d'élections légitimes et démocratiques comme la fin du monde, la fin de son monde.

Il les détestait vraiment, et il n'hésitait pas à le dire : « J'étais au sommet de ma haine pour les Likoudniks. Je me braquais totalement quand je les voyais ». Déjà à l'époque, il était l'un des chefs spirituels du camp éclairé, le camp qui, aujourd'hui encore, récite le mantra « juif et démocratique ». Aujourd'hui encore, ce camp est certain qu'il existe un gouffre énorme entre les électeurs inférieurs du Likoud et son auguste élévation, et que le retour du Likoud au gouvernement sonne la fin de la civilisation. Yehoshua a également été sevré de cette idée. Benny Ziffer a écrit mercredi dans Haaretz que Yehoshua voulait encore rencontrer Benjamin Netanyahou avant de mourir.

Il va sans dire qu'en 1987, Yehoshua parlait encore de « séparation d’avec les Palestiniens » et de la « vision à deux États », comme tout le monde dans ce camp à l’époque. C'était fascinant de voir le processus après cela : graduel, mesuré, pour que cela ne fasse pas trop mal. En décembre 2016, Yehoshua a proposé de donner la citoyenneté israélienne à 100 000 Palestiniens vivant dans la zone C. Toujours deux États, mais il voulait « réduire le niveau de malfaisance ». Deux ans plus tard est venu le moment décisif : Dans deux articles du Haaretz (les 12 et 16 avril 2018), il déclare le divorce. Le plan pour mettre fin à l'apartheid : le moment était venu de dire adieu à la vision des deux États.

Les conclusions inévitables qu'il a laissées à ceux qui viennent après lui. Il n'était plus assez fort pour passer à la phase suivante, la séparation inévitable d’avec le sionisme. Si le temps de la séparation de la vision à deux États était venu, il fallait aussi se séparer soit de l'État juif soit de l'État démocratique. Il est impossible d'avoir les deux. Qu'a choisi Yehoshua ? À la fin de ses articles phares de 2018, il a écrit : « Ce qui est en danger maintenant, ce n'est pas l'identité juive et sioniste d'Israël, mais son humanité - et l'humanité des Palestiniens qui sont sous notre domination ». L'homme qui avait consacré ses prouesses intellectuelles à la question de l'identité juive, qui nous a rappelé à tous que le peuple juif n'avait pas imaginé immigrer ici pendant les siècles au cours desquels il aurait pu le faire, et préféré la nostalgie et les lamentations, a trouvé quelque chose de plus important que l'identité juive et sioniste : l'humanité. Au revoir, cher ami, et merci pour toutes ces conversations.

 Livres de A. B. Yehoshua en français

16/06/2022

Louis Hunkanrin : Le forfait colonial, un pamphlet contre l’esclavagisme




Considéré comme le « Père du mouvement national dahoméen », Louis Hunkanrin (1886-1964) fait partie de la première promotion de l’École normale de Saint-Louis du Sénégal en 1907. Il ne sera pas instituteur longtemps : révoqué en 1910, déporté du futur Bénin à Dakar, il s’engage dans le journalisme anticolonial et participe dès 1922 au journal de l’Union intercoloniale, Le Paria, fondé à Paris par Nguyên Ai Quôc, le futur Hô Chi Minh. Qualifié de meneur de la rébellion de Porto-Novo de février 1923, il est condamné à dix ans d’internement administratif en Mauritanie. C’est là qu’il découvre que l’esclavage, officiellement aboli par la puissance coloniale en 1905, se maintient avec l’assentiment des autorités coloniales, qui vont jusqu’à prélever une taxe sur chaque esclave, équivalente à la taxe sur 5 moutons. Il s’engage donc dans ce combat, dont cette brochure retrace les péripéties. Près d’un siècle plus tard, elle reste d’une actualité percutante : dans la Mauritanie du XXIème siècle, l’esclavage est loin d’avoir disparu et il prospère en toute illégalité.

Ebook € 1.62 – Papier € 5.40

https://glocalworkshop.com/fr/produit/le-forfait-colonial-louis-hunkanrin/

AKIVA ELDAR
La Norvège va étiqueter les produits des colonies israéliennes

 

Akiva Eldar, Haaretz, 16/6/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le gouvernement norvégien a décidé de faire une distinction entre les produits originaires des territoires palestiniens occupés depuis 1967 et ceux qui se trouvent à l'intérieur des frontières de 1967, la fameuse Ligne verte. Le moment de cette décision est apparemment sans rapport avec la crise autour de l'extension de l'ordonnance réglementant le statut des colons israéliens dans ces territoires, crise qui menace désormais l'existence du gouvernement de coalition. Cependant, il existe un lien étroit entre cette ordonnance d'apartheid, dont le renouvellement de l'approbation est devenu une question de routine pour le corps législatif israélien, et la décision prise par la Norvège.


L'ordonnance israélienne en question soumet un colon juif à un système judiciaire et son voisin palestinien à un autre système, inférieur. L'ordonnance norvégienne accorde un traitement préférentiel à un agriculteur (juif et palestinien)  vivant en Israël proprement dit, qui cultive des poivrons pour gagner sa vie, tout en refusant ces avantages à son homologue israélien qui gagne sa vie en cultivant des poivrons sur un territoire occupé - ou sur une « terre d'État/publique » {« state land »] qui ne fait pas partie de l'État d'Israël.

La nouvelle loi norvégienne, comme celles déjà en vigueur dans plusieurs pays de l'Union européenne, touche à une loi qui n'est pas moins raciste et corrompue - et peut-être même plus - que l'ordonnance qui a fait la une des journaux récemment. Cette loi légitime la prise de contrôle de terres de Cisjordanie par des agriculteurs, des industriels et des entrepreneurs israéliens, leur permettant de saper une solution diplomatique tout en réalisant des profits.

La Knesset est absoute d'avoir à plusieurs reprises reconduit la loi qui régit ce vol de terres. Le sultan turc l'a fait dans une loi foncière de 1858, qu'Israël sanctifie maintenant. Pour être plus précis, Israël a donné à certaines des clauses clés de la loi une interprétation qui profite à l'occupant au détriment des résidents palestiniens.

À la différence de l'ordonnance sur la Cisjordanie, qui doit être renouvelée tous les cinq ans, l'ancienne loi n'a pas de date d'expiration. Les mots magiques de la loi, « terres publiques », passent de génération en génération, de gouvernement en gouvernement. Selon cette loi, sont « terres publiques » sont toutes les parcelles de terre dont les « indigènes » ne peuvent prouver qu'ils sont propriétaires. Comme il n'y a pas eu d'autre État en Cisjordanie au cours des 55 dernières années, l'occupant israélien s'empare de tout.

Combien de fois avez-vous entendu l'argument de réfutation : « Que voulez-vous de nous, nous n'avons rien pris à aucun Arabe ? Notre colonie se trouve sur une terre publique ». Mais Israël n'a pas annexé ces terres, et pas à cause d'un quelconque scrupule moral. Il s'est abstenu de le faire pour ne pas incorporer des centaines de milliers d'Arabes à ce territoire et pour éviter de se chamailler avec les USA. Il préfère détenir ces terres en tant que syndic et en faire ce qu'il veut.

Dans leur pure impudence, les colons de droite s'appuient sur les Accords d'Oslo pour soutenir leur affirmation selon laquelle Israël est minutieux en s'appropriant « seulement » la zone C, telle que désignée dans ces accords, qui, notons-le, comprend 60 % de la Cisjordanie. Qui se souvient que la validité du concept des zones A et B était censée expirer au cours du millénaire précédent, pour faire place à un accord permanent ?

Le droit international et la décence commune obligent le syndic - le commandant militaire dans ce cas - à préserver les « terres publiques » et à les développer au profit de la population palestinienne locale. La Cour suprême israélienne a même jugé qu'une administration militaire doit s'occuper des résidents protégés dans un territoire occupé.

Dans la pratique, la quasi-totalité des « terres publiques » sont désormais entre les mains des conseils régionaux de colons, incluses dans leur zone de compétence. Cela signifie que les Palestiniens, qui représentent 88 % des résidents de Cisjordanie, ont été empêchés a priori d'utiliser ces terres avant même qu'elles ne soient attribuées à quelqu'un d'autre pour une quelconque utilisation.

Selon les chiffres fournis par l'administration civile à La Paix Maintenant, plus d'un million de dunams, soit 100 000 hectares, ont été déclarés « terres d'État » au fil des ans. De plus, 99,76 % des terres d'État allouées pour être utilisées dans ces territoires ont été données aux colons. Les Palestiniens ont reçu 0,24 %, tout au plus. Ainsi, à l'aide d'une loi conçue à des fins impérialistes, Israël s'est emparé de la plupart des terres de Cisjordanie. Cela s'ajoute aux milliers de dunams de Jérusalem-Est, qu'Israël a expropriés des Palestiniens en utilisant la loi sur les absents. 

Après tout cela, le ministère israélien des Affaires étrangères ose réprimander les pays qui, de temps à autre, nous rappellent les méfaits de l'occupation, qui est mise en œuvre à l'aide de lois qui sembleraient naturelles dans le régime d'apartheid d'Afrique du Sud. Quelqu'un a déjà proposé de démanteler la conférence des États donateurs, que la Norvège préside, un mécanisme qui a été créé dans les années 1990 afin de soutenir le processus de paix et qui est ensuite devenu un sous-traitant de l'occupation. Une punition appropriée. Il est temps que nous commencions à payer pour notre contrôle sur des millions de personnes et pour le vol de leurs terres.


 

14/06/2022

HAIDAR EID
Une chanson pour le BDS

Haidar Eid, Mondoweiss, 14/6/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Des militants de Gaza retravaillent une chanson classique de la résistance palestinienne de la première Intifada pour l'adapter au mouvement BDS d'aujourd'hui.

À la mémoire de Samah Idriss(1961-2021), militant BDS et intellectuel révolutionnaire engagé

Un an s'est écoulé depuis le bombardement aérien brutal de Gaza par Israël, au cours duquel des centaines de civils palestiniens, dont des femmes et des enfants, ont été brutalement tués par la machine de guerre israélienne. À l'époque, la société civile de Gaza a publié une déclaration appelant les partisans internationaux à intensifier les campagnes BDS afin d'isoler le régime d'oppression meurtrier d'Israël. Cette chanson était censée être publiée dans le cadre des activités de la semaine de l'apartheid israélien l'année dernière, mais en raison de la propagation de Covid-19 et de l'attaque israélienne, elle n'a pas vu le jour.

 A poster being used to promote 2022 Israel Apartheid Week in Gaza.

Affiche de promotion de la Semaine contre l'apartheid israélien 2022 à Gaza

Il s'agit d'une chanson appelant au boycott de l'Israël de l'apartheid, et énonçant les demandes du peuple palestinien, qui se trouvent être celles du mouvement BDS : « Nous voulons la liberté et le retour ». Elle poursuit en célébrant la culture du boycott de « Haïfa (1948) à la Cisjordanie (1967) ». C'est le « tison » désiré qui doit être « allumé » et le « fruit de l'arbre qui doit être arrosé par la pluie à venir pour raconter l'histoire des héros révolutionnaires aux grandes idées ».

Les paroles sont basées sur une chanson interprétée par le grand chanteur palestinien Walid Abdussalam et écrite par le poète palestinien Yacoub Ismail pendant la première Intifada, que nous avons humblement modifiée afin de l'adapter aux exigences du BDS. La chanson originale était une chanson folklorique pour enfants, mais avec une dimension révolutionnaire qui incluait un appel à la grève générale et à la désobéissance civile. L'objectif de notre nouvelle version est de capturer l'essence de l'activisme BDS et de l'exprimer avec éloquence. Nous dédions ce texte à notre camarade Samah Idriss qui l'aurait célébré et dont l'esprit vole avec nous dans le ciel de Gaza, en Palestine.

BDS...BDS

Aujourd'hui et demain...BDS

Haïfa et la Cisjordanie...BDS

Nous avons des droits légitimes

Retour et liberté

La liberté vient par la révolution

Mais la révolution a besoin d'une étincelle

Cette étincelle est fournie par le boulanger

Mais le boulanger dort affamé

Et le boulanger affamé a besoin d'un fruit

Ce fruit est sur l'arbre

L'arbre doit être arrosé

Soit par l'eau de source, soit par la pluie.

La pluie arrive

Avec une histoire à raconter

Sur les héros révolutionnaires

Qui ont l'étincelle

Pour enflammer la révolution

Avec de grandes idées

Des idées... des idées

Qui apporteront un nouveau jour

HAIDAR EID
A song for BDS

Haidar Eid, Mondoweiss, 14/6/2022

Activists in Gaza rework a classic Palestinian resistance song from the first intifada to fit the BDS movement today.

Dedicated to the memory of the late BDS activist and engaged, revolutionary intellectual Samah Idriss (1961-2021)

It’s been a year since Israel’s brutal aerial bombardment of Gaza, in which hundreds of Palestinian civilians, including women and children, were brutally killed by Israel’s war machine. At the time, Gaza-based civil society issued a statement calling on international supporters to escalate BDS campaigns to isolate apartheid Israel’s murderous regime of oppression. This song was supposed to be released as part of the Israeli Apartheid Week activities last year, but due to the spread of Covid-19 and the Israeli attack, it didn’t see the light of day.

 A poster being used to promote 2022 Israel Apartheid Week in Gaza.

A poster being used to promote 2022 Israel Apartheid Week in Gaza

It is a song calling for the boycott of apartheid Israel, and states the demands of the Palestinian people, which happen to be those of the BDS movement: “we want freedom and return.” It goes on to celebrate the culture of boycott from “Haifa (1948) to the West Bank (1967.)” That is the desired “firebrand” that needs to be “ignited” and the “fruit of the tree that needs to be watered by the coming rain to tell the tale of revolutionary heroes with grand ideas.”

The lyrics are based on a song performed by the great Palestinian singer Walid Abdussalam and written by Palestinian poet Yacoub Ismail during the first intifada, which we have humbly modified in order to adapt it to BDS demands. The original song was a folkloric song for kids, but with a revolutionary dimension which included a call for general strikes and civil disobedience. The aim of our new version is to capture the essence of BDS activism and eloquently articulate them. We dedicate this to our late comrade Samah Idriss who would have celebrated it and whose spirit is flying with us in the skies of Gaza, Palestine.

 

BDS…BDS

Today and tomorrow…BDS

Haifa and the West Bank…BDS

We have legitimate rights

Return and Freedom

Freedom comes through revolution

But the revolution needs a spark

That spark is provided by the baker

But the baker is sleeping hungry

And the hungry baker needs a fruit

That fruit is on the tree

The tree has to be watered

By either spring water or rain

The rain is coming

With a tale to tell

About revolutionary heroes

Who have the spark

To ignite the revolution

With grand ideas

Ideas…ideas

That will bring a new day

10/06/2022

JONATHAN SHAMIR
Une révolution dans les études arabes secoue les universités israéliennes

Jonathan Shamir, Haaretz, 1/6/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Du Néguev au nord, les universités israéliennes modifient la façon d'enseigner l'arabe, ce qui interpelle à la fois les étudiants juifs et arabes. Les nouvelles tendances du monde universitaire pourraient-elles transformer les relations entre Juifs et Arabes dans tout le pays ?

 Étudiantes palestiniennes à l’Université hébraïque de Jérusalem. Photo Olivier Fitoussi

En ce mardi tendu sur le campus de l'Université hébraïque, deux manifestations rivales battent leur plein après l'arrestation, par un policier hors service étudiant à l’université, de deux étudiants palestiniens sur le campus, pour avoir prétendument chanté une chanson nationaliste en arabe.

 

Alors que les chants se poursuivent à l'extérieur en ce jour de mars, Iyas Nasser est sur le point de commencer à donner un cours de premier cycle sur le poète du Xe siècle Abou al-Faraj al-Isfahani. En arabe.

 

En janvier 2021, Nasser est devenu le premier maître de conférences palestinien à être titularisé au département de langue et de littérature arabes de l'Université hébraïque depuis sa création en 1926, et il a insisté pour utiliser l'arabe comme langue d'enseignement.

 

Après près d'un siècle pendant lequel les universités israéliennes ont traité l'arabe comme une langue sans importance, et après que la loi de l'État-nation juif eut rétrogradé l'arabe en tant que langue officielle, Nasser est l'une des nombreuses personnes qui tentent de donner un nouveau souffle à la discipline et qui aspirent à transformer les relations judéo-arabes dans le processus.

 


Étudiantes d'arabe à l'Université Ben-Gourion de Be'er Sheva Photo Yonatan Mendel

 

Grand départ

 

Même les couloirs menant à la salle de classe de Nasser portent des signes de ce changement naissant, le professeur ayant entrepris un projet visant à corriger la signalisation en langue arabe de l'université.

 

Dans la salle de classe elle-même, faiblement éclairée par un soleil déclinant, 15 étudiants - répartis presque équitablement entre Palestiniens et Israéliens juifs - lisent et discutent du « Livre des Chants » d'Isfahani.

 

Ce passage traite d'une conversation entre deux chanteurs portant le nom de leur ancêtre commun : Avraham (ou Ibrahim) et Yitzhak (Ishaq), là où les religions abrahamiques se sont séparées.

 

Lorsqu'une étudiante juive intervient en hébreu pour vérifier qu'elle a bien compris, l'explication de Nasser est accompagnée d'une légère plaisanterie l'encourageant à tester son arabe.

 

Si l'on met de côté les encouragements ironiques de Nasser, cette approche représente un changement majeur pour les études arabes en Israël et fait partie d'une révolution tranquille et tardive dans cette discipline.

 

Les études arabes en Israël ont toujours été guidées par une « approche philologique allemande axée sur l'étude de l'histoire à travers les textes et la compréhension de la grammaire et de la syntaxe des textes classiques », explique Yonatan Mendel, maître de conférences au département des études du Moyen-Orient de l'Université Ben-Gurion du Néguev, à Be'er Sheva, et chef de la division de la langue et de la culture arabes.

 

De même qu'il n'était pas nécessaire d'enseigner l'hébreu biblique et ses tomes dans la langue d'origine, « l'utilisation de l'arabe comme langue d'enseignement ne faisait pas partie de la question - créant ainsi un domaine plus adapté aux Israéliens juifs qu'aux Arabes palestiniens », explique Mendel.

 

Une telle approche aurait pu avoir un sens dans l'Allemagne du XIXe siècle, où il n'y avait pas d'Arabes. Mais elle est rapidement devenue anachronique lorsqu'elle a été transplantée en Palestine mandataire, et est devenue encore plus excluante lorsqu'elle a été liée à des considérations militaires en Israël.

 

Pour les Palestiniens, cela signifie qu'ils ont toujours été confrontés à des barrières à l'entrée pour étudier ou enseigner leur propre langue et leur propre culture au niveau universitaire, ce qui a créé des classes d'études arabes essentiellement dépourvues d'Arabes.

 

En sortant de la classe de l'Université hébraïque, deux étudiantes palestiniennes de Jérusalem-Est, Asma et Hala, disent avoir trouvé qu'étudier dans leur propre langue était « responsabilisant ».

 

Pourtant, c'est le seul cours en arabe de Hala et elle dit qu'en tant que seule étudiante palestinienne, elle ne se sent pas à l'aise pour intervenir en hébreu et ralentir le rythme des autres cours.

 

Nasser n'est pas le seul à l'université de Jérusalem à enseigner dans sa langue maternelle. Tawfiq Da'adli, maître de conférences en études islamiques et du Moyen-Orient, a choisi d'enseigner un récent cours en arabe parlé, car seuls deux des étudiants étaient juifs.

 

L'une de ces élèves, Maayan, raconte que c'était un "défi", mais qu'elle s'est rapidement adaptée - reconnaissant que Da'adli était toujours prêt à donner des explications supplémentaires pour elle et l'autre étudiante juive. Elle ajoute que ses camarades arabes étaient « bouleversés : pendant une seconde, ils se sentent égaux ».

 

L'arabe devient de plus en plus courant comme langue d'enseignement dans d'autres universités israéliennes également.

 

Arin Salamah-Qudsi, directrice du département de langue et de littérature arabes de l'Université de Haïfa, explique qu'ils ont pu adopter l'arabe standard moderne comme "principale langue d'enseignement" du département parce qu'ils "acceptent les étudiants qui connaissent déjà bien l'arabe" et proposent un programme préparatoire pour ceux qui ne le connaissent pas.

 

Selon Salamah-Qudsi, environ la moitié du corps enseignant est arabe. Et bien qu'elle concède que "les étudiants arabes et juifs ont des difficultés" avec cette approche dure, elle a "apporté de vrais résultats."

 

Iyas Nasser. Premier conférencier palestinien à être titularisé dans le département de langue et de littérature arabes de l'université hébraïque.

 


Iyas Nasser, le premier maître de conférences palestinien à être titularisé au département de langue et de littérature arabes de l'Université hébraïque. Photo Iyas Nasser.

 

« Des étrangers dans leur propre département »

 

Cependant, à 90 kilomètres de Haïfa, sur la côte, il semble y avoir plus de résistance à l'adoption de ce modèle. Le directeur du département d'études arabes et islamiques de l'université de Tel Aviv, le professeur Jeries Khoury, déclare qu'au vu de la baisse du nombre d'étudiants en sciences humaines en général, il souhaite « garder les étudiants juifs dans notre département car ils contribuent à leur communauté par leur amour de notre culture et de notre histoire. D’autre part, nous devons satisfaire les étudiants arabes qui veulent entendre de l'arabe dans nos cours ».

 

Manar Makhoul, professeur de littérature arabe à l'université, affirme que "90 % des discussions" dans ses séminaires avancés sont en arabe. « Nous sommes dans un département d'arabe - c'est naturel. Imaginez que vous étudiez le français et que vous n'utilisiez pas la langue », dit-il en riant.

 

Selon lui, « les étudiants arabes l'adorent et les étudiants juifs-israéliens l'adorent aussi. Au contraire, ils se plaignent de ne pas avoir eu assez d'arabe ».

 

Si Nasser adhère à une approche textuelle de l'étude de la littérature, Makhoul affirme qu'il n'est « pas seulement un spécialiste de la littérature arabe mais aussi des études culturelles. Nous devons avoir une vision globale de tous les aspects de la production culturelle.

 

« Nous devons rendre l'arabe contemporain et pertinent. Il y a un contexte politique à l'endroit où nous vivons, comme partout, mais nous devons aussi présenter d'autres aspects de la culture arabe, de l'art - et, plus important encore, de l’accessibilité de la langue », souligne-t-il.

 

Khoury, quant à lui, se dit frustré par le modus operandi des universités israéliennes, notamment au niveau du premier cycle universitaire. « S'il y a 15 arabophones et qu'une personne ne sait pas parler arabe, alors le cours finit par se faire en hébreu », soupire-t-il.

 

Lorsque des étudiants arabes viennent étudier et que les cours se déroulent en hébreu ou même en anglais, « ils se sentent comme des étrangers dans leur propre département », ajoute-t-il.

 

Les deux maîtres de conférences arabes, qui représentent un tiers de leur département, par ailleurs juif, ont cherché des moyens créatifs d'encourager l'arabe en classe - depuis l'élaboration d'un cours pour les locuteurs non natifs dans le dialecte palestinien jusqu'à la rémunération d'étudiants arabes en maîtrise ou en doctorat pour aider les étudiants juifs qui ont du mal à suivre. Khoury termine toutefois sur une note pessimiste. « Il faut du temps pour voir des résultats, mais rien ne changera si les étudiants juifs n'améliorent pas leur arabe », note-t-il.

 

Outre l'impact de cette question sur les étudiants arabes, elle laisse également les Israéliens juifs dans l'incapacité de communiquer correctement en arabe et d'établir un lien direct avec les Palestiniens. « Si les Israéliens juifs pouvaient lire ou communiquer en arabe, et comprendre les choses indépendamment des médias israéliens, la situation politique serait différente », estime Makhoul.

 


Une manifestation organisée à l'occasion du Jour de la Nakba à l'Université Ben-Gourion du Néguev le mois dernier, reflétant le nombre croissant d'étudiants palestiniens dans les universités israéliennes ces dernières années. Photo : Eliyahu Hershkovitz

 

Un vieux problème

 

Dans la classe de Nasser, les étudiants juifs-israéliens viennent d'horizons divers : certains ont appris l'arabe dans l'armée tandis que d'autres l'ont appris de manière indépendante - mais le groupe constitue une anomalie manifeste au niveau national.

 

Selon un rapport récent du Centre de recherche et d'information de la Knesset, seuls 11 % des Juifs israéliens déclarent avoir des connaissances en arabe parlé, bien que le niveau de maîtrise soit nettement inférieur à ce chiffre.

 

Le problème n'est pas nouveau non plus. Si les immigrants juifs de première et même de deuxième génération originaires des pays arabes ont donné à Israël une brève période floue dans la maîtrise de l'arabe, le processus d'apprentissage de la langue a toujours été un maillon faible. Amir Levy, historien à l'Université hébraïque, cite des documents d'archives décrivant les mêmes problèmes il y a près d'un siècle, avec des étudiants juifs se plaignant qu' « ils étudient l'arabe pendant quatre ans, mais peuvent à peine utiliser la langue au marché ».

 

Mendel, qui est l'un des principaux architectes de la transformation de l'enseignement de la langue arabe pour les locuteurs non natifs, a été inspiré par ses propres difficultés. Après avoir accumulé plus de dix ans d'études de la langue arabe à l'école, à l'armée et à l'université, il a accepté un poste dans une école bilingue de Jérusalem. Lorsqu'il a eu du mal à comprendre une simple question posée par l'une des mères arabes, il a su que quelque chose devait changer.

 

Son livre de 2014, "The Creation of Israeli Arabic : Security and Politics in Arabic Studies in Israel" détaille comment la relation entre l'éducation et l'établissement militaire a plus approfondi les compétences réceptives que productives de la langue, et que la pédagogie militarisée a en fait plus fait pour aliéner les étudiants juifs-israéliens des Arabes que pour servir de pont potentiel.

 

Pour remédier à cette situation, Mendel, de l'Université Ben-Gourion, et Chaya Fischer, de l'Université hébraïque, ont réorganisé les cours dans leurs établissements respectifs.

 

L'université de Mendel adopte l'approche dite "intégrée" de l'apprentissage de la langue arabe, dont les institutions usaméricaines ont été les pionnières, ce qui implique de passer de la grammaire et de la syntaxe à la communication, et de transférer tout l'enseignement vers l'arabe.

 

Pour concrétiser sa vision, l'Université Ben-Gourion a dû lancer un processus de recyclage et de recrutement afin de remanier l'ensemble des compétences du corps enseignant pour le cours d'arabe en arabe. Le programme de l'Université hébraïque est également passé à l'utilisation de professeurs de langue maternelle, ce qui n'était pas le cas pendant longtemps.

 

Mme Fischer, directrice du centre linguistique de l'Université hébraïque, affirme que la réforme du cours d'arabe lui prend "70 % de son temps", même si le centre enseigne sept autres langues. Bien qu'il y ait un changement général dans toutes les études de langues, "l'arabe en particulier se concentre trop sur les compétences passives", affirme-t-elle.

 

Sous sa direction, le centre de langues de l'Université hébraïque a commencé à enseigner l'arabe en arabe, cherchant à transformer l'étude de la langue de "préparation pour l'armée à une langue civile".

 

Il y a aussi un problème avec le contenu réel de l'enseignement. « La maîtrise de la langue concerne une culture et pas seulement une langue », explique Mme Fischer. Qu'il s'agisse de la salutation correcte pour les différentes fêtes (en remettant en question le "Joyeuses fêtes !" déplacé lors du Ramadan) ou du poète national palestinien Mahmoud Darwish, le programme de l'Université hébraïque remet en question la tendance à traiter les dialectes arabes et l'arabe standard moderne comme des langues distinctes. « Chaque langue présente des différences entre les registres. Pourquoi la langue devrait-elle être réduite à commander du houmous ? Les étudiants devraient pouvoir accéder à la culture supérieure également », dit Mme Fischer.

 


Un cours d'arabe à l'université Ben-Gourion. Photo Yonatan Mendel.

 

Changements sur le terrain

 

Le recteur de l'Université hébraïque, le professeur Barak Medina, affirme que son université a pris des mesures actives pour renforcer la représentation palestinienne - du corps enseignant au corps étudiant. Mais autant que tout bouleversement pédagogique ou idéologique, il y a des réalités changeantes sur le terrain qui sont en train de forcer la main aux universités.

 

Selon l'université, le nombre de Palestiniens s'inscrivant dans ses programmes de premier cycle a été multiplié par plus de trois entre 2016/2017 et 2019/2020, tandis que les étudiants palestiniens de troisième cycle ont plus que doublé à l'université au cours de la même période. En conséquence, le pourcentage d'étudiants arabes à l'Université hébraïque a bondi de 12 à 16 % au cours des quatre dernières années.

 

Cela reflète en partie le succès des efforts de sensibilisation. Sadarah - le programme préparatoire gratuit de l'université destiné aux lycéens de Jérusalem-Est - aide les Palestiniens à améliorer leur hébreu et leur anglais à un niveau suffisant pour étudier à l'université. Lorsque le programme a débuté il y a environ cinq ans, une centaine d'étudiants se sont inscrits. Aujourd'hui, ils sont environ 500 par an et Medina se vante que "si nous en avions la capacité, nous aurions pu admettre 1 000 étudiants."

 

Les étudiants sont également jumelés avec des participants au programme d'enseignement de l'arabe en arabe pour obtenir des crédits de cours, explique Mme Fischer, ce qui entraîne "une rupture - amitié et compréhension mutuelle".

 

S'il est devenu plus difficile pour les habitants de Jérusalem d'étudier en Jordanie, et si les Arabes d'Israël choisissent de plus en plus des universités plus éloignées de leur ville natale, Medina estime que le principal moteur du changement est que davantage de Palestiniens de Jérusalem-Est « se rendent compte qu'il est essentiel de parler couramment l'hébreu pour obtenir de meilleurs salaires et de meilleures positions ».

 

Soulignant que de plus en plus de Palestiniens passent l'examen de fin d'études secondaires en Israël plutôt que son équivalent palestinien, le recteur admet que « c'est un processus lent et controversé, mais c'est une tendance croissante. Nous ne prenons pas de position politique, mais nous voulons contribuer à l'égalité et combler les énormes écarts socio-économiques de la société israélienne ».

 

Selon Medina, l'Université hébraïque tente de créer un espace pour des "interactions significatives", mais étant donné que « parfois, l'université est la première et la dernière occasion pour les Juifs et les Arabes d'interagir dans la société », il concède que sa vision d'un avenir partagé a encore beaucoup de chemin à parcourir.

 


Étudiants dans un café de l'Université hébraïque. Photo Olivier Fitoussi

 

Agir seul

 

Et malgré la révolution dont Mendel et Fischer sont le fer de lance, ils admettent que leur vision plus large du changement exigerait que cette approche commence à un âge beaucoup plus jeune. « Nous voulons qu'elle se propage dans l'ensemble de la société et qu'elle ne soit pas seulement maintenue dans une "tour d'ivoire" », explique Mme Fischer.

 

« Malheureusement, nous faisons tout cela sans le système scolaire », ajoute-t-elle, « et nos démarches [auprès du ministère de l'éducation] se sont heurtées à une certaine résistance ».

 

Fin janvier, Mendel a dénoncé les conclusions "embarrassantes" du rapport du Centre de recherche et d'information de la Knesset devant une commission de la Knesset chargée des études arabes.

 

L'étude a révélé que seuls 3,7 % des Juifs israéliens passent l'examen de fin d'études secondaires en arabe. Parallèlement, le nombre d'écoles élémentaires enseignant l'arabe a diminué de 13 % au cours des cinq dernières années (passant de 220 à 191), « bien qu'il s'agisse de la langue du Moyen-Orient et d'une langue sémitique comme l'hébreu », a dit Mendel au panel de la Knesset.

 

Lorsqu'il s'agit d'accorder aux Arabes et à l’arabe un espace dans le monde universitaire, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Nasser est le seul professeur palestinien dans un département de l'Université hébraïque où les huit autres universitaires sont tous juifs – on a mis près d'un siècle pour aboutir à un tel résultat.

 

Selon l'historien Levy, qui a écrit un article sur les débuts du département, l'université a cherché à recruter un professeur arabe lors de son ouverture en 1922, avant que les fonds ne soient redirigés ailleurs et que les émeutes de 1929 ne fassent échouer la tentative. L'incorporation éventuelle de Juifs originaires de pays arabophones dans le département a mis fin à ce désir de manière décisive, explique-t-il.

 

Medina affirme que l'université a réussi à doubler le nombre de membres arabes de la faculté depuis 2016, même si ce nombre n'est passé que de 10 à 20, et reste "loin d'être là où nous voulons être." Pour l'instant, dit-il, l'université s'efforce de développer "le pipeline" en encourageant davantage d'étudiants diplômés à rester, ce qui prend plusieurs années pour porter ses fruits.

 

L'un des collègues de Nasser, Daniel Behar, qualifie d'"embarras" le manque de représentation arabe au sein du département et l'absence de cours sur la littérature arabe moderne, mais affirme que l'université s'adapte enfin à son époque.

 

 Une étudiante palestinienne et une soldate israélienne se croisent à l'Université hébraïque. Photo Olivier Fitoussi

 

« Nous sommes un département binational, et le sentiment que les étudiants palestiniens ont un professeur qui parle comme eux et leur ressemble est une chose valorisante », dit-il.

 

Dans le cours de Behar sur le roman arabe moderne, l'atmosphère conviviale se prête à des discussions franches sur les événements du jour. Les étudiants juifs s'enquièrent de la signification de la chanson nationaliste qui a conduit à l'arrestation des étudiants palestiniens par des policiers hors service, également étudiants à l'université.

 

Une étudiante juive, Maayan, se demande comment un groupe d'étudiants peut en arrêter un autre, et exprime son malaise face à toute présence policière sur le campus. -Une autre étudiante juive, Vered, affirme que les personnes travaillant dans les forces de police font en fin de compte partie de la société et qu'il n'y a "aucun moyen d'y échapper".

 

La présentation conjointe du Palestinien Ammar et de la Juive israélienne Vered sur la réflexion du théoricien de la littérature Frank Kermode sur les groupes de "lecteurs" qui sont inclus et exclus de la compréhension, oscille entre l'arabe et l'hébreu.

 

Au milieu de la présentation, un technicien de surface palestinien entre dans la classe et demande en arabe : « Quand est-ce que ce cours se termine ? »

 

La classe entièrement féminine est soudainement remplie de regards complices et de rires confortables. Les étudiantes palestiniennes répondent, mais les étudiantes juives auraient tout aussi bien pu le faire

. Les différences entre les deux groupes s'estompent, même si ce n'est que pour un instant.

 

Un juif orthodoxe et une étudiante palestinienne sur le campus de l'Université hébraïque. Photo Olivier Fitoussi