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16/04/2023

GIDEON LEVY
Le tombeau de Joseph est l’avenir d’Israël

 Gideon Levy, Haaretz, 16/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le tombeau de Joseph est le tombeau d’Israël. Ce site étrange, situé dans la ville palestinienne de Naplouse, en Cisjordanie, est le nouveau Mini Israël. Si le parc original, près de Latrun, compte 385 miniatures censées montrer le beau visage d’Israël, dans le quartier oriental de Naplouse, un seul modèle suffit pour montrer où nous allons. L’avenir est déjà là, dans cette tombe.



Au “Tombeau de Joseph”, près de Naplouse, en novembre dernier. Photos : Emil Salman

 

Tout y est, dans ce tombeau maudit : le messianisme, l’intégrisme, la violence, les troupes d’assaut, le piétinement de la dignité de l’autre nation, la seigneurie, la pourriture morale, l’impéritie ultranationaliste et la corruption.

Dans un article magistral - dommage qu’il n’y ait pas de prix Pulitzer israélien - Hagar Shezaf et Deiaa Haj Yahia (Haaretz en hébreu, 13 avril), révèlent la scène dans toute sa laideur. La plupart des maux d’Israël, en particulier ceux de l’occupation, en un seul ticket. Allez à la Tombe de Joseph - et voyez-nous.

Il y a moins de deux mois, le photographe Alex Levac et moi-même avons rendu visite à Yazid Amer, un jeune Palestinien épileptique, dans sa maison du quartier Aïn Sirin de Naplouse, qui donne sur le tombeau. Dans la nuit du 15 janvier, nouvelle invasion juive, Amer, 24 ans, malade, est traqué par les soldats qui assurent la sécurité de ces pèlerinages païens. Fragile et tremblant, il est attaché et laissé à l’air libre toute la nuit, jusqu’à ce que les envahisseurs quittent sa ville. Depuis, son état de santé s’est dégradé. Mais Amer est la victime facile de ces pèlerinages insensés. Sept Palestiniens ont été tués l’année dernière pour que Rivka, coiffée d’un couvre-chef, puisse se prosterner sur la tombe. Grande voyageuse, elle sait qu’ici « les prières sont vraiment exaucées ».

Voici comment les prières sont exaucées : Chaque invasion signifie une nuit de terreur pour les habitants et une nuit agitée pour les centaines de soldats déployés dans la ville pour garder les bus blindés transportant le groupe sacré, qui est séparé par sexe bien sûr : les hommes à l’avant et les femmes à l’arrière.

Ceux qui se trouvent derrière les vitres du bus n’ont aucune idée du prix que les habitants de la ville paient pour qu’eux puient se prosterner sur cette structure misérable. Une structure pour laquelle il n’existe aucune preuve - archéologique ou autre - que c’est bien là que le Joseph biblique a été enterré. Et même si c’était le cas, qu’est-ce que ça changerait ? Les pèlerins juifs ne voient pas non plus le camp de réfugiés de Balata, situé à proximité, car ils ne veulent pas le voir. Il n’y a pas d’humains qui vivent à Balata ou à Naplouse.

Le tombeau doit être préservé et rénové. Des sous-traitants de la sécurité israélienne, connus sous le nom de policiers palestiniens, gardent le tombeau lorsqu’il n’y a pas de Juifs. Lorsque des Juifs arrivent, les policiers palestiniens doivent partir en disgrâce. Le tombeau est géré par une association religieuse à but non lucratif, la Fondation pour le patrimoine du Tombeau de Joseph : Qu’est-ce que le “patrimoine du tombeau” au juste ? Une entreprise, Har Kabir, fondée par un colon d’un avant-poste illégal, profite des travaux de rénovation. Les Juifs n’ont pas laissé les habitants de la ville rénover le tombeau, situé au cœur d’un quartier palestinien, de peur qu’ils ne le souillent.

Chaque “visite” s’accompagne de tirs, de destructions et parfois même de morts. Le jour où un journaliste de Haaretz a participé au voyage, deux Palestiniens ont été tués pour le rituel, mais qui compte ? Et qui s’en soucie ? Chaque visite transforme la région en champ de bataille, et les habitants se cloîtrent chez eux et attendent l’aube dans la terreur, tandis que les jeunes tentent en vain de chasser les intrus à coups de pierres.

Yossi Dagan*, un macher [“faiseur” en yiddish, inluenceur, NdT] des colons, tire un capital politique de chacune de ces visites. Le conseil régional de Samarie, qu’il dirige, s’occupe de l’organisation et du transport ; Dagan, comme à son habitude, s’assure de prendre des selfies avec des célébrités. Cette folie transcende les gouvernements. Comme pour toutes les questions liées à l’occupation, en Israël, il n’y a pas de réelle différence entre les gouvernements, entre la gauche et la droite. Personne n’ose mettre fin à cette folie.

 C’est ainsi dans le pays des colons qui ont un État. Lorsque Shezaf a participé à la visite, elle a vu une femme âgée lancer des bonbons au caramel sur la foule. Un cri s’est élevé de la section des hommes : « Je suis dans une bonne situation dans ma vie, mes amis, je suis dans une bonne situation ». Un cri exalté similaire a peut-être été entendu lorsque Ahmed Shahada, 16 ans, agonisait à l’extérieur, après que les soldats l’eurent abattu lui aussi.

NdT
*Yossi Dagan, président du "Conseil régional de Judée et Samarie", structure représentant les colons illégaux de Cisjordanie, en est aussi le "ministre des Affaires étrangères et des Relations publiques"; il a organisé plusieurs opérations au Parlement européen avec le groupe d'eurodéputés Amis de la Judée et Samarie, crée en 2017 pour propager une interdiction du mouvement BDS, lever les barrières européennes à l'importation de produits des colonies et faire suspendre les subventions européennes à l'Autorité palestinienne. Le groupe, qui compte 15 députés, est dirigé par Petr Mach, un Tchèque du Parti des citoyens libres, libertarien et ami de Madame Le Pen. Pane [Monsieur] Mach appelle la Cisjordanie..."Judeamaria". Un vrai macher.

NICOLAS PELHAM
On le savait dissolu, le voilà dissous : le mystère de la déliquescence du roi du Maroc

Nicolas Pelham, 1843Magazine/The Economist
Illustrations Michelle Thompson. Images : Getty
Traduit par  Tafsut Aït Baâmrane


Nicolas (“Nick”) Pelham écrit sur le monde arabe pour The Economist et la New York Review of Books. Depuis son premier poste de rédacteur en chef du Middle East Times, basé au Caire, il a passé 20 ans à étudier et à travailler dans la région. Il a été correspondant pour la BBC, le Financial Times et The Economist à Rabat, Amman, Jérusalem et en Irak, emmenant souvent avec lui son infatigable famille. Il est l’auteur de A New Muslim Order : The Shia and the Middle East Sectarian Crisis (2008), co-auteur de A History of the Middle East (2010) et auteur de Holy Lands : Reviving Pluralism in the Middle East (2016). S’éloignant parfois du journalisme, il a été analyste principal pour l’International Crisis Group et a travaillé pour les Nations unies et le Royal Institute of International Affairs, réalisant des reportages sur l’économie des tunnels de Gaza et la montée des Bédouins dans la péninsule du Sinaï.

En 2018, un kick-boxeur allemand s’est lié d’amitié avec Mohammed VI. Le monarque a rarement été vu depuis


Il y a cinq ans, une image inhabituelle est apparue sur Instagram. On y voyait Mohammed VI, le roi du Maroc âgé de 54 ans, assis sur un canapé à côté d’un homme musclé en tenue de sport. Les deux hommes étaient serrés l’un contre l’autre avec des sourires assortis, comme deux enfants en colonie de vacances. Les Marocains étaient plus habitués à voir leur roi seul sur un trône doré.

L’histoire qui se cache derrière la photo est encore plus étrange. Abou Azaitar, l’homme de 32 ans assis à côté du roi, est un vétéran du système pénitentiaire allemand ainsi qu’un champion d’arts martiaux mixtes (MMA). Depuis qu’il s’est installé au Maroc en 2018, son fil Instagram rempli de blingbling a fait frémir l’élite conservatrice du pays. Il ne s’agit pas seulement des voitures clinquantes, mais aussi du ton étonnamment informel avec lequel il s’adresse au monarque : « Notre cher roi », écrit-il à côté d’une photo d’eux deux. « Je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour nous ».

Une crise se prépare au Maroc, et le kick-boxeur rayonnant en est le cœur. Le pays est considéré comme l’une des réussites du monde arabe. Son industrie automobile est florissante, ses souks médiévaux et ses riads tranquilles séduisent les touristes occidentaux. Le Maroc semble avoir tout le charme du Moyen-Orient [sic], sans son agitation.

Un ancien fonctionnaire estime que le roi a été absent du pays pendant 200 jours l’année dernière

Mais les 37 millions d’habitants du Maroc sont confrontés aux mêmes problèmes que ceux qui ont secoué une grande partie du monde arabe au cours de la dernière décennie : manque d’emplois, inflation galopante et services de sécurité oppressifs. Jusqu’à présent, ces problèmes n’ont pas entraîné de graves bouleversements, en partie grâce à l’introduction rapide de réformes constitutionnelles par le roi au plus fort du printemps arabe en 2011. Mais aujourd’hui, l’agitation se profile à l’horizon et le roi, selon les initiés, ne se montre guère.

Depuis quatre ans, Azaitar et ses deux frères monopolisent l’attention du monarque. Selon un initié de la Cour, les conseillers ont tenté de réduire l’influence des Azaitar, mais en vain. Certains fonctionnaires semblent même s’être entendus pour publier des articles exposant le passé criminel et les extravagances présumées d’Azaitar. Le roi semble imperméable.

Mohammed n’est pas seulement distrait, il est souvent totalement absent. Il aimait voyager et prendre des vacances avant de rencontrer les Azaitar, mais cette tendance semble s’être nettement accentuée. Parfois, il se cloître avec les frères dans un ranch privé de la campagne marocaine. Parfois, le groupe s’échappe dans un refuge en Afrique de l’Ouest. Lorsque le Gabon s’étiole –“"tellement ennuyeux, il y a une plage mais rien d’autre à faire”, se lamente un membre de l’entourage - ils descendent à Paris. Un ancien fonctionnaire estime que le roi a passé 200 jours hors du pays l’année dernière.

“Nous sommes un avion sans pilote”, s’inquiète un fonctionnaire

M6 est apparu pour la première fois en public avec les Azaitar le 20 avril 2018, lors d’un événement célébrant leurs prouesses en MMA. Sur les photos communiquées à la presse, le roi et les trois frères se pressent ensemble en tenant une ceinture de championnat de MMA.

Au fur et à mesure que leur amitié se renforçait, Azaitar a commencé à poster des photos de lui avec le roi. Lui et ses frères ont rejoint la maison itinérante du roi - en tant qu’“entraîneurs personnels”, aurait-on dit aux fonctionnaires - et ont amené leur famille et leurs amis avec eux. À certains égards, cette amitié a été salutaire. Le roi, qui avait un peu d’embonpoint lorsqu’il a rencontré les frères, a souffert d’asthme et de problèmes pulmonaires. Les combattants en cage ont installé une salle de sport dans le palais et il a commencé à s’entraîner. Son visage a commencé à perdre ses bouffissures et il est apparu de plus en plus détendu, presque en forme.

Le roi, quant à lui, a comblé les frères de largesses. À la mort de leur mère, il leur a permis de l’enterrer dans l’enceinte de son palais à Tanger. Les frères ont acquis de précieux biens immobiliers en bord de mer et ont fait étalage de leur mode de vie sur les réseaux sociaux. « Ils utilisent des jets militaires, ils ont carte blanche pour fonctionner dans le palais comme ils l’entendent, ils peuvent aller au garage et prendre les voitures qu’ils veulent », explique un initié de la famille royale. « C’est vraiment bizarre ». (Le magazine 1843 a transmis les allégations de cet article aux Azaitar et au gouvernement marocain, mais n’a reçu aucune réponse).

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Le fugitif de l’affaire Ayotzinapa interviewé par un magazine israélien : accusé de dissimulation, Tomás Zerón dénonce les persécutions politiques du gouvernement mexicain

National Security Archive (Archives de la sécurité nationale), 14/4/2023
Document établi par Kate Doyle et Claire Dorfman

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Fondées en 1985 par des journalistes et des universitaires usaméricains pour lutter contre la montée du secret gouvernemental, les National Security Archive combinent un éventail unique de fonctions : centre de journalisme d’investigation, institut de recherche sur les affaires internationales, bibliothèque et archives de documents usaméricains déclassifiés (“la plus grande collection non gouvernementale au monde” selon le Los Angeles Times), principal utilisateur à but non lucratif de la loi usaméricaine sur la liberté de l’information, cabinet juridique d’intérêt public défendant et élargissant l’accès du public aux informations gouvernementales, défenseur mondial du gouvernement ouvert, et indexeur et éditeur d’anciens secrets.

 

Washington, D.C., 14 avril 2023 - La tournée de réhabilitation de Tomás Zerón a commencé.


Cette semaine, le magazine israélien Sheva Yamim (7 Jours) a publié une interview extraordinaire et exclusive de l’ancien fonctionnaire mexicain accusé d’avoir orchestré la dissimulation de l’une des violations des droits humains les plus tristement célèbres du pays. Dans l’article, Zerón, l’ancien enquêteur principal sur les disparitions des étudiants d’Ayotzinapa en 2014, parle de son enfance, de sa carrière dans les forces de l’ordre au Mexique et de sa vie actuelle à Tel Aviv, révélant des détails qui n’ont jamais été publiés dans un média mexicain.

Il fournit également un compte rendu intéressé de son rôle dans la direction de l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa - l’enlèvement et la disparition de 43 étudiants le 26 septembre 2014 - qui a choqué le Mexique par son audace, par l’incapacité du gouvernement à résoudre l’affaire et par des preuves indiquant qu’il faisait obstruction à sa propre enquête.

Lorsque les garçons ont disparu, Zerón dirigeait l’Agence des enquêtes criminelles (AIC), considérée comme le FBI mexicain. Aujourd’hui, il est accusé de multiples crimes liés à l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa, notamment d’obstruction à la justice et de torture de suspects. Interpol a lancé une notice rouge à son encontre et le gouvernement mexicain du président Andrés Manuel López Obrador le considère comme un fugitif.


Notice rouge dInterpol concernant Tomás Zerón de Lucio, qui est actuellement en fuite en Israël et fait lobjet dune demande dextradition du Mexique, où il doit répondre daccusations liées à son rôle dans létouffement de lenquête sur le massacre dAyotzinapa.

Dans l’entretien qu’il a accordé à Sheva Yamim, supplément du week-end de l’un des plus grands quotidiens israéliens, Yediot Ahronoth, Zerón affirme catégoriquement qu’il est innocent. Il continue d’insister sur l’exactitude de ses découvertes en 2014 et 2015 - découvertes qui ont servi de base à l’explication largement discréditée de la “vérité historique” pour les attaques contre les étudiants. Il considère les accusations portées contre lui comme une campagne de persécution politique menée par le président du Mexique.

Au-delà de ce que l’article nous apprend sur la vie et les hauts faits de Tomás Zerón, son interview par le magazine israélien - accompagnée d’une belle photographie - est un coup de maître en matière de relations publiques. Il semble également qu’il s’agisse de sa tentative la plus forte pour se débarrasser des problèmes judiciaires auxquels il est confronté dans son pays d’origine.

L’article commence par la description d’une rencontre improbable à Tel Aviv entre Zerón et un émissaire du président Lopez Obrador, Alejandro Encinas, le sous-secrétaire aux droits humains du Mexique et l’homme qui a supervisé les nouveaux efforts du gouvernement pour résoudre l’affaire Ayotzinapa depuis décembre 2018.

À l’insu d’Encinas, la réunion a été secrètement enregistrée.

« Vers dix heures du matin du 16 février [2022], une équipe de trois experts du renseignement et de la surveillance secrète est arrivée au “Greco Ozari”, un restaurant grec renommé du nord de Tel-Aviv... Ils se sont assis à côté de l’une des tables, ont commandé quelque chose à manger et à boire, mais ont surtout cherché le meilleur endroit dans le restaurant où ils pourraient installer les caméras et les microphones. »

L’article ne révèle pas qui a ordonné l’enregistrement.

Une fois assis dans le restaurant, comme l’a précédemment rapporté le New York Times, Encinas a tenté de minimiser les accusations portées contre Zeron et de le convaincre d’aider à résoudre l’affaire, assurant Zerón que ni lui [Encinas] ni le président Lopez Obrador ne voulaient qu’il aille en prison. Encinas a presque supplié Zerón de lui fournir des informations sur ce qui était arrivé aux étudiants, en lui promettant le soutien du président. Dans l’interview accordée à Sheva Yamim, Zerón se moque de la tentative maladroite d’Encinas : « Il devait être très naïf, ou peut-être désespéré, s’il pensait pouvoir me convaincre, avec ces promesses et ces mots, de retourner dans un endroit (le Mexique) où une campagne de persécution politique, entièrement basée sur des mensonges, est menée contre moi. »

Cette rencontre a peut-être anéanti toute chance qu’Israël renvoie Zerón au Mexique. Bien que López Obrador ait froissé des diplomates en critiquant publiquement Israël pour ne pas avoir renvoyé Zerón, l’article montre clairement que ce sont les propres mots d’Encinas lors de la conversation enregistrée secrètement qui sont les plus préjudiciables à la requête du Mexique. Comme le dit un haut fonctionnaire israélien dans Sheva Yamim, ces commentaires pourraient être “le dernier clou dans le cercueil” de la demande d’extradition.

Dans l’entretien, Zerón, 60 ans, raconte qu’il a grandi dans une famille de la classe moyenne à Mexico, qu’il est l’un des quatre fils d’un père comptable et d’une mère femme au foyer.

« Je ne suis jamais allé dans une école privée », dit-il. » J’ai toujours fréquenté des écoles publiques ». Enfant, il rêvait d’une carrière militaire, mais après le lycée, sous la pression de sa famille, il a continué à étudier l’administration des affaires à l’université. Il a ensuite obtenu une maîtrise en droit, bien qu’il n’ait jamais été agréé en tant qu’avocat. Il a commencé sa carrière dans les affaires - Zerón a été l’importateur qui a introduit au Mexique la marque de mode française Lacoste, par exemple - mais la récession au Mexique a fini par avoir raison de lui ».

L’article décrit comment, à la suite de la perte de son entreprise, Zerón « s’est retrouvé à travailler pour la police fédérale mexicaine » en 2007, travaillant « principalement dans le domaine économique ». Parce qu’il « ne s’entendait pas avec le secrétaire à la sécurité publique » - Genaro García Luna, qui a été condamné en février 2023 par un tribunal fédéral usaméricain pour trafic de drogue et corruption - il a été licencié, selon l’article. (En revanche, des journalistes mexicains ont décrit Zerón comme un “disciple” de García Luna et ont rapporté qu’il avait été licencié pour mauvaise planification lors d’une violente confrontation avec des criminels armés à Cananea, Sonora, en 2007).

« C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à travailler pour la police de l’État de Mexico... C’est là qu’il a fait connaissance avec le monde du renseignement. “J’ai dit à la personne qui m’a recruté que je ne connaissais rien au renseignement”, raconte Zerón. Il m’a répondu : “Pas de problème, tu apprendras” ».

Il devait être un excellent élève. Bien que sa réputation en matière de collecte de renseignements, d’espionnage et de surveillance audio et vidéo clandestine ne soit pas mentionnée dans l’article du magazine israélien, les journalistes mexicains font état depuis des années du penchant de Zerón pour la collecte secrète d’informations sur ses amis comme sur ses ennemis. Dans une enquête publiée en 2020 dans le magazine d’information Emeequis, par exemple, des sources du système judiciaire fédéral ont déclaré que Zerón avait appris « le pouvoir de l’objectif caché » lorsqu’il travaillait pour l’État de México, et a conservé un disque dur contenant « des centaines d’heures d’enregistrements secrets entre Tomás Zerón et des hauts fonctionnaires des administrations Felipe Calderón et Enrique Peña Nieto, capturés dans des situations compromettantes », y compris « des pots-de-vin, des paiements pour des faveurs louches » et « des mises à jour sur des affaires qui ont été résolues de sorte que des innocents sont allés en prison... ».

Selon Sheva Yamim, c’est au cours de son apprentissage dans le domaine du renseignement que Zerón a découvert Israël pour la première fois.

« Dans le cadre de sa formation, il s’est rendu en Israël en 2008 et y a suivi un cours de deux semaines sur la guerre et le renseignement. À son retour au Mexique, il s’est avéré être un agent de renseignement efficace, et ses responsabilités se sont accrues. Lorsque le gouverneur de l’État, Enrique Peña Nieto, a été élu président du Mexique, Zerón a rejoint la capitale avec lui et a été nommé chef de l’AIC, une nouvelle agence gouvernementale chargée de l’application de la loi, définie comme le "FBI mexicain" ».

Au Mexique, Zerón est peut-être surtout connu pour son lien avec l’achat du célèbre logiciel espion israélien Pegasus, qui a été utilisé par deux gouvernements successifs pour espionner non seulement des criminels, mais aussi des journalistes, des avocats, des militants des droits humains et même des défenseurs de la santé publique. Sheva Yamim rapporte :

« Zerón a été très impressionné par les technologies qu’il a vues lors de sa formation en Israël et dans les enceintes fermées de la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine à Mexico, et il voulait que les services répressifs mexicains subissent une révolution technologique. À l’époque où il occupait un poste de haut niveau dans les services de renseignement et de répression mexicains, une série de contrats ont été signés avec des sociétés de renseignement israéliennes pour l’achat de systèmes de surveillance et de piratage destinés aux services de renseignement et de répression mexicains, notamment le système Pegasus de la société NSO pour la pénétration des réseaux téléphoniques. La signature de Zerón figure sur au moins un des contrats avec NSO. Ces systèmes ont été très utiles dans la guerre contre les cartels de la drogue, mais ils ont également été utilisés, selon les rapports de divers journalistes internationaux, pour surveiller les militants des droits humains, les personnalités de l’opposition politique et même les parents éplorés des jeunes disparus d’Ayotzinapa. »

Le magazine ne s’attarde pas sur l’utilisation abusive du logiciel espion par le Mexique pour cibler les citoyens, mais transmet le récit de Zerón sur son importance pour “attraper les criminels”, y compris, bien sûr, El Chapo.

Dans le magazine israélien, la biographie de Zerón évolue en douceur, passant d’un travail dans le “domaine économique” pour la police à un rôle central dans la capture du célèbre baron de la drogue et chef du cartel de Sinaloa, Joaquín “El Chapo” Guzmán Loera. L’article décrit Zerón comme une “rockstar du système judiciaire mexicain” après la capture d’El Chapo. « Je me souviens de la date à laquelle nous l’avons capturé - le 22 février 2014 », dit Zerón, qui a personnellement informé le président du Mexique de la bonne nouvelle. »

Le récit du début de la carrière de Zerón ne mentionne pas certaines des affaires désastreuses auxquelles il a été associé, notamment l’étrange affaire “Paulette”, lorsqu’il était directeur de la section des enquêtes et des analyses du bureau du procureur de l’État et qu’il a coordonné les efforts de renseignement liés à la disparition d’une enfant handicapée de quatre ans, Paulette Gebara Farah, de son domicile en 2010. Malgré les recherches intensives et très médiatisées menées par les enquêteurs dans l’appartement de la famille, le corps en décomposition de l’enfant a été retrouvé enveloppé dans des draps sous son lit, neuf jours après sa disparition. La décision du procureur général de l’État de déclarer que la mort de Paulette était un accident a suscité l’indignation et la suspicion.

Zerón raconte à Sheva Yamim son expérience dans la supervision de l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa. Sa version suit fidèlement le récit que lui et le procureur général de l’époque, Jesús Murillo Karam, ont fait lors d’une conférence de presse à Mexico le 27 janvier 2015, lorsqu’ils ont annoncé la “verdad histórica” (vérité historique) sur l’affaire. Selon leur récit, les 43 étudiants ont été sortis des bus à Iguala par des policiers corrompus travaillant avec un groupe criminel local, les Guerreros Unidos. Les policiers les ont remis à des membres du gang, qui les ont emmenés dans une décharge à ciel ouvert dans la ville voisine de Cocula, où ils les ont tués par balles. Ils ont transporté les corps en bas d’une montagne d’ordures de 40 mètres et les ont brûlés dans un gigantesque feu de joie jusqu’à ce que leurs restes soient réduits à des fragments d’os et à des cendres avant d’être jetés dans la rivière San Juan.

L’article n’aborde pas les nombreuses questions sur la “vérité historique” soulevées par les familles des 43 étudiants et ne mentionne même pas les conclusions du groupe de cinq experts indépendants (GIEI) suggérant que Zerón pourrait avoir placé des preuves sur le site de la rivière San Juan, le témoignage de l’expert en incendie José Torero, qui a prouvé qu’un feu de joie de la nature décrite n’aurait pas pu incinérer 43 corps en une nuit, ou la contradiction posée par la découverte, en 2020, de restes d’étudiants à plus d’un kilomètre du dépotoir.

Interrogé sur les accusations selon lesquelles il aurait torturé des détenus pour les forcer à dire ce qu’il voulait entendre, Zerón nie avoir torturé qui que ce soit, malgré une vidéo dans laquelle on l’entend menacer de jeter un détenu du haut d’un hélicoptère, et une autre vidéo dans laquelle il dit à un autre qu’il le tuerait s’il lui disait des “mamadas” (conneries). « Lors de notre entretien, M. Zerón a déclaré que ces propos avaient été tenus dans le feu de l’action : “Vous parlez à ce meurtrier méprisable, vous comprenez ce qu’il a fait et avec quel sang-froid il a massacré ces pauvres étudiants, et vous explosez” ».

Pour Tomás Zerón, la décision d’accorder une interview à Sheva Yamim - pour parler de certains aspects de son passé, de sa vie personnelle et de sa carrière - était un exercice calculé de relations publiques. Il est probable que Zerón se soit senti à l’aise pour parler avec un journaliste israélien qui ne connaissait pas bien le Mexique et qui aurait peut-être été moins enclin à le presser sur certains détails de son passé. (Plusieurs erreurs dans l’article témoignent d’un manque de connaissance du Mexique. Par exemple, l’article fait référence à l’élection présidentielle de 2018, que « Peña Nieto a perdue en grande partie à cause de l’assassinat des étudiants ». Il n’y a pas de réélection au Mexique et Peña Nieto n’était donc pas candidat en 2018).

Ce n’est pas la première fois que Tomás Zerón tente de diffuser un message pour redorer son blason. Le 3 juin 2020, moins de trois mois après son inculpation au Mexique, un article a été publié sur Yahoo ! Finance vantant les mérites de Tomás Zerón en tant que courageux agent de la force publique injustement pris pour cible par un gouvernement corrompu. Intitulé « Tomás Zerón de Lucio (TZL) : Le héros persécuté du Mexique », l’article était une tentative maladroite de mobiliser le soutien en faveur de l’ancien enquêteur en fuite, avec des fautes d’orthographe, un langage maladroit qui n’a manifestement pas été écrit par un anglophone de naissance, et qui est présenté comme provenant d’Accesswire, une société de relations publiques qui place des contenus sur des sites ouèbe et auprès d’organismes de presse.

Les relations publiques et les équipes juridiques de Zerón se sont nettement améliorées au cours des années écoulées. Son profil dans Sheva Yamim n’est pas très différent, dans certains détails, de celui décrit dans Yahoo ! Finance, mais le nouvel article est plus long, bien écrit et comporte de bien meilleures photos.

Aujourd’hui, selon Sheva Yamim, Zerón est partenaire d’un restaurant mexicain à Tel Aviv. Il aime les longues promenades, les visites de sites historiques et la musique. « Je fais beaucoup de sport ici et je dors bien », explique-t-il. Après des années de travail intensif, j’ai maintenant du temps pour moi... ».

« Ma vie en Israël est aujourd’hui consacrée à la réflexion sur le sens de la vie, à la pensée et à l’apprentissage... En Israël, j’ai appris que certaines des bonnes choses de notre vie sont celles qui nous sont données gratuitement : la liberté, la sécurité, la nature, la santé et la véritable amitié. »

Tomás Zerón ne pourra peut-être jamais retourner au Mexique en raison de l’inculpation pénale qui pèse toujours sur lui. Mais il semble, d’après cet article, qu’il ait trouvé un nouveau foyer en Israël.

L’article publié dans le Sheva Yamim de Yediot Aharonot comporte deux titres : Ronen Bergman et Itay Ilnai. Bergman a contribué à l’élaboration d’un rapport détaillé sur la réunion secrètement enregistrée qui a eu lieu en février 2022 entre Alejandro Encinas et Tomás Zerón à Tel-Aviv, dont il a parlé dans un article publié en octobre dernier dans le New York Times. Ilnai a interviewé Zerón pour l’article de Sheva Yamim et a rendu compte de la conversation.

Afin de permettre la lecture et l’analyse de l’article, les Archives de la sécurité nationale ont fait traduire l’article en anglais à partir de l’original hébreu. La traduction reflète le texte original publié dans Sheva Yamim. Afin de préserver l’intégrité de l’article, les Archives de la sécurité nationale n’ont pas signalé ou corrigé les erreurs dans l’article traduit. Toutefois, par souci de clarté, il convient de noter que le journaliste de 7 Jours  a interviewé Zerón en anglais, puis a traduit l’entretien en hébreu pour le publier. Les National Security Archive ont ensuite traduit l’article hébreu en anglais et l’ont distribué à des journalistes et à des organisations au Mexique, dont certains ont par la suite traduit des parties de l’article en espagnol pour leurs lecteurs. [Voir La Jornada du 15 avril]

Plus important encore, l’analyse mexicaine et usaméricaine de l’article du Yediot Aharonot n’aurait pas été possible sans les efforts du traducteur Emmanuel Auerbach-Baidini, qui mérite toute notre reconnaissance pour sa traduction fidèle et complète du texte hébreu original.

ROSA LLORENS
L’Établi : un intellectuel chez les ouvriers

 Rosa Llorens, 16/4 /2023
Édité par Fausto Giudice, Tlaxcala 

L’Etabli raconte l’expérience de Robert, normalien de 24 ans et militant maoïste, qui se fait embaucher*, en septembre 1968, chez Citroën pour connaître la condition ouvrière et organiser des actions de lutte ; le film adapte le livre du même titre de Robert Linhart, qui date de 1978.


C’est un film réussi, dans un genre malaisé : les ouvriers au cinéma sont souvent peu vraisemblables, et la rencontre entre ouvriers (ou paysans) et intellectuel est souvent décrite avec arrogance à l’égard des premiers (Le Christ s’est arrêté à Eboli, pourtant d’un grand cinéaste, Francesco Rosi, en fait foi). L’Etabli échappe à ces deux dangers et produit un récit de grève convaincant et émouvant. L’actualité du film est évidente dans le contexte de lutte actuel ; mais que peut-on penser aujourd’hui du mouvement des « établis » ?

L’usine Citroën** de Paris 13ème, cadre de l’action, a été reconstituée à Clermont-Ferrand, dans des locaux désaffectés de Michelin. Robert découvre les difficultés du travail sur une chaîne de montage, et a d’abord du mal à s’y habituer (maladroit, il commence par se blesser, et travaillera pendant une partie du film avec des bandages autour des doigts). Mais la pénibilité de ce travail vient surtout de son caractère répétitif, et de la vigilance permanente qu’il exige : le soir venu, l’ouvrier est abruti (là-dessus, plutôt que Les Temps modernes de Chaplin, il faut citer La classe ouvrière va au Paradis, d’Elio Petri, avec Gian Maria Volonté, de 1971 ). La tension psychique est encore accrue par la surveillance des agents de maîtrise, qui se traduit par d’incessantes humiliations, notamment à l’égard des ouvriers racisés ; c’est ce qui amènera l’un des climax du film, lorsqu’un Sénégalais, insulté, pète les plombs et agresse un agent de maîtrise raciste.

Cette présentation des conditions de travail et l’adaptation de Robert au travail manuel constitue le premier centre d’intérêt du film. Le deuxième est l’action militante de Robert, déclenchée, en janvier 1969, par la décision de la direction de « récupérer » les heures de travail « perdues » du fait des grèves de mai-juin 68 : les ouvriers devront, pendant plusieurs mois, travailler, gratuitement, 3/4 d’heure de plus par jour (ainsi les augmentations de salaire accordées lors des accords de Grenelle n’auront été qu’un miroir aux alouettes). Mais cette mesure humiliante va déclencher la révolte : ce sera le moment jubilatoire du film, lorsque les ouvriers, pour défendre leur dignité, s’organisent, autour de Robert, et que la grève rallie de plus en plus de travailleurs.

Mais la fierté retrouvée et l’action solidaire ne dureront que quelques jours : la direction passe à la contre-attaque, et organise un vote sur la grève, qu’elle ne se privera pas de truquer (les élections marquent souvent la fin des mouvements sociaux !). Commence alors la répression, avec le renvoi des meneurs. C’est le troisième temps, l’échec.

Le quatrième temps, c’est celui du bilan, de la réflexion, des questions. Jusque-là, Robert s’est efforcé de se fondre dans la masse des ouvriers, faisant de l’agit-prop (secondé, de l’extérieur, par un étudiant mao qui distribue des tracts à la sortie de l’usine), organisant, mais poussant certains des ouvriers au premier plan. Maintenant, la barrière de classe réapparaît : les conséquences ne seront pas les mêmes pour l’intellectuel établi, et pour les ouvriers qui perdent leur logement (attribué, en foyer, par l’usine) et leur gagne-pain. Robert s’interroge alors sur ses responsabilités : il a poussé les ouvriers à la grève, mais lui retrouve tous les soirs un confortable appartement bourgeois*** et même, une fois renvoyé, un poste de professeur à l’Université (de Vincennes (plus tard transférée à Saint-Denis, devenant Paris-8). Que doit-on penser de cette expérience des établis et de la façon dont le film en rend compte ?

Mathias Gokalp, le réalisateur, montre tout le monde (sauf bien sûr la direction et ses chiens de garde, agents de maîtrise et milice patronale) sous un jour très sympathique : les ouvriers, avec chacun son histoire, privilégiant un groupe de trois ouvrières yougoslaves chargées de monter une pièce délicate, le compteur de vitesse (dans la réalité, c’étaient des hommes qui faisaient ce travail), comme les militants. Parmi ceux-ci, il faut mettre à part le prêtre ouvrier, délégué CGT (Olivier Gourmet) : il est appréciable que Gokalp ne le diabolise pas, alors qu’à l’époque les groupuscules gauchistes étaient en guerre contre les communistes « révisionnistes » ; mais il n’a rejoint les ouvriers grévistes qu’à titre personnel, la direction de la CGT refusant de les soutenir. Quant aux militants gauchistes, ils sont tous solidaires des ouvriers, sans aucun intérêt personnel ou sectaire : Robert renonce même à un poste à l’Université (pas celle de Vincennes, peut-être la Sorbonne) pour partager les luttes et les problèmes des ouvriers : n’y a-t-il pas là un certain angélisme ? Elio Petri, lui, se montre plus caustique et désabusé : il montre un ouvrier manipulé par les gauchistes qui, lorsqu’il est licencié, lui expriment leur sympathie mais l’abandonnent à son sort.

Que penser finalement de cette expérience « transclasses » ?

Certes, le film nous laisse sur des notes d’espoir : l’ouvrier qui avait toute la confiance de Robert, mais avait joué les agents provocateurs pour le compte de la direction, sort transformé de son compagnonnage avec l’établi, et organise des luttes dans son nouveau poste, et Robert, redevenu professeur, transforme son enseignement, passant des abstractions de la philosophie pure à des problèmes sociaux concrets. Mais l’« établissement » garde-t-il une actualité ?

Lire un extrait

Le mouvement des Gilets Jaunes a vu une nouvelle classe populaire tenir en échec un Etat autoritaire et violent en s’organisant d’elle-même ; selon Emmanuel Todd, le peuple, dont les meilleurs éléments ne vont plus offrir du sang neuf aux élites, faute d’ascenseur social, va devenir de plus en plus intelligent, face à des élites crétinisées par un enseignement supérieur à l’américaine. En 2016, déjà, Christophe Guilluy, dans Le Crépuscule de la France d’en haut, parlait du « marronnage » des classes populaires : comme des esclaves marrons, elles ont échappé à la tutelle des élites et ne veulent plus les entendre ; elles forgent leur propre réflexion et définissent leurs propres revendications. Certes, le marronnage pourrait tourner en marginalisation, c’était ce qu’estimait Emmanuel Todd, dans Les luttes de classes en France au XXIe siècle (Seuil, 2020). Mais, dans une interview plus récente, sa position semble avoir évolué : la crise du Covid a montré que les ouvriers et la production, et plus largement les employés dans les  services à la personne, étaient indispensables au pays ; il est donc possible qu’ils retrouvent une place centrale et que leurs revendications acquièrent plus de poids. Cela peut sembler paradoxal alors que la loi sur les retraites vient d’être nuitamment promulguée ; mais il se pourrait que ce soit une victoire à la Pyrrhus, tant on sent monter le malaise et l’exaspération.

 

➤France-Culture a consacré une émission au film et au livre L’Établi, avec la participation de Robert et Virginie Linhart :

Écouter le podcast de la série en 5 épisodes sur le livre L’Établi

 

NdE

*En juin 1967, l’UJCml (Union des jeunesses Communistes (marxiste-léniniste) lance la “longue marche”, “l’établissement” : plusieurs centaines de jeunes militants étudiants et lycéeens se font embaucher dans des usines ou vont travailler en milieu agricole, suivant ainsi l’exemple des Gardes rouges chinois, qui, pendant la Révolution culturelle, avaient appliqué la devise de Mao Zedong, “Le mandarin doit descendre de son cheval” [rappelons qu’à cette époque, ls enfants d’ouvriers ne représentaient que 8% des étudiants universitaires]. Interdite par Raymond Marcellin comme une douzaine de groupes gauchistes le 12 juin 1968, l’UJCml devient en septembre 1968 la Gauche prolétarienne (GP, alias les “mao-spontex », pour “spontanéistes”), dont les militants créeront des Comités de lutte dans diverses usines. Certains reviendront assez rapidement à leurs études, comme Linhart, qui quitta Citroën après un an, d’autres resteront ouvriers et deviendront souvent des militants des syndicats qu’ils avaient combattus. La GP s’autodissout en 1973

**Citroën rachète 1965 l’usine Panhard Levassor, créée en 1891 avenue d’Ivry à Paris 13ème et qui fut la première usine d’automobiles du monde, pour y assembler les légendaires 2CV fabriquées dans l’usine Citroën du Quai de Javel (15ème). Les deux usines fermeront en 1975.

***Virginie Linhart, la fille du protagoniste, a raconté que le décor bourgeois du film ne correspondait à aucune réalité vécue : « On campait, on n’avait même pas de table et j’ai dormi pendant des années sous une énorme affiche chinoise ».

15/04/2023

DAVIDE GALLO LASSERE
Nueve tesis sobre el internacionalismo hoy

Davide Gallo Lassere, euronomade.info, 31-3-2023

Traducido por Fausto Giudice, Tlaxcala 

Davide Gallo Lassere (1985) es un filósofo italiano que se doctoró en Nanterre y Turín con una tesis sobre “Dinero y capitalismo. De Marx a las monedas del común” en 2015. Es profesor de Política Internacional y responsable de admisiones en el Instituto de la Universidad de Londres en París. Publicaciones. FB

Nosotros también vimos primero el desarrollo capitalista y luego las luchas obreras. Esto es un error. Debemos invertir el problema, cambiar el signo, partir del principio: y el principio es la lucha de la clase obrera.

Mario Tronti

Desde el siglo XIX, el internacionalismo ha sido uno de los pilares fundamentales de los movimientos revolucionarios, ya fueran antiesclavistas, obreros, anticoloniales u otros. El internacionalismo, como ampliación del campo de lucha más allá del Estado-nación, es una de las tres características principales de los movimientos comunistas, junto con la abolición de la propiedad privada y el desmantelamiento de la forma-Estado. 

Londres, 1864: fundación de la primera Internacional

Sin embargo, si se considera la amplitud y la importancia de la historia de los movimientos inter o transnacionales (según se desarrollen entre o más allá de las fronteras nacionales), sorprende la riqueza del material empírico e historiográfico frente a una cierta pobreza en la teorización [1]. De hecho, se podría afirmar que el internacionalismo, como fenómeno histórico y político, está fundamentalmente infrateorizado. Cabe preguntarse hasta qué punto es posible desarrollar, si no una filosofía política, al menos una teoría social y política del internacionalismo. O, a la inversa, ¿podemos ir más allá e imaginar que existe una ontología y una epistemología específicas de los movimientos inter y/o transnacionales? Y entonces, más allá de las designaciones acostumbradas, ¿qué apelativo o apelativos son más apropiados: internacionalismo o transnacionalismo? ¿internacionalismo subnacional o transnacional (Van der Linden, 2010)? ¿Local o global (Antentas, 2015)? ¿Fuerte o débil (Antentas, 2022)? ¿Material o simbólico? ¿Revolucionario o burocrático? ¿Comunista o liberal? ¿obrero? ¿Feminista? ¿Antirracista? ¿Ecologista? ¿El internacionalismo es un medio o un fin en sí mismo? Y, por supuesto, la lista podría continuar [2]...

 París, 14 de julio de 1889: fundación de la segunda Internacional

Sin embargo, lo que es muy significativo, hoy más que nunca -en un momento de gran crisis económica y social, cuando soplan de nuevo vientos de guerra entre las potencias mundiales, en un mundo pospandémico y sobrecalentado-, es el hecho de que la cuestión estratégica del internacionalismo vuelva al primer plano en el seno de los movimientos sociales y políticos: hay una conciencia creciente de que no se pueden derrotar estas fuerzas hostiles luchando en orden disperso, cada uno por su lado, confinados en el perímetro de nuestros Estados-nación, o permaneciendo anclados en los territorios, promulgando exclusivamente prácticas micropolíticas. Tenemos que ser capaces de intervenir al mismo nivel que estos procesos, que son por definición globales y planetarios. Para ello, debemos ser capaces de desarrollar razonamientos y prácticas que estén a la altura de los retos que plantean la geopolítica, los mecanismos de gobernanza, el mercado global, el cambio climático, etc. Pero en la historia de los movimientos radicales y revolucionarios, tales razonamientos y prácticas reciben el nombre de internacionalismo y, en menor medida, de cosmopolítica [3].

Por eso hoy parece más importante que nunca replantearse el internacionalismo. La buena noticia es que no partimos de cero. De hecho, la década de 2010 se ha visto salpicada por el estallido de numerosos levantamientos y revueltas contra las consecuencias radicalmente antisociales y antidemocráticas de las distintas crisis (económica, política, sanitaria, climática, etc.). La mala noticia es que la década actual y las venideras están y estarán cada vez más perturbadas por la intensificación de los enfrentamientos geopolíticos y la profundización de las tendencias hacia la catástrofe ecológica. Los futuros ciclos de lucha surgirán en un mundo cada vez más perturbado por claras contradicciones y antagonismos. Y se verán obligados a operar en este contexto cambiado. Lo que sigue, por tanto, no son más que nueve simples tesis, elaboradas a partir de algunas experiencias francesas y europeas, con el objetivo de poner de relieve lo que podrían considerarse los puntos fuertes y débiles de los movimientos globales de la década de 2010. Pretenden ser a la vez una pequeña y parcial contribución al debate político inmanente a estos movimientos, pero también un intento preliminar y no exhaustivo de enmarcar la cuestión del internacionalismo de una manera original, para releer a contraluz los doscientos años de historia de las luchas inter o transnacionales, desde las resonancias globales de 1789 hasta el ciclo altermundialista, pasando por las fechas simbólicas de 1848, 1917 y 1968 [4].

 Moscú, 1919: fundación de la tercera Internacional

Tesis 1. Ontología I: Fábrica terrestre

Las luchas sociales y políticas están en el centro de la transición al Antropoceno. Como motores del desarrollo capitalista, son cruciales para comprender los procesos que definen las múltiples crisis ecológicas contemporáneas. Dicho de otro modo: la explosión de emisiones de CO2 a la atmósfera y la progresiva destrucción de la naturaleza están íntimamente ligadas a las luchas de clase y anticoloniales; son un “efecto colateral” de la respuesta capitalista a los impasses inducidos por las prácticas de resistencia y contrasujeción de los subalternos. El calentamiento global, por ejemplo, es el resultado de los antagonismos entre grupos humanos y, como tal, alimenta aún más las tensiones sociales, económicas y políticas. Esta es la idea básica de parte de la historiografía ecomarxista, su diagnóstico del presente y sus perspectivas de ruptura futura. El cambio de temperatura en la Tierra -provocado principalmente por el uso capitalista de combustibles fósiles- es un producto impuro de los conflictos sociopolíticos pasados y presentes. Tanto si se adopta una visión sincrónica y global como si se centra la atención en la Inglaterra (pre)victoriana, sigue estando claro que la lucha de clases ocupa un lugar central. De hecho, desde mediados del siglo XIX y en todo el mundo, la adopción de los combustibles fósiles como fuente de energía primaria de la acumulación de capital se ha impuesto por la fuerza como reacción al rechazo del trabajo y a la apropiación de la tierra por parte de los trabajadores y los colonizados; es la pugnacidad de los explotados lo que llevó al capital y a los gobiernos a introducir primero el carbón y luego el petróleo y el gas. Como muestran admirablemente Andreas Malm (2016) y Timothy Mitchell (2013), el paso del carbón al vapor hacia 1830 y del carbón al petróleo hacia 1920 se entienden mejor como proyectos políticos que responden a intereses de clase que como necesidades económicas inherentes a las duras leyes del mercado.

Lo que quizá estos estudiosos no destaquen lo suficiente es el hecho de que las medidas puestas en marcha por las clases dominantes para domar el conflicto han conllevado no sólo cambios socioenergéticos, mutaciones tecnoorganizativas y reconfiguraciones geoespaciales, sino también una socialización más consistente de las fuerzas productivas y una integración cada vez mayor de la naturaleza en las mallas del capital. De este modo, la Tierra -y no sólo la sociedad- se ha convertido cada vez más en una especie de fábrica gigante. Hoy en día, una cantidad cada vez mayor de relaciones sociales y naturales están directa o indirectamente subyugadas al capital. Desde la educación y la salud de la fuerza de trabajo hasta las innumerables externalidades positivas que proporcionan gratuitamente el medio ambiente, las plantas y los animales, hoy en día casi nada escapa a la lógica del beneficio. Y el dominio de la producción social sobre la reproducción natural está alterando los equilibrios de los ecosistemas hasta el punto de amenazar las condiciones mismas de la supervivencia de las especies. En consecuencia, el propio internacionalismo requiere una revisión radical. Si, en efecto, la globalización del comercio y de la producción ha constituido la base material del internacionalismo abolicionista y obrero, y si la dimensión global del imperialismo ha representado el escenario geopolítico del internacionalismo anticolonial, los efectos planetarios de las crisis ecológicas configuran a la Tierra entera como el teatro de los nuevos enfrentamientos en curso. Este cambio de paradigma, sin embargo, no implica simplemente una ampliación de la escala y una complejización del marco de referencia, sino que conlleva una verdadera revolución en nuestros hábitos de pensamiento y acción.

He aquí, pues, la primera tesis socio-ontológica a través de la cual puede elaborarse un internacionalismo adecuado a los retos que plantea el Antropoceno: dentro de la fábrica terrestre -resultado a su vez de anteriores ciclos globales de luchas- no sólo hay grupos opuestos de seres humanos que luchan entre sí, sino también seres no humanos y seres no vivos que participan plenamente en la tragedia histórica en curso. De hecho, la destrucción de ecosistemas, entornos, naturalezas, etc. en una parte del mundo produce cada vez más bucles de retroalimentación impredecibles con efectos catastróficos en regiones completamente distintas. Y los entornos y entidades perturbados por la huella humana son cada vez menos meros fondos inertes; su irrupción violenta en la escena política, como en el caso de la pandemia del Covid-19, suele polarizar aún más los antagonismos, sin abrir necesariamente escenarios halagüeños.

París, 1938: fundación de la cuarta Internacional
 

Tesis 2. Epistemología: Composición socioecológica

La inclusión del otro-que-humano no sólo en el tablero político, sino como tablero político da la vuelta a la tortilla, y no por poco. Entre otras cosas, esta convulsión general tiene una gran importancia para la vieja cuestión de la clase, su composición y organización. Según una “corriente caliente” del marxismo que va desde los escritos histórico-políticos de Marx hasta el operaísmo italiano, no hay clase sin lucha de clases. Este supuesto atribuye una primacía ontológica a la subjetivación política sobre las determinaciones socioeconómicas. Mario Tronti (2013) ha relatado esta epopeya antagónica, cuyos protagonistas -trabajadores y capital- encarnan los personajes míticos de una filosofía de la historia que culmina en la sociedad sin clases. Si la fe en un futuro radiante ya no parece apropiada, este enfoque relacional, dinámico y conflictivo de la realidad de clase sigue siendo válido hoy en día. Contrariamente a cualquier visión sociologizante y/o economicista, los operaístas nunca se han contentado con meras descripciones empíricas destinadas a diseccionar la ubicación objetiva de los sujetos en las estructuras sociales. Para ellos, el paso del proletariado a la clase obrera no se produjo automáticamente sobre la base de una simple concentración masiva de trabajadores en el seno de las grandes fábricas del siglo XIX. Al contrario, fue el resultado de un salto totalmente político-organizativo y autoconsciente. Para reconocer y explicar este cambio cualitativo, los operaístas forjaron el concepto de composición de clase, que aclara las diferencias materiales y subjetivas que caracterizan a la fuerza de trabajo y que deben tenerse en cuenta en la cuestión de la organización.

La composición de clase, en efecto, es la herramienta analítica y política que permitió, primero, a través de las indagaciones obreras, distinguir diferentes subjetividades dentro de la clase obrera (el obrero profesional, el obrero-masa) y, después, ampliar la pertenencia a esta categoría a subjetividades que iban más allá de la forma salarial clásicamente entendida (el ama de casa, el trabajador precario, etc.). De este modo, el concepto de clase dejó de ser una especie de paspartú político y discursivo para convertirse en un verdadero campo de batalla, atravesado por intereses materiales y perspectivas políticas no siempre conciliables. Si una actualización de la analítica de la composición de clase parece hoy más indispensable que nunca para comprender la multiplicación de las relaciones laborales y su interpenetración con las opresiones de género y raciales, ya no puede limitarse a los procesos de explotación y resistencia interhumanos. En los años siguientes, académicos y activistas fueron más allá de los análisis tradicionales de la composición técnica y política (relaciones de los trabajadores con las máquinas y las técnicas, y procesos de subjetivación política), y empezaron a hablar de composición social y espacial, para integrar las esferas de la reproducción social y la pertenencia territorial en la matriz composicionista. Esta innovación fue importante para pensar formas de solidaridad transnacional entre quienes viven y se oponen a lógicas de dominación de distinto tipo y a gran distancia un@s de otr@s. Hoy, sin embargo, es necesario ir un paso más allá. En efecto, como han ilustrado tan eficazmente Léna Balaud y Antoine Chopot (2021) a través de una enorme variedad de casos, no somos los únicos que practicamos la política de las revueltas terrestres. Por consiguiente, del mismo modo que el capital ha aprendido progresivamente a valorizar en términos monetarios no sólo la fuerza de trabajo, sino también las relaciones sociales más allá del lugar de trabajo y una miríada de elementos de la naturaleza humana y extrahumana, del mismo modo debemos aprender a valorizar políticamente no sólo nuestras singularidades colectivas, sino también la activación de poderes desprovistos de intencionalidad y cuya movilización no siempre produce efectos emancipadores.

Esto nos lleva a la segunda tesis: a partir de ahora, cualquier internacionalismo coherente y eficaz debe presentarse necesariamente como una cosmopolítica, basada en una comprensión ampliada de la agencia política o, como dice Paul Guillibert (2021), del “proletariado vivo”. Esta ruptura fundamental implica no sólo anclar la política a la ecología y la terrenalidad, sino también reconocer el núcleo híbrido de cualquier coalición, mucho más allá de lo que la interseccionalidad de las luchas ha sido capaz de concebir y practicar, con su articulación y sincronización de las interdependencias de clase, género y raza. En consecuencia, la subjetividad y la identidad de los colectivos implicados tendrán que permitirse una remodelación de raíz, ya que cualquier alianza de este tipo implica un replanteamiento drástico del antropocentrismo que ha caracterizado la política internacionalista y la cosmovisión histórico-natural de muchos movimientos sociales hasta la fecha. Tal es el enigma a resolver de la composición de clase socioecológica.


Tesis 3. Geopolítica: (Crítica de los) dualismos

En el siglo XX, la lucha de clases se elevó al nivel de un enfrentamiento geopolítico: primero con la transformación soviética en 1917 de la guerra mundial interimperialista en una guerra civil revolucionaria, después con las intervenciones occidental y japonesa en 1918 en la guerra civil rusa, y finalmente con la fundación en 1919 de la Tercera Internacional, o Internacional Comunista. Esta situación de guerra de clases global, a pesar de numerosos retrocesos y puntos de inflexión, cristalizó en la Guerra Fría, con la consolidación de las dos macrozonas en pugna y el posterior intento del movimiento de los no alineados de escapar a esta rígida bipartición del planeta. La configuración actual es en muchos aspectos drásticamente diferente, especialmente en lo que respecta a los temas del dualismo y la catástrofe. En efecto, con la perspectiva de una guerra nuclear siempre presente, la segunda mitad del siglo XX supuso la división del mundo en dos campos geopolíticos y la asignación de continentes y naciones a uno u otro. En cambio, el desorden mundial surgido tras el 11-S y el fin de la llamada pax americana ya no enfrenta a un bloque dirigido por los capitalistas liberales con otro alternativo, bajo cuya égida se supone que florecen fuerzas radical-progresistas o incluso revolucionarias. Por el momento, cuanto más nos adentramos en el Antropoceno, menos vemos en el horizonte grandes espacios capaces de catalizar procesos emancipatorios a gran escala. Treinta y cinco años después de la caída del Telón de Acero, el mundo se ha vuelto ciertamente menos unipolar, pero el lento declive de la hegemonía occidental ha ido de la mano de un escenario geopolítico cada vez más inestable, caótico y peligroso, en el que los pretendientes a una redefinición de las estructuras de poder se muestran cada vez más asertivos. De hecho, el parón en el desarme va ahora acompañado de una loca pugna por los preciados recursos y salidas comerciales, así como por el poder blando y duro, oscureciendo las perspectivas de transición hacia un modelo socioeconómico ecológicamente sostenible en el que las relaciones geopolíticas de poder estén más equilibradas.

La exacerbación de las tensiones interimperialistas en un mundo cada vez más multipolar, lejos de apoyar la formación de movimientos de resistencia/alternativos, puede no sólo reforzar las tensiones autoritarias de los capitalismos occidentales, sino acentuar aún más las tendencias belicosas y militaristas destinadas a redibujar las líneas de fractura geopolíticas de principios del siglo XXI. En semejante coyuntura mundial, es evidente que la (antigua) superpotencia usamericana y sus aliados ya no detentan el monopolio de la iniciativa a través de sus ejércitos militares (OTAN) y financieros (FMI): China y Rusia, así como numerosos otros países y actores no estatales, se sustraen cada vez más a los dictados occidentales, alimentando tendencias centrífugas que no conducirán necesariamente a una mejora de las condiciones de vida de las clases subalternas o de la habitabilidad del planeta. Por el contrario, los antagonismos geopolíticos en curso incitan cada vez a más Estados y empresas a la apropiación desenfrenada de materias primas y combustibles fósiles, al cruce de fronteras y a la invasión de espacios dentro y fuera de sus fronteras nacionales. Desde este punto de vista, no sólo las fronteras del capital y de la soberanía de los Estados se han alejado de la estrecha relación que mantenían durante la era moderna, sino que las repercusiones negativas de tales operaciones extractivas ya no afectan, como en el imperialismo tradicional, principalmente a las poblaciones locales, sino que tienen un impacto inmediato a escala planetaria. De hecho, las guerras actuales, incluso más que las del pasado, manifiestan una dimensión geoecológica, de la que las luchas antimineras de los pueblos indígenas constituyen a menudo el frente más avanzado. Aunque en su secular historia anticolonial no se han representado a sí mismas como ecológicas en sí mismas, adquieren un nuevo significado precisamente a la luz del calentamiento global.

Tercera tesis, por tanto: hoy el internacionalismo, en su dimensión constitutivamente antiimperialista, no puede sino teñirse de verde, puesto que en el Antropoceno la invasión de espacios y territorios ya no tiene lugar sólo manu militari, con medios anfibios y aéreos, sino que se realiza de forma mucho más insidiosa, ramificada y persistente a través de la contaminación de suelos, mares y cielos y de la devastación multiescalar de los equilibrios ecosistémicos. Este marco requiere al menos dos aclaraciones: 1. el abandono definitivo de la vieja lógica campista según la cual el enemigo de mi enemigo es mi amigo; de hecho, tenemos múltiples enemigos en guerra entre nosotros, dentro y fuera de las fronteras de los Estados-nación en los que vivimos y más allá de sus respectivas esferas de influencia geopolítica; 2. la necesidad de vincular las luchas territoriales contra el extractivismo, dondequiera que tengan lugar (América del Norte o del Sur, China o Rusia, Europa u Oceanía, África u Oriente Medio), a las de los migrantes climáticos y por la justicia medioambiental y climática. Pero esta triangulación virtuosa sólo puede realizarse a escala transnacional, mucho más allá de las fronteras de la llamada Nueva Guerra Fría.

29 países africanos y asiáticos independientes y observadores de varios movimientos de liberación de las colonias participaron en la Conferencia de Bandung (Indonesia) en 1955. En la foto el Mufti de Palestina Hay Amin Al Husaini con el Primer ministro chino Chu en Lai, que acababa de salir indemne del primer atentado aéreo de la historia.

Tesis 4. Geografía: composición espacial y circulación transnacional