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24/05/2023

WU MING
Ce n’est pas du “mauvais temps”, c’est une malgouvernance de territoire. Qui est responsable de la catastrophe en Émilie-Romagne ? Les porcs-épics ou les bétonneurs fous ?

Wu Ming, Giap, 17/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Español : No es mal tiempo, sino «mal territorio». Las culpas del desastre en Emilia-Romaña

Ελληνικά: Δεν είναι ο κακός καιρός, είναι τo κακοποιημένο έδαφος. Οι ευθύνες για την καταστροφή στην Emilia-Romagna (Mετάφραση: Καλλιόπη Ράπτη)

Le récit des inondations en Émilie-Romagne est toxique et cache les vraies responsabilités. Des responsabilités qui ne relèvent pas de la “météo”. Ni, d’une manière générale, du “climat”, un terme utilisé par les administrateurs et les journalistes plus ou moins comme synonyme de “poisse”.


Les pluies de ces derniers jours surprennent, elles semblent plus exceptionnelles qu’elles ne le sont en réalité, parce qu’elles surviennent après un hiver et un début de printemps marqués par une sécheresse prolongée et inquiétante. Et en soi, ce ne serait pas du tout du “mauvais temps”, un concept trompeur, dérisoire et dommageable. Comme l’a dit John Ruskin, « le mauvais temps ça n’existe pas, il n’y a que différentes sortes de beau temps ». Ce qui est mauvais, c’est la situation que le temps trouve.

Nous sortons de longs mois de sécheresse : montagnes sans neige, torrents et rivières tragiquement à sec, végétation et faune en grande difficulté, agriculteurs désespérés, perspectives sombres pour l’été à venir (l’été dernier a déjà été très dur)... En théorie, nous devrions accueillir les pluies avec jubilation.

Jubilation modérée, bien sûr : ceux qui connaissent la situation savent que, pour diverses raisons, ces pluies concentrées en quelques jours ne compenseront pas la sécheresse. Cette dernière reviendra nous frapper. Dans le nord de l’Italie - l’arc alpin et la vallée du Pô - les précipitations de 2022 ont été jusqu’à 40 % inférieures aux moyennes des vingt années précédentes. C’est le nouveau climat, et il est là pour durer. Mais ce n’est pas tout : une grande partie de l’eau qui est tombée ces jours-ci ne servira à rien (nous y reviendrons dans un instant).

Malgré tout, à proprement parler, c’est une bonne chose qu’il pleuve enfin. Tout le monde aime que l’eau sorte quand on ouvre le robinet, n’est-ce pas ? D’où vient-elle, cette eau, si ce n’est du ciel ?

La raison pour laquelle la pluie a des conséquences néfastes et parfois mortelles est vite énoncée : elle tombe sur un sol asphalté, cimenté, imperméabilisé, qui ne peut en absorber une seule goutte, de sorte que cette eau non seulement ne régénère pas la vie, non seulement ne recharge pas les nappes phréatiques, mais s’accumule en surface et ruisselle, à grande vitesse, en submergeant ce qu’elle trouve. Elle déborde souvent de cours d’eau dont les berges - et souvent aussi le lit - ont été cimentées, et dont les cours mêmes ont été “rectifiés”. Des cours d’eau autour desquels, sans raison, on a construit et on construit encore.

Émilie-Romagne, territoire malgouverné

L’Émilie-Romagne est une terre de grands travaux d’assèchement, c’est pourquoi, en plus des nombreux fleuves et rivières qui descendent des Alpes et des Apennins, elle possède des milliers et des milliers de kilomètres de canaux de drainage et d’irrigation. Elle possède l’un des systèmes hydrogéologiques les plus artificiels du monde et, par conséquent, malgré une autonarration fanfaronne, bien incarnée par son guvernadåur Bonaccini, sa structure est extrêmement fragile.

Avec ces prémisses, notre territoire devrait être très peu cimenté. Mais non : l’Émilie-Romagne est la troisième région la plus cimentée d’Italie, avec environ 9 % de sols imperméabilisés - contre 7,1 % au niveau national, ce qui est déjà un pourcentage très élevé - et la troisième pour l’augmentation de la consommation de sols en 2021 : plus de 658 hectares supplémentaires couverts, ce qui équivaut à 10,4 % de la consommation de sols au niveau national cette année-là.

En 2017, l’administration Bonaccini a produit une loi définie, dans une parfaite novlangue à la 1984, “contre la consommation des sols”. Une loi faux-cul, arnaqueuse, dont le but réel était de permettre la cimentation, comme l’ont dénoncé en vain de nombreux experts - géographes, urbanistes, architectes, historiens du foncier - et associations environnementales. Voir l’ouvrage collectif Consumo di luogo. Regresso neoliberista nel disegno di legge urbanistica dell’Emilia-Romagna (Pendragon, Bologne 2017, disponible en pdf ici).

Comme on pouvait s’y attendre, même grâce à cette loi, la construction et l’asphaltage se sont poursuivis, dans un véritable délire. Et où a-t-on construit ? C’est ce que rappelle dans Altreconomia Paolo Pileri, professeur de planification territoriale et environnementale à l’école polytechnique de Milan :

« dans les zones protégées (plus de 2,1 hectares en 2020-2021), dans les zones à risque de glissement de terrain (plus de 11,8 hectares en 2020-2021), dans les zones à risque hydraulique où l’Émilie-Romagne peut se vanter d’un véritable record, étant la première région d’Italie pour la cimentation dans les zones inondables : plus de 78,6 hectares dans les zones à risque hydraulique élevé ; plus de 501,9 dans les zones à risque moyen, ce qui représente plus de la moitié de la consommation nationale de sol avec ce degré de risque hydraulique : dingue ».

C’est ce qui se passe dans nos régions, en particulier en Romagne. Il ne s’agit pas d’un “mauvais temps” mais d’une malgouvernance de territoire. Il s’agit de mille et une saloperies qui émergent, les entourloupes d’une gestion idiote et prédatrice, menée depuis des décennies par une classe dirigeante - politique et entrepreneuriale – éperdument amoureuse de l’asphalte et du ciment.

Un trio dynamique : Elly Schlein, secrétaire générale du PD, Bolonaise, Stefano Bonaccini, PD, président (gouverneur) de l’Émilie-Romagne, et Matteo Lepore, PD, maire de Bologne

Love Sory : le PD et le béton

Il s’agit d’un amour toxique, bien pire que celui du film de Caligari. Un amour qui n’est pas près de s’éteindre, car la classe dirigeante susmentionnée réserve à cette région toujours plus d’asphalte, toujours plus de ciment.

Ce qui attend le territoire bolonais - mais Bologne et son agglomération ne sont que l’épicentre, le raz-de-marée d’asphalte atteindra jusqu’à Ferrare et la Romagne - nous l’avons décrit en détail ici. Et il ne s’agit là que de la bétonnisation à grande échelle, avec un impact molaire sur le territoire. Il y a aussi la bétonnisation moléculaire, capillaire, faite de spéculation et d’urbanisation moins visible, qui s’insinue partout et dont personne ou presque ne parle. À Bologne, l’administration Lepore-Clancy [maire et vice-mairesse] poursuit un surdéveloppement violent des dernières parties de la banlieue qui n’ont pas encore été livrées à la construction.

Telle est la réalité des faits que le PD, à l’aide de médias obnubilés et souvent asservis, couvre de greenwashing et de schleinwashing.

Des “lavages” qui vont de pair avec des lavages de conscience par le biais d’un transfert de responsabilité des plus grotesques. Le maire PD de Massa Lombarda a eu son quart d’heure de célébrité nationale en attribuant les inondations aux porcs-épics et à leurs terriers*. Mais si vingt-quatre heures de pluie suffisent à provoquer des morts et des disparitions dans la région de Ravenne, il semble plus probable que les causes soient autres. Comme le rappelle Pileri,

« la province de Ravenne est la deuxième province régionale en termes de consommation de sols en 2020-2021 (plus de 114 hectares, soit 17,3 % de la consommation régionale) avec une consommation par habitant très élevée (2,95 mètres carrés par habitant et par an) ; elle est quatrième en termes de sols imperméables par habitant (488,6 m²/habitant) ».

Si ce ne sont pas les porcs-épics, alors c’est “le climat”

Ensuite, il y a la tendance à hausser les épaules et à dire : « c’est le changement climatique ». Comme pour dire : ce n’est pas de notre faute, que pouvons-nous y faire ?

Sauf que, oui, c’est de “notre” faute, ou plutôt la faute de ceux qui ont porté et portent encore sans esprit critique ce modèle de développement, alors que les effets possibles du réchauffement climatique sont évoqués depuis des décennies

Par ailleurs, il convient de préciser que cette utilisation du climat est une manœuvre de diversion.

Certes, l’alternance de longues périodes de sécheresse et de pluies intenses concentrées sur quelques jours fait partie du changement climatique, mais...

Mais, le fait qu’au printemps, il puisse pleuvoir plusieurs jours d’affilée est également mentionné dans les proverbes. L’un d’entre eux est le suivant : « Aprile, o una goccia o un fontanile  [Avril, soit une goutte, soit une fontaine] ». Que cela puisse arriver surtout après un hiver sec, idem : "Hiver doux, printemps sec ; hiver rude, printemps pluvieux". Et l’on pourrait en citer bien d’autres, dans bien des langues.

La culture européenne nous offre d’innombrables témoignages de longues pluies et d’averses au printemps. L’un des plus grands classiques du cinéma italien, Riz amer, se déroule au printemps - à la saison de la récolte du riz, en fait - et montre une pluie diluvienne qui dure plusieurs jours, battante, interminable.

Si ces pluies ont des effets de plus en plus dévastateurs en un temps de plus en plus court, c’est parce que la terre est de plus en plus défigurée. Et c’est contre ceux qui la défigurent qu’il faut se battre.

“Béton rapide pour l'aéroport de Bologne: photo de pub d’Italcementi, filiale du groupe allemand Heidelberg Cement (devenu Heidelberg Materials), 2ème plus grand groupe cimentier du monde après Lafarge

Post-scriptum

Désormais, dès que les prévisions annoncent de la pluie, les écoles sont fermées, comme cela vient d’être le cas à Bologne. Auparavant, elles ne fermaient qu’en cas de fortes chutes de neige.

À l’heure où nous bouclons cet article, en ce début d’après-midi du 17 mai, nous apprenons que la municipalité de Bologne - une ville où il bruine actuellement et où les transports publics ont continué à fonctionner - a également fermé des bibliothèques, des musées et des centres sportifs. Si vous avez une impression de déjà-vu, c’est parce que, oui, nous l’avons déjà vu.

Ces ordonnances sont justifiées par le fait que lorsqu’il pleut et que la nappe phréatique déborde - au cours du XXe siècle, les administrations bolonaises ont enterré et bétonné tous les canaux et cours d’eau qui traversaient la ville, y compris le torrent Ravone, qui a débordé ces derniers jours - la circulation est immédiatement congestionnée. Un trafic essentiellement privé et automobile, qui est à la fois la conséquence et la cause rétroactive des politiques démentes menées sur le territoire : nouvelle urbanisation, routes de plus en plus nombreuses, demande induite de déplacements en voiture, etc.

La classe dirigeante responsable de ces politiques, face aux désastres qu’elles produisent, a pour seule et automatique réponse l’Urgence. Et peut-être, plus précisément, DAD [enseignement à distance]  à chaque fois qu’il pleut.

L’urgence - comme nous l’avons vu dans les années Covid - sert à ne pas s’attaquer aux causes des problèmes, ni maintenant, parce que les événements sont pressants, ni plus tard, parce que lorsque le danger n’est plus immédiat, on passe à autre chose... jusqu’à la prochaine catastrophe.

À moins que nous ne rompions ce cercle vicieux.

NdT

* « Les techniciens à qui j’ai parlé », a déclaré le maire Daniele Bassi, « pensent que le pertuis par lequel l’eau est arrivée pourrait avoir été créé par les terriers des porcs-épics, qui sont plus larges et plus profonds que ceux creusés par d’autres animaux tels que les ragondins et les renards. On pense souvent aux ragondins, mais les porcs-épics ont également coutume de creuser des terriers sur les berges des égouts, des canaux et des rivières ».[sic, sic et resic]

 

ايغون اروين كيش Egon Erwin Kisch
اليهود التونسيون من تونس Die tunesischen Juden von Tunis Les Juifs tunisiens de Tunis

في عام 1926 ، أتيحت الفرصة للصحفي إيغون إروين كيش "المراسل الهائج" للسفر إلى تونس بعد مشاركته في تصوير فيلم في الجزائر ( نهج النساء بالجزائر العاصمة ، حيث لعب دور متسول). هو يهودي من براغ ، يكتب للصحف اليهودية الناطقة باللغة الألمانية ، ولم يفوت فرصة لتعريف قرائه بالمجتمعات اليهودية البعيدة عن أوروبا. بعد قرن تقريبًا ، و حيث اختفى اليهود عمليًا من تونس ، يبدو من المفيد أن نشارككم هذا النص في نسخته العربية لبلال الفالحي، و مراجعة أروى العباسي.

1926 hatte der „rasende Reporter“ Egon Erwin Kisch, die Gelegenheit, nach Tunesien zu reisen, nachdem er an einem Filmdreh in Algerien teilgenommen hatte (Die Frauengasse von Algier, in dem er einen Bettler spielte). Er selbst war Jude aus Prag, schrieb für deutschsprachige jüdische Zeitungen und ließ keine Gelegenheit aus, seinen Lesern Einblicke in von Europa weit entfernte jüdische Gemeinden zu geben. Fast ein Jahrhundert später, nachdem die Juden in Tunesien praktisch verschwunden sind, erschein es uns interessant, diesen Text in der arabischen Fassung von Bilal Falhi, überprüft von Arwa Abassi, zu teilen. Im Anschluss an diese Übersetzung findet sich die deutsche Originalfassung.

En 1926, le journaliste Egon Erwin Kisch, le “reporter enragé”, eut l’occasion de se rendre en Tunisie après avoir participé à un tournage de film en Algérie (La rue des femmes d’Alger, où il jouait un mendiant). Lui-même juif de Prague, écrivant pour des journaux juifs de langue allemande, il ne ratait jamais une occasion de faire découvrir à ses lecteurs des communautés juives lointaines de l’Europe. Presqu’un siècle plus tard, alors que les juifs ont pratiquement disparu de Tunisie, il nous semble intéressant de partager ce texte dans la version arabe de Bilal Falhi, révisée par Arwa Abassi. On trouvera à la suite de cette traduction la version originale allemande et la version française.


 


23/05/2023

NOA SHPIGEL
Israël est en train de concocter une loi punissant d’un an de prison le déploiement de drapeaux palestiniens

Noa Shpigel, Haaretz,  18/5/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le projet de loi parrainé par un député d’extrême droite a franchi la première des quatre étapes législatives Les contrevenants pourraient risquer jusqu’à un an derrière les barreaux si la législation est approuvée.

Des manifestants avec le drapeau palestinien. Photo : Reuters

Le Parlement israélien est en train de faire avancer un projet de loi qui interdirait le déploiement public de drapeaux d’une “entité hostile”. La Knesset a voté une approbation préliminaire du projet de loi, qui doit maintenant passer trois votes supplémentaires.

Le projet de loi, parrainé par Almog Cohen, député d’Otzma Yehudit [Force juive, parti kahaniste d’Itamar Ben-Gvir, NdT], stipule que trois personnes ou plus brandissant le drapeau d’une entité ou d’une organisation ennemie seront considérées comme un rassemblement interdit. Si le projet de loi est adopté, le fait de brandir le drapeau palestinien en public serait passible d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison.

Le drapeau palestinien est souvent arboré par des citoyens arabes d’Israël, dont beaucoup s’identifient comme Palestiniens [sic], et par des Israéliens de gauche qui sont opposés à la politique de colonisation du gouvernement.

Le commissaire de police est autorisé à interdire le déploiement publique de drapeaux palestiniens s’il estime que ces drapeaux sont « un symbole susceptible de perturber la paix ». Toutefois, l’application de cette interdiction est laissée à la discrétion du commandant sur le terrain. En outre, conformément aux instructions du procureur général en 2006 et 2014, la police n’applique cette interdiction que lorsqu’il y a « une forte probabilité d’atteinte grave à la sécurité publique ».

Le projet de loi stipule que si au moins trois personnes se rassemblent et déploient en public des drapeaux d’un État ennemi, ou d’un État, d’une entité ou d’un organisme qui n’est pas ami d’Israël, ou qui n’autorise pas l’affichage du drapeau israélien dans sa juridiction, il s’agira d’un rassemblement interdit. Les personnes qui y participent peuvent donc être arrêtées et sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Il serait également possible de disperser un tel rassemblement en vertu de la loi.

L’explication du projet de loi indique que celui-ci « oriente le comportement public en Israël. En tant que démocratie, Israël permet à ses citoyens de protester contre les décisions sur lesquelles ils ne sont pas d’accord avec les autorités. Mais la proposition trace une ligne rouge entre une protestation légitime et une protestation où sont déployés des drapeaux de ceux qui ne reconnaissent pas l’État d’Israël, de ceux qui ne sont pas amicaux à son égard ou qui ne permettent pas à Israël de hisser son drapeau sur son territoire ».

Une manifestante brandit un drapeau palestinien lors d’une manifestation en faveur de la démocratie à Tel Aviv, le mois dernier. Photo : Hadas Parush

Adalah, le Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël, a déclaré dans un communiqué que les policiers qui confisquent les drapeaux lors des manifestations et arrêtent ceux qui les tiennent enfreignent gravement leur autorité et la loi. Adalah a déclaré que ce projet de loi est encore plus extrême que les dispositions de l’accord de coalition avec Otzma Yehudit, car il impose des sanctions pénales pour le déploiement du drapeau dans l’ensemble de la sphère publique, et pas seulement dans les institutions de l’État ou soutenues par l’État.

Un projet de loi doublant la peine pour harcèlement sexuel si le motif de l’infraction est déterminé comme étant nationaliste a également été approuvé lors d’un vote préliminaire mercredi. Ce projet de loi, également parrainé par Otzma Yehudit, est formulé dans un langage qui suggère, sans le dire explicitement, qu’il vise le harcèlement de femmes juives par des hommes arabes. Il prévoit une indemnisation des victimes pouvant aller jusqu’à 240 000 shekels (près de 60 000 €), sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice.

En janvier dernier, suite à l’interdiction (illégale) par Itamar Ben-Gvir de tout drapeau palestinien dans l’espace public, le dessinateur Michael Rozanvov, alias Mysh, a publié son autoportrait aux couleurs du drapeau interdit. De nombreux Israéliens lui ont demandé de faire leur portrait aux mêmes couleurs. Et même Itamar a eu droit à son portrait...


 

22/05/2023

DAVIDE GALLO LASSERE
Neun Thesen zum Internationalismus heute

Davide Gallo Lassere (*1985) ist ein italienischer Philosoph, der mit einer Dissertation über „Geld und Kapitalismus. Von Marx bis zu den Währungen der Allmende“ in Nanterre und Turin im Jahr 2015 dokotrierte. Er ist Professor für Internationale Politik und Leiter der Zulassungsstelle am Pariser Institut der Universität London. Veröffentlichungen. FB

 Auch wir haben zuerst die kapitalistische Entwicklung gesehen und dann die Kämpfe der Arbeiter. Das ist ein Irrtum. Wir müssen das Problem umkehren, das Vorzeichen ändern, vom Prinzip ausgehen: und das Prinzip ist der Kampf der Arbeiterklasse.

(Mario Tronti)

Seit dem 19. Jahrhundert ist der Internationalismus einer der Grundpfeiler der revolutionären Bewegungen, sei es gegen die Sklaverei, das Kapital, die Kolonialherrschaft oder andere. Der Internationalismus als Ausweitung des Kampffeldes über den Nationalstaat hinaus ist neben der Abschaffung des Privateigentums und der Zerschlagung der Staatsform eines der drei Hauptmerkmale der kommunistischen Bewegungen. Betrachtet man jedoch die Weite und Bedeutung der Geschichte der inter- oder transnationalen Bewegungen (je nachdem, ob sie sich innerhalb oder jenseits der nationalen Grenzen entfalten), so ist man überrascht von der Fülle des empirischen und historiografischen Materials im Vergleich zu einer gewissen Armut an Theoriebildung [1]. Man könnte in der Tat behaupten, dass der Internationalismus als historisches und politisches Phänomen grundlegend untertheoretisiert ist. Inwieweit, so könnte man fragen, ist es möglich, wenn nicht eine politische Philosophie, so doch zumindest eine soziale und politische Theorie des Internationalismus zu entwickeln? Oder können wir umgekehrt noch weiter gehen und uns vorstellen, dass es eine spezifische Ontologie und Epistemologie für inter- und/oder transnationale Bewegungen gibt? Und welche Bezeichnung oder Bezeichnungen sind jenseits von nominalen Unschärfen angemessener: Inter- oder Transnationalismus? Subnationaler oder transnationaler Internationalismus (Van der Linden, 2010)? Lokal oder global (Antentas, 2015)? Stark oder schwach (Antentas, 2022)? Materiell oder symbolisch? Revolutionär oder bürokratisch? Kommunistisch oder liberal? Arbeiterzentriert? Feministisch? Antirassistisch? Ökologisch? Ist der Internationalismus ein Mittel oder ein Ziel an sich? Und die Liste ließe sich natürlich fortsetzen [2]...

London, 1864: Gründung der Ersten Internationale

Was jedoch heute mehr denn je von Bedeutung ist - in einer Zeit großer wirtschaftlicher und sozialer Krisen, in der die Winde des Krieges zwischen den Weltmächten wieder wehen, in einer Welt nach der Pandemie und der Überhitzung - ist die Tatsache, dass die strategische Frage des Internationalismus in den sozialen und politischen Bewegungen wieder in den Vordergrund rückt: Es wächst das Bewusstsein, dass diese feindlichen Mächte nicht besiegt werden können, indem wir in willkürlicher Reihenfolge kämpfen, jeder für sich, eingeschränkt innerhalb der Grenzen unserer Nationalstaaten, oder indem wir in den Territorien verankert bleiben und ausschließlich mikropolitische Praktiken ausüben. Wir müssen in der Lage sein, auf der gleichen Ebene wie diese Prozesse zu intervenieren, die per definitionem global und planetarisch sind. Dazu müssen wir in der Lage sein, Argumente und Praktiken zu entwickeln, die den Herausforderungen der Geopolitik, der Governance-Mechanismen, des globalen Marktes, des Klimawandels usw. gewachsen sind. In der Geschichte der radikalen und revolutionären Bewegungen werden solche Überlegungen und Praktiken als Internationalismus und, in geringerem Maße, als Kosmopolitik bezeichnet [3].

  Paris, 14. Juli 1889: Gründung der Zweiten Internationale

Deshalb scheint es heute wichtiger denn je, den Internationalismus neu zu überdenken. Die gute Nachricht ist, dass wir nicht bei Null anfangen. In der Tat waren die 2010er Jahre von zahlreichen Aufständen und Revolten gegen die radikal unsozialen und antidemokratischen Folgen der verschiedenen Krisen (Wirtschaft, Politik, Gesundheit, Klima usw.) geprägt. Die schlechte Nachricht ist, dass das gegenwärtige Jahrzehnt und die kommenden Jahrzehnte durch die Verschärfung der geopolitischen Konfrontationen und die zunehmenden Tendenzen zur ökologischen Katastrophe zunehmend gestört sind und werden. Künftige Kampfzyklen werden in einer Welt entstehen, die zunehmend durch klare Widersprüche und Antagonismen gestört wird. Und sie werden gezwungen sein, in diesem veränderten Kontext zu agieren. Im Folgenden werden daher nur neun einfache Thesen aufgestellt, die auf der Grundlage einiger französischer und europäischer Erfahrungen erarbeitet wurden, um aufzuzeigen, was als Stärken und Schwächen der globalen Bewegungen der 2010er Jahre angesehen werden könnte. Sie sollen ein kleiner und partieller Beitrag zur politischen Debatte sein, die diesen Bewegungen immanent ist, aber auch ein vorläufiger und nicht erschöpfender Versuch, die Frage des Internationalismus auf originelle Weise zu formulieren, um die zweihundertjährige Geschichte der inter- oder transnationalen Kämpfe im Gegenlicht neu zu lesen, von den globalen Resonanzen des Jahres 1789 bis zum veränderten globalistischen Zyklus, über die symbolischen Daten von 1848, 1917 und 1968[4].

 Moskau 1919: Gründung der Dritten Internationale

These 1: Ontologie I: Erdfabrik

Soziale und politische Kämpfe stehen im Mittelpunkt des Übergangs zum Anthropozän. Als Motoren der kapitalistischen Entwicklung sind sie entscheidend für das Verständnis der Prozesse, die die vielfältigen ökologischen Krisen der Gegenwart bestimmen. Anders ausgedrückt: Die Explosion der CO2-Emissionen in die Luft und die fortschreitende Zerstörung der Natur sind eng mit den Klassen- und antikolonialen Kämpfen verknüpft; sie sind ein „Kollateraleffekt“ der kapitalistischen Antwort auf die Sackgassen, die durch die Praktiken des Widerstands und der Gegensubjektion der Subalternen entstanden sind. Die globale Erwärmung zum Beispiel ist das Ergebnis von Antagonismen zwischen menschlichen Gruppen und schürt als solches die sozialen, wirtschaftlichen und politischen Spannungen noch mehr. Dies ist der Grundgedanke eines Teils der ökomarxistischen Geschichtsschreibung, ihrer Diagnose der Gegenwart und ihrer Aussichten auf einen künftigen Bruch. Die Temperaturveränderung auf der Erde - vor allem durch die kapitalistische Nutzung fossiler Brennstoffe verursacht - ist ein unreines Produkt vergangener und gegenwärtiger gesellschaftspolitischer Konflikte. Ob man nun eine synchrone, globale Sichtweise einnimmt oder sich auf das (vor-)viktorianische England konzentriert, es bleibt klar, dass der Klassenkampf im Mittelpunkt steht. Ab Mitte des 19. Jahrhunderts  und überall auf der Welt wurde die Einführung fossiler Brennstoffe als primäre Energiequelle der Kapitalakkumulation als Reaktion auf die Ablehnung von Arbeit und die Aneignung von Land durch Arbeiter und Kolonisierte gewaltsam durchgesetzt; es war die Kampfeslust der Ausgebeuteten, die das Kapital und die Regierungen dazu veranlasste, zunächst Kohle und dann Öl und Gas einzuführen. Wie Andreas Malm (2016) und Timothy Mitchell (2013) in bewundernswerter Weise zeigen, sind die Umstellung von Dampf auf Kohle um 1830 und von Kohle auf Öl um 1920 besser als politische Projekte zu verstehen, die auf Klasseninteressen reagieren, denn als wirtschaftliche Notwendigkeiten, die den harten Gesetzen des Marktes unterliegen.

DARIO MANNI/MARCO MAURIZI
Animaux et capital

Dario Manni et Marco Maurizi, Comune-Info, 13/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’histoire millénaire des relations entre humains et non-humains est profondément liée aux rapports économiques (Mason 1993 ; McMullen 2016 ; Timofeeva 2018). Cela a également un effet décisif sur la manière dont la nature est représentée symboliquement ou idéologiquement dans notre culture. Il n’existe pas de société humaine qui ne fonde pas ses représentations du monde animal sur les rapports économiques qui sous-tendent sa reproduction (Nibert 2002). Cet élément est central pour comprendre à la fois la continuité qui a caractérisé l’exploitation des animaux à des fins économiques dans l’histoire de la domination, et la discontinuité que le capitalisme a introduite dans cette histoire. Cela est évident si l’on considère l’utilisation qui a été faite des animaux non humains au cours des siècles en tant que force de travail et en tant que biens de consommation.

 La force de travail animale

Historiquement, les animaux ont été utilisés comme force de travail dans l’agriculture, le transport et l’industrie. Cependant, depuis la modernisation capitaliste, l’utilisation des animaux comme force de travail a diminué en raison du développement de la technologie et de l’automatisation. Cela ne signifie pas que le phénomène de l’exploitation du travail animal ne soit pas encore présent dans certaines parties du monde, en particulier dans les pays en développement : dans l’agriculture de ces pays, des animaux tels que les chevaux, les ânes et les bœufs sont encore utilisés pour labourer les champs, transporter des marchandises et effectuer d’autres tâches. En effet, compte tenu du développement inégal du capitalisme, dans certaines circonstances, l’utilisation de ces animaux peut s’avérer moins coûteuse et plus efficace que l’utilisation de machines, en particulier dans les régions où les infrastructures et les ressources sont limitées. Cependant, il est évident que cette utilisation est structurellement réduite par l’investissement technologique des sociétés industrielles avancées et que, par conséquent, ces formes d’exploitation de la force de travail animale sont des survivances d’un passé qui a déjà été effectivement dépassé par la modernisation capitaliste.

Ce type d’exploitation des animaux en tant que force de travail soulève des problèmes éthiques apparemment similaires à ceux qui se posent dans le cas du travail humain : les animaux sont souvent soumis à de longues heures de labeur, à des conditions de travail exténuantes et à un manque de nourriture, d’eau et de soins vétérinaires. En outre, leur emploi à des tâches dangereuses et physiquement épuisantes peut entraîner des blessures ou la mort. Toutefois, il convient de noter que, dans une perspective marxiste, cette similitude ne concerne que l’aspect extérieur du rapport de travail : le rapport de travail capitaliste typique est la relation humaine et qualifie l’exploitation des humains dans un sens différent de celle des animaux non humains. Derrière la similitude empirique se cache une différence essentielle que seule l’analyse théorique peut mettre en évidence.

Lors de l’analyse du processus spécifique de reproduction du capital, par exemple, il serait tout à fait trompeur d’identifier le travail à une simple fourniture d’énergie psychophysique. Bien sûr, les humains et les animaux “travaillent” et tous travaillent pour le capitaliste. Cependant, il existe une caractéristique spécifique du travail humain, une fonction très spécifique du travailleur dans sa relation avec le capitaliste que les animaux ne peuvent pas assumer. Une compréhension différente des rôles joués par les travailleurs et les animaux dans la machine du capitalisme n’est donc pas la conséquence d’un préjugé spéciste : c’est la structure même du mode de production capitaliste qui crée cette distinction des rôles et des fonctions. L’ignorer, c’est tout simplement ignorer le fonctionnement du capitalisme. Rosa Luxemburg, malgré son amour des animaux (Luxemburg 1993), reproche à Adam Smith d’identifier les travailleurs et les animaux en qualifiant l’activité de ces derniers de “travail productif” (Luxemburg 1951 : 40). Bien que le travail animal, tout comme le travail humain, signifie “la dépense d’une certaine quantité de muscle, de nerf, de cerveau” (Marx 1962 : 185), le problème ici n’est pas la production générique de valeur d’usage, c’est-à-dire de produits qui sont utiles pour notre consommation, qui satisfont un de nos besoins ; il est clair que les animaux (peu importe qu’ils soient autonomes ou guidés par la main de l’homme) sont capables de produire de la valeur d’usage. Le problème est que la source de valorisation du capital est l’accumulation de la valeur d’échange, c’est-à-dire la propriété d’une marchandise d’être quantitativement, et non qualitativement, comparée à toute autre marchandise, et donc échangée contre elle et en particulier contre l’équivalent général qu’est l’argent. Le travail animal, n’étant pas lui-même vendu comme une marchandise sur le marché, ne peut ni perdre ni ajouter de la valeur d’échange aux marchandises (Stache 2019 : 15). Seul le travail qui perd et ajoute de la valeur d’échange aux marchandises est du travail productif au sens capitaliste.

Diego Sarti, “Nègre avec mastiffs” [chiens de plantation], sculpture du groupe “Esclavage”, Exposition générale italienne, Turin, 1884

 Ce point a été largement discuté dans la littérature marxiste concernant le problème du travail des esclaves (Bellamy Foster-Holleman-Clark 2010 ; Nesbitt 2022), auquel le travail des animaux peut, au moins en partie, être assimilé1. Bien que ce type de travail puisse être qualifié en termes de "surtravail" qui génère un "surproduit" – par exemple, en soutenant que, sans recevoir de salaire, l'esclave et l'animal reçoivent une part des biens de consommation nécessaires à leur survie mais inférieure à la “valeur” qu'ils ont produite, et que de cette “valeur” ajoutée leur propriétaire retirerait un “profit” - nous serions entièrement dans une situation précapitaliste qui, en outre, ne décrit pas de manière adéquate comment l'esclavage traditionnel et l'exploitation animale sont transformés par leur insertion dans le mode de production capitaliste. On peut également affirmer que l’esclave et l’animal sont “expropriés” du produit de leur travail - indépendamment du fait que, dans certains cas, l’animal n’aurait de toute façon aucun intérêt à s’approprier ce qui lui est enlevé - mais l’expropriation dans le cas du salarié concerne la valeur d’échange dans la sphère de la production et seulement indirectement, en tant que rapport social global, sa subordination au capitaliste également en termes de consommation.

Les expressions “valeur”, “profit” et “expropriation” ont ici un sens imprécis qui brouille les termes théoriques de la question. C’est oublier que l’analyse marxienne de la valeur est essentiellement une théorie monétaire : l’argent n’est pas un simple moyen superposé aux rapports capitalistes, mais constitue une forme essentielle et nécessaire de leur manifestation2. Toute l’analyse du Capital de Marx vise à expliquer pourquoi ces rapports doivent prendre cette forme. Chaque élément de la production capitaliste doit en effet se présenter sous la forme d’une marchandise, donc être doté d’une valeur d’échange pour entrer dans le cercle de valorisation du capital. L’ensemble des valeurs d’échange doit être représenté sous la forme de l’équivalent, c’est-à-dire de l’argent, qui apparaît donc, sous sa forme historiquement complète et développée, à la fois au début et à la fin du processus. Il en va de même pour le travail, qui entre dans la production en étant toujours “attaché” à la personne du travailleur, mais en en étant essentiellement séparé. Il s’agit d’un point central pour deux raisons interdépendantes : d’une part, le travail qui crée une nouvelle valeur n’est pas le travail concret et qualitatif dépensé pour produire la marchandise x ou y, mais plutôt le travail abstrait, représenté quantitativement par l’argent qui exprime sa valeur d’échange. D’autre part, Marx souligne que si le travailleur n’était pas légalement libre de vendre sa force de travail, et donc pour un temps limité, il serait un esclave, ce qui rendrait impossible le phénomène spécifiquement capitaliste de la “valorisation de la valeur”, c’est-à-dire l’échange inégal entre le salaire et l’utilisation de la force de travail, qui est à la base de la production de la plus-value. Il s’agit là d’un point fondamental. En effet, la force de travail a une valeur qui s’exprime dans le salaire, c’est-à-dire dans la partie du capital investi que Marx appelle le capital variable. Dans le cas des esclaves humains et animaux, leur travail n’est pas séparable de leur existence corporelle, ni en principe ni en fait : l’animal, comme l’esclave, a une valeur mais cette valeur n’est pas celle de sa force de travail, elle n’est donc pas exprimable en tant que capital variable, puisqu’elle fait plutôt partie de l’investissement dans les moyens de production. C’est-à-dire qu’il s’agit entièrement de capital constant. L’animal, comme l’esclave, est réduit à une machine et son action n’est pas différente de celle du rouage, il n’ajoute pas de valeur d’échange, il transfère simplement sa valeur d’échange intrinsèque à la marchandise qui réapparaît ici sous forme de coût3. Nulle part il n’est possible de distinguer une valeur spécifique de la force de travail des esclaves ou des animaux, ni un rapport spécifique entre leur temps de travail et l’investissement en capital : le “maître” dépense pour leur achat et le maintien de leur existence comme il le ferait pour des machines, c’est-à-dire indépendamment du fait qu’ils travaillent ou non. Il est évidemment dans son intérêt qu’ils travaillent toujours mais, précisément, l’argent qu’il investit n’a pas de relation structurelle avec la fourniture de travail. Dans la relation salariale, en revanche, l’investissement en capital ne concerne pas la personne du travailleur, mais seulement la disponibilité de sa force de travail pendant le temps nécessaire à la production de biens. Et seulement pour cela. Car c’est là que se manifeste la dualité du travail et de la valeur.

Si la valeur et l’expropriation ont une signification spécifique dans le cas du salarié parce qu’elles concernent non pas le travail empirique et la marchandise particulière produite avec sa valeur d’usage spécifique, mais ce même travail et cette valeur en tant que parts aliquotes du travail social et de la valeur d’échange globale, il en va de même pour le profit, qui doit être distingué de la production de la plus-value. Dans le troisième livre du Capital, Marx clarifie cette différence, même si ce n’est que sous forme d’esquisse. L’esclavage humain et animal dans le capitalisme garantit en effet un profit même si ce travail ne produit pas de plus-value. Marx lui-même donne l’exemple limite des entreprises qui n’investissent que dans le capital constant, un exemple purement théorique : dans les entreprises fondées sur le travail des esclaves et des animaux, en effet, une composante, aussi minime soit-elle, du travail salarié, et donc de la plus-value, ne peut être éliminée. Le fait est que la plus-value produite et abandonnée comme profit par le capitaliste n’est pas celle produite par l’entreprise individuelle. Les différentes branches de l’industrie contribuent en fait, chacune d’une manière différente, à la masse totale de la plus-value et c’est celle-ci qui est ensuite répartie entre les différents capitaux sous forme de profit. Cela se fait par le biais du taux de profit (c’est-à-dire le rapport entre la plus-value et la somme du capital constant et variable) qui, bien que différent pour chaque industrie et chaque branche de production, prend une forme moyenne qui élimine les différences entre elles et garantit à chaque capitaliste un retour sur son investissement. Ces différences sont déterminées par la composition organique du capital, c’est-à-dire la part de l’investissement due au capital constant et celle due au capital variable. Ainsi, il existe des entreprises et des branches de production qui ajoutent une plus grande part à la masse générale de la plus-value, mais les capitaux investis dans les différents secteurs de l’économie se voient garantir un taux de profit moyen dont ils peuvent bénéficier indépendamment de la quantité de plus-value qu’ils ont été en mesure de produire. Les produits du travail d’esclaves sont donc en mesure de “capturer” une partie de la plus-value produite dans d’autres branches de l’industrie et de réaliser ainsi un profit (Nesbitt, 2022, p. 35).

Aigle utilisé pour éloigner les oiseaux des avions, aéroport international de Vancouver

 Le fétiche de l’animal-marchandise

Dans le cas des animaux - et des esclaves humains - le processus d’assujettissement ne se réalise donc pas par le travail mais est déjà donné au départ. Et il ne se réalise pas par l’échange inégal entre force de travail et salaire, mais par la violence directe, ce que Marx appelle la domination, la violence directe et brutale. C’est par cette même violence que l’animal est réduit à une marchandise, en l’occurrence non pas comme moyen de production mais comme résultat du processus de production : l’animal-marchandise.

Le capitalisme a donc conduit à la marchandisation du corps des animaux et à leur exploitation à des fins économiques à un niveau quantitativement sans précédent. Mais même dans ce cas, à l’utilisation millénaire des animaux comme objets de consommation et comme marchandises, le capitalisme ajoute une particularité, on pourrait dire un saut qualitatif dans l’exploitation animale, et la théorie de Marx apparaît à nouveau centrale pour comprendre cette dynamique. Le capital désigne la richesse utilisée pour produire des biens et des services, tandis que les marchandises sont des biens ou des services produits pour être vendus sur le marché. Marx souligne que dans le capitalisme, le capital et les marchandises sont étroitement liés et influencent mutuellement la production et l’échange, que le mouvement général de l’économie n’est pas déterminé par la production de marchandises pour satisfaire les besoins (marchandise-argent-marchandise), mais que les besoins eux-mêmes deviennent une fonction de la croissance du capital (marchandise-argent) : c’est-à-dire que la recherche du profit entraîne la production de marchandises, qui à son tour génère davantage de capital grâce à leur vente sur le marché. Le cycle constant de la production et de l’échange incite sans cesse les capitalistes à accumuler plus de capital et à produire plus de marchandises, ce qui conduit à l’expansion du marché et à la croissance économique. Cela signifie que même la marchandisation des animaux n’est pas une conséquence de la satisfaction des besoins humains, mais un effet de l’accumulation et de l’expansion du capital : en d’autres termes, la croissance de l’exploitation des corps animaux est parallèle à la croissance du mouvement d’auto-valorisation du capital en tant que relation sociale impersonnelle, objective, mécanique et déshumanisante.

En effet, Marx note que les marchandises ne sont pas simplement des biens physiques, mais qu’elles incarnent également des relations sociales et des dynamiques de pouvoir, puisque les travailleurs et les capitalistes interagissent dans la production et l’échange de marchandises. Ainsi, les marchandises reflètent la lutte des classes sous-jacente à la société capitaliste. Sous cette lutte se cache certainement aussi la relation anthropocentrique et spéciste qui empêche de reconnaître l’injustice de l’exploitation animale. Mais ce même rapport, qui au cours des millénaires a été justifié par les idéologies religieuses et spiritualistes les plus diverses, apparaît ici dépouillé de toute motivation qui ne soit pas réductible aux pures lois de l’économie considérées comme “naturelles” et inviolables. Marx appelle “fétichisme de la marchandise” cette inversion des rapports par laquelle le mouvement des marchandises dissimule les rapports sociaux.


Sue Coe, Les animaux sont les 99% dont vous vous épargnez la vue. Extrait du livre Cruel, OR Books, 2012

La marchandisation des corps animaux, par laquelle le fétichisme de la marchandise envahit notre représentation des êtres vivants non humains et normalise la violence à leur égard, passe indubitablement par une occultation minutieuse et systématique de la violence elle-même, ce que Carol Adams appelle “le référent absent” (Adams 2010). Par exemple, dans l’industrie de la mode, les médias promeuvent souvent l’utilisation de peaux et de fourrures animales dans les vêtements et les accessoires : ceux-ci finissent par s’incarner dans la vie quotidienne et perpétuent ainsi l’idée que les animaux sont de simples objets à utiliser pour le plaisir et la vanité de l’humain. Dans l’industrie alimentaire, les publicités encouragent la consommation de viande, de produits laitiers et d’autres produits d’origine animale, en dissimulant l’horreur de l’élevage industriel par diverses stratégies, renforçant ainsi l’idée que les corps des animaux sont simplement des porteurs “naturels” (parfois même “heureux”) de nutriments à consommer pour la subsistance et le plaisir du palais. Les médias présentent souvent les animaux comme des objets de divertissement, par exemple dans le cadre de la promotion des cirques, des zoos, des productions cinématographiques etc. ; des activités qui impliquent diverses formes de maltraitance, les animaux étant arrachés à leur habitat et contraints de se produire pour le seul divertissement humain, souvent dans des conditions de vie exiguës qui ne répondent pas à leurs besoins biologiques et sociaux. Il convient toutefois de souligner que l’activisme en faveur des droits des animaux a de plus en plus contraint l’industrie culturelle à prendre en compte les besoins éthologiques et relationnels des animaux non humains, bien que de manière encore insatisfaisante et contradictoire, allant même jusqu’à produire des spectacles ou des films qui rejettent le principe de l’exploitation animale, voire qui le critiquent ouvertement.

Cependant, dans aucune sphère économique, l’exploitation animale n’atteint des niveaux de cruauté comparables à ceux de l’industrie alimentaire. Dans les industries de la viande, des produits laitiers etc., les animaux non humains sont élevés et utilisés pour leur corps selon des pratiques brutales et dépersonnalisées. L’élevage industriel, qui confine un grand nombre d’animaux dans des conditions de vie inimaginables, s’est généralisé dans l’industrie afin de maximiser la production et de minimiser les coûts. L’industrie de la viande contribue également à la dégradation de l’environnement par l’émission de gaz à effet de serre et d’autres polluants provenant de l’agriculture animale, la déforestation pour créer plus de terres pour le pâturage et la production d’aliments, et l’utilisation massive d’antibiotiques et d’autres produits chimiques (Boggs 2011 ; Foster - Burkett 2016). Une fois encore, la valeur marchande des produits animaux est déterminée par la loi de la reproduction du capital, plutôt que par le bien-être des animaux eux-mêmes. Leur réduction à des masses anonymes, la négation de leurs besoins fondamentaux non seulement physiques mais aussi psychologiques et relationnels, est directement proportionnelle à l’accumulation du capital que cette réduction à une matière première sans conscience rend possible. Le marché des produits animaux, tels que la viande, les produits laitiers et le cuir, a ainsi poussé l’élevage, la culture et la mise à mort de milliards d’animaux pour l’alimentation au-delà de ce que l’humanité a été capable d’accomplir à l’égard des êtres vivants non humains pendant des millénaires. Ce n’est pas un hasard si l’industrie de la viande, du poisson et de leurs dérivés joue un rôle important dans le capitalisme en tant qu’acteur du marché alimentaire mondial. Le marché de la production, de la distribution et de la vente de produits alimentaires d’origine animale ou dérivée est dominé par quelques grandes entreprises multinationales4. Ces entreprises privilégient l’efficacité et le profit, au détriment non seulement du bien-être des animaux et de la durabilité environnementale, mais aussi des droits des travailleurs, conditionnant ainsi les choix politiques de pays entiers.


 
Contre la bêtise du capital

La crise environnementale et les développements technologiques induits par le capitalisme ouvrent de nouveaux scénarios tant pour la lutte environnementale que pour la libération animale, car la rationalité du système apparaît de plus en plus contradictoire et absurde, tendant de plus en plus vers une autodestruction stupide et bestiale. La consommation moyenne de viande dans le monde a quintuplé depuis les années 1960 et devrait continuer à augmenter 5. Or, selon des estimations prudentes, l’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre et contribue à un certain nombre d’autres effets néfastes sur le climat, la santé des écosystèmes et leurs habitants humains et non humains, tels que la déforestation massive, la création de zones mortes dans les océans, l’augmentation de la résistance aux antibiotiques chez l’homme et la propagation de pandémies zoonotiques 6 . Certaines des solutions possibles au problème, issues du développement scientifique et technologique capitaliste, telles que la viande cultivée, se heurtent aux intérêts particuliers et nationaux des éleveurs traditionnels, organisés en associations commerciales qui font pression sur les décideurs politiques.7 Sous couvert de “libre concurrence”, le vrai visage du capital est la centralisation progressive des moyens, des ressources et des investissements et un protectionnisme économique pour protéger les intérêts de la classe dominante, qui castre les forces nées de sa propre domination. Contre cette bêtise retentissante du capital, ce n’est pas un hasard si les développements récents dans les domaines de la philosophie antispéciste, des droits des animaux et de la libération animale s’éloignent progressivement de la matrice libérale (Singer 2015, Regan 2004, Francione 2000, Garner 2005) et qu’une convergence avec le socialisme se dessine dans l’activisme (Sanbomatsu 2011, Rude 2013, Bündnis Marxismus und Tierbefreiung 2018, Maurizi 2021).

D’une part, le socialisme et la libération animale restent deux idéologies politiques distinctes qui ont eu, à de rares exceptions près, peu de moments de convergence au cours du siècle dernier. Au contraire, les tendances industrialistes et développementalistes de la Troisième Internationale et du stalinisme impliquaient un rejet a priori de la prise en compte des besoins des animaux non-humains (Benton 1993 ; Best 2014).

D’autre part, le socialisme, en tant que système politique et économique visant à créer une société plus juste et plus équitable en répartissant les richesses et les ressources de manière plus égale parmi la population, grâce à la propriété collective des moyens de production et de distribution et à un rôle accru de l’État dans la régulation et la direction de l’économie, apparaît de plus en plus comme un outil indispensable à la réalisation des conditions nécessaires, mais non suffisantes, pour la libération des animaux. Cette convergence semble se réaliser à partir de deux côtés opposés.

De nombreux socialistes commencent à considérer l’exploitation animale comme une forme d’oppression étroitement liée à d’autres formes d’oppression, telles que l’exploitation de classe, l’oppression sexuelle et le racisme. Ils affirment donc que pour créer une société plus juste, il est nécessaire de s’attaquer non seulement aux inégalités économiques, mais aussi aux autres formes d’oppression, y compris l’exploitation des animaux. L’idée d’une société “juste” ne peut être réalisée que si toutes les formes traditionnelles de discrimination, que le capitalisme n’a pas effacées mais seulement utilisées à ses propres fins, sont surmontées. 

 Sue Coe, Des enfants aveugles sentent un éléphant. Huile sur toile, 2008

De même, de nombreux défenseurs des droits des animaux se rendent compte que l’exploitation des animaux est le résultat d’un système capitaliste et que la lutte contre ce système ne peut, comme cela a été le cas jusqu’à présent, passer par la simple conviction “morale” des individus en tant que consommateurs, mais doit aborder la question centrale des rapports de production, de la manière dont la société organise et distribue non seulement ses richesses, mais aussi sa relation avec la nature et, par conséquent, sa représentation du monde non-humain. De plus en plus de défenseurs des droits des animaux soutiennent qu’un système socialiste, axé sur la propriété et le contrôle collectifs, serait mieux à même de traiter l’exploitation des animaux et de leur assurer une plus grande protection, que l’idée d’“égalité” entre humains et non-humains ne pourra jamais être établie si une société humaine égalitaire et solidaire n’est pas d’abord mise en place. Comme dans le cas de la viande cultivée, le capital peut certes nous vendre la corde avec laquelle nous le pendons, mais il ne fera pas tout le travail à notre place. Aucune solution interne à la logique de privatisation des moyens de production et de distribution ne pourra arrêter, à elle seule, l’exploitation et la marchandisation du vivant. Le risque, en effet, est que les coûts de sa mise en œuvre soient facturés aux classes et groupes dominés ; que la tendance à l’autovalorisation du capital, qui implique sa croissance cancéreuse au détriment de la nature entière, neutralise ses effets positifs ; et, enfin, que l’exclusion de la majorité de la sphère de production reproduise des besoins faux et induits, et que les éternelles subalternités et les ordres sociaux hiérarchiques et autoritaires ne soient en aucun cas compatibles avec un quelconque projet de libération.

Mais il est probable que ce sont les socialistes qui devront prendre l’initiative et, même dans l’autonomie de leurs luttes, offrir la vision sociale et politique capable de faire une place à la libération animale. En effet, la vision matérialiste qui sous-tend le marxisme semble impliquer une récupération de l’animalité humaine, un dépassement définitif de l’anthropocentrisme et du spiritualisme traditionnels (Engels 1962), à travers la récupération d’un naturalisme intégral qui replace l’être humain sur un plan d’immanence et d’égalité avec le reste du vivant. Pour cela, il faudrait retrouver une autre dialectique de la nature, une nouvelle conception qui voit dans la raison humaine une force naturelle capable de se rapporter au reste de la nature non pas sous la forme d’une domination aveugle, mais sous celle d’une solidarité au-delà de l’appartenance à l’espèce. Un matérialisme solidaire (Maurizi 2021) qui, selon les mots d’Adorno et de Marcuse, renverse paradoxalement le préjugé anthropocentrique qui est au cœur de la tradition spiritualiste : ce n’est pas en fuyant la nature à la poursuite de rêves de vérité transcendante que l’être humain célèbre sa propre diversité et se sublime en un être supérieur ; c’est au contraire lorsque la raison se reconnaît traversée par l’altérité animale et se réalise comme une forme de vie partagée que l’universel cesse d’être la marque de la domination et de l’horreur et se traduit pour la première fois dans l’histoire naturelle par une loi qui garantit une véritable justice, le libre développement de tous et de chacun. Au-delà de l’appartenance à une espèce, à la fin de toute domination de classe.

Rusty, le premier chat détecteur, aéroport international d'Ottawa

 Notes

1 Pour une discussion critique de cette comparaison et, en général, pour une analyse des différentes positions de “gauche” sur l’exploitation animale, voir Stache 2019.

2 C’est pourquoi, lorsqu’on tente de traduire le concept d’exploitation en utilisant d’autres paramètres, comme le temps (Wadiwel, D. J. 2020), pour forcer une comparaison entre le travail humain et le travail animal, l’analyse économique devient générique et abstraite.

3 D’où la tentative importante de réduire les coûts d’entretien et d’intensifier le travail jusqu’à l’épuisement et le remplacement rapide de l’individu par le maître-capitaliste. Marx souligne l’absence totale de scrupules du capitalisme esclavagiste et cela ne peut qu’être considéré comme un trait typique de l’industrie animale également (Bellamy Foster-Holleman-Clark 2010).

4 Mighty Giants: Leaders of the Global Meat Complex | IATP

5 Consommation mondiale de viande, monde, 1961 à 2050 (ourworldindata.org) ; 76% de viande consommée en plus dans le monde d'ici 2050, une menace pour l'environnement

6 Livestock’s long shadow : environmental issues and options (fao.org) ; TacklingClimateChangethroughLivestock (fao.org) ; L’élevage intensif est un désastre pour l’environnement et la santé - L’Espresso (repubblica.it)

7 Coldiretti se réjouit de l’arrêt des aliments synthétiques : "Le Made in Italy est protégé" - LaPresse


 Bibliographie

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