Todo
parece concatenarse como en una auténtica tragedia griega de modo tal que nada
ni nadie decide por sí y ante sí sus próximos pasos y a la vez, quedan marcadas
las responsabilidades, los prejuicios, los intereses, de cada “actor”.
Pero
lo que tenemos por delante no es griego sino hebreo. El acto político de
enterrar vivos a decenas, centenares, tal vez miles de palestinos explica los
violentos actos desencadenados por milicianos palestinos el 7 de octubre de
2023. Porque la historia no comenzó en la madrugada de ese día.
Emad Hajjaj
El 7
de octubre fue el detonante. Un operativo de resistencia armada pero de amplio
espectro. Que proviene de más de un siglo de resistencia a la penetración
sionista. Pero que, además, tiene un antecedente directo. Un operativo de
resistencia no armada, palestino de 2018 –Marchas por el Retorno−, reclamando
angustiosamente tierra, que tuvo un desenlace desolador. Entonces, inicialmente
ni siquiera con piedras, manifestaciones palestinas absolutamente pacíficas fueron
“contestadas” de una manera tan cruel y
sanguinaria por Israel que las manifestaciones palestinas acabaron con cientos
de muertos, burlona, absolutamente matados, por francotiradores israelíes cómodamente
ubicados en taludes a la vera de los caminos de las manifestantes.
Gaza, 13 de abril de 2018. Photo Mohamed Salem/Reuters
Cuando
los mandos securitarios israelíes percibieron que el blanco de los ijares
humanos generaba “excesivos” muertos, desangrados (porque la asistencia no
llegaba a tiempo o porque tales disparos eran efectivamente mortales, cambiaron
el blanco; de las entrepiernas a los tobillos. Israel podía así generar entre
los despojados palestinos una buena “producción” de lisiados de por vida. Igual
que con su “competencia” futbolística, dedicada a quebrar con balazos las
piernas de futbolistas palestinos, arruinando las actuaciones del combinado de
fútbol palestino en las eliminatorias asiáticas.[1]
Tal
es el estilo del Estado de Israel para lidiar con lo palestino; inconmensurable
desprecio y un cierto regodeo ante el malvivir, mal morir, palestino; en Israel
se opta por matar a niños palestinos hasta por la espalda, con total amparo
legal, por ejemplo.[2]
El 7
de octubre la resistencia armada palestina hizo algo distinto: copó los
cuartelillos o establecimientos policiaco-militares de la Franja de Gaza (FdG),
y a la vez, “cosechó” rehenes, o intentó hacerlo, para posterior intercambio por
prisioneros políticos (o sociales) palestinos, muchos detenidos por años sin ni
siquiera abrirles causas, archivados vivos en depósitos.
No
hay antecedentes de tantos policías o soldados israelíes [3] matados
en enfrentamientos anteriores al de la madrugada del 7 de octubre de 2023: se
estima en centenares.
Ainsi donc, deux nouveaux métèques
vont faire leur entrée au Panthéon ce 21 février : Missak et Mélinée
Manouchian, Arméniens, apatrides, communistes, résistants, vont rejoindre
Joséphine Baker, Simone Veil et 80 autres « grands hommes » (dont 8
femmes) dans ce « temple républicain » dont la coupole est surmontée
par une croix chrétienne, dans le plus pur esprit de la laïcité à la française.
Une croix dont les apparitions et
les disparitions ont suivi les changements de régime depuis 244 ans. La
Convention de 1791 avait fait de l’Église Sainte-Geneviève construite avant la
Révolution ce « Panthéon » inspiré du Panthéon de Rome pour y
enterrer Mirabeau, puis Voltaire, Rousseau, Descartes et autres, Napoléon Ier
en avait refait une église, puis Louis Philippe l’avait de nouveau laïcisé en
1830, avant que Napoléon III en refasse un lieu de culte chrétien, puis la
Commune de Paris avait scié les bras de la croix, y accrochant un
drapeau rouge. L’Ordre moral instauré par Les Versaillais massacreurs des
Communards -l’un d’eux, le journaliste Jean-Baptiste Millière, fut fusillé à
genoux sur les marches du Panthéon - avait restauré la croix et la République y
enterra en grands pompes Victor Hugo en 1885, lui qui avait écrit en 1852 dans
son pamphlet Napoléon le petit : « Il [Napoléon III] a enfoncé un clou sacré
dans le mur du Panthéon et il a accroché à ce clou son coup d'État. »
Et aucune des républiques
qui se sont succédé depuis lors ne s’est souciée de la présence de cette croix
au sommet du « Temple ». Laquelle croix ne gêne pas non plus les
francs-maçons qui ont convaincu Macron d’honorer ces deux terroristes apatrides
que furent Missak et Mélinée.
Nos deux Arméniens seront
donc honorés mercredi en présence de Madame Le Pen [lire ci-dessous], qui vient d’accueillir dans
les rangs de son parti Fabrice Leggeri, qui démissionna de son poste de
directeur de l’agence Frontex en 2022, pour éviter les désagréments d’une
enquête sur ses pratiques illégales de renvois de demandeur d’asile vers leurs
pays et se prépare à une confortable fin de carrière comme député européen.
Si les Manouchian et leurs
camarades polonais, italiens, espagnols, hongrois et roumains avaient vécu dans
l’Europe du XXIème siècle, ils n’auraient sans doute pas été
fusillés, mais seulement mis dans des centres de rétention et réexpédiés en
charters vers les enfers qu’ils avaient fui. Si Macron avait vraiment voulu
honorer les métèques FTP-MOI morts pour la France, ce sont tous les 23 martyrs
du 21 février 1944 qu’il aurait du faire entrer au Panthéon, comme le lui
demandaient les signataires de l’appel ci-dessous. Mais c’était quand même trop
lui demander-FG
« Missak Manouchian doit
entrer au Panthéon avec tous ses camarades »
Si les résistants Missak et Mélinée Manouchian
entreront au Panthéon le 21 février 2024, leurs
22 camarades du groupe FTP-MOI méritent eux aussi cet honneur,
rappelle, dans une tribune au « Monde », un collectif constitué de
descendants de ces martyrs et d’intellectuels, parmi lesquels Costa-Gavras,
Delphine Horvilleur, Patrick Modiano, Edgar Morin ou encore Annette Wieviorka.
Fresque murale du peintre Popof en
hommage au groupe Manouchian, angle rue du Surmelin et rue Darcy, Ménilmontant,
Paris 20e (Photo Marie-José PL)
Monsieur le Président de la République, nous vous
écrivons cette lettre dans l’espoir d’empêcher une injustice. Vous avez annoncé le 18 juin
votre choix de faire entrer au Panthéon les dépouilles de Missak
Manouchian et de son épouse, Mélinée, en février 2024, à l’occasion du
quatre-vingtième anniversaire du martyre du groupe de résistance à
l’occupation nazie et à ses collaborateurs français. Le
21 février 1944, vingt-deux hommes furent fusillés au
Mont-Valérien. La seule femme de leur réseau fut décapitée à Stuttgart, le
10 mai 1944.
Portrait de Manouchian dans la maison d’arrêt de Fresnes,
par Christian Guémy alias C215
Votre décision est une heureuse nouvelle qui nous a
réjouis. Mettant fin à un trop long oubli, elle marque la reconnaissance
de la contribution décisive des résistants internationalistes à la
libération de la France et au rétablissement de la République. Manouchian
et ses camarades appartenaient en effet aux Francs-tireurs et partisans -
Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), une unité de la Résistance
communiste composée en grande part d’étrangers, de réfugiés et
d’immigrés. « Vingt et trois étrangers et nos frères
pourtant », rappelait Louis Aragon en les célébrant dans son
poème « L’Affiche rouge »,où il évoquait leurs noms « difficiles
à prononcer ».
Place Henri-Krasucki, Paris 20e
En nos temps ô combien incertains où de nouvelles
ombres gagnent, où xénophobie, racisme, antisémitisme et toutes les formes
de rejet de l’autre, de l’étranger et du différent menacent, cet
hommage patriotique et républicain est un message de fraternité qui
rappelle que la France a toujours été faite du monde, de la diversité de
son peuple et de la pluralité de ses cultures grâce à l’apport de toutes
ses communautés d’origine étrangère. C’est surtout un message
universel qui souligne combien les idéaux d’égalité des droits, sans
distinction de naissance, de croyance ou d’apparence, initialement
proclamés par la Déclaration des droits de l’homme de 1789, pour lesquels
Manouchian et ses camarades ont donné leurs vies, peuvent soulever le
monde entier.
Sans en oublier un seul
Or, Monsieur le Président, c’est ce message que
contredit le choix de faire entrer au Panthéon Missak et Mélinée
Manouchian, et eux seuls. Eux-mêmes ne l’auraient sans doute ni compris ni
souhaité. Isoler un seul nom, c’est rompre la fraternité de leur collectif
militant. Distinguer une seule communauté, c’est blesser
l’internationalisme qui les animait. Ce groupe de résistants communistes
ne se résume pas à Manouchian qui, certes, en fut le responsable militaire
avant que la propagande allemande ne le promeuve chef d’une bande criminelle.
Et le symbole qu’il représente, à juste titre, pour nos compatriotes de
la communauté arménienne est indissociable de toutes les
autres nationalités et communautés qui ont partagé son combat et son
sacrifice.
Monsieur le Président, nous espérons vous avoir
convaincu que Missak Manouchian ne saurait entrer seul au Panthéon, fût-ce
en compagnie de son épouse. Ce sont les vingt-trois, tous ensemble, qui
font l’épaisseur de cette histoire, la leur devenue la nôtre, celle de la
France, hier comme aujourd’hui. Les vingt-trois, sans en oublier un
seul : juifs polonais, républicains espagnols, antifascistes italiens, et
bien d’autres encore.
Nous vous demandons donc de faire en sorte qu’il soit
accompagné par ses vingt-deux camarades : l’Arménien Armenak
Arpen Manoukian, l’Espagnol Celestino Alfonso, les Italiens Rino
Della Negra, Spartaco Fontanot, Cesare Luccarni, Antoine Salvadori
et Amedeo Usseglio, les Français Georges Cloarec, Roger Rouxel
et Robert Witchitz, les Hongrois Joseph Boczov, Thomas Elek et
Emeric Glasz, les Polonais Maurice Füngercwaig, Jonas Geduldig,
Léon Goldberg, Szlama Grzywacz, Stanislas Kubacki, Marcel Rajman,
Willy Schapiro et Wolf Wajsbrot, et la Roumaine Olga Bancic.
Ils étaient vingt-trois, « vingt et trois qui
criaient la France en s’abattant » – Aragon toujours –, vingt et trois
qui disent notre patrie commune, sa richesse et sa force. Vingt et trois
qui, à l’heure de la reconnaissance nationale, sont indissociables.
Signataires : Juana Alfonso, petite fille
de Celestino Alfonso ; Patrick Boucheron, historien, professeur au
Collège de France ; Michel Broué, mathématicien ; Patrick
Chamoiseau, écrivain ; Costa-Gavras, cinéaste, président de La
Cinémathèque française ; Elise Couzens et Fabienne Meyer, cousines
germaines de Marcel Rajman ; Michel, Patrice et Yves Della Negra, neveux
de Rino Della Negra ; René Dzagoyan, écrivain ; Jean
Estivil, neveu de Celestino Alfonso ; André Grimaldi,
professeur émérite de médecine ; Anouk Grinberg, comédienne et
artiste ; Jean-Claude Grumberg, écrivain et homme de théâtre ;
Yannick Haenel, écrivain ; Delphine Horvilleur, rabbine et
écrivaine ; Serge et Beate Klarsfeld, historiens ; Mosco
Levi Boucault, réalisateur ; Patrick Modiano, écrivain, prix
Nobel de littérature ; Edgar Morin, sociologue et philosophe ;
Edwy Plenel, journaliste ; Anne Sinclair, journaliste ;
Thomas Stern, neveu de Thomas Elek ; Annette Wieviorka,
historienne, directrice de recherche au CNRS ; Ruth Zylberman,
écrivaine et réalisatrice.
***
Hommage à Missak et Mélinée Manouchian : non à la présence du RN au Panthéon
Nous ne souhaitons pas la présence du Rassemblement national à
l'hommage rendu mercredi, au Panthéon. L'histoire et les valeurs de ce
parti sont en contradiction avec le combat des résistants des FTP-MOI,
étrangers, juifs, communistes.
Descendants des membres du « groupe
Manouchian », nous ne souhaitons pas la présence du Rassemblement
national à l'hommage rendu mercredi, au Panthéon.
L'histoire et
les valeurs de ce parti sont en contradiction avec le combat des
résistants des FTP-MOI, étrangers, juifs, communistes.
A l'heure
où le Rassemblement national remet en cause le droit du sol, la présence
des représentants de ce parti serait une insulte à la mémoire de ceux
qui ont versé leur sang sur le sol français.
Nous ne voulons pas
participer à la stratégie de dédiabolisation d'un parti xénophobe et
raciste. Missak Manouchian et ses camarades ne l'auraient pas supporté.
Signataires :
Familles de Celestino Alfonso, Joseph Epstein, Marcel Rajman, Wolf Wajsbrot, Missak Manouchian et Amedeo Usseglio
Le moment est
venu pour les USA et dans leur sillage la communauté internationale, de prendre
une décision : le cycle sans fin de la violence entre Israël et les
Palestiniens va-t-il se poursuivre ou allons-nous tenter d’y mettre un terme ?
Les USA vont-ils continuer à armer Israël et à déplorer ensuite l’usage
excessif de ces armements, ou sont-ils enfin prêts à prendre des mesures
concrètes, pour la première fois de leur histoire, afin de changer la réalité ?
Et surtout, l’attaque israélienne la plus cruelle contre Gaza deviendra-t-elle
la plus inutile de toutes, ou l’occasion qui s’est présentée à sa suite ne
sera-t-elle pas ratée, pour une fois ?
Il ne sert à rien d’en appeler à Israël. Le
gouvernement actuel, et celui qui le remplacera probablement, n’a pas et n’aura
jamais l’intention, le courage ou la capacité de générer un changement. Lorsque
le Premier ministre répond aux propos usaméricains sur la création d’un État
palestinien par des mots indiquant qu’il « s’oppose aux mouvements forcés »
ou qu’ « un accord ne sera conclu que par le biais de négociations»
tout ce que l’on peut faire, c’est rire et pleurer.
Rire, parce qu’au
fil des ans, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a fait tout ce qu’il
pouvait pour faire échouer les négociations ; pleurer, parce que c’est Israël
qui emploie la coercition - la nature de sa politique à l’égard des
Palestiniens est une coercition mise en œuvre dans une grande démarche
unilatérale, violente, agressive et arrogante. Tout à coup, Israël est contre
les actes de coercition ? L’ironie se cache la tête dans la honte.
Il est donc
inutile d’attendre du gouvernement israélien actuel qu’il change de caractère.
Il est tout aussi vain d’attendre d’un gouvernement dirigé par Benny Gantz,
Gadi Eisenkot ou Yair Lapid qu’il le fasse. Aucun d’entre eux ne croit en
l’existence d’un État palestinien dont le statut souverain et les droits
seraient égaux à ceux d’Israël. Tous les trois, ensemble et chacun séparément,
accepteront tout au plus, dans un très bon jour, la création d’un bantoustan
sur une partie du territoire. Une véritable solution ne sera pas trouvée ici.
Il vaut mieux laisser Israël se complaire dans son refus.
Mais le monde ne
peut pas se permettre de laisser passer cette occasion. C’est le monde qui
devra bientôt reconstruire, avec ses fonds, les ruines de la bande de Gaza,
jusqu’à la prochaine démolition par Israël. C’est le monde dont la stabilité
est compromise tant que l’occupation persiste, et qui l’est encore plus chaque
fois qu’Israël se lance dans une nouvelle guerre. C’est le monde qui reconnaît
que l’occupation est néfaste pour lui, mais qui n’a jamais levé le petit doigt
pour y mettre fin. Aujourd’hui, l’occasion de le faire se présente. La
faiblesse et la dépendance d’Israël à la suite de cette guerre doivent être
exploitées, dans l’intérêt d’Israël également.
Assez de mots.
Assez des cycles de négociations futiles organisés par le secrétaire d’État usaméricain
Antony Blinken et des mots durs prononcés par le président Joe Biden. Ils ne
mènent nulle part. Le dernier président sioniste, peut-être le dernier à se
soucier de ce qui se passe dans le monde, doit agir. En guise de prélude, on
pourrait s’inspirer des paroles étonnamment simples et vraies du responsable de
la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, qui a déclaré : « Eh
bien, si vous pensez que trop de gens sont tués, peut-être devriez-vous fournir
moins d’armes [à Israël] ».
Toutefois, la
question n’est pas seulement de mettre fin à la guerre, mais surtout de savoir
ce qui se passera une fois qu’elle sera terminée. Si cela dépendait d’Israël,
sous n’importe quel gouvernement, nous retournerions dans le giron chaleureux
de l’apartheid et nous reviendrions à la vie par le sabre. Le monde ne peut pas
accepter cela plus longtemps et ne peut pas laisser le choix à Israël. Israël a
parlé : c’est Non. Le temps est venu de trouver une solution semblable aux
accords de Dayton. Il s’agit d’un accord forcé et imparfait conclu en
Bosnie-Herzégovine qui a mis fin à l’une des guerres les plus cruelles et qui,
contrairement à toutes les prévisions, a tenu pendant 29 ans. L’accord a été
imposé par la coercition.
Un
État palestinien n’est peut-être plus une solution viable en raison des
centaines de milliers de colons qui ont ruiné les chances d’en créer un. Mais
un monde déterminé à trouver une solution doit proposer un choix clair à Israël
: des sanctions ou la fin de l’occupation ; des territoires ou des armes ; des
colonies ou un soutien international ; un État démocratique ou un État juif ;
l’apartheid ou la fin du sionisme. Lorsque le monde se montrera ferme, en
posant ces options de cette manière, Israël devra prendre une décision. Le
moment est venu de forcer Israël à prendre la décision la plus fatidique de sa
vie.
In 30, 50 oder 100 Jahren, wenn die menschliche Spezies noch da ist, wird sich wohl herausstellen, ob der Autor Recht hatte, als er behauptete, dass die 2020er Jahre die Geburt des Biofaschismus erlebten. In der Zwischenzeit ist dies eine Brandschrift, die den Handpuppen des Kapitals die Maske vom Gesicht reißt. Dringend lesenswert!
In 30, 50 or 100 years' time, if the human species still exists, history will tell whether the author was right in asserting that the 2020s saw the birth of biofascism. In the meantime, here's a scathing pamphlet that rips the masks off capital's puppets. A must-read!
« Le sionisme est un mouvement très jeune ; c'est le plus jeune des mouvements nationaux européens. Cela ne l'empêche pas de prétendre, bien plus que tous les autres nationalismes, qu'il tire sa substance d'un passé extrêmement lointain. Tandis que le sionisme est en fait le produit de la dernière phase du capitalisme, du capitalisme commençant à pourrir, il prétend tirer son origine d'un passé plus que bimillénaire. Alors que le sionisme est essentiellement une réaction contre la situation créée au judaïsme par la combinaison de la destruction du féodalisme et de la décadence du capitalisme, il affirme qu'il constitue une réaction contre l'état de choses existant depuis la chute de Jérusalem en l'an 70 de l'ère chrétienne. Sa naissance récente est naturellement la meilleure réplique à ces prétentions. En effet, comment croire que le remède, à un mal existant depuis deux mille ans, ait seulement pu être trouvé à la fin du XIXe siècle ? Mais comme tous les nationalismes, et bien plus intensément encore, le sionisme considère le passé historique à la lumière du présent. C'est ainsi d'ailleurs qu'il déforme l'image du présent. Tout comme on présente aux enfants français la France comme existant depuis la Gaule de Vercingétorix ; tout comme on présente aux enfants de Provence les victoires que les rois de l'Ile-de-France ont remportées contre leurs ancêtres, comme leurs propres succès, ainsi le sionisme essaie de créer le mythe d'un judaïsme éternel, éternellement en butte aux mêmes persécutions. » Abraham Léon, l’auteur de ces lignes, a disparu à Auschwitz en 1944, à 26 ans. Juif né à Varsovie, résistant à l’occupation nazie de la Belgique, il rédige entre 1940 et 1942 Conception matérialiste de la question juive, qui ne pourra être édité qu’en 1946. Un texte à (re)découvrir de toute urgence.
Vicente Hugo Aboites Aguilar est
professeur et chercheur au département d’éducation et de communication de l’Universidad
Autónoma Metropolitana-Xochimilco (UAM-X). De 2014 à 2018, il a été recteur de
l’Université autonome de Mexico. Il est chroniqueur au journal La Jornada.
Auteur de plusieurs ouvrages, dont La medida de una nación : los primeros
años de la evaluación en México : historia de poder y resistencia (2012).
Il accompagne les luttes des enseignants et des étudiants depuis les années
1980.
Israël n’a pas réussi à vaincre le
Hamas, mais dans sa course folle à l’extermination du peuple palestinien, il
oblige le monde à vivre avec des niveaux de violence qui, jusqu’à récemment, n’étaient
réservés qu’aux États parias. Les actions militaires semblent même être
délibérément menées pour frapper la population civile. Une vidéo qui fait
actuellement le tour des médias sociaux montre Netanyahou il y a 20 ans, lors d’une
réunion, annonçant ce qui est aujourd’hui la réalité : « les Palestiniens
doivent être frappés durement », déclare-t-il devant le doute et l’étonnement
de ses auditeurs.
« Mais Israël serait critiqué par
tout le monde, par l’ONU », remarque une jeune femme. « Ce n’est pas
grave » ; « et par les USA », ajoute une autre. « Ils nous
soutiennent, la majorité (de la population) nous soutient », répond-il.
Maintenant que l’expérience est en cours, il est clair qu’elle a servi à
compliquer sérieusement le tableau, à délégitimer Israël et ses demandes et à
générer un ton global qui, comme jamais auparavant, favorise les solutions
violentes. Aujourd’hui, une douzaine de pays utilisent de plus en plus leur
puissance de feu respective.
Il y a un changement radical dans le
ton international auquel on ne peut plus répondre - comme le fait le
gouvernement mexicain - par des déclarations de neutralité libérale.
Avec 85 actions militaires en réponse
à la mort de trois de ses soldats qui faisaient partie d’un détachement
militaire hostile aux forces locales, la puissance militaire usaméricaine est
désormais l’un des discours prépondérants dans la région.
« Le bon ami du Mexique ». San Francisco Chronicle, 21/4/1914
Et aux USA, elle ravive des secteurs
très conservateurs et colore les relations avec d’autres pays, en particulier
le Mexique. Nous connaissons déjà, par exemple, l’initiative actuelle de
législateurs et même d’un candidat à la présidence de ce pays visant à
légaliser l’utilisation unilatérale de la force militaire au Mexique - drones,
missiles et bombardements - pour mettre fin à l’agression que sont censées
constituer des drogues comme le fentanyl.
Signe de l’intérêt que suscite le
sujet au-delà des législateurs, un document de source conservatrice usaméricaine
a récemment été publié, lequel, sur la base des expériences d’intervention
militaire contre le Mexique (depuis celles contre Huerta et Villa), fait une
analyse qui, sans aller jusqu’à affirmer qu’avec la législation actuelle le
gouvernement usaméricain pourrait mener une action de ce type, ne lui ferme pas
non plus définitivement la porte (Using
Force Against Mexican Drug Cartels: Domestic and International Law Issues).
Cet exemple montre que le climat belliciste ne s’arrête pas aux frontières et
ne se limite pas à des questions spécifiques.
D’autre part, à l’intérieur du
Mexique, tout semble indiquer que l’affaire Ayotzinapa ne sera pas
définitivement élucidée au cours de ce sexennat. Si tel est le cas, la demande
de solution sera alors confiées au prochain gouvernement, ce qui a une
implication historique et importante : que lorsque, pendant le mandat de six
ans de la présidente Sheibaum, militante universitaire et scientifique, on
célébrera en 2029 le 100eanniversaire de l’autonomie de l’UNAM (Université
nationale autonome du Mexique), il faudra se souvenir que cette
même date marquera aussi un siècle de répression meurtrière de l’État mexicain
contre les jeunes étudiant·es de ce pays, car c’était en 1929, à Santo Domingo,
qu’ont eu lieu les premiers passages à tabac et les premières charges violentes
des pompiers contre les assemblées, ainsi que les fusillades d’étudiants, qui
ont marqué depuis lors une politique d’État de fait qui a toujours été
particulièrement agressive contre les mobilisations et les revendications des
jeunes, jusqu’à la 4T ( Quatrième transformation).
Et depuis 1929, il n’y a pas eu un
seul sexennat au cours duquel des étudiants n’ont pas été battus, emprisonnés,
tués ou maintenus dans une situation de disparition non élucidée. Changer cela est
en soi crucial pour la transformation du pays et des relations de l’État avec
le secteur de l’éducation, mais aussi pour l’amélioration des relations à l’intérieur
et à l’extérieur de la société, c’est commencer à réduire la violence. Il ne
peut y avoir de transformation de l’éducation et de la société si nous ne commençons
pas par là. Un changement fondamental implique également une révision critique
des lois sur l’éducation qui contredisent directement - outre les droits du
travail des enseignants et des universitaires - les exigences du droit intégral
à l’éducation, gratuite et sans l’intervention d’agents privés à but lucratif
pour l’évaluation discriminatoire et partiale des institutions, des carrières,
des professeurs, des enseignants et des candidats.
Une révision qui laisse de côté l’insistance
sur la marchandisation des centres de recherche de l’enseignement supérieur,
des espaces qui sont le patrimoine public du pays et non une source et un
facteur de profit. En d’autres termes, le massacre d’élèves instituteurs d’Ayotzinapa
a été la réponse aux demandes populaires en matière d’éducation ; résoudre
cette affaire, c’est donc aussi faire un pas dans la transformation de fond de
l’éducation, qui se fait toujours attendre.
Allons-nous faire la guerre au Mexique ?
Tract de l’Union américaine contre le militarisme.
New York, 26 juin 1916
« On a dit que l’affrontement de Carrizal
était un simple incident et que le refus de Carranza d’autoriser les troupes
américaines à pénétrer plus avant dans le Mexique était en soi une cause de
guerre. L’HISTOIREJUSTIFIERA PAS À CETTE
NATION d’entrer en guerre parce qu’une république voisine, ayant autorisé nos
troupes à pénétrer sur son territoire à la poursuite d’une bande de
hors-la-loi, a exigé que ces troupes n’aillent pas plus loin sur son territoire
après que la bande de hors-la-loi a été dispersée et que beaucoup d’entre eux ont
été tués.
Le fait que le Mexique soit
une petite nation [sic], déchirée par des révolutions récentes et qui traverse
actuellement une période de reconstruction, fait de notre respect scrupuleux de
ses droits une question d’honneur national. Nous pensons que si cette nation
choisit d’entrer en guerre plutôt que d’accepter l’offre de médiation faite par
les républiques latino-américaines et acceptée par le Mexique, ce sera une
tache dans l’histoire américaine. »
Alors
qu’Abderrahman Hamad, élève de terminale, rentrait à pied de l’école, un soldat
israélien lui a tiré une balle dans l’estomac, le tuant. Après sa mort, une
lettre qu’il avait écrite six mois plus tôt à sa famille a été retrouvée. Il
fait partie des nombreux adolescents de Cisjordanie qui rédigent leur
testament.
Abderrahim Hamad,
devant une photo de son défunt fils, Abderrahman. Il a donné des instructions à
sa famille : « Ne me mettez pas dans un congélateur, enterrez-moi
immédiatement. Allongez-moi sur mon lit, couvrez-moi de couvertures et
emmenez-moi à l’enterrement ».
Abderrahman Hamad a
rédigé ses dernières volontés. Un long texte avec des instructions détaillées, d’une
graphie scrupuleuse. De plus en plus d’adolescents palestiniens de Cisjordanie
occupée rédigent des testaments ces jours-ci, et avec encore plus d’intensité à
la suite des événements survenus dans la bande de Gaza. Hamad a demandé à être
enterré le plus rapidement possible, et a demandé à sa famille d’utiliser une
bonne photo de lui comme photo de profil dans les réseaux sociaux et d’ajouter
un verset de prière à côté, et surtout de ne pas pleurer sa mort.
« Ne me mettez
pas dans un congélateur, enterrez-moi immédiatement. Posez-moi sur mon lit,
couvrez-moi de couvertures et emmenez-moi à l’enterrement. Quand vous me
descendrez dans la tombe, restez derrière moi. Mais ne soyez pas triste. Ne vous
souvenez que des beaux souvenirs que vous avez de moi et ne vous lamentez pas
sur mon sort. Je ne veux pas que quelqu’un soit triste ». Hamad a rédigé
son testament le 18 juillet dernier et l’a remis à un ami pour qu’il le
conserve. Une photo du texte est stockée dans le téléphone portable du père
endeuillé.
Iyad Hadad, chercheur
de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains
B’Tselem, le traduit et le lit pour nous. Soudain, il s’étrangle, avant
d’éclater en larmes déchirantes qui ne s’arrêtent pas. Nous n’avons jamais vu
Hadad pleurer. Il s’occupe des droits humains dans les territoires depuis 1986,
d’abord pour l’organisation palestinienne Al Haq, puis depuis 24 ans pour
B’Tselem. Il a tout vu, il a enquêté sur tous les cas de meurtres et autres
crimes de l’occupation dans la région de Ramallah, et maintenant il pleure
abondamment. Les dernières volontés et le testament de quelqu’un qui n’avait
pas encore 18 ans l’ont fait craquer. Le visage du père du défunt, Abderrahim,
est bouleversé par le chagrin, mais ses yeux restent secs. Un silence pesant
s’installe dans la salle.
Le 29 janvier, nous
nous sommes rendus dans le village d’Al-Mazra’a a-Sharqiya pour enquêter sur
les circonstances du meurtre de Taoufik Abdeljabbar, un adolescent usaméricain
abattu par des soldats ou des colons israéliens - ou les deux. En chemin, nous
avons traversé la ville de Silwad. Lorsque nous sommes arrivés à Al-Mazra’a
a-Sharqiya, nous avons été informés qu’un autre adolescent avait été tué, cette
fois à Silwad, peu de temps après notre départ. Cette semaine, nous sommes
retournés à Silwad.
L’endroit où Abderrahman
a été tué
Perchée sur une
colline, c’est une ville aisée et relativement développée d’environ 6 000
habitants, au nord-est de Ramallah. La construction y est intense, comme nous
ne l’avons pas vu dans d’autres villes et villages. C’est aussi un lieu
militant, où les Forces de défense israéliennes effectuent fréquemment des
raids, provoquant les habitants, dont la ville est proche de la route 60, la
principale artère de Cisjordanie, sur laquelle circulent les colons et où des
pierres sont jetées. Au cours des cinq dernières années, Silwad a perdu sept de
ses fils ; le chef du Hamas, Khaled Meshal, est né ici en 1956 et a grandi dans
la ville.
Dimanche dernier, Abderrahman
Hamad aurait fêté son 18eanniversaire. Il ne l’a pas fêté - il était
déjà mort depuis deux semaines. Cette semaine, dans une rue où l’on construit
de splendides demeures en marbre, à côté de la tour résidentielle Al Hourriya,
un camion a déchargé des matériaux de construction dans la cour de l’une de ces
demeures. De l’autre côté de la rue, deux fanions palestiniens sortent du sol,
et deux cercles faits de morceaux de marbre cassés, sur l’un desquels le nom
d’Abderrahman Hamad a été inscrit au crayon. Des ordures volent autour de ce
mémorial improvisé. C’est ici que l’adolescent a été tué.
C’était un lundi et
Abderrahman rentrait de l’école. Sur les médias sociaux, on annonçait que
l’armée israélienne, qui avait envahi la ville peu après 8 heures du matin,
avait commencé à se retirer. Mais dans la rue où Abderrahman marchait,
apparemment seul, il y avait encore deux véhicules blindés israéliens : une
jeep de la police et une voiture de l’armée. La rue est parallèle à l’avenue
des maisons en construction, sur la pente de la colline, et il est apparu par
la suite qu’entre les squelettes des maisons, qui appartiennent toutes à la
famille élargie des Qassam, quelques autres jeunes se cachaient. Ils suivaient
les forces de sécurité qui partaient et attendaient l’occasion de leur jeter
des pierres.
Soudain, la porte d’un
des véhicules garés s’ouvre. Un soldat ou un agent de la police des frontières
sort son corps et tire un seul coup de feu, aussi précis que mortel, en plein
dans l’estomac d’Abderrahman. La distance entre le sniper et sa victime était
d’environ 150 mètres, et le jeune était plus haut dans la rue que le tireur.
Immédiatement après, la porte du véhicule blindé s’est refermée et les deux
véhicules ont démarré en trombe. Ils ont tiré, ils ont tué, ils ont fui.
Un barrage routier sur
la route menant à Silwad. Photo : MARCO LONGARI - AFP
Ils ont avorté la vie
d’un jeune et détruit la vie d’une famille, même s’il est peu probable qu’ils y
aient songé ne serait-ce qu’une seconde. Même si Abderrahman avait lancé une
pierre ou (comme le prétend la police) un cocktail Molotov, il n’aurait jamais
pu mettre en danger la vie des soldats et de la police des frontières. À cette
distance, il n’avait aucune chance d’atteindre les véhicules blindés. Néanmoins,
pourquoi ne pas mettre fin à la vie d’un jeune si vous le pouvez ? Après tout,
personne ne s’y intéressera par la suite, à part la famille brisée.
Pendant que tout cela
se passait, un témoin oculaire, dont l’identité est en possession de Hadad,
l’enquêteur de terrain, était assis sur le balcon de sa maison, en face des
deux véhicules de sécurité, et observait les événements. Il venait d’échanger
des messages avec sa femme, qui réside en Jordanie. Elle lui a demandé comment
il allait et il l’a informée qu’une invasion de l’armée israélienne était en
cours et que les soldats avaient recouvert le centre de la ville de gaz
lacrymogènes. À Silwad, on estime que l’invasion des FDI et de la police des
frontières ce jour-là n’était rien d’autre qu’une démonstration de force
orchestrée par le nouveau commandant de zone du service de sécurité Shin Bet,
dont le nom de code est “Omri”.
Quoi qu’il en soit, la
femme de l’homme lui a demandé de filmer les événements pour elle, ce qu’il a
fait. Les images qu’il a prises du haut d’un olivier dans la cour montrent une
rue étonnamment calme et tranquille, sans pierres ni cocktails Molotov volant
dans les airs. Soudain, le silence est rompu par le bruit d’un tir provenant de
l’un des véhicules blindés. Immédiatement après, des ambulanciers, venus d’une
ambulance garée à proximité, courent vers la victime, tandis que les deux
véhicules israéliens repartent rapidement dans la direction opposée. Les héros
ont fait leur travail de la journée - il est temps de partir.
Le chauffeur de
l’ambulance palestinienne, qui attendait au bout de la rue, comme c’est l’usage
lorsque les forces de sécurité envahissent les lieux, a vu Abderrahman
s’effondrer au sol. Lui et son équipe l’ont emmené d’urgence au service de
soins de la clinique locale. Le jeune homme est dans un état critique. La balle
a pénétré dans sa hanche et est ressortie par la poitrine - il était
apparemment en train de se pencher lorsqu’il a été touché. Les tentatives de
réanimation sont restées vaines.
Le père d’Abderrahman,
Abderrahim Hamad
L’unité du
porte-parole des FDI a renvoyé Haaretz à la police des frontières. Un
porte-parole de la police israélienne (dont dépend la police des frontières) a
déclaré cette semaine en réponse à la demande de commentaire de Haaretz
: « Pendant l’intervention des forces de sécurité, le suspect a lancé un
cocktail Molotov sur les combattants et a mis leur vie en danger. En réponse,
un combattant lui a tiré dessus et a neutralisé le danger ».
Abderrahman était le
fils aîné d’Abderrahim, 44 ans, et de sa femme, Inam Ayad, 42 ans. Il était
élève en 12e année, dans la filière scientifique. Son ambition étant
d’étudier la médecine, il a travaillé dur avant les examens d’entrée à l’école,
non seulement pour être admis à l’école de médecine, mais aussi dans l’espoir
d’obtenir une bourse d’études. Des photographies le montrent prenant la parole
lors d’assemblées scolaires et de fêtes de fin d’année. Grand et beau, il se
distinguait de ses camarades. Il jouait dans l’équipe de football de Silwad,
mais ces derniers mois, il consacrait tout son temps à ses études, comme il l’a
fait la dernière nuit de sa vie.
Le matin du 29
janvier, alors que son père s’apprêtait à partir travailler (dans la
construction) dans le village voisin d’Aïn Sinya, il a remarqué que son fils
dormait encore. Il a décidé de ne pas le réveiller, car il savait qu’Abderrahman
avait étudié jusque tard dans la nuit. Son père a quitté la maison à 6h30, et
la mère du jeune homme l’a réveillé environ une heure plus tard et l’a conduit
à l’école dans sa voiture. À 11h30, elle a appelé son mari pour lui dire que
l’armée avait envahi Silwad. Elle lui a demandé d’appeler leur fils cadet,
Sliman, 15 ans, qui travaille dans le bâtiment dans la ville, pour s’assurer
qu’il allait bien. Ils ne se sont pas inquiétés pour Abderrahman, sachant qu’il
était à l’école. Sliman allait bien, les forces de sécurité n’étaient pas
allées sur son lieu de travail.
À 12 heures, Abderrahim
appelle sa femme. On lui répond que le centre de la ville est recouvert d’un
nuage de gaz lacrymogène qui pénètre dans les maisons. Tant que les enfants vont
bien, se dit le père. À 12h30, alors qu’il prenait un petit-déjeuner tardif
avec les ouvriers, il a reçu un appel anonyme, qui s’est déconnecté sans que
personne ne dise rien. Quelques minutes plus tard, son frère l’a appelé pour
lui dire de rentrer rapidement à la maison. Pourquoi ? « Oubeida [surnom d’Abderrahman]
était blessé », Le père dit qu’il est tombé en état de choc.
Des fillettes de la famille d’Abderrahman assistent à ses funérailles. Photo : JAAFAR ASHTIYEH - AFP
« Je ne savais
pas quoi faire », se souvient-il. « Ma main s’est portée sur le
numéro de téléphone d’Oubeida et je l’ai appelé ». C’est un ambulancier
palestinien qui a répondu. Il a demandé comment allait son fils et le chauffeur
a répondu : « Il va bien. Je te tiendrai au courant bientôt ».
Désemparé, Abderrahim
attend une minute ou deux et appelle à nouveau. Cette fois, le chauffeur lui
dit : « On espère qu’il s’en sortira ». Abdel Rahman était déjà mort,
mais son père ne le savait pas encore et était certain que son fils serait
transporté d’urgence de la clinique de Silwad à l’hôpital gouvernemental de
Ramallah. Il a demandé au chauffeur de le prendre en route - son lieu de
travail se trouve sur la route principale menant à Ramallah. Un peu plus tard,
son frère l’a appelé et lui a répété : « Reviens en ville, et vite ».
Il comprend alors que
son fils est mort. Encore étourdi, il s’est rendu à la première clinique, où on
lui a dit que son fils était à l’hôpital. Arrivé sur place, il est sorti de la
voiture et s’est évanoui, s’effondrant sur le sol. Il ne se souvient pas des
minutes qui ont suivi.
Les photos des jeunes
morts sont accrochées au mur de l’élégant salon. L’une d’entre elles est
composée des portraits des trois membres de la famille qui ont été tués par les
troupes israéliennes au fil des ans : Abderrahman au centre, flanqué de ses
deux oncles décédés. Son oncle Jihad Iyad, le frère de sa mère, a été tué par
des soldats israéliens en 1998, alors qu’il avait 17 ans ; l’autre oncle, le
frère de son père, Mohammed Hamad, a été tué par des soldats en 2004, à l’âge
de 21 ans. Abderrahman ne connaissait ni l’un ni l’autre. Son père ajoute à
voix basse que son propre oncle a lui aussi été tué, en 1989, et un silence
oppressant s’installe à nouveau dans la pièce.
Le
mini-État qui a déçu : Réponse au lecteur S., qui demande pourquoi « la
résistance la plus forte » est apparue « à l’endroit où Israël avait
annulé l’occupation ».
Ariel Sharon arpente
le Néguev occidental à la recherche d’endroits où reloger les personnes
évacuées des colonies de Gaza, 2005. Photo : Avi Ohayon/GPO
S., qui vit dans une
communauté de la frontière de Gaza, m’a posé plusieurs questions que d’autres
m’ont également posées. Avec son accord, je publie ici une première réponse à
sa lettre. Il a écrit :
« Je suis un
lecteur régulier de Haaretz et de vos articles. En tant qu’habitant
d’une communauté frontalière de Gaza, j’essaie de comprendre votre point de vue
sur ce qui s’est passé dans la bande de Gaza depuis le désengagement. Pourquoi,
selon vous, la résistance la plus forte a-t-elle émergé de l’endroit où Israël
a annulé l’occupation ?
« Pendant des
années, les gens ont crié que tous les problèmes majeurs provenaient de
l’occupation. Et ici, une petite expérience visant à annuler l’occupation a été
menée. Les Palestiniens auraient pu y construire un mini-État modèle. Au lieu
de cela, ils ont préféré investir l’argent dans une guerre contre Israël.
Avez-vous une explication à cela ? »
Shalom lecteur S.,
Tout d’abord,
l’occupation israélienne n’a pas été annulée. Israël a continué à contrôler de
manière autoritaire la vie des habitants de la bande de Gaza et les options de
développement de Gaza, bien après le démantèlement par Israël des colonies et
des bases militaires qui s’y trouvaient. Deuxièmement, conformément aux accords
d’Oslo, dont Israël est signataire, la bande de Gaza n’est pas une entité
distincte, mais une partie intégrante du territoire palestinien occupé en 1967.
Selon les Palestiniens
et l’opinion internationale, ce territoire était censé devenir l’État
palestinien. Le fait qu’Israël ait séparé la population de Gaza de celle de la
Cisjordanie et que les Israéliens aient continué à traiter une bande de Gaza
isolée, d’une superficie de 365 kilomètres carrés et dépourvue de ressources,
comme une entité distincte, constitue en soi une preuve du contrôle israélien
sur ce territoire - et de la chutzpah israélienne par-dessus le marché.
Je ne peux pas citer
ce que j’ai écrit dans des centaines, voire des milliers d’articles. Je serai
donc brève : le Premier ministre Ariel Sharon n’a pas consulté les dirigeants
de l’Autorité palestinienne au sujet du désengagement et n’a pas non plus
coordonné sa mise en œuvre avec ce gouvernement autonome limité qui, en 2005,
n’était pas encore divisé entre le Fatah et le Hamas. Sharon a suivi une voie
progressive qu’Israël avait tracée dès le début des années 1990, tout en
s’efforçant de dissimuler sa gravité et son importance au cours du processus
d’Oslo : créer un régime d’interdictions et de restrictions à la liberté de
mouvement des Palestiniens, tout en créant des enclaves palestiniennes. Le 15
janvier 1991, Israël a entamé cette politique globale, dont le résultat
immédiat, qui s’est aggravé au fil des ans, a été de couper la population de
Gaza de la Cisjordanie et du monde.
Sharon
a poursuivi le travail de ses prédécesseurs. Le siège draconien imposé à Gaza
par le Premier ministre Ehud Olmert en 2007 était un changement quantitatif,
mais pas un changement d’essence. Cette politique cohérente indique la prévision
qui sous-tend l’action : il ne s’agit pas d’une expérience visant à annuler
l’occupation, mais de l’un des moyens d’empêcher la création de l’État
palestinien sur la base du plan que l’Organisation de libération de la
Palestine et la communauté internationale avaient en tête.
Le maintien de la
domination israélienne sur la bande de Gaza, jusqu’au 7 octobre, s’est
manifesté de plusieurs manières. La première est le contrôle total du registre
de la population palestinienne, qui inclut les résidents de Gaza. C’est Israël
qui décide qui est autorisé à porter une carte d’identité de résident de Gaza
ou de Cisjordanie. Chaque détail - y compris le lieu de résidence - inscrit sur
la carte d’identité, techniquement délivrée par l’Autorité palestinienne, doit
être approuvé par Israël. Même les natifs de Gaza, dont Israël a révoqué le
statut de résident avant 1994, ne peuvent le renouveler sans l’approbation
d’Israël.
La séparation de la
Cisjordanie (et d’Israël) a gravement endommagé les capacités de développement
économique de la bande de Gaza. En tout état de cause, la bande de Gaza se
trouve dans une situation de détérioration ou de stagnation économique depuis
1967 en raison des mesures délibérées adoptées par Israël. Israël contrôle non
seulement les postes-frontières mais aussi l’espace aérien et maritime de Gaza,
ce qui signifie qu’il ne permet pas aux Gazaouis d’exercer leur droit à la
liberté de mouvement par mer et par air.
Israël utilise
également ce contrôle pour restreindre l’industrie de la pêche palestinienne,
empêcher les Palestiniens d’utiliser les réserves de gaz découvertes dans les
eaux de Gaza et contrôler les fréquences sans fil nécessaires au développement
technologique. En contrôlant les importations et les exportations, il limite la
capacité et la faisabilité de la production nationale. Israël continue de
contrôler les revenus provenant des paiements douaniers. L’Égypte - que ce soit
par crainte que les habitants de Gaza ne s’y installent, par opposition
politique à la séparation de Gaza de la Cisjordanie ou par obéissance aux
diktats israéliens - n’a pas ouvert la frontière de Rafah à la libre
circulation des Palestiniens et des étrangers.
Que ce soit
délibérément ou par inadvertance, la démarche unilatérale de Sharon a affaibli
l’Autorité palestinienne, qui s’en tenait à la voie des négociations. Il a
ainsi récompensé le mouvement Hamas, qui affirme que seule la “lutte armée” -
qu’il a pratiquée pendant la seconde Intifada, tout en améliorant ses capacités
militaires - peut contraindre l’armée israélienne à se retirer, et non des
négociations et la signature d’un accord.
C’est ce que pensaient
et pensent encore de nombreux Palestiniens. Il n’est pas étonnant que quelques
mois après le désengagement, en janvier 2006, le Hamas ait remporté la majorité
des sièges aux élections du parlement palestinien (mais pas la majorité des
voix de l’électorat).
Il faut d’abord
répondre à la question de savoir pourquoi Israël a tout fait pour empêcher la
création du petit État palestinien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
Ensuite, nous pourrons tenter d’expliquer pourquoi les habitants du “mini-État”
assiégé et coupé du monde qu’il a façonné à Gaza se sont sentis comme des
prisonniers à vie, alors que leurs frères de Cisjordanie vivent sous la
domination violente de l’entreprise de colonisation en pleine expansion.
Ensuite, à la première occasion, nous pourrons parler de l’illusion, de la
chimère ou du projet de lutte armée.