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01/10/2022

Rayan Suleiman, 7 ans, enfant martyr palestinien

 Ci-dessous deux articles sur la plus récente histoire d’horreur de la Palestine occupée, traduits par Fausto Giudice, Tlaxcala

 L'histoire de Rayan : « Tué par la peur quand les soldats sont entrés dans la maison »

Michele Giorgio, Pagine Esteri, 30/9/2022

« Lorsque Yasser, le père de Rayan, a ouvert la porte de la maison et que les soldats (israéliens) sont entrés, il y a eu un grand vacarme. L'enfant avait peut-être peur d'être arrêté car les soldats recherchaient les écoliers qui avaient jeté des pierres sur les voitures israéliennes. Rayan a hurlé de peur puis s'est soudainement effondré sur le sol. Nous l'avons emmené à l'hôpital mais son cœur avait cessé de battre ». C’est le récit de Mohammed Suleiman sur la mort de son neveu Rayan Suleiman, 7 ans, « tué par la peur » hier à Taqua, le village situé à quelques kilomètres de Bethléem où l'armée a fait une descente dans plusieurs maisons à la recherche des garçons de l'école primaire Al-Khansa qui avaient auparavant pris pour cible de leurs jets de pierres des colons israéliens traversant la zone. Une mort par crise cardiaque - les médecins de l'hôpital de Beit Jala ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour sauver la vie de Rayan - qui a créé une forte impression en Cisjordanie occupée où la tension, la colère et la frustration ont atteint des niveaux sans précédent ces dernières années en raison des incursions israéliennes quasi quotidiennes, notamment à Jénine et Naplouse.

L'armée israélienne a confirmé qu'un officier avait interrogé le père de Rayan, ainsi que plusieurs autres parents palestiniens, sur la participation présumée de leurs enfants à des jets de pierres. Mais elle affirme qu'il n'y a pas eu d'incidents pendant l'enquête et que les troupes n'ont pas utilisé de mesures anti-émeutes, comme des gaz lacrymogènes, et qu'il n'y aurait « aucun lien entre la mort de l'enfant et les contrôles dans la zone ». Des témoins palestiniens insistent cependant sur le fait que les soldats se sont lancés à la poursuite des écoliers de Taqua, à tel point que des rumeurs ont d'abord circulé selon lesquelles Rayan était mort en tombant d'une hauteur de plusieurs mètres alors qu'il tentait de s'échapper.

Pour les Palestiniens, cet enfant est le 159ème martyr depuis le début de l'année en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est. Les décès, dont un grand nombre de combattants armés, se sont largement concentrés au cours des six derniers mois, depuis qu'Israël a lancé l'opération militaire “Briser la vague” en Cisjordanie en réaction aux attaques menées au printemps dernier par des Palestiniens de Jénine, qui ont fait 18 morts à Tel Aviv et dans d'autres villes israéliennes. L'opération s'est intensifiée ces derniers mois et certains y voient un lien avec la campagne pour l’image du Premier ministre Yair Lapid pour les élections législatives du 1er novembre, ainsi qu'avec celle menée à Gaza début août contre le Jihad islamique (49 morts palestiniens, dont 17 enfants).

Le climat général est également aggravé par la situation du prisonnier politique Nasser Abu Hamid, du camp d'Al-Amari (Ramallah), atteint d'un cancer et à qui les médecins donnent quelques jours à vivre mais qui n'a pas encore été libéré. L'avocat des droits humains Salah Hamouri, qui a entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention sans inculpation par Israël, est également en prison. Hamouri a été arrêté le 7 mars à Kufr Aqab et se trouve depuis en détention administrative, c'est-à-dire sans inculpation ni procès, qui peut être renouvelée indéfiniment. L'avocat fait partie des 30 prisonniers politiques palestiniens détenus sans procès qui ont entamé un jeûne de protestation dimanche.

Entre-temps, la vision d'Israël non pas comme un État juif mais comme un "État de tous ses citoyens" a coûté cher au parti arabe Balad/ Tajamu' al [Ligue Démocratique Nationale], qui a été exclu hier de la participation aux élections du 1er novembre par la Commission électorale centrale. La disqualification avait été demandée par le Likoud de l'ancien Premier ministre Netanyahou, mais était également soutenue par le ministre de la Défense Benny Gantz. Le leader de Balad/ Tajamu' al, Sami Abu Shehadeh, a annoncé qu'il ferait appel de cette décision qui pourrait être annulée par la Cour suprême dans les prochains jours. Aucun problème en revanche pour les formations d'extrême droite Sionisme religieux et Otzma Yehudit, que de nombreux Israéliens accusent de racisme.

Les USA soutiennent une enquête “immédiate et approfondie” sur la mort d'un Palestinien de 7 ans

Jack Khoury, Hagar Shezaf, Yaniv Kubovich, Ben Samuels, Haaretz, 29/9/2022

L'oncle du garçon affirme qu'il est mort d'une crise cardiaque lorsque des soldats israéliens se sont rendus à son domicile en Cisjordanie à la suite de jets de pierres présumés de son frère.

Le porte-parole adjoint du département d'État US a déclaré jeudi qu'il exigeait “une enquête immédiate et approfondie” sur le meurtre d'un Palestinien de sept ans, mort lors d'une intervention de l'armée israélienne dans une ville de Cisjordanie, selon des Palestiniens.

“Nous avons le cœur brisé par la mort d'un enfant innocent”, a déclaré le porte-parole adjoint Vedant Patel.

Le garçon, Rayan Suleiman, a été effrayé et a "fait une crise cardiaque" lorsque des soldats sont venus arrêter ses frères dans la maison de sa famille dans la ville palestinienne de Taqua, près de Bethléem, selon l'oncle du garçon décédé.

Un responsable de la Défense a déclaré à Haaretz que les soldats étaient arrivés au domicile pour interroger les parents du garçon au sujet d'un incident de jet de pierres survenu plus tôt. Le ministère palestinien de la Santé avait initialement publié une déclaration contredisant cette version, affirmant que le garçon avait fait une chute mortelle alors qu'il était poursuivi par l'armée israélienne.

Les Palestiniens ont ajouté que Rayan avait été transporté à l'hôpital dans un état critique et que sa mort avait été prononcée peu après. L'armée israélienne enquête sur cette affaire. Dans un communiqué publié plus tard dans la journée de jeudi, l'armée a déclaré que « les allégations concernant la mort du mineur sont connues. Une première enquête n'a trouvé aucun lien entre sa mort et l'activité des soldats dans la zone ».

Mohammed Suleiman, l'oncle du garçon, a déclaré que Rayan était à la maison avec ses parents et ses deux frères lorsque des soldats ont frappé bruyamment à la porte. Il a ajouté que l'armée voulait arrêter les deux frères, âgés de 8 et 10 ans, pour avoir prétendument jeté des pierres aux soldats. « Le père de Rayan a ouvert la porte et les soldats sont entrés. Ensuite, il y a eu une agitation et beaucoup de cris. Effrayé, [Rayan] s'est effondré et a fait une crise cardiaque », a déclaré Suleiman, ajoutant que l'enfant ne souffrait d'aucun problème médical antérieur. « C'était un garçon en parfaite santé et rempli de joie, et en quelques minutes nous l'avons perdu », a-t-il ajouté.

Une source de l'armée israélienne a déclaré que les soldats poursuivaient un groupe d'enfants qui jetaient des pierres, lorsqu'ils les ont perdus de vue. « Près d'une des maisons, les soldats ont vu un père debout avec ses enfants et les ont identifiés comme les enfants qui jetaient des pierres, bien qu'il ne soit pas clair s'il s'agissait des mêmes enfants. L'officier de l'armée a parlé au père en l'absence des enfants, et après avoir quitté la maison, l'homme a commencé à crier, ce qui a fait comprendre à l'officier que l'enfant était en danger. Selon l'officier, il ne savait pas que l'enfant était blessé ».

Mercredi, quatre Palestiniens ont été tués, dont deux militants recherchés par les FDI, lors d'affrontements dans la ville de Jénine, en Cisjordanie. Selon les Palestiniens, 44 personnes ont été blessées au cours des échanges de coups de feu.

L'armée a déclaré que les soldats avaient été envoyés dans le camp de réfugiés de Jénine pour arrêter Abed Fathi Hazem, le frère du combattant palestinien Raad Hazem qui a tué trois personnes à Tel Aviv en avril avant d'être abattu par les forces de sécurité à Jaffa.

Quelques heures plus tard, le Fatah a appelé à une “journée de colère” [Youm Ghadab] dans toute la Cisjordanie. Le porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas, Nabil Abou Roudeineh, a déclaré après le raid meurtrier que « l'occupation israélienne accorde peu de valeur à la vie de notre peuple palestinien, et dégrade la sécurité et la stabilité en poursuivant sa politique d'escalade."

30/09/2022

La déclaration d’amour d’une blonde british : « Giorgia Meloni n'est pas d’extrême-droite : elle ne fait que dire ce que nous pensons tous »
Allison Pearson se lâche

Je n'ai pas pu résister à l’envie de traduire ce morceau de bravoure tonitrué dans le très conservateur
Daily Telegraph de Londres. Son auteure est la très blonde Allison Pearson, 62 ans, célèbre chroniqueuse et chief interviewer” du quotidien. Bien que déclarée en banqueroute par la Haute Cour de Justice en 2015, elle finira bien par être anoblie par son bon roi Charles III.-FG

Allison Pearson , The Daily Telegraph, 28/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Quand j'écoute le nouveau premier ministre italien parler, j'entends les valeurs conservatrices dominantes que des millions de personnes partagent

La fougueuse femme de 45 ans est devenue la première femme Premier ministre d'Italie, un triomphe personnel majeur dans une culture encore notamment machiste [sic]. Photo : Alessia Pierdomenico/Bloomberg

Lors d'un meeting en 2019, Giorgia Meloni, leader du parti des Frères d'Italie, a cité GK Chesterton. L'écrivain anglais, théologien et sage fortement moustachu paraissait un choix improbable pour le paroxysme d'une oration passionnée par une petite blonde italienne fougueuse. Mais ça ne l’est peut-être pas. Chesterton était connu comme « l'apôtre du bon sens ».

« Les feux seront allumés pour témoigner que deux et deux font quatre. Des épées seront tirées pour prouver que les feuilles sont vertes en été. Cette heure est arrivée. Nous sommes prêts », cria-t-elle avec son épais accent ouvrier romain. 


Le public s'est emballé. Une partie du discours de Meloni est devenue virale. « Ils veulent nous appeler parent 1, parent 2, genre x, citoyen x, avec des numéros de code. Mais nous ne sommes pas des numéros de code… et nous défendrons notre identité. Je suis Giorgia. Je suis une femme. Je suis une mère. Je suis italienne. Je suis chrétienne ! » Certains DJ, mécontents du point de vue de Meloni sur le mariage gay, ont samplé ses paroles et ont mis un rythme disco derrière eux pour la diaboliser.

Ça s'est retourné contre eux. La chanson est devenue un succès dans les clubs italiens et a grimpé dans les hit-parades : loin de discréditer Meloni, elle n'a fait que stimuler sa popularité.

Cette semaine, cette blonde fougueuse de 45 ans est devenue la première femme Premier ministre d'Italie, un triomphe personnel majeur dans une culture encore notamment machiste. Mais les gros titres ont tous mis l'accent sur Giorgia Meloni comme étant « d'extrême droite ». 

« La femme la plus dangereuse d'Europe », a averti le magazine allemand Stern. Meloni avait même bouleversé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Répondant à la question de savoir s'il y avait des inquiétudes concernant les prochaines élections en Italie, un sourire saint von der Leyen a répondu, avec un sourire suffisant et moralisateur : « Si les choses vont dans une direction difficile, j'ai parlé de la Hongrie et de la Pologne, nous avons des outils. » [sic et resic]

Ils appellent Giorgia Meloni fasciste, mais c'est l'impeccablement libérale von der Leyen qui se comporte comme telle.

Nous avons des outils. C'est parler comme une vraie totalitaire. À qui feriez-vous confiance lorsqu'il s'agit de respecter une décision démocratique ? Le premier dirigeant élu de l'Italie depuis quatorze ans, une mère célibataire issue d'un foyer pauvre, ou un ministre de la défense allemand défaillant, le produit d'une élite aisée qui a été intégrée dans le qui a été propulsé à la tête de l'UE sans un seul vote ?  

Bien que les origines fascistes du parti de Meloni suscitent des inquiétudes valables, ce que j'entends quand je l'écoute sont des valeurs conservatrices dominantes. Voici une politicienne qui s'exprime au nom de la famille et de la nation. Elle s'oppose à la mondialisation qui transforme les hommes et les femmes en unités de consommation sans visage. Elle dit oui à la sécurisation des frontières et non à la migration de masse, oui à l'identité sexuelle et non aux spaghettis alphabétiques [reresic] de la politique de genre.

Pourquoi ces vues de millions de gens ordinaires sont-elles maintenant appelées « d'extrême droite » ? C'est parce que la gauche, tout en échouant systématiquement dans les urnes, a pris le contrôle de la nomenclature politique. Ainsi, ils sont les seuls à pouvoir décider qui est vertueux et qui est Boris Johnson. Pendant deux ans et demi, ils ont appelé Boris “d’extrême-droite”, puis ils ont eu droit à Liz Truss.

“Extrême-droite” se traduit maintenant par « quelqu'un avec qui je ne suis pas d'accord et qui n'est donc pas quelqu'un de bien ». Reportant pour Channel 4 News sur les récents affrontements à Leicester entre des groupes d'hindous et de musulmans, Darshna Soni a attribué la violence à « la politique idéologique de droite importée du sous-continent [indien] ».

Ça a changé de blâmer le Brexit, je suppose.

Deux groupes religieux avec de fortes affiliations tribales, qui vivent ici mais se détestent toujours, ce n'est pas une histoire confortable pour ceux qui ont une vision gauchiste. Faites venir le monstre de  « l'extrême-droite » ! 

Et donc, à la suite de cette appropriation orwellienne de la « vérité », nous avons une société dans laquelle Sir Keir Starmer, le dirigeant travailliste, déclare qu'il est prêt pour le gouvernement mais ne peut pas dire ce qu'est une femme parce que croire au sexe biologique n’est pas à la mode.

Une société où une « organisation caritative » appelée Sirènes donne des bandages de poitrine aux jeunes filles confuses, à l'insu de leurs parents, et toutes les meilleures âmes pensent que soutenir cette association, c’est faire preuve d'une tolérance merveilleuse plutôt que de la plus grande cruauté et stupidité. Une société où les mères qui allaitent leurs nouveau-nés sont appelées “ chest-feeders” [litt. “nourrisseurs par la poitrine”] parce que certains membres du NHS [National Health Service, Service public de santé] s'inquiètent que le fait d'appeler une mère une mère offense l'orthodoxie dominante.

Si donner tous ces exemples fait de vous des méchants “d’extrême-droite”, alors tant pis. Sono Giorgia Meloni. Je suis une femme. Je suis une mère.

« Les feux seront allumés pour témoigner que deux et deux font quatre Il nous restera à défendre les vertus et les sanités incroyables de la vie humaine. » Bien vu, G. K. Chesterton, Monsieur. Il nous reste en effet à défendre le bon sens comme si la vie de nos enfants en dépendait, ce qui est plutôt le cas.

Des millions d'entre nous sont d'accord avec Giorgia Meloni, et nous ne sommes pas d’extrême-droite. Juste de droite.*

NdT

Cette dernière phrase a un double sens en anglais, intraduisible : “just right”, juste de droite, mais aussi “nous avons raison”

 

 

29/09/2022

CHIARA CRUCIATI
« En Iran, c'est la révolution des femmes : avec le voile, c’est le régime qui brûle »
Entretien avec Fariborz Kamkari, réalisateur et écrivain kurdo-iranien

Chiara Cruciati, il manifesto, 22/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Iran - Cinquième jour de manifestations en Iran, au moins 14 morts. Interview du réalisateur kurdo-iranien Fariborz Kamkari : « Ce n'est pas une simple révolte : elle concerne tout le pays, pas seulement le Kurdistan ou le sud-est arabe, et elle implique toutes les classes sociales, pas seulement les pauvres ou la classe moyenne. Et elle n'a pas explosé à cause de la pauvreté : les gens demandent la liberté, disent non à la nature même de la République islamique ».

 

 Avoir des nouvelles sûres du soulèvement qui enflamme l’Iran depuis cinq jours n'est pas simple : l'internet est très faible, coupé par Téhéran. Hier, la dernière application désactivée a été Instagram.

La contestation s'amplifie, presque toutes les provinces sont désormais impliquées. Au moins 14 manifestants ont été tués, des centaines blessés, le nombre d'arrestations est inconnu. A Rojhilat, au Kurdistan iranien, une grève générale a été déclenchée.

Au premier rang se trouvent les femmes : elles brûlent les voiles, coupent les cheveux, se heurtent à la police. Le soulèvement a été déclenché par l’assassinat, par la police des mœurs, de la jeune Kurde Mahsa Amini, âgée de 22 ans, vendredi dernier. À sa famille, un conseiller de l'ayatollah Khamenei a exprimé les condoléances du chef religieux qui aurait promis d'enquêter.

Mais les slogans sont clairs : « Mort au dictateur », « Femme, vie, liberté ». Dans la ville de Sari, un manifestant est monté sur la façade de la mairie et a détruit l’image de Khomeiny, le père de la République islamique.

Hier, Anonymous, le collectif de hackers appelé à la rescousse par les Iraniens sur les réseaux sociaux pour aider à désactiver les sites du gouvernement, semble l’avoir fait, bloquant la télévision d'État et certains services gouvernementaux pendant quelques heures.

Nous avons parlé du soulèvement avec Fariborz Kamkari, réalisateur kurdo-iranien, auteur entre autres des films Les fleurs de Kirkouk et Être kurde et du roman Retour en Iran.

Que se passe-t-il en Iran ?

Ce n'est pas une révolte de celles qui se produisent désormais chaque année : cette fois, elle a les caractéristiques d'une révolution. Pour quatre raisons. Premièrement, pour la première fois en 43 ans, cela concerne l'ensemble du pays et pas seulement une partie de ce pays, que ce soit le Kurdistan ou le sud-est à majorité arabe, comme cela s'est produit il y a deux semaines, des protestations aussitôt calmées. Deuxièmement, toutes les classes sociales participent : dans le passé, nous avons assisté à des protestations de la petite bourgeoisie, d'autres fois de la classe subalterne. Cette fois, ce sont les pauvres, les travailleurs, la classe moyenne qui y participent. Troisièmement, on ne s'est pas mobilisé pour des raisons économiques, les gens demandent la liberté. Quatrièmement, il est complètement hors de contrôle de toute organisation interne au régime qui, pendant des années, a montré un double visage, réformistes contre conservateurs. Aujourd'hui, la révolte est contre le régime lui-même et on le comprend par la réaction compacte de toutes les forces politiques. Brûler le voile, c'est brûler le drapeau : ce régime a utilisé le voile comme représentation de sa propre idéologie. Aujourd'hui, les gens disent non à l'ensemble du système politique du pays, à la nature même de la République islamique.

Fariborz Kamkari

Pourquoi aujourd'hui? La mort d'Amini a-t-elle été l'étincelle d'une dissidence qui cherchait un exutoire ?

Son vrai nom n’tait pas Mahsa mais Jhina. En Iran, nous ne pouvons pas utiliser des noms kurdes, qui restent officieux, autres que ceux officiels des documents d'identité. Jhina signifie « nouvelle vie ». Et elle est vraiment en train de donner une nouvelle vie au pays. C'est arrivé aujourd'hui parce que l’Iran étouffe déjà depuis longtemps. Au cours des huit dernières années, il y a eu des révoltes cycliques, mais le régime a réussi à les déconnecter en utilisant différents outils. Prenons le Kurdistan : il y a des manifestations depuis 1979, alors que Khomeiny était porté en triomphe par les partis kurdes qui avaient déjà inventé le slogan « Autonomie pour le Kurdistan, démocratie pour l’Iran ». Avec les soulèvements kurdes, le régime effraie les Iraniens en disant qu'il s'agit d'indépendantistes. Si les travailleurs protestent, le régime fait peur à la classe moyenne.

Mais cette fois, le soulèvement est l’accumulation de toutes les souffrances du peuple iranien. La situation économique est terrible, mais le slogan qui résonne est le droit de choisir pour soi. Pendant des décennies, quand nous contestions l’obligation du voile, beaucoup ont répondu que ce n'était certainement pas le problème principal. Aujourd'hui, les gens montrent qu'il l'est parce qu'il représente la liberté individuelle, la possibilité de choisir pour soi, le symbole de sa propre volonté. Les Iraniens ne demandent pas seulement du pain ou du travail, mais la liberté. D'autres fois, ils nous ont répondu que le hijab est une caractéristique de notre culture. Ce n'est pas le cas : il a été imposé par la révolution islamique qui a forcé les femmes à le porter. En brûlant le voile, elles brûlent ce mythe.

Quel rôle jouent les femmes ?

Le système a été conçu pour marginaliser les femmes et leur enlever tout rôle politique, culturel, social. La femme doit être femme et mère, son devoir est de procréer et d'élever des enfants. Les femmes iraniennes ne l'ont jamais accepté et ont toujours été un moteur de changement. Allez en Iran, vous verrez qu'elles font toutes sortes de choses. C'est une révolution féminine parce que ce sont elles qui organisent la rue, qui vont contre la police, qui brûlent le voile. Et elles sont soutenus par les hommes, c'est la nouveauté. La ruse du régime a été de créer des divisions qui sont également entrées dans la maison : si vous créez un système en faveur des hommes, les hommes deviennent les représentants du régime même dans les murs de la maison. Mais aujourd'hui, ils sont aux côtés des femmes.

Et les jeunes ?

Aujourd'hui, les jeunes utilisent Internet, connaissent le monde extérieur, sont plus difficiles à apprivoiser. 60 % de la population iranienne a moins de 30 ans, des personnes qui ne se souviennent pas ou n'ont pas participé aux grandes révoltes de 1999 et 2009. Les universités se sont réveillées. Après les manifestations de 2009, le régime avait réussi à désamorcer les étudiants, mais aujourd'hui, ils sont un nouveau moteur de protestation contre la tentative de les exclure du discours politique et social.

Téhéran saura-t-il montrer de l'élasticité, concéder quelque chose pour survivre ?

C'est difficile, le régime est construit sur ces principes. S'ils échouent, c’est tout l’échafaudage de la République islamique qui tombe. C'est pourquoi il ne change pas, bien que la majorité des Iranien·nes ne veuillent plus du hijab ou du contrôle de la liberté personnelle. Dans les grandes villes, les citoyens sont traités avec plus de douceur, mais dans les petites villes ou au Kurdistan, ils sont traités avec violence. Et personne ne paie pour ces violences : le président Raisi est en ce moment à l'Assemblée générale de l'ONU, et pourtant il est le « juge de la mort », en 1988 il a participé à la condamnation à mort de 6 000 prisonniers politiques, pour la plupart des moudjahidines et des communistes. Mais il participe au forum international.

Parmi les revendications de la place, il y a la suppression de la police des mœurs.

La police des mœurs a été l'une des premières inventions de Khomeini pour construire sa société idéale, face à l'opposition de la majorité de la population au hijab ou à d'autres comportements publics non conformes aux principes du régime, de l'habillement à la coiffure en passant par le langage. Au début de la révolution, beaucoup d'entre nous se souviennent des châtiments corporels, comme les aiguilles sur le front. La police des moeurs est un instrument efficace pour terroriser, surtout les jeunes : elle est devant chaque lycée et chaque faculté, elle vérifie comment on s'habille, ce qu'on écrit sur les téléphones. Elle arrête les voitures où il y a des hommes et des femmes pour vérifier leurs relations familiales. En tout cas, la protestation en cours ne veut pas la fin de la police des mœurs, mais la fin de toute la nature du régime.

 

JOHN PILGER
En Ucrania, USA nos está arrastrando hacia una guerra con Rusia
Un artículo de 2014 más actual que nunca

John Pilger, The Guardian, 13/5/2014
Traducido por
Miguel Álvarez Sánchez, editado por Fausto Giudice, Tlaxcala

 

¿Por qué toleramos la amenaza de otra guerra mundial en nuestro nombre? ¿Por qué permitimos mentiras que justifican este riesgo? La magnitud de nuestro adoctrinamiento, escribió Harold Pinter, es un «acto de hipnosis de gran éxito, brillante e incluso ingenioso», como si la verdad «no se produjera ni siquiera mientras se produce».

Un activista prorruso con un casquillo y un paquete de comida de fabricación usamericana que cayó de un vehículo blindado del ejército ucraniano durante un ataque a un control de carretera el 3 de mayo de 2014 en Andreievka,  óblast de Zaporiyia, Ucrania.Foto: Scott Olson/Getty

 

Cada año, el historiador usamericano William Blum publica su «resumen actualizado del historial de la política exterior de USA», que muestra que, desde 1945, USA ha intentado derrocar a más de cincuenta gobiernos, muchos de ellos elegidos democráticamente; ha interferido indecentemente en las elecciones de treinta países; ha bombardeado a la población civil de 30 países; ha utilizado armas químicas y biológicas; y ha intentado asesinar a líderes extranjeros.

En muchos casos Gran Bretaña ha sido un colaborador. El grado de sufrimiento humano, por no hablar de la criminalidad, es apenas reconocido en Occidente, a pesar de contar con las comunicaciones más avanzadas del mundo y el periodismo supuestamente más libre. Que las víctimas más numerosas del terrorismo - «nuestro» terrorismo- sean musulmanes, es algo indecible. Se suprime que el yihadismo extremo, que condujo al 11-S, fue alimentado como arma de la política angloamericana (Operación Ciclón en Afganistán). En abril, el Departamento de Estado de USA señaló que, tras la campaña de la OTAN en 2011, «Libia se ha convertido en un refugio terrorista seguro».

El nombre de «nuestro» enemigo ha cambiado a lo largo de los años, desde el comunismo hasta el islamismo, pero en general se trata de cualquier sociedad independiente del poder occidental y que ocupa un territorio estratégicamente útil o rico en recursos, o que simplemente ofrece una alternativa a la dominación usamericana. Los líderes de estas naciones obstruccionistas se suelen apartar violentamente, como los demócratas Muhammad Mossedeq en Irán, Arbenz en Guatemala y Salvador Allende en Chile, o son asesinados como Patrice Lumumba en el Congo. Todos son objeto de una campaña de vilipendio por parte de los medios de comunicación occidentales: pensemos en Fidel Castro, Hugo Chávez y ahora Vladimir Putin.

El papel de Washington en Ucrania sólo es diferente en sus implicaciones para el resto de nosotros. Por primera vez desde los años de Reagan, USA amenaza con llevar al mundo a la guerra. Con el este de Europa y los Balcanes convertidos en puestos militares de la OTAN, el último «Estado tapón» fronterizo con Rusia –Ucrania– está siendo desgarrado por las fuerzas fascistas desatadas por USA y la UE. Nosotros, en Occidente, apoyamos ahora a los neonazis en un país donde los nazis ucranianos apoyaron a Hitler.

Después de haber ideado el golpe de Estado en febrero contra el gobierno democráticamente elegido en Kiev, la toma de la histórica y legítima base naval rusa libre de hielo en Crimea planeada por Washington fracasó. Los rusos se defendieron, como lo han hecho contra todas las amenazas e invasiones de Occidente durante casi un siglo.

Pero el cerco militar de la OTAN se ha acelerado, junto con los ataques orquestados por USA contra los rusos étnicos en Ucrania. Si se puede provocar a Putin para que acuda en su ayuda, su preconcebido papel de «paria» justificará una guerra de guerrillas dirigida por la OTAN que probablemente se extienda a la propia Rusia.

En cambio, Putin ha confundido al partido de la guerra buscando un acuerdo con Washington y la UE, retirando las tropas rusas de la frontera ucraniana e instando a los rusos étnicos del este de Ucrania a abandonar el provocador referéndum del fin de semana. Estos pueblos rusófonos y bilingües -un tercio de la población de Ucrania- llevan mucho tiempo buscando una federación democrática que refleje la diversidad étnica del país y sea a la vez autónoma de Kiev e independiente de Moscú. La mayoría no son ni «separatistas» ni «rebeldes», como los llaman los medios de comunicación occidentales, sino ciudadanos que quieren vivir con seguridad en su patria.

Al igual que las ruinas de Irak y Afganistán, Ucrania se ha convertido en un parque temático de la CIA, dirigido personalmente por el director de la CIA, John Brennan, en Kiev, con docenas de «unidades especiales» de la CIA y el FBI que establecen una «estructura de seguridad» que supervisa los salvajes ataques contra quienes se opusieron al golpe de Estado de febrero. Vea los vídeos y lea los informes de los testigos de la masacre de Odessa de este mes. Los matones fascistas traídos en autobuses quemaron la sede del sindicato, matando a 41 personas atrapadas en su interior. Mire a los policías en espera.

Un médico describió cómo intentaba rescatar a la gente, «pero me detuvieron los radicales nazis pro-ucranianos. Uno de ellos me empujó bruscamente, prometiendo que pronto yo y otros judíos de Odessa correríamos la misma suerte. Lo que ocurrió ayer ni siquiera tuvo lugar durante la ocupación fascista en mi ciudad durante la Segunda Guerra Mundial. Me pregunto por qué el mundo entero guarda silencio».

Los ucranianos de habla rusa luchan por sobrevivir. Cuando Putin anunció la retirada de las tropas rusas de la frontera, el secretario de defensa de la junta de Kiev, Andriy Parubiy -miembro fundador del partido fascista Svoboda- se jactó de que los ataques contra los «insurgentes» continuarían. Al estilo orwelliano, la propaganda en Occidente ha invertido esto en que Moscú «intenta orquestar el conflicto y la provocación», según William Hague, el secretario británico de Asuntos exteriores. Su cinismo se corresponde con la grotesca felicitación de Obama a la junta golpista por su «notable moderación» tras la masacre de Odessa. La junta, dice Obama, está «debidamente elegida». Como dijo una vez Henry Kissinger: «Lo que cuenta no es lo que es verdad, sino lo que se percibe como verdad».

En los medios de comunicación usamericanos la atrocidad de Odessa se minimizó, calificándola de «turbia» y de «tragedia» en la que «nacionalistas» (neonazis) atacaron a «separatistas» (personas que recogían firmas para un referéndum sobre una Ucrania federal). El Wall Street Journal de Rupert Murdoch condenó a las víctimas - «Un incendio mortal ucraniano seguramente provocado por los rebeldes, según el Gobierno». La propaganda en Alemania ha sido pura guerra fría, con el Frankfurter Allgemeine Zeitung advirtiendo a sus lectores de la «guerra no declarada» de Rusia. Para los alemanes es una ironía conmovedora que Putin sea el único líder que condena el ascenso del fascismo en la Europa del siglo XXI.

Un tópico popular es que «el mundo cambió» tras el 11-S. Pero ¿qué ha cambiado? Según el gran lanzador de alertas Daniel Ellsberg, se ha producido un golpe de Estado silencioso en Washington y ahora gobierna el militarismo desenfrenado. El Pentágono dirige actualmente «operaciones especiales» -guerras secretas- en 124 países. En USA, el aumento de la pobreza y la pérdida de libertad son el corolario histórico de un estado de guerra perpetuo. Si añadimos el riesgo de una guerra nuclear, la pregunta es: ¿por qué toleramos esto?

 

 

OMER BENJAKOB
Alors qu'Israël reprend en main son industrie des cyberarmes, un ancien officier de renseignement construit un nouvel empire

Omer Benjakob, Haaretz, 20/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Alors que les cyber-entreprises israéliennes comme le créateur du logiciel espion Pegasus NSO subissent un retour de bâton qui menace leur avenir, Intellexa – une entreprise détenue par un ancien officier du renseignement israélien – a ouvert une officine à Athènes, et ses affaires sont florissantes

Aéroport international de Larnaca à Chypre. Pendant plus d'un semestre en 2019, WiSpear, la filiale d'Intellexa, a illégalement extrait des informations personnelles de citoyens. Photo Kekyalyaynen/Shutterstock, traitée par Shani Daniel

 

ATHÈNES – Dans une banlieue paumée de la capitale grecque, dans un immeuble de bureaux tout aussi anonyme surplombant un centre commercial générique, vous trouverez une entreprise appelée Intellexa. Des sources qui ont été à l'intérieur disent que ses bureaux tentaculaires occupent cinq étages et comprennent des chambres à coucher, un centre de formation et même une zone avec des tapis de prière afin que ceux qui viennent de pays musulmans comme le Bangladesh pour recevoir une formation puissent prier, bien qu’il soit interdit aux entreprises israéliennes de faire des affaires avec le Bangladesh.

Lorsque les journalistes ont pour la première fois sonné à l'interphone devant la porte d'Intellexa il y a quelques mois, la personne de l'autre côté a répondu en hébreu. Quand votre serviteur était là cet été, personne n'a répondu.

Vers la fin du mois de juillet, l'entreprise, selon des sources en Grèce, avait donné pour instruction à son personnel de travailler de chez lui – y compris d'Israël – et avait délocalisé ses activités dans une autre partie de la capitale grecque.

Ce n'est pas la première fois qu'Intellexa est apparemment contraint de quitter ses bureaux. Il ne s'agit pas vraiment d'une seule entreprise – bien qu'une entreprise sous ce nom soit enregistrée en Irlande – mais plutôt d'un nom de marque pour un ensemble de différentes entreprises offrant des technologies et des services de cyberattaque, des logiciels espions aux renseignements extraits de sources ouvertes.


Tal Dilian, co-PDG d'Intellexa. Les liens de son entreprise avec le marché israélien sont un secret de Polichinelle. Photo : Yiannis Kourtoglou / REUTERS



Ces entreprises sont dirigées -ou liées à lui - par Tal Dilian, autrefois chef du service de renseignement militaire israélien connu sous le nom d'Unité 81, qui est chargé du développement technologique. C'est un Israélien qui a également la citoyenneté maltaise [un “passeport doré” qui peut s’obtenir moyennant 650 000 €, NdT]. Cependant, les différentes entreprises dans lesquelles il est impliqué et qui forment ensemble Intellexa sont enregistrées dans de nombreux pays à travers le monde, formant un réseau d'entreprises complexe qui est presque impossible à démêler.

Ce que l'on sait, c'est qu'à partir de 2019, Dilian opérait depuis Chypre, où son parapluie de firmes Intellexa se surnommait l’ « alliance des étoiles » du cyber-renseignement et du monde numérique.

Les entreprises au sein de l'alliance comprennent WiSpear, une société de cybercattaque qui peut pirater des téléphones et géolocaliser des cibles via des systèmes Wi-Fi, et que Dilian a lui-même établie ; et Cytrox, une entreprise (créée par son prédécesseur dans l'unité d'informations secrètes) dont le produit phare est Predator – un logiciel espion similaire au désormais célèbre logiciel espion Pegasus fabriqué par le groupe NSO. Predator est considéré comme le plus grand concurrent de Pegasus après les logiciels espions produits par la firme israélienne Paragon.

Pubs pour certains services informatiques d'Intellexa.


Cependant, alors que les activités de NSO, Paragon et d'autres entreprises israéliennes de cyberguerre sont de plus en plus strictement réglementées par les autorités de défense israéliennes, des sources dans l'industrie affirment qu'Intellexa n'est pas sous surveillance israélienne. Ils affirment qu'en conséquence, l'entreprise peut fournir des services que les entreprises israéliennes ne peuvent pas fournir officiellement, par crainte que du savoir-faire ou de secrets de la défense ne fuient. Ces sources disent également qu’Intellexa peut aussi faire des affaires avec des États auxquels les Israéliens ne peuvent pas vendre, pour des raisons de sécurité ou de diplomatie.

Cette enquête menée conjointement par Haaretz-TheMarker et la publication grecque de journalisme d'investigation Inside Story révèle maintenant la société complexe de cyberarmes et de renseignement-à-louer dirigée par Dilian en Grèce depuis 2020.

FRANCO “BIFO” BERARDI
Gérontofascisme
L'Alzheimer de l'histoire, 1922-2022

Franco « Bifo » Berardi, Nero Editions, 27/9/2022
Images d'Istubalz
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Comme par un sortilège, à l'expiration du centième anniversaire de la Marche sur Rome, les descendant·es direct·es de Benito Mussolini s’apprêtent à gouverner l’Italie. Gouverner est un mot exagéré. Personne ne peut gouverner le déchaînement des éléments telluriques, psychiques et géo-psycho-politiques.

Giorgia Meloni, secrétaire de Fratelli d’Italia, sera la première femme présidente du conseil de l'histoire italienne.

Le fascisme est partout sur la scène italienne et européenne : dans le retour de la fureur nationaliste, dans l'exaltation de la guerre comme seule hygiène du monde, dans la violence anti-ouvrière et antisyndicale, dans le mépris de la culture et de la science, dans l'obsession démographico-raciste qui veut convaincre les femmes de faire des enfants à la peau blanche pour éviter le grand remplacement ethnique et parce que si les berceaux sont vides, la nation vieillit et décède, comme Il dit.

Toutes ces ordures sont de retour.

C'est du fascisme ? Pas exactement. Celui de Mussolini était un fascisme futuriste, exaltation de la jeunesse, de la conquête, de l'expansion. Mais cent ans plus tard l’expansion est terminée, l'élan conquérant a été remplacé par la crainte d'être envahis par les migrants étrangers. Et à la place de l'avenir glorieux, il y a la désintégration en cours des structures qui ont rendu la civilisation possible.

« Soleil qui te lèves libre et fécond / Tu ne verras aucune gloire dans le monde / Plus grande que Rome », disait la rhétorique nationaliste du siècle dernier.

Maintenant, le soleil fait peur parce que les rivières sont à sec et les forêts brûlent.

Ce qui avance, c'est le gérontofascisme : le fascisme de l'époque sénile, le fascisme comme réaction enragée à la sénescence de la race blanche. 

Je sais bien que même un peu de jeunes (pas beaucoup) ont voté pour Melons, mais l’âme de cette droite est en proie à une sorte de démence sénile, un oubli des catastrophes passées qui semble provoqué par la maladie d'Alzheimer.

Le gérontofascisme, agonie de la civilisation occidentale, ne durera pas longtemps.

Mais dans le court laps de temps où il sera au pouvoir, il pourrait produire des effets très destructeurs. Plus qu'on ne peut l'imaginer.

L’identité nationale est une superstition à laquelle les citadins n'ont jamais cru, mais qui est imposée par une minorité influencée par le romantisme le plus réactionnaire.

Qu'est-ce qu’a été le fascisme historique ?

Petite leçon d'histoire italienne. 

Italie est un nom féminin. Depuis la Renaissance, les cent villes de la péninsule vivent leurs histoires sans se penser comme une nation, mais plutôt comme des lieux de passage, de résidence, d'échange.

La beauté des lieux, la sensualité des corps : l’auto-perception des habitants de la péninsule des cent communes est féminine jusqu'à ce que déboule l’austère fanfare de la nation. Au cours des siècles qui ont suivi la Renaissance, la péninsule est une terre de conquête pour les armées étrangères, mais le peuple se débrouille.

« France ou Espagne, pourvu qu’on bouffe. »

Le pays est en déclin, mais certaines villes prospèrent, d'autres s'en sortent.

Vient ensuite le XIXe siècle, un siècle rhétorique qui croit à la nation, mot mystérieux qui ne veut rien dire. Le lieu de naissance, ou l’identité fondée sur le territoire que nous avons en commun ?

L’identité nationale est une superstition à laquelle les citadins n'ont jamais cru, mais qui est imposée par une minorité influencée par le romantisme le plus réactionnaire. Les Piémontais, ls montagnards présomptueux succubes de la France prétendent que les Napolitains, les Vénitiens et les Siciliens acceptent de se soumettre à leur commandement. Le Sud est alors conquis et colonisé par la bourgeoisie du Nord : vingt millions d'Italiens méridionaux et vénitiens émigrent entre 1870 et 1915. En Sicile se forme la mafia qui, au début, est l'expression des communautés locales pour se défendre des conquérants, puis deviendra une structure criminelle de contrôle du territoire. La question du Sud en tant que colonie n'a jamais pris fin : aujourd'hui encore, le Sud continue de sombrer, même si les villes (Palerme, Naples) vivent une vie extra-italienne, cosmopolite.

Pendant les guerres d'indépendance, un jeune homme nommé Goffredo Mameli a écrit les paroles de Fratelli d’Italia, qui est devenu l'hymne national. 

Ce n'est pas un très bel hymne : une congerie de phrases rhétoriques bellicistes et esclavagistes. Mameli est mort très jeune, et il ne mériterait pas d'être encore exposé aux railleries de quiconque écoute cette petite musique qui essaie d'être mâle et, au lieu de ça, fait rire.

Les poses guerrières réussissent mal parce que les habitants des villes italiennes ont toujours été trop intelligents pour croire en la mythologie de la nation. Ce sont des Vénitiens, des Napolitains, des Siciliens, des Romains, des Génois, des Bolognais… avec ça, on a tout dit. Seule la bourgeoisie piémontaise, qui, permettez-moi de le dire, n'a jamais été très brillante, peut croire à cette fiction vert-blanc-rouge.

Puis viennent les grandes épreuves du nouveau siècle, le siècle de l'industrie et de la guerre. Il faut devenir compétitif, agressif, fini de faire les femmelettes.

En 1914, alors que la Serbie et l’Autriche entrent en guerre, la polémique fait rage entre interventionnistes et non-interventionnistes. Les futuristes, piètres intellectuels, s'agitent sur la scène. 

Mépris de la femme, la guerre seule hygiène du monde crie le très mauvais poète Marinetti dans son Manifeste de 1909. 

A bas l’Italiette ! crient les étudiants interventionnistes pour convaincre les Siciliens et les Napolitains d'être italiens et d'aller se faire tuer à la frontière avec l’Empire austro-hongrois qui, pour les Napolitains et les Siciliens, ne signifie rien.

L'histoire de la nation italienne est une histoire de trahison systématique.