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14/09/2025

GIDEON LEVY
“Un père de 10 enfants qui a travaillé en Israël pendant plus de 30 ans : comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ?”

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 12/09/2025
Traduit par Tlaxcala

Exécution au poste de contrôle : Un éleveur de volailles palestinien quitte un mariage et se rend acheter des plateaux de carton pour ses œufs dans une ville voisine. Des soldats israéliens à un poste de contrôle lui tirent près de 20 balles à bout portant, alors qu’il était déjà blessé.


Des proches en deuil chez Ahmed Shahadeh, au village d’Urif, non loin de Naplouse

Un coup de feu, puis un autre, puis un troisième. À travers les fentes entre les blocs de béton, on distingue un homme s’effondrer, étendu sur le dos, bras écartés sur la route. Le tir continue, balle après balle.

Deux soldats israéliens se tiennent sous un toit de toile rouge à un poste de contrôle, visant leur victime de leurs fusils, alors qu’elle gît blessée. À ce moment-là, il est déjà certainement mort. En un clin d’œil, un père de dix enfants est abattu. Sa voiture est garée à proximité. La vidéo entière dure 22 secondes, y compris le moment où, pour une raison obscure, la caméra est tournée ailleurs.

C’est ce qui s’est passé vendredi dernier au crépuscule. Le poste de contrôle d’Al-Murabba’a, au sud-ouest de Naplouse, est l’un des rares points de passage restés ouverts pour entrer et sortir de la ville, après que le poste principal de Hawara a été fermé lorsque la guerre à Gaza a éclaté il y a presque deux ans.


Le corps d’Ahmed Shahadeh, entouré de soldats israéliens. Photo fournie par la famille

C’est une barrière de blocs de béton avec une installation de fortune pour les soldats, derrière laquelle se dresse une grille de fer jaune. Parfois les soldats contrôlent les voitures et leurs conducteurs, parfois non. Vendredi dernier, ils ont contrôlé la voiture de leur victime.

Que s’est-il passé durant les instants où l’éleveur de volailles, Ahmed Shahadeh – qui avait travaillé des décennies en Israël et parlait hébreu couramment – est sorti de son véhicule, apparemment sur ordre des soldats, avant d’être abattu par près de vingt balles tirées à bout portant ?

Peut-être ne le saura-t-on jamais. La vidéo – on ne sait pas qui l’a publiée – diffusée sur les réseaux sociaux montre peu et dissimule beaucoup. On n’y comprend pas pourquoi les soldats ont tiré sur leur victime avec une telle rage.

Il est douteux qu’Ahmed ait représenté un danger, même un instant. Mais alors qu’il gisait blessé sur la route, près du poste de contrôle, les soldats ont apparemment décidé de l’exécuter coûte que coûte. Qu’est-ce qui a bien pu provoquer un tel acte ?

Un appartement du village d’Urif, près de Naplouse. C’est le troisième jour de deuil de la famille. Au rez-de-chaussée, un petit poulailler, avec son odeur désagréable. Le défunt vivait à l’étage avec son épouse malade ; dans un autre appartement du même immeuble vivait l’un de ses fils avec sa famille. Depuis le 7 octobre 2023, deux attentats ont été perpétrés par des habitants d’Urif.

Ahmed Shahadeh avait travaillé en Israël durant des décennies, comme certains de ses enfants avant la guerre. Âgé de 57 ans, il avait travaillé dans une imprimerie à Holon, dans la banlieue de Tel-Aviv, puis 15 ans dans l’usine de plastiques Keter, dans la zone industrielle de Barkan, près de la colonie d’Ariel. Ses fils affirment qu’il avait des amis juifs.

Il y a un an, il a pris sa retraite. Ou peut-être a-t-il été licencié. Il a alors monté une petite activité à domicile pour rester occupé et gagner un peu d’argent. Il vendait les œufs de ses quelque 200 poules aux magasins d’Urif.

Vendredi après-midi, les Shahadeh ont assisté au mariage d’un proche, dans une salle du village. Le matin, Ahmed avait nettoyé le poulailler, nourri les poules, s’était bien habillé et était parti avec son épouse à l’événement. Aelia, 55 ans, souffre d’atrophie musculaire et a besoin d’aide pour se déplacer ; Ahmed s’occupait d’elle.


Une banderole commémorative d’Ahmed Shahadeh cette semaine à Urif.  “Un homme qui a 10 enfants et travaillé en Israël plus de 30 ans – comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ?”, demande son frère.

Ses trois fils s’appellent Jihad (37 ans), Abdelfatteh (33 ans) et Mohammed (32 ans), ouvrier du bâtiment dans la colonie de Beit Arye, qui parle hébreu. Vendredi, Ahmed est resté environ une heure au mariage, puis a dit à ses fils qu’il partait pour le village de Tal, à 15 minutes en voiture, acheter des plateaux en carton pour les œufs récoltés. Il les a invités à l’accompagner mais ils ont préféré rester. Leur père leur a dit qu’au retour il ramasserait leur mère. Personne n’imaginait qu’il ne reviendrait jamais.

Vers 17h40, une demi-heure après son départ, ses fils ont vu un message sur le groupe WhatsApp local signalant un incident au poste de contrôle d’Al-Murabba’a, où un Palestinien avait été blessé. La photo jointe montrait une Ford Focus bleu métallisé, la voiture de leur père. Les fils ont quitté en hâte le mariage et se sont rendus au poste de contrôle.

À une centaine de mètres de la barrière, les soldats leur ont fait signe de s’arrêter et ont pointé leurs armes sur eux. « C’est mon père, c’est mon père ! », a crié Mohammed. Les soldats leur ont ordonné de sortir du véhicule, de relever leurs chemises et de lever les mains. Seul Jihad a été autorisé à avancer, très lentement. Cette semaine, il dit avoir aperçu une partie du corps encore découvert de son père, dépassant entre les blocs de béton.


Deux petites-filles d’Ahmed dans le poulailler

« Mon père est  vivant ou mort ? », a-t-il demandé avec agitation. L’un des soldats a répondu en arabe approximatif : « Ton père est mort. »

« Pourquoi vous avez tué mon père ? », a-t-il demandé. Le soldat a répondu qu’Ahmed avait lancé quelque chose vers eux. « Vous auriez pu lui tirer dans la jambe, s’il avait vraiment jeté quelque chose », a répliqué Jihad. Pas de réponse.

Quelques minutes plus tard, raconte Jihad, un autre soldat s’est approché, lui a serré la main et a dit : « Je suis désolé. » Jihad a demandé à voir le corps de son père. Le soldat a répondu qu’il le verrait lorsque les autorités israéliennes, via la COGAT (Coordination des activités gouvernementales dans les territoires), le transféreraient à l’hôpital.

Les trois fils sont rentrés à la maison, en deuil, pour annoncer la terrible nouvelle à leur mère. Vers 20h, ils ont reçu un appel de la COGAT : l’armée avait transféré le corps au camp de Hawara et il se trouvait désormais dans une ambulance palestinienne en route vers l’hôpital Rafidia de Naplouse.

Toute la famille s’y est rendue. Jihad dit avoir compté pas moins de 18 impacts de balles sur le corps de son père, la plupart dans le cou, la poitrine et l’abdomen.

Le corps est resté une nuit à Rafidia. Le lendemain, les fils l’ont enterré. Le seul témoin oculaire a rapporté avoir seulement vu les soldats ordonner à Ahmed de sortir de sa voiture, rien de plus.


Les frères d’Ahmed lors du deuil

Selon Salma al-Deb’i, chercheuse de terrain pour l’ONG israélienne B’Tselem, les soldats au poste de contrôle d’Al-Murabba’a se comportent souvent de façon très agressive, surtout lorsqu’ils voient un véhicule avec un seul conducteur. Parfois un soldat dit au conducteur d’avancer, un autre lui ordonne de s’arrêter : la situation est tendue.

Elle dit n’avoir trouvé aucun témoin capable d’éclairer ce qui s’est passé lors de ces instants fatidiques, ni pourquoi les soldats ont tué Ahmed Shahadeh. Elle ajoute que chaque poste de contrôle de Cisjordanie est équipé d’innombrables caméras de surveillance : l’armée sait donc exactement ce qui s’est passé.

Cette semaine, Haaretz a posé une question à l’armée, partant du fait que les fils de la victime avaient retrouvé la carte d’identité de leur père à la maison. Nous avons demandé si Ahmed avait été tué parce qu’il conduisait sans sa carte. Voici la réponse du porte-parole de l’armée :

« Le 5 septembre (vendredi), un suspect est arrivé à un poste de contrôle militaire près du village de Burin, dans le secteur de la brigade de Samarie de Tsahal. Lors de l’inspection, le suspect a contourné imprudemment les véhicules devant lui, est entré en collision avec une autre voiture, puis a poursuivi à pied vers les forces, tout en tenant à la main un objet identifié comme suspect.

Les soldats ont suivi la procédure d’arrestation d’un suspect, qui comprend des sommations et des tirs de sommation en l’air. Le suspect n’a pas obéi, a continué à avancer vers les forces et a lancé l’objet. En réponse, les forces ont tiré sur lui afin d’éliminer la menace, conformément aux règles d’engagement en vigueur. »

Le frère d’Ahmed arrive. Il demande que son nom ne soit pas mentionné. « Comment pouvez-vous être assis dans notre maison ? On peut venir  me dire : prends 10 millions de shekels [2,5 millions d’€] et tue-les, mais je ne le ferai jamais. Vous avez une maison, des enfants, une famille. Voilà ce qui est arrivé à mon grand frère. Un homme qui a 10 enfants et travaillé en Israël plus de 30 ans – comment les soldats peuvent-ils le tuer si facilement ? », demande-t-il, luttant pour ne pas éclater en sanglots.

Dans un coin du poulailler d’Ahmed, trois plateaux d’œufs en carton ; les poules caquettent sans cesse. Lundi, la rentrée scolaire a commencé avec retard en Cisjordanie, et la maison était pleine d’enfants dégustant des Krembos lorsque nous sommes venus en visite. Ce sont les petits-enfants d’Ahmed.

Un peu plus haut dans la rue, sur un terrain vague, la Ford Focus bleue est garée. Seule une balle parmi les nombreuses tirées a atteint le côté de la voiture : on distingue un impact et la vitre côté passager est brisée. Les baskets de la victime se trouvent encore dans le coffre.

ALEX SHAMS
Nosso homem para Teerã
A campanha apoiada pelos EUA e Israel posiciona Reza Pahlavi, filho do xá, para uma mudança de regime no Irã

 Alex Shams, Boston Review, 6/8/2025

Traduzido por Tlaxcala

Quando Israel lançou um ataque surpresa contra o Irã em 13 de junho, seu objetivo declarado era destruir o programa nuclear do adversário. Mas, em poucos dias, a missão se expandiu. O primeiro-ministro de Israel, Benjamin Netanyahu, admitiu abertamente que a operação poderia levar à derrubada da República Islâmica. No último dia de combates, Donald Trump, que apoiou o ataque desde o início, uniu-se a Netanyahu falando sobre a mudança de regime.



RICHARD LUSCOMBE
Después de haber construido una vida tranquila en Florida, Parviz Sabeti, el presunto “verdugo en jefe” del Sha de Irán, debe ahora enfrentar un juicio

Richard Luscombe en Orlando, The Guardian, 11-9-2025
Traducido por Tlaxcala

Richard Luscombe es corresponsal de The Guardian US con sede en Miami, Florida.

Parviz Sabeti se había fabricado una nueva vida anónima para él y su familia, pero hoy se enfrenta a una demanda que reclama 225 millones de dólares en daños y perjuicios por atrocidades cometidas en las cárceles de Teherán y otros lugares. 

Los vecinos de la acaudalada comunidad de Windermere, en Florida, los conocen como Peter y Nancy, un matrimonio jubilado aparentemente amable al que saludan durante sus paseos matinales, siempre contentos de recibir a sus dos brillantes hijas adultas, una de ellas una respetada profesora de ciencias en la Universidad de Harvard.

Sin embargo, detrás de los altos muros de su mansión frente al lago, valorada en 3,6 millones de dólares, se esconde una realidad más oscura y celosamente guardada: “Peter” es en realidad Parviz Sabeti, el antiguo jefe presunto de la policía secreta y “verdugo en jefe” del régimen prerrevolucionario del Sha de Irán. Hoy se enfrenta en Florida a una demanda de 225 millones de dólares por atrocidades cometidas en las cárceles de Teherán y otros lugares. [Cada uno de los tres demandantes reclama 75 millones de dólares, NdT].

El mes pasado, un juez federal de distrito dictaminó que Sabeti, de 89 años –tras haber logrado construir una vida anónima para él y su familia desde que huyó de su país en 1978– debe responder ante la justicia en una demanda interpuesta por tres personas que se presentan como ex presos políticos.

En los documentos judiciales, los demandantes afirman haber formado parte de los miles de detenidos por la SAVAK, la tristemente célebre agencia de seguridad interior e inteligencia del Sha, por ser percibidos como opositores. Alegan haber sufrido abusos bajo las órdenes directas de Sabeti: violaciones, electrocuciones, casi ahogamientos y extracción forzada de uñas.

“Apolo”

Un dispositivo particularmente bárbaro, sostienen, era “Apolo”, una silla eléctrica bautizada con el nombre del programa espacial usamericano, equipada con un casco metálico que amplificaba los gritos de las víctimas en sus propios oídos.


Antiguos presos mutilados por la SAVAK, la policía política del Sha, 28 de febrero de 1980 en Irán – Michel Artault/Gamma-Rapho/Getty Images

Sabeti no ha respondido públicamente a las acusaciones presentadas ante el tribunal, aunque en el pasado negó que la SAVAK hubiera torturado a detenidos, asegurando que él “siempre se opuso a la tortura”.

Aunque su paradero permaneció desconocido durante casi 45 años, su papel en el gobierno iraní –como director del departamento de seguridad interior de la SAVAK y presunto arquitecto de su crueldad– nunca estuvo en duda.

Un informe secreto de la CIA, redactado en 1978 y publicado en 2018, lo identificaba como un aliado ferozmente leal del Sha, “ampliamente reconocido como uno de los hombres más poderosos y temidos del régimen… con autoridad para detener, interrogar y procesar a opositores en todo el país”, según la demanda.

Las estimaciones sobre el número de víctimas de la SAVAK entre su creación en 1957 y su disolución en 1979 varían, pero se calcula que miles fueron detenidos y torturados, y al menos varios cientos asesinados.

Los tres demandantes, iraníes residentes en California de entre 68 y 85 años, afirman haber sido secuestrados por la SAVAK en Teherán, golpeados para arrancarles confesiones falsas y luego encarcelados. La petición de los abogados de Sabeti para desestimar el caso por prescripción fue rechazada el 12 de agosto por el juez federal Gregory Presnell, del distrito central de Florida. Un juicio podría celebrarse el próximo año.

Según la demanda, Sabeti “pasó las últimas cuatro décadas fuera de la vista pública, ocultando su identidad y paradero”. Él y su esposa Nasrin, de 75 años, podrían haber permanecido en el anonimato si una de sus hijas no lo hubiera “revelado accidentalmente” en un tuit de febrero de 2023, que lo mostraba en una manifestación en Los Ángeles contra el gobierno islámico iraní.

La foto de Sabeti reapareció el 19 de febrero de 2023 en Múnich, en una manifestación de monárquicos partidarios de Reza Pahlavi, acompañada de la frase «Pesadilla de futuros terroristas» y adornada con su declaración del 7 de septiembre de 1978: «Si se disuelve la SAVAK, los terroristas reinarán en Irán».


Aunque la revelación pudo ser accidental, y permitió directamente a los abogados de los demandantes localizarlo y presentar la demanda, algunos la ven como una maniobra de la diáspora iraní en USA para “blanquear” la historia del régimen caído del Sha y preparar a la opinión pública a favor de un futuro gobierno prooccidental.

Reza Pahlavi, a veces apodado el “príncipe heredero” de Irán por ser hijo del último Sha Mohammad Reza Pahlavi, declaró en una entrevista al Guardian en 2023, en el punto álgido de las manifestaciones contra Teherán, que trabajaba en una “carta de principios democráticos” para un futuro gobierno iraní. Desde entonces se ha presentado como dispuesto a reemplazar al ayatolá Ali Jamenei y convertirse en jefe de Estado interino.

En este marco, Sabeti habría trabajado como “asesor de seguridad” de Reza Pahlavi, según un artículo publicado en 2023 en el sitio del Consejo Nacional de la Resistencia Iraní, coalición política que se presenta como un parlamento en el exilio [emanación de la organización de los Muyahidines del Pueblo, NdT].

Los intentos del Guardian por contactar con Sabeti –por correos electrónicos, llamadas telefónicas a su domicilio y mensajes a sus cuatro abogados– han sido infructuosos.

Una cosa no está en debate: la comodidad de la que Sabeti y su familia han disfrutado en USA desde su llegada a Florida en 1978, tras huir de Teherán unas semanas antes de la revolución islámica de 1979.

Según documentos filtrados del Departamento de Estado, la familia Sabeti habría transferido una suma importante desde Irán –estimada por una fuente en más de 20 millones de dólares. En Florida, americanizaron sus nombres a Peter y Nancy. Bajo estas identidades, Sabeti fundó una empresa inmobiliaria próspera en Florida central. Él, su esposa y sus dos hijas figuran aún como directivos de varias compañías activas.

Los registros públicos muestran que la familia posee al menos ocho propiedades en el condado de Orange, incluida la mansión de Windermere (5 habitaciones, 6 baños) adquirida por 3,5 millones de dólares en agosto de 2005.

El Departamento de Estado y la CIA no respondieron a las preguntas sobre el estatus migratorio de los Sabeti en USA o las condiciones de su admisión en 1978. Sin embargo, Parviz y Nasrin Sabeti disponen de una inscripción electoral activa en Florida y votaron en la elección presidencial de 2024, prueba de su naturalización usamericana.

Una vecina declaró ver a menudo a la pareja, en particular a Nasrin, paseando por el barrio, pero precisó que los Sabeti parecían sobre todo apegados a su discreción. Su casa estaba casi siempre silenciosa, salvo por las visitas ocasionales de sus hijas.

Ninguna de las hijas respondió a las solicitudes de comentarios.

El fiscal general republicano de Florida, James Uthmeier, no respondió a la pregunta de si abriría una investigación penal sobre las actividades de Sabeti, como ya lo ha hecho con otras personas acusadas de crímenes en el extranjero y residentes en Florida.

Sara Colón, abogada de los demandantes, celebró la negativa del juez Presnell a desestimar el caso y su decisión de preservar el anonimato de sus clientes, quienes declararon haber recibido amenazas de muerte desde la presentación de la demanda.


Un disidente iraní, con el rostro oculto, tumbado sobre una rejilla de tres niveles equipada con quemadores, encontrada en el sótano de un alto cargo de la SAVAK, incendiada por manifestantes el 31 de diciembre de 1978 – Derek Ive/AP

«Estas decisiones representan un avance positivo para los sobrevivientes de la tortura que buscan rendición de cuentas y justicia. Este caso no pretende solamente poner fin a la impunidad, sino afirmar que los sobrevivientes tienen derecho a perseguir la justicia y a recuperar su dignidad sin miedo», declaró.

El Colectivo Iraní por la Justicia y la Rendición de Cuentas, asociación que milita por las víctimas de tortura y sus familias, dijo esperar que el caso Sabeti contribuya a poner fin al “ciclo de violencia” observado en Irán, primero bajo el Sha y luego bajo el gobierno islamista que lo sucedió.

«El mensaje debe ser claro y simple: todas las víctimas merecen justicia, y todos los que participaron en la tortura y la represión deben rendir cuentas», afirmó un portavoz.

«Las raíces de las políticas brutales que hoy lleva a cabo la República Islámica de Irán están ligadas a los métodos de tortura instaurados por Sabeti y la SAVAK. [Este caso] debe marcar el rechazo a un futuro Irán que restablezca la SAVAK o conceda una amnistía general a las fuerzas de seguridad actuales implicadas en tortura y represión.

Solo a través de la justicia y la rendición de cuentas podremos superar la violencia y la represión horribles que han dominado Irán durante décadas.»

Testimonios de los tres demandantes, cuyo anonimato fue preservado, citados por, The Independent, 24 de febrero de 2025:

Juan Nadie I: Estudiante en la Universidad de Tabriz, arrestado en su dormitorio en 1974 por la SAVAK. Según la demanda, fue torturado durante semanas, acusado de haber entregado a un compañero una recopilación de poemas políticos prohibidos. La tortura habría sido “coordinada” y “aprobada” por Sabeti. Tras 40 días de interrogatorios violentos, fue llevado ante un tribunal militar, acusado de atentar contra la seguridad nacional y condenado a cuatro años de prisión.
«Ha sufrido toda su vida problemas renales debido a las lesiones e infecciones padecidas en prisión. Todavía lleva las cicatrices de los latigazos, que ocultó, al igual que los detalles de su calvario, a la mayoría de las personas de su entorno.»

Juan Nadie II: Artista, miembro de un colectivo artístico clausurado por la SAVAK en los años setenta. Arrestado y encarcelado en varias ocasiones por defender la libertad de expresión, fue condenado por un tribunal militar a 12 años de prisión, de los cuales cumplió 7, durante los cuales afirma haber sido “torturado repetidamente” por orden de Sabeti.
«Su tortura le dejó una pesada carga psicológica. Cada día es una lucha. Ha seguido años de terapia para intentar superar las secuelas. Tan solo pensar en su tortura es una experiencia visceral y dolorosa. A veces sufre reacciones de estrés postraumático cuando intenta hablar de ello: temblores, mareos.»

Juan Nadie III: Estudiante de secundaria al momento de su arresto por la SAVAK, acusado de haber difundido panfletos anti-Sha. Tras ser denunciado por un compañero detenido con un arma artesanal, fue inculpado de participación en un grupo armado y condenado a dos años de prisión. Según la demanda, allí sufrió torturas atroces, «todas autorizadas y supervisadas por Sabeti», cuyas secuelas aún lo afectan.
«Revivir y contar su tortura es una experiencia penosa, a veces vergonzosa y humillante. El trauma le dejó una pesada carga que lleva consigo toda la vida, aunque ha hecho todo lo posible por afrontarla.»

 

13/09/2025

RICHARD LUSCOMBE
Après avoir construit une vie tranquille en Floride, Parviz Sabeti, le “tortionnaire en chef” présumé du Shah d’Iran doit désormais faire face à un procès

Richard Luscombe à Orlando, The Guardian, 11/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Richard Luscombe est correspondant du Guardian US basé à Miami, Floride

Parviz Sabeti s’était fabriqué une nouvelle vie anonyme pour lui et sa famille – mais il est aujourd’hui visé par une plainte avec demande de dommages et intérêts pour 225 millions de dollars pour atrocités commises dans les prisons de Téhéran et d’ailleurs 

Les voisins de la riche communauté de Windermere, en Floride, les connaissent sous les prénoms de Peter et Nancy, un couple de retraités apparemment aimable qu’ils saluent lors de promenades matinales, et qui semblent toujours heureux de recevoir leurs deux filles adultes brillantes, dont l’une est une professeure de sciences respectée à l’université Harvard.

Pourtant, derrière les hauts murs de leur manoir au bord du lac, d’une valeur de 3,6 millions de dollars, se cache une réalité plus sombre et soigneusement gardée : « Peter » est en réalité Parviz Sabeti, l’ancien chef présumé de la police secrète et « tortionnaire en chef » du régime prérévolutionnaire du Shah d’Iran. Il fait aujourd’hui face, en Floride, à une plainte à 225 millions de dollars pour atrocités commises dans les prisons de Téhéran et d’ailleurs. [chacun des 3 plaignants réclame 75 millions de $ de dommages et intérêts, NdT]

Le mois dernier, un juge fédéral de district a statué que Sabeti, âgé de 89 ans, – après avoir construit avec succès une vie anonyme pour lui et sa famille depuis sa fuite de son pays en 1978 – devait répondre devant la justice dans le cadre d’une plainte déposée par trois plaignants se présentant comme d’anciens prisonniers politiques.

Dans les documents déposés au tribunal, les plaignants affirment avoir fait partie des milliers de personnes arrêtées par la SAVAK, l’agence de sécurité intérieure et de renseignement tristement célèbre pour sa brutalité, parce qu’elles étaient perçues comme des opposants au Shah. Ils disent avoir subi des abus sous les ordres directs de Sabeti : viols, électrochocs, quasi-noyades et arrachage forcé d’ongles.

“Apollo”

Un dispositif particulièrement barbare, affirment-ils, était « Apollo », une chaise électrique baptisée d’après le programme spatial usaméricain, équipée d’un casque métallique qui amplifiait les cris des victimes jusque dans leurs propres oreilles.


Anciens prisonniers mutilés par la SAVAK, la police politique du Shah, 28 février 1980 en Iran – Michel Artault/Gamma-Rapho/Getty Images

Sabeti n’a pas répondu publiquement aux accusations déposées devant le tribunal, mais a déjà nié par le passé que la SAVAK ait torturé des détenus, affirmant qu’il s’était « toujours opposé à la torture ».

Si sa localisation était restée inconnue pendant près de 45 ans, son rôle au sein du gouvernement iranien – en tant que directeur du département de la sécurité intérieure de la SAVAK et architecte présumé de sa cruauté – n’a jamais fait de doute.

Un rapport secret de la CIA, rédigé en 1978 et publié seulement en 2018, l’identifiait comme un allié farouchement loyal du Shah, « largement reconnu comme l’un des hommes les plus puissants et les plus redoutés du régime… avec autorité pour arrêter, interroger et poursuivre les opposants à travers tout le pays », selon la plainte.

Les estimations varient sur le nombre de victimes de la SAVAK entre sa création en 1957 et sa dissolution en 1979, mais plusieurs milliers de personnes auraient été détenues et torturées, et au moins plusieurs centaines tuées.

Les trois plaignants, des Iraniens résidant en Californie âgés de 68 à 85 ans, affirment avoir été enlevés par la SAVAK à Téhéran, battus pour leur arracher de faux aveux, puis emprisonnés. La demande des avocats de Sabeti visant à faire rejeter l’affaire pour prescription a été rejetée par le juge fédéral Gregory Presnell, du district central de Floride, le 12 août. Un procès pourrait avoir lieu dès l’an prochain.

Selon la plainte, Sabeti « a passé les quatre dernières décennies loin du regard public, dissimulant son identité et sa localisation ». Lui et son épouse Nasrin, 75 ans, auraient même pu rester incognito si l’une de leurs filles ne l’avait pas « accidentellement révélé » dans un tweet de février 2023, le montrant lors d’un rassemblement à Los Angeles contre le gouvernement islamique iranien.

La photo de Sabeti ressurgit le 19 février 2023 à Munich, dans une manifestation de monarchistes partisans de Reza Pahlavi, surmontée par la phrase “Cauchemar de futurs terroristes” et agrémentée de sa déclaration du 7 septembre 1978 : “Si la SAVAK est dissoute, les terroristes règneront sur l'Iran”


Bien que la révélation ait pu être accidentelle, et ait directement permis aux avocats des plaignants de le localiser et de déposer la plainte, certains y voient une manœuvre de la diaspora iranienne aux USA visant à « blanchir » l’histoire du régime déchu du Shah et à préparer l’opinion en faveur d’un futur gouvernement pro-occidental.

Reza Pahlavi, surnommé parfois le « prince héritier » d’Iran car fils du dernier Shah Mohammad Reza Pahlavi, déclarait dans une interview au Guardian en 2023, au plus fort des manifestations anti-Téhéran, qu’il travaillait à un « charte de principes démocratiques » pour un futur gouvernement iranien. Depuis, il s’est présenté comme prêt à remplacer l’ayatollah Ali Khamenei et à devenir chef d’État par intérim.

Dans ce cadre, Sabeti aurait travaillé comme « conseiller en sécurité » de Reza Pahlavi, selon un article publié en 2023 sur le site du Conseil national de la résistance iranienne, coalition politique se présentant comme un parlement en exil [émanation de l’organisation des Moudjahidines du Peuple, NdT].

Les tentatives du Guardian pour contacter Sabeti – par emails, appels téléphoniques à son domicile et messages à ses quatre avocats – sont restées vaines.

Une chose ne fait pas débat : le confort dont Sabeti et sa famille ont bénéficié aux USA depuis leur arrivée en Floride en 1978, après avoir fui Téhéran quelques semaines avant la révolution islamique de 1979.

Selon des documents du département d’État ayant fuité, la famille Sabeti aurait transféré une somme importante depuis l’Iran – estimée par une source à plus de 20 millions de dollars. En Floride, ils ont américanisé leurs prénoms en Peter et Nancy. Sous ces identités, Sabeti a fondé une société immobilière prospère en Floride centrale. Lui, son épouse et leurs deux filles figurent toujours comme dirigeants de plusieurs entreprises encore actives.

Les registres publics montrent que la famille possède au moins huit propriétés dans le comté d’Orange, dont le manoir de Windermere (5 chambres, 6 salles de bains) acquis pour 3,5 millions de dollars en août 2005.

Le département d’État et la CIA n’ont pas répondu aux questions sur le statut migratoire des Sabeti aux USA ou les conditions de leur admission en 1978. Cependant, Parviz et Nasrin Sabeti disposent d’une inscription électorale active en Floride et ont voté à l’élection présidentielle de 2024, preuve de leur naturalisation usaméricaine.

Une voisine a déclaré voir souvent le couple, en particulier Nasrin, marcher dans le quartier, mais a précisé que les Sabeti semblaient surtout attachés à leur discrétion. Leur maison était presque toujours silencieuse, hormis les visites ponctuelles de leurs filles.

Aucune des filles n’a répondu aux demandes de commentaires.

Le procureur général républicain de Floride, James Uthmeier, n’a pas répondu à la question de savoir s’il ouvrirait une enquête pénale sur les activités de Sabeti, comme il l’a déjà fait pour d’autres personnes accusées de crimes à l’étranger et résidant en Floride.

Sara Colón, avocate des plaignants, s’est félicitée du refus du juge Presnell de rejeter l’affaire et de sa décision de préserver l’anonymat de ses clients, qui ont déclaré avoir reçu des menaces de mort depuis le dépôt de la plainte.


Un dissident iranien, le visage dissimulé, couché sur une grille à trois niveaux munie de brûleurs retrouvée dans la cave d’un haut responsable de la SAVAK, incendiée par des manifestants le 31 décembre 1978 – Derek Ive/AP

« Ces décisions représentent une avancée positive pour les survivants de la torture qui cherchent reddition de comptes et justice. Cette affaire ne vise pas seulement à mettre fin à l’impunité, mais à affirmer que les survivants ont le droit de poursuivre la justice et de retrouver leur dignité sans peur », a-t-elle déclaré.

Le Collectif iranien pour la justice et la reddition de comptes, association militant pour les victimes de torture et leurs familles, a dit espérer que l’affaire Sabeti contribue à mettre fin au « cycle de violence » observé en Iran, d’abord sous le Shah puis sous le gouvernement islamiste qui lui a succédé.

« Le message doit être clair et simple : toutes les victimes méritent justice, et tous ceux qui ont participé à la torture et à la répression doivent rendre des comptes », a affirmé un porte-parole.

« Les racines des politiques brutales menées aujourd’hui par la République islamique d’Iran sont liées aux méthodes de torture instaurées par Sabeti et la SAVAK. [Cette affaire] doit marquer le rejet d’un futur Iran qui rétablirait la SAVAK ou accorderait une amnistie générale aux forces de sécurité actuelles impliquées dans la torture et la répression.

Ce n’est qu’à travers justice et reddition de comptes que nous pourrons surmonter la violence et la répression horrifiques qui dominent l’Iran depuis des décennies. »

Témoignages des trois plaignants, dont l’anonymat a été préservé, cités par Justin Rohrlich, The Independent, 24 février 2025 :

John Doe I : Étudiant à l’université de Tabriz, arrêté dans son dortoir en 1974 par la SAVAK. Selon la plainte, il a été torturé pendant des semaines, accusé d’avoir fourni un recueil de poèmes politiques interdits à un camarade. La torture aurait été « coordonnée » et « approuvée » par Sabeti. Après 40 jours d’interrogatoires violents, il a été traduit devant un tribunal militaire, accusé d’atteinte à la sécurité nationale, et condamné à quatre ans de prison.

« Il a souffert toute sa vie de problèmes rénaux dus aux blessures et infections subies en prison. Il porte encore les cicatrices des coups de fouet, qu’il a cachées, ainsi que les détails de son calvaire, à la plupart des gens de son entourage. »

John Doe II : Artiste, membre d’un collectif artistique fermé de force par la SAVAK dans les années 1970. Arrêté et emprisonné à plusieurs reprises pour avoir notamment défendu la liberté d’expression, il a été condamné par un tribunal militaire à 12 ans de prison, dont 7 purgés, au cours desquels il dit avoir été « torturé à répétition » sur ordre de Sabeti.

« Sa torture a laissé une lourde charge psychologique. Chaque jour est une lutte. Il a suivi des années de thérapie pour tenter de surmonter les séquelles. Rien que penser à sa torture est une expérience viscérale et douloureuse. Parfois, il souffre de réactions de stress post-traumatique lorsqu’il essaie d’en parler : tremblements, étourdissements. »

John Doe III : Lycéen lors de son arrestation par la SAVAK, accusé d’avoir diffusé des tracts anti-Shah. Après qu’un camarade, arrêté avec une arme artisanale, l’a dénoncé, il a été inculpé de participation à un groupe armé et condamné à deux ans de prison. Selon la plainte, il y a subi des tortures atroces, « toutes autorisées et supervisées par Sabeti », dont les séquelles l’affectent encore.

« Revivre et raconter sa torture est une expérience pénible, parfois honteuse et humiliante. Le traumatisme lui a laissé un lourd fardeau qu’il porte depuis toute sa vie, même s’il a fait de son mieux pour y faire face. »

 

ALEX SHAMS
Notre homme pour Téhéran
La campagne soutenue par les USA et Israël pour placer Reza Pahlavi, fils du Shah, à la tête d’un changement de régime en Iran

Alex Shams, Boston Review, 6/8/2025

Traduit par Tlaxcala

Lorsqu’Israël a lancé une attaque surprise contre l’Iran le 13 juin, son objectif déclaré était de détruire le programme nucléaire de son adversaire. Mais en quelques jours, la mission a pris une autre tournure. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a ouvertement admis que l’opération pourrait conduire au renversement de la République islamique. Le dernier jour des combats, Donald Trump, qui avait soutenu l’attaque dès le début, a rejoint Netanyahou dans le discours de changement de régime.



12/09/2025

SUSANA ALBARRÁN MÉNDEZ
Netanyahou annule sa visite en Argentine

Susana Albarrán MéndezEl Salto, 1/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Communicatrice sociale originaire de Mexico, migrante et féministe, vivant à Vallecas (Madrid), rédactrice au site El Salto Diario susiqiumadvk @SusiQiuMad

Le dirigeant de l’État sioniste cherche désormais à rencontrer Javier Milei lors de l’Assemblée générale de l’ONU, qui se tient fin septembre, où l’on s’attend à l’annonce de la reconnaissance de l’État palestinien par des pays comme la France, le Royaume-Uni ou l’Australie.

Début août, la visite de Netanyahou en Argentine avait déjà été mise en suspens. Les critiques contre l’invitation du gouvernement de Javier Milei au Premier ministre israélien ne se sont pas fait attendre et divers secteurs ont remis en cause l’initiative du président argentin d’inviter le principal artisan du génocide palestinien. C’est précisément la semaine où sa visite était attendue, entre le 7 et le 10 septembre, qu’il a définitivement annulé son voyage dans le pays sud-américain « pour des raisons de sécurité » — en réalité, par crainte d’être arrêté dans un pays où le mandat d’arrêt émis en novembre 2024 par la Cour pénale internationale (CPI) pourrait être exécuté. Ce type de mandat oblige tout pays reconnaissant l’autorité de la Cour à arrêter et à remettre l’accusé à la justice.


Récemment, une organisation palestinienne de défense des droits humains a déposé une plainte devant les tribunaux fédéraux argentins au nom des familles de plusieurs victimes : des employés de l’ONU, des membres de la Défense civile palestinienne et deux secouristes du Croissant-Rouge ayant survécu à une opération israélienne à Rafah, au cours de laquelle 15 personnes ont été exécutées à bout portant puis enterrées dans une fosse commune. La plainte a été déposée par l’avocat argentin Rodolfo Yanzón, spécialiste des crimes contre l’humanité, et par Raji Sourani, directeur du Centre palestinien des droits humains.

À l’approche éventuelle de la visite de Benjamin Netanyahu, Yanzón a demandé que « son arrestation immédiate soit ordonnée afin de le remettre à la CPI ou, à défaut, qu’il soit jugé en Argentine ». Les avocats soutenaient que la mesure était justifiée, considérant Netanyahou comme responsable de l’attaque en tant que plus haute autorité politique d’Israël.

En Argentine, plusieurs demandes d’arrestation de Netanyahu ont été présentées début août. La première provenait de l’Association des travailleurs de l’État (ATE) et du collectif de défense des droits humains HIJOS ; d’autres ont suivi, notamment de la part des Mères de la Place de Mai — Ligne fondatrice, du Serpaj et d’autres organisations. Quelques jours plus tard, le Llamamiento Argentino Judío (Appel argentin juif) a déposé une requête similaire. La semaine dernière, les Grands-mères de la Place de Mai ont publié un communiqué condamnant la possible visite du Premier ministre israélien ainsi que l’attitude du gouvernement de Milei face au génocide palestinien.

D’excellentes relations Argentine–Israël
Depuis l’annonce par Netanyahu de la prise de Gaza avec toute l’artillerie des FDI, qui a causé en moyenne 100 morts par jour, le Premier ministre israélien fait face à une pression internationale croissante, aussi bien de la part de gouvernements que de la société civile mondiale, qui a intensifié ses protestations contre sa politique d’extermination envers la population palestinienne. L’Argentine, cependant, est toujours restée un allié fidèle de l’État sioniste, soutien que Milei a renforcé depuis son arrivée à la présidence.

Lors de leur rencontre en juin dernier, Netanyahu a qualifié Milei de « véritable ami » d’Israël, tandis que l’Argentin a salué « la gestion de la guerre » à Gaza.
Cette réunion, qui s’est tenue lors de la visite de Milei à Jérusalem, a abouti à un mémorandum d’entente en matière de coopération incluant des accords économiques et militaires. Au cours de ce déplacement, Milei a également reçu le « Nobel juif » décerné par la Fondation Genesis, une distinction accompagnée d’un million de dollars destiné à des projets renforçant les liens entre l’Amérique latine et Israël.


Depuis lors, les relations entre les deux gouvernements se sont resserrées, Israël représentant pour l’Argentine son deuxième meilleur allié après les USA, désormais dirigés par Donald Trump.

Le soutien de la politique extérieure argentine s’est également manifesté à l’ONU par des votes alignés sur Netanyahou et Trump. L’homme clé dans ce dossier est Francisco Tropepi, représentant de l’Argentine aux Nations unies et ancien bras droit de l’ambassadeur argentin à Washington, Gerardo Werthein. Tropepi entretient des liens étroits avec le pouvoir israélien, ayant déjà occupé le poste de chargé d’affaires lorsqu’il était le second de l’ex-ambassadeur d’Argentine en Israël, Sergio Urribarri.

Tropepi

Une autre preuve du rapprochement entre l’Argentine et Israël a été la décision de déclarer le « Cartel de los Soles », une soi-disant organisation criminelle vénézuélienne, groupe terroriste. Une stratégie de Milei pour s’aligner sur la politique étrangère d’Israël et des USA face à l’axe Caracas–Téhéran. Cette décision a également été critiquée en Argentine car elle manque de fondement judiciaire clair.

Le président sud-américain cherche maintenant à obtenir une nouvelle rencontre avec le président Trump, lors de sa visite à New York pour l’Assemblée générale. Netanyahou a proposé de rencontrer Milei le 25 septembre à New York, profitant de son propre déplacement dans la ville.

De son côté, le gouvernement Trump a révoqué et refusé des visas à des diplomates palestiniens de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) et de l’AP (Autorité palestinienne), les empêchant ainsi d’entrer aux USA, où se trouve le siège de l’ONU, et de participer aux débats. Fin septembre s’ouvrira la 80e session de l’Assemblée générale de l’ONU, où l’on attend l’annonce de la reconnaissance de l’État palestinien par des pays comme la France, le Royaume-Uni ou l’Australie.

SERGIO FERRARI
Argentine. : une victoire électorale contre le sociocide de Milei

Sergio Ferrari, El Independiente, 11/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Avec près de 14 points d’écart, le dimanche 7 septembre, le péronisme-kirchnérisme a infligé dans la province de Buenos Aires le premier coup politique d’envergure au gouvernement de Javier Milei et à son projet antisocial. « Une raclée électorale », ont titré divers médias nationaux et internationaux, en commentant des résultats qu’aucun institut de sondage n’avait prévus.

Retraités en résistance, bordel

Près de deux ans après la victoire de Milei en 2023, l’élection des parlementaires provinciaux buenos-airiens constituait le test le plus significatif de l’état d’esprit politique de la population dans son ensemble.

La province de Buenos Aires, avec plus de 17 millions d’habitants – soit le double de la population de la Suisse –, regroupe presque un tiers de l’électorat argentin. Historiquement, les résultats de ce géant démographique de 307 000 km² (plus vaste que l’Italie) constituent l’un des indicateurs de référence des tendances électorales à l’échelle nationale.

Le prochain 26 octobre sera l’autre moment clé pour évaluer la marche du projet « anarcho-libertarien-antisocial » de Milei : les élections parlementaires nationales. Y seront élus la moitié des députés et un tiers des sénateurs. D’où l’importance du scrutin du 7 septembre dernier.

Des résultats sans appel

Fuerza Patria, qui regroupe les péronistes-kirchnéristes et leurs alliés, avec plus de 3 800 000 suffrages (47,3 % des voix), a été le grand vainqueur. Avec 2 700 000 voix (33,7 %), La Libertad Avanza de Javier Milei, qui a absorbé dans cette élection la Proposition Républicaine (PRO) de l’ancien président de droite Mauricio Macri, est arrivée en deuxième position. En d’autres termes, Milei a rassemblé dans ce scrutin tout l’éventail de la droite et de l’extrême droite.

Très loin derrière, avec un peu plus de 5 %, on trouve Somos Buenos Aires (un secteur de l’ancien Parti radical du centre), suivi en quatrième position par le Front de gauche et des travailleurs – Unité, qui a obtenu 4,7 % des voix. Une dizaine d’autres petites forces se sont situées en dessous de 2 % chacune, sans atteindre, ensemble, les 10 % des suffrages.

Deux conclusions principales

Au-delà de l’arithmétique et de la majorité parlementaire nette que les péronistes-kirchnéristes conserveront pendant quatre ans dans la plus grande province d’Argentine, deux principaux éléments d’analyse émergent comme conclusions provisoires.

En premier lieu, et c’est le plus évident, la victoire incontestable des péronistes-kirchnéristes sur La Libertad Avanza du président Milei. Plus globalement, on peut l’interpréter comme un rejet clair, par une majorité d’électeurs de Buenos Aires, du projet de rigueur antisociale radicale mis en œuvre par le dirigeant libertarien avec l’aval du Fonds monétaire international.

Si Milei est parvenu à un contrôle relatif de l’inflation, le coût social de son ajustement, le démantèlement accéléré de l’État social, la dépendance totale vis-à-vis du FMI, ainsi que son alignement aveugle sur Donald Trump et Benyamin Netanyahou (principaux référents de sa vision géopolitique) lui valent une lourde facture politique. À cela s’ajoutent le rejet populaire du négationnisme de Milei en matière de droits humains et de changement climatique, ainsi que la condamnation de la répression constante exercée par son gouvernement contre toute forme d’opposition, notamment contre les retraités qui, depuis des mois, mènent la contestation sociale dans les rues.

Par ailleurs, le triomphe de Fuerza Patria conduit à analyser les dynamiques internes de ce vaste ensemble politique péroniste-kirchnériste. Trois grands secteurs s’y croisent : celui d’Axel Kicillof (53 ans), actuel gouverneur de Buenos Aires, héritier du kirchnérisme mais revendiquant une autonomie de gestion ; le secteur kirchnériste mené par Cristina Fernández de Kirchner (72 ans), aujourd’hui proscrite, assignée à résidence mais toujours présidente du Parti justicialiste (péroniste) au niveau national ; et la mouvance centriste Renovación Peronista de l’ancien candidat  à la présidentielle Sergio Massa (53 ans).

Cependant, au-delà de ces forces structurées, le péronisme-kirchnérisme intègre une grande diversité de secteurs sociaux, ce qui complexifie encore davantage la conduite unifiée de ce large mouvement : les principales centrales syndicales du pays ; les mouvements sociaux urbains et ruraux ; les gouverneurs provinciaux péronistes – souvent porteurs de projets et d’intérêts propres, et disposés à négocier avec le gouvernement national – ainsi que les maires. À titre d’exemple, rien qu’à Buenos Aires, le péronisme a remporté le 7 septembre dernier près d’une centaine des 135 municipalités de la province, où l’on élisait également des conseillers municipaux et scolaires.

Une première lecture laisse penser que le grand gagnant de cette dynamique interne est Axel Kicillof, qui a imposé sa volonté d’avancer à septembre ce scrutin provincial, séparé des élections législatives d’octobre prochain. Les urnes ont montré que ce pari politique à haut risque était le bon. Cependant, la victoire du péronisme-kirchnérisme livre aussi une leçon essentielle : sans unité dans la diversité, il n’y a pas de victoire contre le projet de Milei.

Le grand défi des prochains mois et années consistera non seulement à maintenir cette fragile unité au sein du camp national et populaire, mais aussi à l’élargir à d’autres secteurs, afin que le succès enregistré à Buenos Aires puisse dépasser, à l’échelle nationale, les 50 % de soutiens électoraux – condition indispensable pour détrôner ce dangereux laboratoire de sociocide que met en œuvre le gouvernement Milei.