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27/10/2022

ADAM RAZ
Pourquoi Israël a secrètement décidé d'effacer la Ligne verte des cartes

Adam Raz, Haaretz, 9/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

النسخة العربية  لماذا قررت إسرائيل محو الخط الأخضر سراً؟

Les procès-verbaux des réunions très secrètes du cabinet en 1967 révèlent comment la décision d'effacer la Ligne verte de la carte officielle d'Israël a été prise. Et ce n'était pas la seule chose qui a été effacée

Une tempête médiatique a éclaté le mois dernier à la suite de la décision de la municipalité de Tel-Aviv d'accrocher dans les salles de classe des cartes d'Israël montrant la Ligne verte – la ligne d'armistice sur laquelle Israël et ses voisins se sont mis d'accord en 1949, à la suite de la guerre d'indépendance d'Israël. Jusqu'en 1967, cette ligne représentait la frontière orientale de facto d'Israël et délimitait son territoire souverain. La ligne n'est pas apparue sur les cartes officielles de l'État d'Israël pendant toutes les années de l'occupation, et ce délibérément, à la suite de décisions secrètes prises par le cabinet de sécurité à la fin de 1967. Au lieu de la Ligne verte, il a été décidé de désigner les frontières (non officielles) d'Israël par les lignes de cessez-le-feu de la guerre de six jours qui a eu lieu en juin de la même année, englobant les territoires de la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), la bande de Gaza, la péninsule du Sinaï et les hauteurs du Golan.

Depuis lors, les cartes officielles imprimées par Survey of Israel, le service cartographique gouvernemental, n'ont pas établi de distinction entre le territoire de l'État tel qu'il était à la veille de la guerre de 1967 et ce qu'il comprenait par la suite. Dans la pratique, comme le montre la carte officielle, Israël (et non « État de » ni « Terre de ») s'étend de la mer Méditerranée, à l'ouest, au Jourdain, à l'est. La décision politique de 1967 d'effacer la ligne de la carte officielle a peut-être eu pour but de laisser ouvertes toutes les options concernant l'avenir de ces territoires. Toutefois, avec l'établissement de colonies de peuplement dans les territoires occupés et leur transformation, aux yeux de beaucoup, en une partie intégrante d'Israël, l'effacement de la ligne est passé d'un exercice cartographique à une réalité politique. La Ligne verte a en fait été oubliée et, pour de nombreux Israéliens, elle n'existe plus concrètement.

La réaction du maire Benny Kashriel, de Ma'aleh Adumim, une colonie urbaine en Cisjordanie, à la décision de la mairie de Tel-Aviv reflète fidèlement la réalité politique d'Israël. Selon Kashriel, « l'État de Tel-Aviv et ses dirigeants pensent que les frontières de la Terre d'Israël se terminent à Gush Dan [agglomération de Tel-Aviv]. Je les invite à quitter Sheinkin et Ibn Gavirol [rues de Tel-Aviv] et à venir nous voir à Ma'aleh Adumim pour voir de près ce qu'est une colonie. »

Au-delà du verbiage anti-Tel Aviv, qui est à la mode dans certains milieux, la position du maire, selon laquelle Ma'aleh Adumim fait partie d'Israël, reflète une position étatique de longue date. En effet, hityashvut (le terme politiquement neutre utilisé par Kashriel pour « colonisation », au lieu de hitnahlut, le mot habituellement employé, parfois de manière dérisoire, pour désigner la colonisation dans les territoires occupés) est un projet d'État. Cependant, comme les décideurs l'ont très bien compris, il était nécessaire d'être ambigu dès le départ sur la question.

Ainsi, en octobre 1967, lors d'une réunion du comité ministériel sur la sécurité concernant la « disparition » de la Ligne verte, le projet de colonisation n'étant pas encore à l'horizon, le ministre de la Défense Moshe Dayan a clairement indiqué que, selon certains, « nous ne devrions pas manifester nos intentions expansionnistes ». Depuis lors, Israël a clairement manifesté ses intentions. De son côté, le ministre sans portefeuille Menahem Begin a déclaré qu'il « n'était pas d'accord avec le terme « expansion » [hitpashtut, en hébreu], tout comme je n'étais pas d'accord avec le terme « occupation ». C'est une très mauvaise phraséologie. » 

Cartes officielles d'après les guerres de 1948,  1967 et 1973

 

Un certain nombre de réunions des hauts dirigeants israéliens en octobre et novembre 1967 ont été consacrées à l'avenir de la Ligne verte sur des cartes publiées par l'État. Pour les participants, il était clair que la décision sur le sujet n'était pas anodine. À la suite de la décision prise par le gouvernement à l'automne d'annuler les lignes d'armistice de 1949, le ministre du Travail, Yigal Allon, a soumis une résolution au comité ministériel sur la sécurité. Allon dit : « Ma proposition est simple. Prendre un instantané de la vraie réalité reconnue, telle qu'elle est. » 

 

« Assis sur de nouvelles lignes »

Ce qu'il voulait dire, c'est que l'État devrait publier des cartes basées sur le « statut du cessez-le-feu » dans la guerre des Six Jours et non sur celui des lignes d'armistice de 1949. En d'autres termes, effacer la frontière orientale reconnue d'Israël de la carte officielle. Comme l'a expliqué Allon lors d'une des réunions : « La logique est la suivante : le gouvernement a décidé que lors de la déclaration de la guerre des Six Jours, les accords d'armistice ont cessé d'exister, avec tout ce que cela implique. S'il n'y a pas de lignes d'armistice, il n'y a pas de frontières... Nous sommes assis sur de nouvelles lignes, qui ont le statut de lignes de cessez-le-feu. »

Pratiquement tous les ministres étaient en faveur du projet de résolution. Le Premier ministre, Levi Eshkol, l'a accepté, expliquant dans l'une des discussions : « C'est aujourd'hui une carte qui n'est qu'un instantané de la situation existante. [Mais] cela ne signifie pas que c'est la carte finale. » Les ministres étaient conscients des implications de leur décision. Le ministre du Commerce et de l'Industrie, Zeev Sherf, a noté que « la publication d'une carte du service cartographique gouvernemental est un acte politique, important et grave ». C'est pourquoi Eshkol a dit qu'il « préférerait que nous n'ayons pas d'opinions divergentes à ce sujet ».

Le ministre de la Police Eliahu Sasson, qui était également en faveur de la décision, a expliqué la logique qu'il y a trouvée : « Les territoires administrés sont trois fois plus grands que la zone précédente de l'État d'Israël. Il y a des pays qui savent que nous avons conquis tel ou tel territoire, mais ils n'imaginent pas la taille des territoires que nous avons conquis. Si nous leur donnons une carte sur laquelle nous marquons séparément les territoires administrés par les Forces de défense israéliennes, ils verront à quel point Israël était minuscule et quelle est la taille des territoires administrés. Nous ne devrions pas placer une telle carte entre les mains de ceux qui veulent que nous nous retirions des territoires administrés. »

Les discussions ont porté sur divers points. L'un des plus intéressants d'entre eux concernait le titre de la carte : « État d'Israël » ou simplement « Israël » ? « Nous avons convenu, nota Allon, que pour éviter les allégations d'annexions et autres, le titre de la carte serait ‘Israël’ et le sous-titre ‘Carte des lignes de cessez-le-feu’. »

Un débat a été consacré à la question de la censure et à la crainte que la décision d'effacer cette ligne ne devienne publique avant la réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies, prévue quelques semaines plus tard, début novembre. C'est le ministre des Affaires étrangères Abba Eban qui a demandé que les cartes ne soient imprimées qu'après les sessions de l'Assemblée générale, et c'est ce qui s'est passé. Cependant, ce n'était pas seulement une question de diplomatie, c'était aussi une question intérieure. En effet, Eban lui-même a déclaré dans l'une des discussions : « Je pense qu'il y a des raisons internes et externes pour effacer la ligne de la carte. »

L'une de ces raisons était probablement le désir d'établir des colonies sur les hauteurs du Golan. À l'époque, la plupart des ministres n'aspiraient pas à un vaste projet de colonisation en Cisjordanie. Mais les choses étaient différentes quand il s'agissait des hauteurs du Golan ; Allon a expliqué que laisser les cartes avec la Ligne verte dessus était quelque chose qui « ne pouvait nous contrarier que dans le cas des hauteurs du Golan ». Il avait raison. Aux yeux de la plupart des Israéliens, les colonies de peuplement qui ont été construites sur les hauteurs du Golan depuis lors sont considérées comme des yeshuvim - terme politiquement neutre – et non comme des hitnahaluyot, le terme utilisé, comme on l'a noté, pour désigner les colonies de peuplement d'après 1967.

Le ministre de la justice Yaakov Shimshon-Shapira a également évoqué la dissimulation de la décision et ses implications. « Des cartes [des lignes] du cessez-le-feu ont déjà été publiées des dizaines de fois. Quel est le secret ici ? Le secret est que le gouvernement a décidé de publier une carte de ce genre en tant que carte officielle. » Ainsi, les décisions du comité ministériel pour la sécurité d'effacer la Ligne verte des cartes officielles ont été qualifiées de « top secret » et n'ont pas été publiées pendant des années.

L'effacement de la ligne n'avait pas pour but de délimiter une nouvelle frontière pour Israël, mais cette question a été soulevée tout au long des discussions. « Il faut qu'il y ait une note [indiquant] qu'il ne s'agit pas d'une carte des frontières du pays, mais des lignes de cessez-le-feu. Cela enlève tout le « piquant » » », a déclaré le ministre de l'Information Israël Galili. Dans la pratique, cependant, la question de la frontière a été divisée en plusieurs questions. Le directeur général du ministère de l'Intérieur, Meir Silverstone, a écrit en septembre 1967 à son ministre, Haim-Moshe Shapira, que « le ministre de la Défense (et peut-être d'autres ministres) sont favorables à une approche de « brouillage » de la frontière entre l'État et le territoire administré. Pour cette raison, ils ne veulent pas que nous nous occupions de la question par le biais d'une supervision des frontières sur la base de la loi sur l'entrée en Israël. »

« Un seul Israël »

Il convient de rappeler que la municipalité de Tel-Aviv n'a pas été le premier organisme à vouloir restaurer la Ligne verte sur les cartes – le sujet a en fait été débattu au fil des ans. Par exemple, en 2006, lorsque le ministre de l'Éducation, Yuli Tamir (travailliste), a lancé une enquête pour déterminer si la ligne pouvait être restaurée sur des cartes dans les manuels scolaires, cela a généré une brève fureur politique. Le fait que la Ligne verte n'apparaisse pas sur les cartes officielles, et que l'histoire de son existence ne soit pas correctement enseignée dans le système éducatif, a permis de reproduire pendant des décennies l'ignorance sur les limites du territoire souverain d'Israël. « Il n'y a pas de Ligne verte. Il y a un Israël. Un enfant dans [la colonie de] Karnei Shmron, dans Netivot [en Israël souverain], dans [les colonies de] Ariel ou Ofra – ils sont un seul et même enfant », a déclaré le ministre de l'Éducation Naftali Bennett des années plus tard. « Nous enseignons sur toute la Terre d'Israël, sans distinction. »

La décision d'effacer la Ligne verte des publications de Survey of Israel a également été adoptée pour d'autres cartes. En décembre 1967, par exemple, de nouvelles cartes ont été imprimées pour marquer les « nouveaux sentiers » de la Société pour la protection de la nature en Israël. « La carte contient les nouveaux sentiers qui ont été marqués dans le désert de Judée libéré, le long desquels des milliers de jeunes vont faire de la randonnée durant quelques jours pendant les sorties de Hanoukka des mouvements de jeunesse », a écrit le journal Lamerhav (l'organe du parti de Galili et Allons, les travaillistes). La Ligne verte, notait-on dans l'article, avait été « complètement retirée de la carte ».

Les considérations étaient très claires. Dans l'une des discussions sur la question, le Premier ministre Eshkol a explicitement fait référence à la considération cachée qui sous-tend l'effacement de la Ligne verte et la décision de le garder secret, disant : « Nous savons tous pourquoi une mariée vient se tenir sous le dais*. Mais nous n’en parlons pas ».

NdT

*Dais : la houppa est un dais sous lequel les mariés juifs se tiennent lors de la cérémonie de mariage, pour symboliser le foyer commun qu’ils fondent


 

Pour apporter un peu d'oxygène, quelques cartes de la Palestine, réalisées par Rami Abou Qa'adan, un jeune Palestinien de Cisjordanie, sans aucune ligne, ni verte, ni bleue. Yalla Filastin!

 



 

“Ras-le-bol des machines à laver ! Vivement qu’on en revienne à la polygamie !” : Meir Mazzouz, le rabbin tunisien de Bnei Brak, n’en rate pas une

 


Haaretz, 26/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT : Meir Mazzouz, illustre rejeton de Matsliah Mazzouz, le rabbin et posseq [docteur ès halakha-loi juive] de Djerba, assassiné en 1971 en Tunisie (son meurtrier était, selon les sources, un “nationaliste arabe” ou un “fanatique musulman” ou même un Palestinien), est le doyen de la yeshiva Kissé Rahamim à Bnei Brak, capitale du sionisme religieux, et pourrait fort bien se retrouver ministre en cas de victoire de Netanyahou aux prochaines élections, étant donné que l’ensemble des partis et groupes  dits orthodoxes se sont coalisés derrière Bibi et son Likoud. Ce partisan de la lapidation des gays et lesbiennes a trouvé l’explication au fait que selon lui, les pays arabes avaient été épargnés par le COVID-19 : ils ont interdit les gay prides ! En revanche, il a expliqué la propagation du virus en Iran par le fait que les Iraniens sont des “tordus” qui “haïssent Israël”. Cet allumé du bocal vient d’en remettre une couche.

“Aujourd'hui, nous avons quatre femmes à la maison. Nous avons une machine à laver, c’en est une. Nous avons une cuisinière à gaz, c’en est une autre. Nous avons un séchoir...” : le chef de la communauté juive tunisienne en Israël, le rabbin Meir Mazzouz, lors de son cours hebdomadaire de Torah diffusé en direct.

Un éminent dirigeant ultra-orthodoxe proche de nombreux députés du camp pro-Netanyahou a été filmé en train de comparer les femmes à des machines à laver et des cuisinières et de pleurer la fin de la polygamie sanctionnée par le rabbinat.

Dans une vidéo de l'une de ses conférences qui a été partagée en ligne, le rabbin Meir Mazzouz, chef de la communauté juive tunisienne en Israël et figure influente dans le monde de la politique nationaliste et ultra-orthodoxe, se plaint qu’« autrefois, la femme faisait tout, même la lessive. Pourquoi était-il permis, à l'époque [talmudique], à un homme de prendre jusqu'à quatre épouses ? Il était fou de chaque femme une semaine par mois ».

« Aujourd'hui, nous avons quatre épouses à la maison. Nous avons une machine à laver le linge, c'en est une. Nous avons une cuisinière à gaz, c’en est une autre. Nous avons un sèche-linge... Autrefois, une femme était un lave-linge, une cuisinière, une meunière, une couturière ».

Mazuz a fait les gros titres cet été lorsqu'il a qualifié les ministres Yair Lapid et Avigdor Liberman de “pires que des nazis”, exprimant l'espoir de leur mort en raison de leur soutien à des changements au statu quo religieux de longue date du pays.

« Il y a beaucoup de mauvaises personnes et nous attendons qu'elles disparaissent un jour du monde », a déclaré Mazzouz lors de sa conférence biblique hebdomadaire diffusée en direct.

« Les nazis aimaient leur peuple. [Lieberman et Lapid] détestent leur peuple. Ils veulent détruire les enfants et les personnes âgées » et fermer les écoles orthodoxes, a-t-il accusé.

Mazzouz est connu pour ses opinions controversées et ses critiques acerbes à l'égard des hommes politiques avec lesquels il est en désaccord. Il avait déjà traité l'ancien Premier ministre Naftali Bennett de "traître" et déclaré que voter pour le ministre des affaires étrangères Yair Lapid revenait à "faire de l'idolâtrie".

En novembre dernier, Mazzouz s'est emporté contre plusieurs groupes au sein du judaïsme, affirmant que les Juifs de l'ancienne Union soviétique et les Juifs réformés sont des non-croyants qui détruisent le judaïsme en Israël.

« Vous devez savoir que ce qui nous arrive n'est pas moins grave que ce qui s'est passé en Russie. Lieberman vient de Russie et en Russie il n'y a pas de religion, il n'y a pas de Dieu, rien, [ce sont] des hérétiques complets », a déclaré Mazzouz à l'époque, ajoutant que « les juifs réformés ont détruit le peuple d'Israël. »

En mars 2020, Mazzouz a affirmé qu'Israël souffrait de la pandémie de coronavirus parce qu'il avait autorisé les parades de gay pride, tandis qu'en 2016, il a prétendu que l'effondrement d'un parking en construction à Tel-Aviv, qui a fait six morts, était dû au manque de respect du shabbat. À l'époque, il était le chef spirituel du parti Yachad, fondé par l'ancien chef du parti ultra-orthodoxe Shas, Eli Yishai.

En 2014, Ynet a rapporté qu'il avait déclaré que les juifs séfarades n'avaient pas péri pendant l'Holocauste parce qu'ils étudiaient la Torah et que l'évasion fiscale des étudiants à plein temps de yeshiva pouvait être autorisée.

Tsahal ne se laisse pas “fragiliser” par les terroristes (parole d'expert)

“L'épisode Abou Aqleh aurait pu fragiliser Tsahal”, mais il n'en a rien été : c'est une des perles de cet “expert” militaire israélien, habitué du studio de la chaîne de propagande israélienne en français i24, interviewé récemment à propos de l'opération destinée à “éliminer le zoo”, comme il appelle les combattants du groupe de Naplouse Arin Al Ousoud (La Tanière des Lions). Notre expert considère en outre que Naplouse se trouve en Israël. Bref, il officialise l'annexion de fait de la Cisjordanie. Deux exemples scolaires du volet médiatique de la guerre contre-insurrectionnelle menée par l'armée la plus morale du monde, en concurrence sérieuse pour ce titre avec l'armée ukrainienne.

 


26/10/2022

YOSSI MELMAN
L'opération en Malaisie montre le recours croissant à l'externalisation par le Mossad

Yossi Melman, Haaretz, 25/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Jusqu'à présent, le Mossad ne s'est écarté de ses méthodes d'opérations spéciales qu'à l'égard de l'Iran. Exploiter une cellule malaisienne pour enlever un expert en informatique palestinien serait un changement pour la « brigade internationale » de l'agence

L'arrestation de ressortissants malaisiens qui, selon des informations locales, ont enlevé un homme de Gaza à Kuala Lumpur au nom du Mossad en septembre et l'ont interrogé sur ses liens avec la branche armée du Hamas, est une erreur embarrassante qui pourrait affecter les plans et les futures opérations d'espionnage israéliennes en Asie du Sud-Est.

Cette affaire a attiré beaucoup d'attention en Malaisie. Plusieurs conclusions peuvent être tirées de cette info. La première, et la plus importante, est que l'opération est apparemment une expansion du recours à l'externalisation [outsourcing] par le Mossad.

Si, dans un passé récent, l'agence a utilisé des agents étrangers principalement pour recueillir des informations et seulement rarement pour des opérations spéciales – la plupart des actions « difficiles » et violentes étant aussi « bleues et blanches » que le drapeau israélien – dans ce cas, des Malaisiens ont apparemment été embauchés pour une opération locale d'enlèvement et d'interrogatoire.

Il s'agit d'un détail important, car jusqu'à présent, il a été signalé que le Mossad ne s'écartait de ses méthodes de fonctionnement et de recrutement que dans le cas de l'Iran.

Le chef du Mossad de l'époque, Yossi Cohen, a laissé entendre en juin 2021, dans une interview d'adieu à l'émission de télévision d'investigation israélienne « Uvda », que des agents étrangers opéraient en Iran pour le Mossad dans son opération de vol des archives nucléaires de Téhéran. Cependant, des informations étrangères ont également attribué des actes de sabotage et des assassinats dans la République islamique au Mossad.

On peut supposer que cette « brigade internationale » subit une formation approfondie, et que les experts du Mossad leur enseignent les secrets de la profession – mais à un niveau inférieur à celui des agents israéliens.

La rigueur du « travail israélien » n'est pas seulement une question de fierté nationale. Le Mossad traitait toujours avec respect les agents étrangers qu'il recrutait ou exploitait, et ne les voyait jamais comme des « traîtres » ou des « mouchards ». De grands efforts ont été déployés pour les convaincre d'être motivés à travailler pour Israël en raison de valeurs, d'intérêts et d'idéologies communs, ainsi que pour établir des liens de fraternité et de solidarité, et non pour exploiter leurs faiblesses. La communauté du renseignement n'a jamais aimé le terme « shtinker » [“puant”, collaborateur, informateur, importé en hébreu israélien de l’allemand stinken, puer, NdT] )pour décrire ses agents étrangers.

D'un autre côté, il est tout à fait logique de compter sur des étrangers dans des États ennemis ou hostiles. La principale considération ici, bien sûr, est de minimiser le risque de capture pour les Israéliens opérant sous des identités étrangères, avec la peine de mort ou d'emprisonnement prolongée que cela impliquerait. De là, il n’y a qu’un pas au recrutement de mercenaires. Le hic est que quelqu'un qui s'enrôle pour une poignée de dollars est susceptible de devenir agent double et d'aller travailler pour l'adversaire si celui-ci paie plus.

En outre, l'utilisation d'étrangers dans des opérations complexes réduit les capacités du Mossad et entrave la pleine exploitation de son potentiel technologique et humain – en raison de la nécessité de ne pas révéler des moyens et des méthodes de fonctionnement avancés à ceux dont la loyauté peut être mise en cause.

Fonctionnement similaire

Selon les médias malaisiens, le Palestinien qui a été enlevé et interrogé est un expert en informatique qui peut pirater des smartphones et est soupçonné de travailler pour le département de cyber-guerre du Hamas.

Toujours sur la base de ces infos, il y a environ quatre ans, le Mossad a recruté une femme locale dans la trentaine, qui a été formée en tant qu'enquêteur privé et en renseignements commerciaaux. On peut supposer que les recruteurs se sont présentés à elle comme les propriétaires d'une entreprise et lui ont offert un emploi – dans ce qui est connu comme « recrutement sous un drapeau étranger ». Selon les infos, elle a ensuite été envoyée en Europe pour y suivre une formation complémentaire.

Pour l'enlèvement, qui aurait eu lieu à 22 h le 28 septembre près des tours Petronas dans la capitale Kuala Lumpur, la femme a recruté 11 personnes localement. La tentative d'enlèvement a été faite lorsque le Palestinien est monté dans la voiture avec un autre programmeur informatique palestinien, mais n'a été que partiellement réussie : la cellule a réussi à attraper un seul d'entre eux dans la voiture, selon les infos locales. Le second s'est rendu à un poste de police dans un délai de 40 minutes et a déposé une plainte.

Selon les rapports, la personne enlevée a été emmenée dans une cabane éloignée, battue et interrogée sur vidéo par deux Israéliens au sujet de ses activités pour le Hamas. Dans de tels cas, les agents du Mossad sont responsables de l'opération tandis que le service de sécurité de Shin Bet est responsable de l'interrogatoire.

La police et les services de sécurité malaisiens ont agi efficacement. Selon les rapports, ils ont localisé la cabane dans les 24 heures, l'ont perquisitionnée, ont libéré la personne enlevée et ont arrêté les personnes impliquées.

Al Jazeera a cité une « source malaisienne bien informée » disant qu'une enquête avait « découvert une cellule du Mossad » dans le pays qui était impliquée dans l'espionnage de sites importants, y compris les aéroports, et qui cherchait à « pénétrer les entreprises électroniques gouvernementales ». La source a également déclaré que deux membres du Hamas avaient quitté la Malaisie immédiatement après l'incident.

Il est clair que si les ravisseurs l'avaient désiré, ils auraient tué la personne enlevée. Cependant, il semble que leur objectif était de l'interroger sur ses compétences et ses connexions, et sur les plans du Hamas.

Il y a quelques mois, il y a eu une opération similaire attribuée au Mossad dans laquelle des inconnus ont enlevé un agent des Gardiens de la Révolution en Iran, l'ont amené en Israël pour l'interroger et l'ont ensuite relâché. Certaines parties de l'interrogatoire ont été divulguées à la chaîne d'opposition londonienne Iran International, considérée comme un porte-voix du Mossad.

La Malaisie est un pays à majorité musulmane qui n'entretient pas de relations diplomatiques avec Israël. Ses dirigeants ont souvent fait des déclarations antisémites [sic], mais on a signalé de légers changements d'attitude ces dernières années. Des touristes de Malaisie se sont rendus en Israël ; des diplomates et des hommes d'affaires israéliens ont rencontré leurs homologues malaisiens ; et certains liens commerciaux se développent également entre les pays. Par le passé, il a également été rapporté que le Mossad avait essayé d'établir des liens avec les services de sécurité malaisiens, mais qu'il avait reçu une fin de non-recevoir.

En même temps, un nombre relativement important de Palestiniens étudient en Malaisie, principalement dans les domaines de la science, de l'informatique et de l'ingénierie – offrant ainsi une réserve potentielle pour le Hamas afin d'améliorer ses capacités dans des domaines tels que les roquettes, les missiles, les drones et la cyber-guerre. Dans le passé, le Shin Bet révélait que des militants du Hamas pratiquait du parapente en Malaisie.

En outre, selon des informations étrangères, c'est là que des membres du Mossad ont assassiné Fadi al-Batsh, un ingénieur électrique palestinien de Gaza qui appartenait au Hamas. Deux inconnus à moto l'ont abattu alors qu'il se rendait à une mosquée locale en avril 2018 – la même année où, selon les rapports, le Mossad a recruté la femme qui était à la tête de la cellule qui a effectué la dernière opération à Kuala Lumpur. Le Hamas a affirmé en janvier dernier avoir arrêté un suspect dans l'assassinat d'al-Batsh.

Aussi embarrassantes soient-elles, les erreurs du type de celles qui se seraient produites en Malaisie portent atteinte à la réputation du Mossad mais constituent un danger professionnel. Lorsqu'un tel événement se produit, des protocoles d'urgence visant à minimiser les dommages et à couvrir les pistes sont activés immédiatement – y compris l'annulation d'opérations similaires en Malaisie ou dans les pays voisins. En d'autres termes, plusieurs années de travail et d'investissements considérables passent à la trappe. [les pauvres, on est bien tristes pour eux, NdT]

Le Cabinet du Premier Ministre, dont relève le Mossad, a refusé de commenter cette affaire.

Deux sons de cloche



25/10/2022

JIM BOVARD
Le mirage de la barbouzerie washingtonienne
Sur les aveux tardifs du sénateur Pat Leahy

 Jim Bovard, libertarianinstitute.org , 24/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

James Bovard (1956) est un auteur et conférencier libertarien usaméricain dont les commentaires politiques visent des exemples de gaspillage, d'échecs, de corruption, de copinage et d'abus de pouvoir au gouvernement fédéral. Il est chroniqueur sur USA Today et est un contributeur fréquent de The Hill. Il est l'auteur de Public Policy Hooligan (2012), Attention Deficit Democracy (2006), Lost Rights : The Destruction of American Liberty (1994) et de 7 autres livres.  Il a écrit pour le New York Times, Wall Street Journal, Washington Post, New Republic, Reader' s Digest, The American Conservative et bien d'autres publications. Ses livres ont été traduits en espagnol, arabe, japonais et coréen. Ses articles ont été dénoncés publiquement par le chef du FBI, le maître général des postes, le secrétaire du HUD (Department of Housing and Urban Development), et les chefs de la DEA  (Drug Enforcement Administration), de la FEMA (Federal Emergency Management Agency), de l'EEOC (Equal Employment Opportunity Commission ) et de nombreux organismes fédéraux. (Comme l'a dit Mao Zedong, « être attaqué par l'ennemi n'est pas une mauvaise chose mais une bonne chose. »)

« Vous pouvez envoyer un homme au Congrès, mais vous ne pouvez pas le faire réfléchir », a dit l'humoriste Milton Berle dans les années 1950. Pour actualiser Berle : vous pouvez dépenser 60 milliards de dollars par an pour les agences de renseignement, mais vous ne pouvez pas obliger les politiciens à lire leurs rapports. Au lieu de cela, la plupart des politiciens restent incorrigiblement ignorants et désespérément poltrons lorsque les présidents entraînent l'USAmérique dans de nouveaux fiascos ultramarins.

Reporting for Duty, par Clifford K. Berryman, 2 avril 1917 : les représentants des 2 chambres au garde-à-vous devant le président Wilson, qui s’apprête à demander leur soutien pour la déclaration de guerre à l’Allemagne

La docilité du Congrès ouvre la voie à la guerre depuis au moins l'ère du Vietnam. En 1964, le président Lyndon Johnson a invoqué une attaque présumée du Nord-Vietnam contre un destroyer usaméricain dans le golfe de Tonkin pour faire adopter par le Congrès une résolution donnant à LBJ le pouvoir illimité d'attaquer le Nord-Vietnam. LBJ avait décidé plus tôt cette année-là d'attaquer le Nord-Vietnam pour relancer sa campagne de réélection. Le Pentagone et la Maison Blanche ont rapidement reconnu que les allégations fondamentales derrière la résolution du Golfe de Tonkin étaient fausses mais les ont exploitées pour sanctifier la guerre.

Lorsque l'histoire officielle des attentats du Golfe de Tonkin a commencé à se dévoiler lors des audiences secrètes du Sénat en 1968, le secrétaire à la Défense Robert McNamara a proclamé qu'il était « inconcevable que quiconque connaissait même à distance notre société et notre système de gouvernement puisse soupçonner l'existence d'une conspiration » pour amener l'USAmérique à la guerre sous de faux prétextes. Mais l'indignation ne saurait se substituer à des faits concrets. Le Sénateur Frank Church (Démocrate-Idaho) a déclaré : « Dans une démocratie, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les gens, dont les fils sont tués et qui seront tués, exercent leur jugement si la vérité leur est cachée. » Le président de la commssion, le sénateur J. William Fulbright (Dém-Arizona), a déclaré que si les sénateurs ne s'opposaient pas à la guerre à ce moment-là,  « nous ne sommes qu'une annexe inutile à la structure gouvernementale ». Mais d'autres sénateurs ont bloqué la publication d'un rapport d'état-major sur les mensonges derrière l'incident du golfe de Tonkin qui propulsait une guerre tuant 400 soldats usaméricains par semaine. Le sénateur Mike Mansfield (Dém-Montana) a prévenu : « Vous donnerez aux gens qui ne sont pas intéressés par les faits une chance de les exploiter et de les magnifier hors de toute proportion. » La même présomption a protégé chaque débâcle militaire subséquente des USA.

Des membres du Congrès paresseux et lâches ont perpétuellement ouvert la voie au carnage outre-mer. En octobre 2002, avant le vote sur la résolution du Congrès visant à permettre au Président George W. Bush de faire ce qu'il voulait de l'Irak, la CIA a remis une évaluation classifiée de 92 pages des armes de destruction massive irakiennes à Capitol Hill (le Congrès). Le rapport classifié de la CIA suscitait beaucoup plus de doutes sur l'existence des armes de destruction massive iraquiennes que le résumé de 5 pages que tous les membres du Congrès ont reçu. Le rapport était conservé dans deux salles sécurisées, l'une pour la Chambre des représentants et l'autre pour le Sénat. Seuls six sénateurs ont pris la peine de visiter la salle pour examiner le rapport, et seule une « poignée » de congressistes ont fait de même, selon le Washington Post. Le Sénateur John Rockefeller (Dém-Virginie occ.) a expliqué que les membres du Congrès étaient trop occupés pour lire le rapport : « ‘Tout un chacun dans le monde veut venir vous voir’ dans votre bureau, et aller dans la salle sécurisée n'est ‘pas facile à faire’. »

Des centaines de milliers d'USAméricains ont été envoyés à 9600 km de là parce que les membres du Congrès ne pouvaient pas se donner la peine de traverser la rue à pied. Les membres du Congrès ont agi comme si aller dans une pièce sécurisée pour parcourir un document de 92 pages équivalait à lire l'ensemble des 38 volumes de l'Encyclopedia Britannica à la lumière d’une bougie dans un placard moisi. La plupart des membres du Congrès avaient amplement le temps de prononcer des discours soutenant le sabre de Bush, mais pas le temps de passer au crible les prétendues preuves de la guerre. Les seules preuves pertinentes pour de nombreux membres du Congrès étaient les sondages montrant un fort soutien pour le président.

Illustration de POLITICO pour l'extrait des mémoires de Leahy qu'il a publié (cité ci-dessous)

De plus amples détails sur le chemin de la guerre en Irak ont été exposés dans les nouvelles mémoires du sénateur Patrick Leahy, The Road Taken. Leahy était l'un des rares sénateurs à se rendre dans la salle réservée pour lire certains documents confidentiels sur la guerre.  Alors que lui et sa femme se promenaient le dimanche dans leur quartier de McLean, en Virginie, en septembre 2002 :

« Deux joggueurs en forme se sont mis à nous suivre. Ils se sont arrêtés et ont demandé ce que je pensais des briefings de renseignement que j'avais obtenus… Je me suis soumis à la clause de non-responsabilité requise selon laquelle, si j'assistais à des briefings et que ceux-ci étaient classifiés, je ne pouvais pas reconnaître qu'ils avaient eu lieu et je ne pouvais pas dire qu’ils avaient eu lieu. Ils m'ont dit qu'ils comprenaient cela, mais ont demandé si les briefeurs m'avaient montré le Dossier Huit.

Il était évident, en voyant la mine que je faisais, que je n'avais pas vu un tel dossier. Ils ont suggéré que je devrais et que je pourrais trouver cela intéressant. Peu de temps après, je me suis arrangé pour voir le Dossier Huit, et cela contredisait une grande partie de ce que j'avais entendu de l'administration Bush.»

Y aurait-il eu un happy end ?   Non pas tout à fait ! Quelques jours plus tard, Leahy et sa femme marchaient et les mêmes joggueurs sont réapparus et ont demandé ce qu'il pensait de ce dossier secret. Leahy a commenté : « C'était la conversation la plus effrayante que j’ai vécue à Washington. Je me sentais comme une version sénatoriale de Bob Woodward rencontrant Gorge Profonde uniquement en plein jour. » Les joggueurs demandèrent alors si Leahy « s’était également fait montrer le Dossier Douze, en utilisant un mot de code…Le lendemain, j'étais de retour dans la salle sécurisée du Capitole pour lire le Dossier Douze, et cela contredisait encore les déclarations de l'administration, et en particulier du vice-président Cheney. »

Le dimanche suivant, Leahy et sa femme passaient devant l'ancienne propriété de Robert Kennedy lorsque des voitures noires avec de multiples antennes et des fenêtres obscurcies se sont garées. Leahy écrit :

« Un membre du cercle présidentiel rapproché s'est penché par la fenêtre arrière, saluant à la fois moi-même et [ma femme] Marcelle, et m'a demandé s'il pouvait me parler…Je suis monté dans la voiture avec lui pendant que les agents de sécurité sortaient de la voiture. Nous nous sommes assis là et nous avons discuté, et il a dit : « Je comprends que vous avez vu les dossiers huit et douze. » J'ai dit que oui, et je savais bien sûr qu'il les avait vus. Il a dit : “Je comprends aussi que vous allez voter contre la guerre.” J'ai dit : « Je vais le faire, parce que nous savons tous qu'il n'y a pas d'armes de destruction massive et que les raisons d'aller en guerre ne sont tout simplement pas là. » Il m'a demandé s'il pouvait m'en dissuader, et j'ai dit non, et nous avons mis fin à la conversation. J'ai commencé à sortir de la voiture, et il a dit qu'ils me raccompagneraient. « Merci, laissez-moi vous dire où j'habite. »

Le haut fonctionnaire anonyme de l'administration Bush a répondu : « Nous savons où vous habitez. » Leahy n'a pas demandé au mec s'il connaissait aussi tous les mots de passe de son ordinateur.

Leahy a voté contre la résolution Bush d'utiliser la force militaire contre l'Irak. Mais Leahy a attendu 20 ans pour révéler les magouilles internes qu'il avait vues sur la route de la guerre. Et Leahy refuse toujours de révéler le nom du « membre du cercle présidentiel » qui le harcelait ce matin-là à McLean. Jimmy Dore, animateur de podcast, s'est moqué que l'histoire de Leahy était « comme un thriller politique, mais à la fin rien ne se passe et rien n'est résolu ». Dore a commenté : « Il y a une guerre de toute façon et il ne dit rien pendant 20 putains d'années. Fin. Ont-ils au moins pris la peine de tester cette fin auprès du public ? » Edward Snowden a gazouillé sur l'histoire de Leahy : « Comment Leahy pouvait-il s'asseoir sur des informations classifiées qu'il savait pouvoir arrêter une guerre ? »

Mais les dissimulations sont souvent inutiles à Washington parce que peu de membres du Congrès y prêtent attention. Après la mort de quatre soldats usaméricains au Niger en 2017, les sénateurs Lindsey Graham (Républicain-Caroline du Sud) et Charles Schumer (Dém-New-York) ont admis qu'ils ne savaient pas qu'un millier de soldats usaméricains avaient été déployés dans ce pays africain [savaient-ils même pù se trouve ce pays ?, NdT]. Graham, membre de la Commission des services armés du Sénat, a admis : « Nous ne savons pas exactement où nous en sommes dans le monde militairement et ce que nous faisons. » Les troupes usaméricaines étaient engagées dans des combats dans 14 pays étrangers à l'époque, prétendument contre des terroristes. Mais la plupart des membres du Congrès ne peuvent probablement pas citer plus de 2 ou 3 pays où les troupes américaines se battent.

Alors que le gouvernement usaméricain est devenu beaucoup plus secret au cours des dernières décennies, les commissions du renseignement du Congrès auraient fourni un contrepoids aux agences qui se cachent derrière des rideaux de fer. Mais « commission  du renseignement » est peut-être le plus grand oxymore de Washington.

Les commissions du renseignement du Congrès font assaut de courbettes à la CIA et à d'autres agences. La Commission sénatoriale du renseignement a effectivement absous tous les mensonges de l'administration Bush sur la voie de la guerre contre l'Irak. Lorsque son rapport a été publié au milieu de 2004 (juste à temps pour stimuler la campagne de réélection de Bush), le président de la commission, le sénateur Pat Roberts (Rép-Kansas), a annoncé : « La commission a constaté que la communauté du renseignement souffrait de ce que nous appelons une pensée de groupe collective. » Et comme tout le monde avait tort, personne n'était en faute, surtout le vice-président Dick Cheney. (Antiwar.com avait raison bien avant le début de la guerre). La CIA n'a pas non plus payé le prix quand elle a été prise en train d'espionner illégalement l'enquête de la commission du renseignement du Sénat sur la torture de la CIA sous l'administration Obama.

Et puis il y a les récompenses officielles pour léchage de bottes. La CIA décerne publiquement sa médaille au sceau de l'Agence aux membres du Congrès qui augmentent son budget, dissimulent ses crimes et s'abstiennent de poser des questions embarrassantes. Pat Roberts en a obtenu une - avec la congressiste Jane Harman (Dém-Californie), le Sénateur John Warner (Rép-Virginie) et le congresssiste Pete Hoekstra (Rép-Michigan)- tous des larbins fiables de l'agence. Les Pères Fondateurs se retourneraient dans leurs tombes à l'idée que les agences fédérales décernent des prix aux membres du Congrès qui étaient censés les tenir en laisse. C’est comme si un juge se vante d'avoir reçu un prix de la fonction publique d'un mafieux qu'il a déclaré non coupable, en connivence avec lui.

Il y a des membres du Congrès intelligents, dévoués et respectés qui surmontent la léthargie et les obstacles bureaucratiques pour en apprendre assez pour reconnaître les folies des interventions proposées. Mais ces âmes vaillantes seront probablement toujours dépassées en nombre par le troupeau de sénateurs et de représentants bien plus enclins à parcourir les derniers sondages qu'à lire un rapport officiel plus long que les 140 signes d’un gazouillis


« ça doit être le signal au Sénateur Leahy qu'il est temps qu'il rentre à la maison » : le commentaire du dessinateur RJ Matson à l'annonce par Patrick Leahy, 82 ans, qu'il ne se représentera plus aux élections du 8 novembre 2022. 8 mandats de suite sur 48 ans, ça devrait suffire. Membre du Sénat le plus âgé et donc son président pro tempore, Pat était l'un des Watergate babies, ces Démocrates ayant été élus au Congrès et au Sénat en 1975, après la démission de Tricky Dicky Nixon. Il a, entre autres nombreux faits d'armes, joué des petits rôles dans six films de Batman. D'où le dessin de Matson. Le décor bucolique est celui du Vermont, dont Leahy est l'un des 2 représentants (l'autre étant Bernie Sanders).