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18/09/2022

URI MISGAV
1982 : la folle tentative du Mossad de changer le visage du Liban
Les dessous du massacre de Sabra et Chatila : une version israélienne

Uri Misgav, Haaretz, 15/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala




L'agent du Mossad qui dormait avec un pistolet. Des repas délirants avec Ariel Sharon à Beyrouth. L'orchestre qui jouait “Hava Nagila” pour les espions. À la recherche d’une Rolex dans les ruines.

 Quarante ans après l'assassinat de Bachir Gemayel et les massacres dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, d'anciens responsables israéliens révèlent le château de cartes qu'Israël a construit au Liban et comment il s'est effondré.

 Sharon et Gemayel gauche, le secrétaire militaire de Sharon, Oded Shamir). Je ne serai pas votre "Armée du Liban Nord", dira Gemayel à Sharon, en colère. Photo : Collection Oded Shamir

Bachir Gemayel se réveille relativement tard le 14 septembre 1982. Il était resté debout jusqu'aux petites heures de la nuit pour rédiger et répéter son discours pour sa prestation de serment présidentielle, qui devait avoir lieu huit jours plus tard. Trois semaines plus tôt, il avait atteint - avec l'aide rapprochée d'Israël - un objectif qui avait été considéré jusqu’à récemment comme fantaisiste, en étant élu, à l'âge de 34 ans, président du Liban multinational et fragmenté.

Un programme chargé était prévu pour lui à Beyrouth ce jour-là, comprenant des entretiens téléphoniques avec les commandants de l'armée libanaise, une visite au couvent maronite où sa sœur bien-aimée, Arza, était nonne et, pour couronner le tout, un discours devant ses partisans au siège du parti Kataeb (Phalanges) dans le quartier d'Achrafieh.

Pendant sa course à la présidence, Gemayel avait pris l'habitude de se présenter à cette occasion politique tous les mardis à 15 heures et, après son élection, il avait décidé de poursuivre la tradition au moins une fois par mois. Naturellement, cela a permis à ses ennemis - à ce stade, avant tout les services de sécurité et de renseignement syriens - de le suivre plus facilement. En fait, après que Gemayel a été élu président, sa vigilance et sa sensibilité à l'égard de sa sécurité personnelle se sont relâchées. Il a commencé à laisser échapper ses gardes du corps de temps en temps et, ce matin-là, il s'est emporté contre un conseiller qui tentait de le mettre en garde à ce sujet. 

Jusque-là, il avait été prudent, et à juste titre. La culture politique au Liban était marquée par une folie meurtrière rampante, non seulement entre les différents groupes ethniques, mais aussi entre les familles et les factions d'un même groupe de population. La première fois que je suis venu à Beyrouth, raconte Avner Azoulay, nommé en 1981 chef du département en charge du Liban au sein de Tevel, la division des relations extérieures du Mossad, j'ai demandé à mon accompagnateur local : "Qu'est-ce qui est bon marché ici ?" Il m'a jeté un regard perçant et m'a répondu : "La vie humaine. C'est ce qui est le moins cher."

Tout au long de sa carrière politique, Gemayel a pris une part active à la violence et aux meurtres. Entre autres événements, dans le cadre des luttes sanglantes pour le contrôle de la communauté chrétienne, Antoine "Tony" Frangieh, le fils d'un ancien président libanais issu d'un hamoula (clan) concurrent, avait été assassiné sur ses ordres, ainsi que sa femme, son fils et d'autres membres de son entourage. Gemayel lui-même avait été la cible d'une tentative d'assassinat, à laquelle il n'avait échappé que parce qu'il avait eu le mal de mer sur un bateau lance-missiles où il tenait l'une de ses nombreuses réunions avec des responsables du gouvernement et des militaires israéliens. Comme il se sentait mal le lendemain matin, il n'a pas emmené sa fille Maya chez sa grand-mère comme prévu.

Ainsi, lorsque la bombe fixée à sa voiture a explosé, Gemayel n'a pas été blessé, mais Maya et le garde du corps personnel de son père, qui l'escortait, ont été tués. Après les funérailles, il a ordonné à ses aides furieux d'attendre le moment opportun pour se venger.

Azoulay, qui était en contact étroit avec Gemayel, l'a imploré après son élection, sur la directive de ses supérieurs, d'accepter l'aide d'une unité du service de sécurité du Shin Bet. "Il ne voulait pas en entendre parler", dit Azoulay. "Il m'a dit : 'Est-ce que cela vous semble raisonnable que le président élu d'un pays arabe se promène avec des gardes du corps israéliens ? Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ? J'ai essayé de réfléchir à des idées alternatives. J'ai suggéré de choisir des gars aux cheveux blonds et aux yeux bleus et de dire qu'il s'agissait de techniciens venus d'Europe, pour que personne ne le sache. "En aucun cas", a-t-il dit. Cela n'aurait pas forcément aidé. Je crois que si nous lui avions adjoint des gardes du corps, ils auraient été assassinés en même temps que lui."

Le chef d'état-major Rafael Eitan avec Gemayel, de profil à gauche. Raful appelait le Libanais "mon frère". Crédit : Collection Avner Azoulay

Après le discours au siège du parti, Gemayel devait rencontrer les membres de la sous- commission des renseignements de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, qui se trouvaient à Beyrouth pour se faire une idée de la situation. Le mois précédent, les forces de l'Organisation de libération de la Palestine, dirigée par Yasser Arafat, avaient quitté la ville en vertu d'un accord négocié par les USAméricains. Le soir, le président élu avait l'intention de dîner dans le luxueux restaurant Bustan, en compagnie de son ami Ehud Yaari, à l'époque analyste des affaires arabes à la télévision israélienne. Ce dîner n'a jamais eu lieu. 

AVIGDOR FELDMAN
Je pensais avoir mis un terme à la torture par le Shin Bet. Je m’étais trompé

Avigdor Feldman, Haaretz, 16/9/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Avigdor Feldman (Tel Aviv, 1948), est un avocat spécialisé dans les droits et humains en Israël. Il est le fondateur de l'Association pour les droits civils en Israël (ACRI) ainsi qu'un membre fondateur de B'Tselem. Il a notamment défendu Mordechai Vanunu. https://www.facebook.com/avigdor.feldman

 

Pendant des années, j'étais fier que mes collègues juristes et moi-même ayons réussi à éliminer la possibilité d'obtenir des aveux par la torture. Mais il s'avère que nous nous étions trompés.


Entre 23 h 53 le 17 décembre 2015 et 6 h 50 le 18 décembre 2015, il a été fait usage pendant des “périodes fixes et brèves” de moyens dits spéciaux, appliqués avec une précision scientifique, sur le corps d'Amiram Ben-Uliel. Ben-Uliel avait été reconnu coupable en mai 2020 de trois chefs d'accusation de meurtre et de deux chefs d'accusation de tentative de meurtre dans l'attaque de 2015 contre la famille Dawabsheh alors qu'elle dormait chez elle dans le village de Douma, en Cisjordanie.

 

En tant que l'un des avocats dans l'appel soumis par Ben-Uliel, qui a été rejeté au début du mois par la Cour suprême, il m'est interdit de décrire les moyens spéciaux réels. Les instructions d'utilisation desdits moyens apparaissent sur une page imprimée, définissant des termes qui n'ont pas besoin d'être définis - le tout dans un langage laconique, concis et bureaucratique qui ne tolère aucune ironie ou ambivalence, évitant la conscience de soi comme la peste.

 

À en juger par la formulation du texte et sa cadence, le mode d'emploi a été rédigé par une intelligence artificielle pas très sophistiquée, qui a été formée à la lecture du mode d'emploi d'un vieil aspirateur et qui, sur commande, présente des directives précises pour appliquer la douleur sans se sentir coupable.

 

On m'a interdit de copier le mode d'emploi, ou de le garder dans mon bureau pour y jeter un coup d'œil chaque fois que je commençais à penser que j'avais rêvé ce que j'avais vu et que je doutais de l'existence d'un tel morceau de papier, portant le sceau officiel du tribunal du district central avec "P/1" noté à la main dans son coin droit (ce qui signifie pièce à conviction n° 1). Je voulais revenir à P/1 pour m'assurer qu'il était bien réel et non le fruit de l'imagination débridée de quelqu'un qui a lu trop de livres sur les juges de régimes aberrants.

 

Pour pouvoir relire P/1, on m'a conduit dans une pièce sans fenêtre dans les bureaux du parquet du district. Un avocat affable, qui n'avait probablement jamais regardé la pièce en question, avait reçu l'ordre de s'assurer que l'avocat de la défense ne copierait pas, ne photographierait pas, ne plierait pas P/1, ne le déchirerait pas en morceaux et ne le mettrait pas dans sa bouche pour le mâcher et l'avaler.

 

Chacun des moyens spéciaux mentionnés ci-dessus est une surprise totale pour l'internaute et le lecteur. Tous les moyens de ce type qui ont été rassemblés - sans doute par une équipe d'experts comprenant des enquêteurs chevronnés, des physiologues et des médecins qui s'occupent de l'esprit et du corps - existaient, jusqu'à la récente décision, loin de la main de l'autorité, loin du poing ou de la paume ouverte qui s'abat sur l'interrogé. Loin des protections que l'on considère comme allant de soi et qui font partie de l'agenda existentiel de toute personne vivant dans un État démocratique et juif.

 

Nous nous sommes habitués à penser que le corps humain et le royaume de la douleur qui y réside échappent au contrôle des autorités. Aujourd'hui, la Cour suprême a fixé la limite de cette protection jusqu'à 36 heures après la mise en œuvre des moyens de douleur. En d'autres termes, la Cour a décidé qu'un aveu fait 36 heures ou plus après la mise en œuvre du moyen de douleur est fait librement et est donc recevable pour être utilisé contre un inculpé. 

 

Trente-six heures suffisent pour faire tomber dans l'oubli et effacer tout souvenir du moyen, et le libre arbitre envahit alors la chair frémissante. Amiram s'est levé et a déclaré : « Je suis ici un homme libre, mon statut d'être humain qui m'a été enlevé par la force, par une main serrée en poing, m'a été rendu ». 

 

En 1999, la Cour suprême, siégeant en formation élargie, a statué que lors de l'interrogatoire d'un suspect terroriste, le service de sécurité Shin Bet n'est pas autorisé à utiliser des moyens de pression physique extrême. À cette époque, les moyens dits spéciaux sont sortis de leur boîte et la Haute Cour a interdit diverses méthodes de torture telles que le “secouage” (impliquant une violence dirigée vers la partie supérieure du corps de telle sorte que le cerveau heurte le crâne) ; la technique du “shabah” [prisonnier en hébreu, NdT] (nommée d'après son utilisation sur les Palestiniens entrés illégalement en Israël et comprenant la flexion douloureuse du dos de la personne, l'utilisation d'une musique assourdissante, etc.) et ce qu’ils appellent « l’accroupissement de grenouille ».

 

Ces méthodes constituent-elles les moyens spéciaux mis en œuvre dans le cas de Ben-Uliel ? Je ne suis pas en mesure de le confirmer ou de l'infirmer. Ce qui a été publié en 1999 est aujourd'hui un secret d'Etat, gardé encore plus rigoureusement que les secrets nucléaires d'Israël et les activités de l'Institut de recherche biologique. À l'époque, je représentais, avec mes collègues, les pétitionnaires contre la torture. Parfois, lorsque je me suis lassé de la profession que je m'étais imposée, je me suis souvenu de ce jugement et je me suis dit : Ils ne peuvent pas m'enlever l'abolition de l'accroupissement de la grenouille.

 

Bien, c'est ce que j'ai dit.

 

À une époque où la frontière entre l'imagination et la réalité s'estompe, la question s'est posée de savoir si un jugement a effectivement été rendu pour annuler l'utilisation de ces méthodes d'interrogatoire. Quiconque parcourt le site ouèbe bien conçu du Shin Bet en langue anglaise découvrira, à sa grande surprise, ce qui suit dans la section “Patrimoine” : « À la suite de l'affaire Nafsu [où des moyens de torture excessifs ont été utilisés pour extorquer des aveux à un officier de renseignement de l'armée, en 1980], le gouvernement israélien a nommé une commission d'enquête chargée d'examiner les méthodes et procédures d'interrogatoire de l'AIS [Agence israélienne de sécurité, Shin Bet]. Moshe Landau, un juge de la Cour suprême à la retraite, a été nommé président de la commission d'enquête. La commission a publié ses conclusions en octobre 1987, et a précisé qu'il était interdit d'utiliser une pression physique inacceptable lors des interrogatoires, sauf dans des cas extraordinaires où l'utilisation d'une pression physique modérée était autorisée, et seulement avec une permission spéciale. La commission a établi des règlements et des procédures pour la supervision des méthodes d'interrogatoire de l’AIS. Depuis lors, la supervision des interrogatoires a été renforcée, et les principes concernant les méthodes autorisées et interdites ont été inculqués aux interrogateurs ».

 

Les mensonges fusent. Les moyens de contrôle n'ont pas été augmentés, les recommandations douteuses de la commission Landau ont été annulées par la Cour suprême, et les pressions physiques modérées ne sont soumises à aucune autorisation spéciale. Entretemps, la disposition de l'article 277 du code pénal prévoyant une peine de trois ans d'emprisonnement pour un fonctionnaire qui extorque des aveux par la violence, n'a pas été effacée des livres de loi.

 

Ce n'est pas si terrible, disent les juges, pas de chocs électriques, pas d'arrachage d'ongles, pas de waterboarding [simulacre de noyade] à la Guantanamo, il ne s'agit que de s'accroupir, de se courber et d’encaisser des décibels - pourquoi en faire tout un plat ?

Jean Améry, lui, en fait tout un plat dans son livre Par-delà le crime et le châtiment, Essai pour surmonter l'insurmontable  : « Quand on parle de torture, il faut se garder d'exagérer. Ce qui m'a été infligé (...) n'était de loin pas la pire forme de torture (...) Et pourtant, 22 ans après qu'elle s’est produite (...) j'ose affirmer que la torture est l'événement le plus horrible qu'un être humain puisse garder en lui (...) Au premier coup, [la] confiance dans le monde s'effondre.

L'autre personne, en face de laquelle j'existe physiquement dans le monde, et avec laquelle je peux exister tant qu'elle ne touche pas la surface de ma peau comme frontière, m'impose sa propre corporéité au premier coup. Il est sur moi et me détruit ainsi. C'est comme un viol, un acte sexuel sans le consentement de l'un des deux partenaires ».

 

Les tribunaux israéliens ne donnent que 36 heures à la douleur du détenu pour se dissiper. Pendant 30 ans, Jean Améry n'a pas réussi à effacer le souvenir de la torture “légère” qu'il a subie - jusqu'à ce qu'elle prenne le dessus et qu'il mette fin à ses jours. 

17/09/2022

LUIS CASADO
Réveille-toi, Bernard Maris ! Ils sont devenus fous...

Luis Casado, 16/9/2022
Traduit  par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Les nouvelles de l'économie sont un film d'horreur. L'inflation bat des records, le déficit énergétique promet un hiver glacial en Europe et des prix de luxe pour l'électricité et le gaz. Mais tout cela était prévisible. Sauf que le populo préfère mater le foot…

Bernard Maris, un économiste, un vrai...

Plus d'une fois, j'ai rendu hommage à celui qui fut, involontairement, mon mentor en économie, le grand Bernard Maris. Son livre Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui nous prennent pour des imbéciles devrait être une lecture obligatoire à Harvard et à Chicago, grâce à quoi il n'y aurait pas d'économistes à la moirmol et le monde irait mieux.

La lecture de Maris permet de démêler l’embrouillamini. Si vous poussez le vice jusqu'à lire Frédéric Lordon et même Jacques Sapir, tout l'édifice théorique de l'économie standard - celle qui justifie la misère, la faim et la pénurie pour les moins-que-rien et la richesse, l’ennui et l'abondance pour les privilégiés - s'effondre comme un château de cartes.

Ainsi j'ai su que pour la théorie économique standard, le temps n'existe pas, ou bien que lorsqu'il y a contradiction entre la théorie et la réalité, c'est la réalité qui se trompe (George Stigler, prix Nobel d'économie 1982), et un tombereau d’autres calembredaines, comme par exemple que les monopoles et les cartels n'existent pas, sans parler du caractère ontologique de l'information par excellence : les prix.

Si, comme la grande majorité des économistes, vous ne connaissez rien à l'économie, ne vous inquiétez pas. En électricité, vous pouvez déduire tout l'enchaînement théorique à partir de la formule u=R*i : il suffit de se donner la peine. En économie, il suffit de connaître la loi de l'offre et de la demande (si les prix augmentent, l'offre augmente, si les prix baissent, la demande augmente) et de savoir que toute intervention extérieure au marché est de la merde. Apprenez-le par cœur et exigez votre diplôme à l'Université du Chili, ou à la Catholique, à Harvard ou à la London School of Economics, en vous épargnant des années d'études inutiles et le bonbon qu'elles coûtent.

Les dogmes susmentionnés ont disparu au combat, au milieu de la crise toute fraîche d'hier et des inquiétantes menaces de stagflation confirmées par les banques centrales pour demain.

Un élément majeur du désastre dans lequel nous sommes plongés concerne la très célèbre loi de l'offre et de la demande dans le domaine de l'énergie. Sa rareté, générée par l'incurie, l'incompétence et l'irresponsabilité de gouvernements ineptes et inaptes, a conduit le G7 - groupe qui réunit les sept pays selon eux-mêmes les plus importants de la planète, à savoir l'Allemagne, le Canada, la France, l'Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les USA - à plafonner le prix de l'énergie, bordel de merde. Oui, comme vous l'avez lu. Ce n'est plus la loi de l'offre et de la demande qui fixe les prix, mais sept sommités de l’espèce jeanfoutriste qui n'ont même pas eu la délicatesse d'informer le FMI, ni la Banque mondiale, ni Harvard, ni la London School of Economics, qui ont abrogé la loi en laissant comme deux ronds de flan les économistes idiots (pléonasme).

L'économiste suisse Michel Santi a annoncé la bonne nouvelle le 13 septembre dernier, comme suit :

« La limitation des prix du pétrole décidée il y a quelques jours par le G7 est une mesure originale, inédite, que nous devons prendre très au sérieux. »

J'ai pris Michel au sérieux, au point de publier quelques-unes de ses notes. Je chante donc la palinodie et je reconnais que ce mammifère n'est qu'un économiste de plus. Il ose affirmer que la mesure - qui envoie aux huitième et neuvième cercles (Fraude et Trahison) de l'enfer la théorie économique - est originale et inédite. Ni l'un ni l’autre. Faut-il donner des exemples pour le prouver ? Non content de se rendre responsable de cette connerie, Michel abonde dans la bêtise :

« Les pays membres de ce club exclusif refuseront donc d'acheter leur pétrole à la Russie à un prix dépassant un certain niveau qui sera fixé ultérieurement. La Russie pourrait prendre de l'avance et refuser de vendre du pétrole à des nations qu'elle juge hostiles. Nous devons cependant écarter immédiatement cette hypothèse car les revenus liés au pétrole ont représenté ces dernières années jusqu'à 40% des revenus du Kremlin ».

Mais la Russie n'a rien dit. C'est la Norvège, pays membre de l'UE, aujourd'hui principal fournisseur d'énergie en Europe, qui a été la première à déclarer que la limitation du prix du pétrole, ils pouvaient se la mettre là où je pense : « Cela ne résoudra pas la question de fond - a déclaré Jonas Gahr Støre, Premier ministre norvégien - qui est que nous n'avons pas assez d'énergie ».

Ce qui m'amène à considérer que la théorie qui condamne toute intervention extérieure au libre marché, même lorsque cette intervention vise à corriger les défauts du libre marché, n'est pas si bête.

L'une des principales raisons de la catastrophe énergétique qui a mis les pays de l'UE au bord de l'effondrement est liée à « l'organisation du marché de l'énergie » qui a obligé à introduire le marché libre dans des pays qui n'avaient aucun problème. Compte tenu des résultats (les « libres concurrents» facturent jusqu'à treize fois le prix de revient de l'énergie qu'ils revendent), l'UE entend modifier « l'organisation du marché libre ». Vous me suivez ?

De sorte que l'autre principe fondateur de la libre concurrence, celui qui déclare que « toute intervention extérieure au marché est du caca », est aussi allé aux orties, à cause des libre-marchistes.

Ce qui est curieux, c'est que Bernard Maris avait prévu toute cette mascarade et publié son livre il y a 20 ans, affirmant à l'époque (2003) que la théorie économique était morte depuis au moins 30 ans. Il y a donc un demi-siècle que la théorie du libre marché est devenue ce qu'elle est, une arnaque, grâce au labeur de nombreux économistes libre-marchistes - Sonnenschein, Mantel, Debreu, Nash et bien d'autres - qui, en essayant de prouver la théorie de l’équilibre général (loi de Walras) dont on parle tant, ont prouvé exactement le contraire.

Si demain matin vous entendez à la radio, ou lisez dans la presse, que l'inflation et la récession perdurent et nous conduisent à un giga-abîme, pensez un instant à Bernard Maris, assassiné par des intégristes islamistes à Paris, chez Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.


   

 

 

 

 

16/09/2022

EDITORIAL ALMUZARA
El Frente Polisario desde sus orígenes hasta la actualidad
Nuevo libro de Carlos Ruiz Miguel

https://grupoalmuzara.com/libro/9788411312134_portada.jpg

¿Por qué nació? ¿Por qué continúa existiendo? ¿Qué papel juega hoy en el orden internacional?

Idolatrado por unos, calumniado por otros, desconocido para la mayoría, ¿qué es en realidad el Frente Polisario?

El Frente Polisario es la organización creada para liberar al Sahara Occidental del colonialismo. Idolatrado o calumniado, se habla mucho del Frente, pero se le conoce poco. A menudo los mismos que afirman que la relación con Marruecos es de la máxima importancia en la política exterior española desconocen o fomentan el desconocimiento sobre el Frente Polisario, a pesar de que éste es una de las preocupaciones máximas de la política exterior de Marruecos. Y precisamente por eso el conocimiento del Frente Polisario resulta necesario no sólo para entender la política regional en el Norte de África sino también para poder enjuiciar la política exterior de España.

Quienes vivieron los últimos años de la presencia española en el Sahara Occidental han oído hablar mucho del Frente Popular de liberación saharaui (el Frente Polisario), pero quizá tienen un conocimiento incompleto del mismo. En estos últimos años, las generaciones más jóvenes oyen hablar del Frente Polisario por hechos como la acogida en un hospital español al Secretario General del Frente Polisario o las crisis en las relaciones con Marruecos o Argelia.

Desde su nacimiento en 1973, no es posible entender la historia del Sahara Occidental sin conocer también la historia del Frente Polisario. Desde entonces hasta hoy, el Frente Polisario ha cometido aciertos y errores, ha tenido éxitos y fracasos, ha sufrido deserciones y ha sido calumniado. En circunstancias internas y externas extraordinariamente difíciles ha experimentado cambios importantes tratando de adaptarse, con resultados diversos, a las nuevas circunstancias.

Este libro quiere acercar al lector al conocimiento del Frente Polisario, mostrando sus objetivos iniciales y sus objetivos actuales, sus fortalezas y sus debilidades, sus principales figuras.

Carlos Ruiz Miguel
Carlos Ruiz Miguel es catedrático de Derecho Constitucional de la Universidad de Santiago de
Compostela (USC) y director del Centro de Estudios sobre el Sáhara Occidental (CESO) de esta Universidad. Autor del libro “El Sahara Occidental y España” (Dykinson, 1995). Coautor con Moisés Ponce de León Iglesias y Yolanda Blanco Souto de “El Sáhara Occidental. Prontuario jurídico. 15 Enunciados básicos sobre el conflicto” (Andavira/CESO, 2ª ed. 2019 y 1ª ed. en Argentina, CESO/CTA-ATE, Buenos Aires, 2022) también publicado en inglés, en 2018, y en francés, en 2019. Coautor con Yolanda Blanco de “Historia filatélica del Sahara Occidental Español” (Andavira/CESO, 2022). Ha contribuido en capítulos de libro relacionados con el Sahara Occidental publicados en España, Francia, Italia, Bélgica, Holanda, Austria, Rusia, Sudáfrica y es responsable de artículos sobre el Sahara Occidental publicados en revistas científicas de España, Francia, Argelia, México, Colombia y Venezuela.

PVP: 17,95 €
ISBN: 978-84-11312-13-4
Páginas: 240
Tamaño: 15 x 24 cm
Encuadernación: rústica con solapas
Publicación: 09/09/2022
Edición ilustrada


RAMZY BAROUD
40 ans après le massacre de Sabra et Chatila, les plaies restent béantes

Ramzy Baroud, Middle East Monitor, 12/9/2022
Traduit par

Le 16 septembre marque le 40e anniversaire du massacre de Sabra et Chatila. Environ 3 000 réfugiés palestiniens ont été tués par des milices phalangistes libanaises opérant sous le commandement de l’armée israélienne.


Affiches commémoratives dans le cimetière du massacre de Sabra et Chatila [Photo Ferdous Al-Audhali/Middle East Monitor].

Quatre décennies se sont écoulées, mais les survivants du massacre et les parents des victimes n’ont reçu aucune mesure de justice. Beaucoup sont morts et d’autres vieillissent en portant les cicatrices de leurs blessures physiques et psychologiques, dans l’espoir que, peut-être, de leur vivant, ils verront les bourreaux derrière les barreaux.

Cependant, bon nombre des commandants israéliens et phalangistes qui ont ordonné l’invasion du Liban et orchestré ou exécuté les massacres odieux dans les deux camps de réfugiés palestiniens en 1982 sont déjà morts. Ariel Sharon, qui a été mis en cause par la commission officielle israélienne Kahan un an plus tard pour sa « responsabilité indirecte » dans les macabres massacres et viols, a ensuite gravi les échelons pour devenir le premier ministre d’Israël en 2001. Il est décédé en 2014.

Même avant le massacre de Sabra et Chatila, le nom de Sharon a toujours été synonyme de meurtres de masse et de destruction à grande échelle. C’est lors de l’opération Shoshana, menée dans le village palestinien de Qibya en Cisjordanie en 1953, que Sharon a acquis sa réputation. Après l’occupation israélienne de Gaza en 1967, le général israélien a été surnommé « le bulldozer » ; après Sabra et Shatila, il est devenu « le boucher ».

Le Premier ministre israélien de l’époque, Menachem Begin, est également mort. Il n’a manifesté aucun remords pour le meurtre de plus de 17 000 Libanais, Palestiniens et Syriens lors de l’invasion du Liban par Israël en 1982. Sa réponse nonchalante aux meurtres perpétrés dans les camps de réfugiés de Beyrouth Ouest résume l’attitude d’Israël à l’égard de toutes les tueries et de tous les massacres perpétrés contre les Palestiniens au cours des 75 dernières années : « Les Goyim tuent les Goyim », a-t-il dit, « et ils accusent les Juifs ».

Les témoignages de ceux qui sont arrivés à Sabra et Chatila après les jours de massacre dépeignent une réalité qui nécessite une profonde réflexion, non seulement chez les Palestiniens, les Arabes et, surtout, les Israéliens, mais aussi dans l’humanité tout entière.

La regrettée journaliste américaine Janet Lee Stevens a décrit ce dont elle avait été témoin : « J’ai vu des femmes mortes dans leur maison, la jupe remontée jusqu’à la taille et les jambes écartées ; des dizaines de jeunes hommes abattus après avoir été alignés contre le mur d’une ruelle ; des enfants égorgés, une femme enceinte au ventre ouvert, les yeux encore grands ouverts, son visage noirci hurlant silencieusement d’horreur ; d’innombrables bébés et bambins poignardés ou déchiquetés et jetés dans des tas d’ordures. »

GIDEON LEVY
Deux garçons palestiniens ont perdu chacun un œil suite à des tirs de l'armée israélienne

Gideon Levy et Alex Levac  (photos), Haaretz, 16/9/2022
Traduit  par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Deux garçons palestiniens, âgés de 11 et 15 ans, ont chacun perdu un œil après s’être fait tirer dessus par des soldats israéliens. Le plus jeune s'est vu refuser l'entrée en Israël pour recevoir des soins médicaux car il représente un “risque pour la sécurité”. Le plus âgé s'est rendu en Jordanie pour tenter de sauver son œil.

Ils vivent à un kilomètre de distance, ne se sont jamais rencontrés et ne le feront probablement jamais. L'un est issu d'une famille de réfugiés et il vit dans l'un des camps les plus sinistres, les plus pauvres et les plus surpeuplés de Cisjordanie. L'autre, plus âgé de quelques années, vit avec sa mère et ses frères et sœurs dans une maison relativement spacieuse dans une ville voisine. Le père du premier est l'imam du camp. Le père du garçon plus âgé vit à Houston, au Texas, depuis quatre ans et demi, dans l'espoir d'améliorer sa vie et d'obtenir la citoyenneté usaméricaine pour lui et sa famille, et d'assurer un avenir à ses enfants. Pour le garçon du camp de réfugiés, cependant, il n'y a ni présent ni avenir.

La principale chose que ces deux jeunes ont en commun, outre le fait qu'ils sont des Palestiniens vivant sous l'occupation israélienne, est la triste réalité : chacun d'eux a récemment perdu un œil suite à des tirs de soldats des forces de défense israéliennes. Safi Jawabra, 11 ans, a perdu son œil gauche ; Ziad Abu Ayyash, 15 ans, a été touché à l'œil droit.

 
  Ziad Abou Ayyash

Une autre chose que les deux enfants ont en commun concerne Ibrahim al-Nabulsi, l'un des individus les plus recherchés par Israël jusqu'à ce qu'il soit abattu par les forces de sécurité israéliennes à Naplouse le 9 août. C'est ce même jour, lors d'une manifestation de protestation contre le meurtre de Nabulsi organisée à Beit Ummar, sa ville, que Ziad Abou Ayyash a été blessé. Pour sa part, Jawabra porte aujourd'hui une photo de Nabulsi en pendentif accroché à une chaîne autour de son cou.

Al-Aroub évoque les images d'un camp de réfugiés comme à Gaza. Des allées étroites où se pressent des hordes d'enfants après l'école, des ordures qui s’entassent dans les rues, une pauvreté abjecte, un fatras de structures, avec des maisons superposées, et des hommes sans emploi, oisifs et apathiques. Et comme si tout cela ne suffisait pas, une tour de béton fortifiée de l'armée israélienne domine le camp, tandis que des soldats tiennent les postes de contrôle postés à chacune des deux entrées d'Al-Aroub depuis la route 60, entre Bethléem et Hébron.

Safi Jawabra vit au deuxième étage d'un immeuble situé à l'extrémité d'une des étroites ruelles d'Al-Aroub. C'est une maison misérable, dont l'entrée est également pleine d’ ordures, bien qu'une tentative désespérée ait été faite pour atténuer la grisaille sous la forme de canapés en velours cramoisi délavé dans le salon. Jawabra, vêtu d'un jean à la mode, est un garçon séduisant, avec deux fossettes et un sourire conquérant. Il est le plus jeune des sept membres de la famille ; c'est son père, Ahmed, 65 ans, qui est l'imam local.

 

Jawabra porte une photo d'Ibrahim al-Nabulsi en pendentif

15/09/2022

GIDEON LEVY
La Stasi d'Israël prêche la morale

Gideon Levy, Haaretz, 14/9/2022
Traduit  par
Fausto Giudice, Tlaxcala

S'il y a une personne qui n'a pas l'autorité, et surtout pas le droit, de faire des prêches à Israël sur les lois de sa démocratie, c'est bien lui. S'il y a une organisation qui sape et détruit la démocratie israélienne plus que toute autre organisation ou politicien, c'est bien elle. Et s'il y a un fonctionnaire qui ne peut pas dire un seul mot sur le gouvernement, c'est le chef du service de sécurité Shin Bet.

Mais dans le chaos total qui règne aujourd'hui, où chaque bâtard est un roi, comme le dit le dicton, chaque chef d'une obscure agence est un professeur de morale.

Le chef du Shin Bet, Ronen Bar, lors de la conférence annuelle de l'Institut de politique antiterroriste (ICT) à l'Université Reichman de Herzliya, le 11 septembre 2022. Photo : Moti Milrod

Ronen Bar (né Ronen Berezovsky) est mécontent de la politique israélienne. Selon lui, elle encourage l'“axe du mal”, un terme infantile et propagandiste qui ignore, bien sûr, le mal de l'agence qu'il dirige lui-même - un mal qui a probablement peu de rivaux dans le monde - et ne concerne que le mal des autres.

S'exprimant lors d'une conférence à l'université Reichman de Herzliya, cette tour d'ivoire qui ressemble parfois plus à un camp d'état-major des FDI qu'à une université, et où chaque responsable d'une organisation de défense est considéré comme un oracle intellectuel, Bar a prévenu que les divisions au sein de la société israélienne encouragent la terreur et les méchants de l'axe. Il est difficile de dire qui était la cible de l'acte d'accusation du chef des argousins, encore plus difficile de comprendre ce qu'il veut (propose-t-il que nous nous unissions, comme la Corée du Nord ou l'Iran ?), mais le fait qu'il ose donner des conseils sur la démocratie est péniblement ridicule.

Le Shin Bet est une organisation vitale, tout comme l'est le service d'assainissement d'une ville. Ces agences font un travail sale, mais important, sans lequel la vie n'est pas sûre.

Mais contrairement aux activités des égoutiers, tout le travail que les hommes des ténèbres accomplissent dans le cadre de leurs fonctions n'est pas aussi vital qu'on nous le dit, et il ne faut certainement pas le vénérer, comme on nous l'apprend ; en tout cas, il cause aussi de sérieux dommages au tissu de la vie ici.

Il est difficile d'évaluer le véritable bilan - combien d'attaques terroristes le Shin Bet déjoue et combien d'attaques il motive par ses activités non contrôlées. Mais lorsque Bar se vante de 2 000 arrestations récentes, il est clair qu'il y a plus que quelques innocents parmi eux, et des personnes qui seront radicalisées par leur seule détention.

Dans une réalité où, chaque nuit, des soldats accompagnés de chiens terrorisent les gens qui dorment chez eux et arrachent des citoyens de leur lit sur ordre du Shin Bet, sans aucune supervision légale bien sûr, et dans une réalité où des centaines de personnes sont détenues sans procès pendant des mois et des années, également sur ordre du Shin Bet, il est clair que les dégâts sont énormes. La conséquence la plus grave est de transformer la démocratie israélienne en l'une des tyrannies militaires les plus brutales du monde, ne serait-ce que dans sa propre arrière-cour.

Le Shin Bet opère à peine dans l'Israël souverain. Mais ce qu'il fait dans les territoires occupés depuis 1967, qui sont une partie inséparable d'Israël, apparemment pour toujours, rend impossible de définir Israël comme une démocratie, certainement pas quand il est clair que ce n'est pas une situation temporaire. Il n'y a aucun mal avec lequel la Stasi israélienne - dans les territoires, le Shin Bet est la Stasi dans tous les sens du terme, avec une technologie plus avancée que celle dont disposait la tristement célèbre organisation est-allemande - n'est pas familière.

Cette semaine encore, j'ai rencontré, au camp de réfugiés d'Al-Arroub, un garçon de 11 ans qui a perdu un œil à cause d'une balle des FDI. Aujourd'hui, il a également été défini comme un risque pour la sécurité, et il lui est interdit d'entrer en Israël pour se faire soigner au centre médical Hadassah de Jérusalem, sur ordre du Shin Bet. La semaine dernière, deux patients atteints de cancer dans la bande de Gaza sont décédés ; ils n'ont pas pu recevoir de traitement en Israël à temps car le Shin Bet leur a refusé l'entrée pendant deux mois.

Peut-être que tout ce mal est nécessaire pour combattre la terreur - c'est très douteux - mais la personne qui commande les agents du mal ne peut pas prêcher la morale. Il serait préférable que ces personnes aient honte de certaines des actions honteuses dont elles sont responsables.

C'est une fois de plus la saison de l'arrogance des faucons de la sécurité. Le chef du Mossad a menacé l'Iran, le chef du renseignement militaire a menacé le Hezbollah et le chef du Shin Bet a menacé Israël. Cette dernière menace est la plus sérieuse et la plus dangereuse de toutes.

 

LUIS E. SABINI FERNANDEZ
Time is money, une maxime capitaliste : et la vie, qu’est-ce que c’est ?
Dark Waters, DuPont et le téflon

 Luis E. Sabini Fernández, 9/9/2022

Traduit par Rafael Tobar, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Dark Waters

Réalisé en 2019 par Todd Haynes, Dark Waters est un film usaméricain primé et aclamé, qui a été produit et interprété par Mark Ruffalo. Le scénario de Mario Correa et Matthew M. Carnahan est basé sur l’article The Lawyer Who Became DuPont's Worst Nightmare de Nathaniel Rich dans le New York Times. Il raconte l’histoire réelle de l’avocat Robert Bilott, exposant clairement l'idéologie dominante aux USA, au-delà du contenu explicite du film, et pour lequel il a été très bien accueilli.

Bilott, avocat dans un cabinet dédié à la défense des patrons d’entreprises, lui-même originaire de Virginie-Occidentale, apprend qu'un des voisins de sa grand-mère est confronté à la mort inexplicable de vaches de son élevage.

Il a 190 vaches mortes, qu'il a au départ enterrées « comme si c’était des membres de la famille », dit-il à Bilott, mais au fur et à mesure que les ravages mystérieux s'étendent, l’éleveur se rend compte que les eaux du ruisseau local ont été contaminées, et il se voit contraint de brûler les carcasses ensemble.

Ses terres jouxtent le terrain d’un laboratoire de l’entreprise DuPont, et, vu qu’on est dans la seconde moitié du 20e siècle, l’éleveur se demande inévitablement quel poison provient de ce terrain.

Le rôle du protagoniste du film est au départ ambigu : il veut sincèrement aider le voisin de sa grand-mère (qui vit dans une maison qu'il a bien connue dans son enfance), un éleveur moyen qui s’appelle Wilbur Tennant, mais ses collègues du cabinet le préviennent qu’il serait insensé de se bagarrer contre l’entreprise DuPont.

Bilott essaie donc de porter plainte dans la limite d’un délai de prescription, afin de corriger certaines irrégularités qu'il ne comprend pas lui-même. 

L'avocat qui représente l’entreprise DuPont, vieux copain du monde des petits arrangements entre amis, n'accepte aucune conciliation, pas même celle que Bilott avait timidement prévu de proposer.

 L’avocat de la défense et l’entreprise

Et l'incursion de Bilott dans le dédale des dispositions commerciales et juridiques lui fait découvrir l'univers des produits toxiques et des poisons utilisés en toute impunité.

Il apprend peu à peu que les études et les analyses qui se font, tant celles de l'entreprise que celles commandées à des tiers, révèlent des dommages que DuPont passe sous silence.

L’entreprise est protégée par des avis « scientifiques» (en fait, signés par des scientifiques) attestant de l'innocuité ou de la faible nocivité des substances chimiques étudiées.

Ce n'est pas nouveau. Le téflon ne fait que répéter, en matière de santé, la tendance de nombreux autres polymères à haut rendement commercial, économique et financier.

Cette merveille technologique fut découverte « par hasard » en 1938 par Roy J. Plunkett (comme l’immense majorité des plastiques dérivés du pétrole découverts dans la première moitié du 20e siècle).

Et en 1945, il a été breveté et commercialisé :

« Depuis  qu’elle a été enregistrée, la marque Teflon™ est devenue immensément populaire et reconnue dans le monde entier pour ses propriétés antiadhésives[1].

Elle est utilisée dans les : « revêtements pour ustensiles de cuisine ; les tissus et les imperméabilisants antitaches et antisalissures; les revêtements pour des environnements de production et industriels difficiles ».

Peut-être aurait-il été utilisé dans des revêtements industriels sans le potentiel pathogène qu'il a révélé lorsqu'on l’appliqua sur des casseroles et des poêles, en contact direct avec nos aliments.

«Plunkett reçut la reconnaissance de la communauté scientifique, universitaire et civile du monde entier pour sa contribution. Il a été intronisé au Plastics Hall of Fame en 1973 et au National Inventors Hall of Fame en 1985.

D'après la transcription ci-dessus, nous pouvons voir que le téflon faisait partie du techno-optimisme des hommes d'affaires qui n'étaient pas prêts à perdre le business à cause de quelques personnes affectées.



Rob Bilott sur les terres des Tennant, près de Parkersburg, Viginie occidentale. Photo Bryan Schutmaat pour le New York Times

La ténacité de Bilott et, surtout, celle de Tennant, qui, même malade (car ce ne sont pas seulement ses vaches qui ont été contaminée et tuées), lui permettra de poursuivre ses efforts pour localiser la source des dégâts.

Aussi, lorsque DuPont tente de calmer le jeu en accordant une mini-indemnité de 16 millions de dollars à un certain nombre de victimes, et en s'appuyant sur une décision de l'EPA (Agence usaméricaine de protection de l'environnement), à une époque où l'entreprise continuait d’empocher un milliard de dollars de ventes annuelles sur ses «produits fantastiques» et où Bilott lui-même est tenté, Tennant ne cède pas et insiste pour  combattre  DuPont.

Il est lui-même déjà atteint d'un cancer, tout comme sa compagne.

Tennant n'a pas seulement dû affronter l'entreprise contaminante, contrefaisante et meurtrière ; il n'a pas non plus reçu de soutien local, car ses voisins ont fui tout contact, le critiquant pour avoir mordu la main de ceux qui modernisaient l'endroit avec un établissement modèle...

On peut comparer Wilbur Tennant et son incroyable persévérance à la lutte d'un agriculteur victime du glyphosate contre une autre entreprise géante, Monsanto.

Percy Schmeiser, un Canadien,  a également fini par gagner un procès après des années et des décennies de contamination, de harcèlement, d'abus et de chicaneries.

Les produits toxiques finiront par rendre malades d'autres voisins de Tennant et des travailleurs de l'usine de Parkersburg, en Virginie occidentale.



L'usine chimique située près de Parkersburg, en Virginie occidentale, à l'origine de la contamination au centre du recours collectif contre DuPont. Photo Bryan Schutmaat pour le New York Times