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07/09/2025

HILO GLAZER
Israël a déjà connu des extrémistes occupant de hautes fonctions, mais rien de comparable au choix par Netanyahou de David Zini pour diriger le Shin Bet

David Zini. Illustration: David Polonsky

Il s’agit de la nomination la plus alarmante de Netanyahou à ce jour. Toute personne familière avec l’environnement dans lequel a grandi son futur chef du Shin Bet, David Zini, en comprend parfaitement les raisons.

Hilo Glazer, Haaretz, 4/9/2025
English original: 
Israel Has Seen Extremists in High Office. But Nothing Like David Zini, Netanyahu's Shin Bet Pick
Traduit par Tlaxcala

Le capitaine David Zini, alors jeune commandant prometteur de compagnie dans la brigade Golani de Tsahal, s’inquiétait du manque d’esprit critique parmi ses jeunes soldats. Il leur projeta donc le film La Vague. Ce film raconte l’histoire d’adolescents suivant un professeur charismatique de lycée, qui tente de montrer à ses élèves ce qu’est la vie sous une dictature : il impose une discipline stricte, exige une obéissance aveugle et les transforme en un mouvement clandestin radical et dangereux.

Après la projection, Zini dirigea une discussion. « Je voulais que la compagnie comprenne qu’une société dépourvue de fondement moral solide, guidée uniquement par la masse, peut engendrer un dirigeant qu’aucun de nous ne souhaiterait », expliqua Zini, alors âgé de 25 ans, au journaliste de Haaretz Avihai Becker.

Nous étions en 1998, et Zini affichait une aversion pour tout ce qui ressemblait à une dictature. Il voulait inculquer à ses soldats la conviction que « l’on peut être à la fois intelligent et un combattant efficace », tout en restant hésitant sur la poursuite de sa propre carrière dans l’armée, remarquant que « le cadre militaire est belliqueux et ne laisse aucune place au raffinement ».

Zini parlait également du coût de l’occupation israélienne des Palestiniens dans des termes auxquels des militants de gauche pouvaient facilement s’identifier. « Après un service prolongé en Cisjordanie, nous sommes toujours confrontés à des problèmes normatifs difficiles », déclara-t-il. « Dans la plupart des cas, ça provoque une crise dans la compagnie. Les dilemmes qui en émergent conduisent soit à une décadence morale, soit à l’apathie, ou tout aussi inquiétant, à une hyper-barbarie et un effondrement critique des valeurs. »

« Pour une compagnie de combat, [ce qui se passe à] Hébron est le sommet de la décadence », ajouta-t-il. « Il n’y a pas de dommage moral plus grand. Toutes sortes de perversions éclatent en même temps. Quand vous passez quatre mois, huit heures par jour, à un checkpoint dans une jeep militaire, l’oisiveté se transforme facilement en harcèlement, en jet de pierres dans les cours arabes juste pour s’amuser. Un bataillon qui revient d’Hébron sans s’effondrer – c’est un exploit. Ce sont des faits qu’il faut reconnaître ».

De capitaine à général

Plus d’un quart de siècle plus tard, à 51 ans, le capitaine est devenu général. Il avait été renvoyé de l’armée en raison de ses liens douteux avec le Premier ministre Benjamin Netanyahou et maintenant, il doit être nommé par ce dernier à la tête du Shin Bet. C’est la nomination la plus effrayante de Netanyahou à ce jour. Pas étonnant que les signaux d’alarme se multiplient – en particulier en raison de l’impact potentiel sur une démocratie israélienne déjà vacillante.

Ce qui alimente le plus l’inquiétude, ce sont les déclarations récentes de Zini, qui traduisent son éloignement de valeurs telles que la sagesse politique (« Le système judiciaire est une dictature qui contrôle tout le pays ») ou l’État de droit (il a affirmé que les anciens chefs du Shin Bet « se sont trompés » en se considérant liés par la loi puisqu’ils « sont d’abord et avant tout subordonnés au Premier ministre »).

Zini fait aussi l’éloge de l’extrémisme religieux (« Le messianisme n’est pas un gros mot ») et s’oppose à la fin de la guerre dans la bande de Gaza en raison de cette même vision messianique (« C’est une guerre éternelle »). Il n’est donc guère surprenant qu’il soit le seul officier supérieur de l’état-major de Tsahal à avoir adopté le slogan de Netanyahou : « victoire totale ».

En réalité, ce que Zini déclarait à Haaretz il y a tant d’années allait totalement à l’encontre des conventions et était étranger au milieu dans lequel il avait été élevé. Son éducation fut profondément marquée par les enseignements du rabbin Zvi Yisrael Thau, figure la plus extrême du courant sioniste religieux actuel et guide spirituel du parti homophobe Noam. Thau promeut une vision messianique intransigeante, rejette tout ce qui est associé au « progrès » et défend des positions rigides et fanatiques sur les femmes, les Juifs laïcs et les personnes LGBTQ.

En temps normal, la convergence des enseignements de Thau avec la direction d’une puissante et secrète agence comme le Shin Bet relèverait du prologue d’une fiction dystopique, et non d’un scénario devenant réalité.

Au cours des dernières semaines, Haaretz a rencontré des dizaines de proches, subordonnés, officiers supérieurs et amis de Zini au fil des années, qui ont apporté un éclairage crucial sur lui et son entourage. (Il n’a pas répondu aux demandes d’entretien pour cet article.) Les conversations révèlent que certains de ceux qui le connaissent le mieux sont précisément les plus inquiets de sa future nomination au Shin Bet. Plusieurs officiers supérieurs, anciens et actuels, l’ont décrit en termes similaires : un penseur dogmatique, enclin à voir les choses en noir et blanc, et convaincu que tout problème peut être résolu par la force.

« Le chef d’état-major a toujours évité de lui confier un rôle de commandement significatif », expliqua l’un d’eux, « car son tempérament nationaliste et son extrémisme étaient connus de tous. »


Zini, le mois dernier. Ses éloges funèbres donnent un aperçu de ses opinions politiques. Photo Olivier Fitoussi

Le Shin Bet dispose de pouvoirs considérables : arrestations administratives, contrôle sur d’immenses réseaux de renseignement, capacité de mener des interrogatoires musclés et d’imposer des restrictions drastiques aux libertés fondamentales, notamment celles de mouvement et de vie privée. Que fera un homme qui considère les Palestiniens comme une « menace existentielle divine » [sic] avec une telle autorité ?

Même l’invalidation de partis politiques ou de candidats à la Knesset dépend des évaluations du Shin Bet, dont les détails restent confidentiels. Quelle position prendra l’agence sous la direction d’un homme guidé par une vision idéologique aussi fervente ?

La réponse la plus claire à ces questions est venue d’un autre extrémiste d’extrême droite. « C’est trop beau pour être vrai », a déclaré l’ancien député Moshe Feiglin dans une vidéo YouTube. « Si le général de division Zini est nommé chef du Shin Bet, l’agence deviendra une police secrète [qui s’en prendra] aux [manifestants anti-gouvernementaux] de la rue Kaplan à Tel-Aviv et à toutes les autres forces de destruction. La fête serait finie ».

Zini ne s’exprime en public qu’au sujet des morts, et ses oraisons funèbres offrent un aperçu de sa vision politique. Lors des funérailles du colonel Yonatan Steinberg, tué le 7 octobre, il déclara : « Il est impossible de ne pas penser à Yonatan et à son combat contre l’armée des Philistins. » Selon lui, « Les mêmes Philistins qui cherchaient alors à détruire le royaume d’Israël sont ceux-là mêmes qui font tout aujourd’hui pour que nous ne soyons plus ici. » Lors de la cérémonie de Yom HaZikaron en 2019, il affirma : « Nous devons nous rappeler que nos ennemis sont les ennemis de l’Unique, béni soit-Il, et que nos défenseurs sont Ses défenseurs, et toute tentative de séparer les deux est liée aux afflictions de l’exil. »

En avril, il prit la parole lors de la cérémonie commémorative des soldats tombés du bataillon ultra-orthodoxe Netzah Yehuda, en ouvrant par une oraison funèbre pour le rabbin Meir Mazuz, décédé ce mois-là. Zini qualifia Mazuz d’« homme juste et saint ». Mazuz figurait parmi les personnalités les plus extrêmes de la direction du parti ultra-orthodoxe Shas et était également considéré comme un mentor du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et de l’activiste kahaniste Baruch Marzel.

La majeure partie du discours de Zini porta sur le commentaire de Mazuz concernant la révolte de Bar Kochba et la raison pour laquelle des milliers d’élèves du rabbin Akiva périrent dans cet échec face aux Romains (133-135 de l’ère chrétienne). « Ne commettez pas l’erreur de penser que le rabbin Akiva s’est trompé en soutenant Bar Kochba », déclara Zini, expliquant que ces « dizaines de milliers de corps sont devenus un symbole et un exemple de la sainteté d’Israël ».

De ce massacre barbare de l’Antiquité, Zini tira ce message : « Nous retournerons à Sion, et nous aurons une armée, des guerriers et des guerres, et le royaume reviendra en Israël. Telle est la voie de la rédemption, jadis comme aujourd’hui. »

Trois ans plus tôt, Rachel Zini, la grand-mère de David Zini, s’était éteinte à l’âge de 100 ans. Née en Hongrie, elle fut déportée à Auschwitz avec sa mère et sa sœur. Des survivants qui l’ont connue se souvenaient qu’elle essayait de convaincre ses codétenues de ne pas se suicider, leur disant : « Auschwitz est temporaire. »

Pendant la guerre, la sœur de Rachel fut envoyée dans les chambres à gaz et, à la fin, Rachel et sa mère furent forcées de participer à une marche de la mort épuisante de quelque 650 kilomètres, avançant dans la neige aux côtés de centaines d’autres femmes. Seules quelques-unes survécurent.

Parmi les officiers alliés qui croisèrent ces femmes émaciées se trouvait Meir Zini, descendant d’une famille de rabbins d’Algérie et officier dans l’armée française. Confronté à cette scène bouleversante, il exhorta ses camarades juifs à épouser les survivantes : « Voici ce qu’il reste du peuple d’Israël, et c’est ainsi que nous reconstruirons notre nation. »

Après avoir épousé Rachel, le couple retourna en Algérie puis s’installa à Paris, où Meir fut rabbin pendant 40 ans. Leur fils aîné, Yosef, y naquit. Finalement, la famille émigra en Israël et s’installa à Jérusalem. David, fils aîné de Yosef et Penina, naquit un jour d’hiver enneigé en 1974. Plus tard, la famille déménagea à Ashdod, où Yosef fut nommé rabbin de quartier, poste qu’il occupa de longues années.

Un ami de longue date de Zini, David Attoun, se souvenait que leur maison d’Ashdod « respirait la modestie et l’amour, avec dix enfants dormant serrés dans des lits superposés ». Un autre ami, qui demanda l’anonymat, avait un souvenir bien différent : « J’ai toujours été intimidé par le père. C’était le genre de figure qui vous faisait vous recroqueviller – un homme très idéologique, strict, considéré comme l’un des élèves les plus extrêmes du rabbin Zvi Yehuda Kook », fils du rabbin Abraham Isaac Kook et directeur de la yeshiva Mercaz Harav de Jérusalem.


Yosef Zini, dans une publicité pour le parti extrémiste Noam

Yosef Zini est connu comme un proche disciple du rabbin Thau. En 2021, il annonça rejoindre le parti Noam de ce dernier. Un an plus tard, il signa avec d’autres rabbins une lettre soutenant officiellement Noam et prit la parole lors d’une conférence du parti à Ashdod.

À l’école religieuse où il étudiait, David Zini était perçu comme un élève faible, peinant à suivre. Plus tard, son père raconta que trois prestigieuses yeshivot avaient refusé de l’accepter.

Lors de sa nomination comme général de division il y a deux ans, l’une de ses sœurs, Bracha Sarim, révéla qu’il « était un enfant espiègle… et n’avait été accepté dans aucune école préparant les élèves à la neuvième année. Ce n’est qu’après les insistances répétées de notre père qu’ils acceptèrent de lui donner un mois d’essai dans une yeshiva secondaire assez éloignée de la maison ».

C’est ainsi que le jeune Zini se retrouva dans le Golan.

Moshe Egozi, le prof

« David est arrivé ici soi-disant avec des difficultés d’apprentissage, mais il est vite apparu que ses difficultés tenaient surtout au système », déclara le rabbin Moshe Egozi, professeur de Zini à la yeshiva de Chispin, dans le sud du Golan. « Mais chez nous, il a éclos. »

Zini fut placé dans une classe d’élèves ayant besoin de renforcer leurs compétences en lecture. Egozi, qui allait ensuite diriger l’école pendant des décennies, en fit un projet personnel : « Il est devenu membre de notre foyer, ma femme et mes enfants faisaient partie de son processus éducatif. Mon âme s’est liée à la sienne et la sienne à la mienne. »

Lorsqu’il suivait la voie juste, pour ainsi dire, Zini montrait une « combinaison rare d’esprit et de détermination », se souvient Egozi. « C’était comme s’il était né soldat, mais il possédait aussi une forte boussole morale et une sensibilité aux autres. Il courait des dizaines de kilomètres par jour et, à la fin, s’assurait que toutes les chaises de la classe étaient ramassées pour ne pas fatiguer le personnel de nettoyage. »

La suite marqua un tournant radical : Zini intégra la yeshiva Shavei Hébron, l’une des institutions prestigieuses suivant la ligne idéologique du rabbin Thau. Plus exigeante sur le plan académique, elle visait aussi à inculquer à ses étudiants le sens des responsabilités, notamment dans Tsahal (elle propose un parcours « hesder », combinant études religieuses et service militaire).

L’éducation y était très à droite, extrême – de jeunes de 18 et 19 ans armés d’Uzis parcourant le souk d’Hébron aux côtés de Baruch Marzel. « Avec le recul, cela me choque », confia son ami Attoun. « Je n’aurais jamais choisi un tel environnement, mais c’était celui dans lequel nous avons grandi. »

Zini réalisa son rêve d’intégrer une unité d’élite en étant accepté à la Sayeret Matkal, l’unité de reconnaissance. « David voulait devenir officier dans l’unité, mais seuls deux furent nommés chefs d’équipe et il n’en faisait pas partie. Alors il partit », raconta son camarade Nahum Petchinik.

Il suivit la formation d’officier et servit comme commandant de compagnie dans le 12 bataillon de la brigade d’infanterie Golani, aux côtés de Yaniv Asor, Rassan Alian et Tamir Yadai – tous futurs généraux. L’officière chargée de l’éducation du bataillon était Ayelet Shaked, future ministre de la Justice d’Israël.


Netanyahou et Zini. Lorsque Zini était candidat au poste de secrétaire militaire, le Premier ministre l'avait rejeté, le jugeant “ trop messianique”. Photo Maayan Toaf/GPO

Zini le commandant

David Zini développa un style de commandement intransigeant et intimidant. « La nature d’un soldat est de pleurer, la nature d’un commandant est d’exiger », disait-il, alors jeune officier. Deux surnoms lui collèrent alors : « Ahmazinijad » (jeu de mots avec Mahmoud Ahmadinejad) et « Zinitiocus » (en référence au roi grec Antiochos). Zini ne s’en vexait pas, cultivant même le mythe naissant autour de lui.

C’est dans la brigade Golani qu’il commença à se distinguer. Le commandant de brigade Gadi Eisenkot, futur chef d’état-major, le remarqua comme chef de section et le destina à des postes supérieurs. Après la seconde guerre du Liban en 2006, il devint commandant du 51 bataillon de Golani, traumatisé par de lourdes pertes à Bint Jbeil. Zini voulait redresser ses troupes, même si cela impliquait des confrontations. Certains soldats se plaignirent qu’il refusait qu’ils reçoivent un suivi psychologique, et il gagna la réputation d’ « officier le plus insensible » après avoir interdit l’érection d’un mémorial, arguant qu’il fallait « se concentrer sur les vivants, pas sur les morts ».

Shiran Amsili, l'un des héros de la bataille de Bint Jbeil, également blessé, a déclaré dans une interview à l'époque : « Nous en étions arrivés à un point où quelque chose en nous était sur le point d'exploser. Personne ne nous écoutait, et nous nous sentions brisés, morts. »

À l'hiver 2007, alors que le bataillon s'entraînait à la base de Tze'elim, dans le sud, une mutinerie sans précédent éclata parmi les soldats. Plus de 100 d'entre eux abandonnèrent la base et se lancèrent dans une marche de protestation sur la route de Beer Sheva. Zini chercha à infliger des sanctions sévères aux meneurs, et 11 soldats furent condamnés à des peines allant de 28 à 56 jours de prison. Amsili, considéré comme l'un des principaux instigateurs de la révolte, fut condamné à la peine maximale. Zini recommanda même qu'Amsili, qui avait été nominé pour une médaille de la vaillance pour son courage au combat, se voie refuser cette médaille en raison de son rôle. Finalement, Amsili a reçu la médaille, mais a ensuite souffert de stress post-traumatique et de graves problèmes financiers. Son père, Yossi Amsili, a déclaré à Haaretz en début de semaine que la famille n'en voulait pas à l'ancien commandant de bataillon. « Zini a hérité d'un bataillon à moitié détruit », a déclaré le père. « Il a essayé de le remettre sur pied. Les soldats, déjà fragiles, étaient sur le point de s'effondrer encore davantage, ce qui a conduit à des affrontements. Finalement, Zini a réussi. Il les a relevés.»

D'autres soldats du bataillon ont loué leur supérieur. « Il était prêt à risquer sa vie pour sauver les blessés », a déclaré Ido Gal Razon, cofondateur de Fighters for Life, une organisation qui aide les anciens combattants de Tsahal souffrant de SSPT. « Zini était un commandant différent : il n'était pas là uniquement pour faire son devoir, mais aussi déterminé à laisser une trace », a ajouté un autre ancien subordonné, David Shaulov. Zini exprimait également publiquement les valeurs religieuses inculquées durant son enfance, les utilisant pour inspirer un esprit combatif à ses soldats. « Avant chaque entrée à Gaza, il nous réunissait en cercle et nous parlait de sa vision », se souvient Shaulov. « Il nous inculquait un grand esprit et une grande motivation. Il choisissait le soldat le moins connecté au monde religieux, celui qui n'observait aucun commandement, lui plaçait une kippa sur la tête et lui demandait de réciter la Prière du Voyageur [marquant le début d'un voyage]. »

Quoi que l'on pense des méthodes de Zini, il ne fait aucun doute qu'il a réhabilité le 51e Bataillon. Pour son excellence au combat à Gaza, en 2007-2008, le bataillon a reçu une citation d'unité, et Zini s'est vu remettre personnellement un certificat d'excellence par le chef d'état-major de l'époque, Gabi Ashkenazi.

En 2008, Zini fut nommé commandant de l'unité d'élite antiguérilla Egoz, incarnant le même style de leadership strict et intransigeant. En 2011, il fut promu colonel et nommé commandant de la brigade de réserve Alexandroni. Il se distingua encore davantage lors de l'opération Bordure protectrice en 2014, lorsqu'il fut appelé temporairement pour remplacer le commandant de la brigade Golani, Rassan Alian, blessé, et dirigea la brigade lors de la bataille du quartier de Shujaiyah à Gaza.

Un an plus tard, le chef d'état-major de l'époque, Gadi Eisenkot, le nomma à la tête d'une nouvelle brigade commando, composée de quatre unités d'élite : Maglan, Duvdevan, Egoz et Rimon. Mais à partir de ce moment, l'aura qui entourait cet officier audacieux commença à s'estomper. Ses points forts – le souci du détail, les évaluations post-activité méticuleuses et la rigueur de l'entraînement – ​​se transformèrent progressivement en faiblesses. Des témoins interrogés par Haaretz ont décrit Zini comme un commandant tactique talentueux, qui peinait à transposer ses compétences au niveau stratégique. Il n'a pas su développer une perspective systémique ni la flexibilité mentale requise pour un officier de son rang, ont-ils déclaré.

Certaines des personnes qui le connaissent le mieux sont précisément celles qui s’inquiètent le plus de sa nomination attendue. « Le chef d’état-major a toujours évité de lui confier un rôle opérationnel significatif », a déclaré un officier supérieur, « parce que son tempérament nationaliste et son extrémisme étaient connus de tous. »

Selon ces sources, la carrière de Zini au cours de la dernière décennie parle d’elle-même. En tant que commandant de division, il n’a été promu à aucun poste opérationnel important et a été affecté à la 340e Division de Réserve, relativement marginale, qui n’a pas participé à des activités opérationnelles pendant son mandat. Son rôle suivant, en tant que général de brigade commandant la base d’entraînement de Tze’elim, était tout aussi peu remarquable.

« Zini a été écarté du noyau opérationnel », a déclaré un officier. Un autre a ajouté : « Zini est encore enveloppé par la légende d’un officier agressif, cherchant l’engagement, mais il y a un problème avec ça : depuis qu’il a commandé le 51e bataillon de Golani, il n’a occupé aucun poste impliquant un engagement direct avec l’ennemi. »

Si Zini était un général de brigade cantonné à des rôles relativement marginaux, pourquoi l’ancien chef d’état-major Herzl Halevi l’a-t-il promu au grade de général de division ? À cette question, les réponses divergent. Selon certaines sources, le lobby soutenant la promotion de Zini s’est mis en place dès le mandat du prédécesseur de Halevi, Aviv Kochavi. Zini était frustré d’être mis à l’écart.

Le général de division Eliezer Toledano, considéré proche de Zini, a tenté de convaincre Kochavi de lui confier un poste plus prestigieux, en particulier le commandement de la Division de Cisjordanie de Tsahal– un poste très convoité par la droite des colons. Kochavi n’a pas été convaincu. Lorsque Toledano, alors chef du Commandement Sud, a de nouveau plaidé pour Zini, l’ancien chef d’état-major a accepté d’offrir une sorte de lot de consolation : le commandement du plus grand exercice d’entraînement de Tsahal à Chypre.

Au début de 2023, Halevi a été nommé à la tête de Tsahal, et peu après, le lobby des colons a relancé sa campagne en faveur de Zini. Selon des sources, cette fois, c’est le bureau de Netanyahou qui a poussé pour une série de promotions qui verrait Zini élevé au poste de général de division.

Halevi a d’abord hésité, mais la pression du bureau du Premier ministre l’a convaincu d’accorder à Zini le grade souhaité en lui confiant un rôle supplémentaire, quelque peu périphérique : celui de chef du Commandement de l’Entraînement. Interrogé sur la question ces derniers mois, Halevi a insisté sur le fait que la promotion de Zini au grade de général de division était professionnelle et non le résultat d’une pression extérieure.

Une chose est certaine : la première affectation de Zini en tant que général de division devait également être sa dernière. Sa nomination à un commandement régional n’était pas garantie, et il était censé prendre sa retraite selon les procédures normales lors de la série suivante de nominations. Comme il se voyait confier un rôle relativement périphérique, ses responsabilités ont été légèrement élargies. Il a été chargé du Corps de l’État-major général, dissous peu après son départ, ainsi que d’autres projets occasionnels, le plus notable étant la création d’une nouvelle brigade haredi. Zini ne faisait pas partie des généraux les plus actifs de Tsahal et sa routine quotidienne lui laissait amplement de temps pour poursuivre ses études à la yeshiva religieuse sioniste Har Hamor à Jérusalem.


Le rabbin Yehoshua Zuckerman, professeur et mentor de Zini. Quiconque l’appelle son rabbin fait siens les enseignements du rabbin Thau

Rabbin Yehoshua Zuckerman

Ces dernières années, Zini a accordé peu d’interviews et n’est apparu en public que très rarement. L’éloge funèbre qu’il a prononcé il y a trois ans lors de la commémoration du rabbin Yehoshua Zuckerman, son professeur et mentor, était un événement inhabituel. Zuckerman, l’un des fondateurs de Har Hamor, était considéré comme le bras droit du rabbin Thau. En effet, dire que Zuckerman était le rabbin de Zini revient à dire que les enseignements de Thau étaient également les siens.

Zini a évoqué son lien profond avec Zuckerman, avec qui il avait étudié à la yeshiva et duquel il s’était fortement rapproché ; il l’a loué dans son discours, lui attribuant des qualités presque mystiques. Il a décrit comment il avait su gagner la confiance du rabbin âgé : « Je suis venu pour être testé chez le rabbin. Mes jambes tremblaient », a-t-il raconté. « Le rabbin a dit : ‘Très bien, commence à lire.’ C’était beaucoup plus difficile que le processus de sélection pour les unités d’élite, je dois le dire. J’étais complètement terrifié qu’il ne m’accepte pas, car je n’avais nulle part ailleurs où aller. »

Selon Zini, Zuckerman avait d’abord remarqué qu’il était « rouillé » et lui avait suggéré d’étudier avec un autre professeur. Mais Zini ne s’est pas découragé. Zuckerman aurait été impressionné par la persévérance du vétéran et l’a finalement accueilli dans son petit cercle de disciples à Har Hamor.

Dans son éloge, Zini a établi une analogie entre la manière dont son identité de soldat de combat s’était forgée et son développement en tant qu’érudit de la Torah. « Petit à petit, j’ai affronté des défis de plus en plus difficiles, et je me sentais de plus en plus à l’aise pour poser des questions. » Avec le temps, a-t-il ajouté, il s’était permis de soumettre à Zuckerman de véritables dilemmes liés à son service militaire.

« Nous, en tant qu’hommes d’action, et surtout en tant qu’officiers de Tsahal, savions – et je ne dis pas délibérément comprenions ou percevions, mais savions – que nos actes sont grands, intenses et bien plus exigeants que ce que nous pouvons saisir », a poursuivi Zini d’une voix tremblante, marquant une pause pour retenir ses larmes. « Nous savions que nous ne comprenions pas. Mais le rabbin Zuckerman – lui, il sait. Par sa connaissance. C’est l’expert. »

Yair Nehorai, qui a assisté au discours de Zini, n’a eu aucun doute sur leur interprétation. Nehorai, auteur et avocat qui suit la communauté messianique et ses activités, avec lesquelles il est en désaccord, estime que les propos de Zini « montrent clairement que le service militaire est un outil pour réaliser une vision messianique du monde. Même s’il ne sait pas exactement comment ça va se dérouler, il agit selon son rabbin. Zini combat pour l’amour du ciel, pour quelque chose de plus grand qu’il ne peut entièrement comprendre, mais que son rabbin comprend. »

Rabbin Eliezer Kashtiel

L’élite des colons était en liesse. Ses médias ont rapporté que le mariage « rassemblait deux des familles les plus connues de la communauté ». Les parents de la mariée étaient Zini et sa femme Naomi. Les parents du marié étaient le rabbin Eliezer Kashtiel, directeur d’une yeshiva de Tel Aviv et figure de proue de l’académie pré-militaire Bnei David dans la colonie de Cisjordanie d’Eli, et sa femme Shlomit.

Ayelet Hashahar et Hillel se sont mariés à l’été 2023 à Eli, sous une houppa tissée par un artiste local à partir de 1 100 fils « en mémoire de la destruction de 1 100 fruitiers de 20 ans » à Kerem Shilo, un avant-poste de colons illégal évacué par les autorités israéliennes plus tôt cette année-là.

Le mariage, auquel ont assisté des centaines de personnes, constituait à la fois une démonstration de soutien à l’expansion du projet de colonisation et, peut-être encore plus, un acte de défiance envers les institutions de l’État. Son impact a continué de se faire sentir longtemps après les festivités, car le nouveau parent de Zini par alliance, le rabbin Kashtiel, n’a guère besoin de gestes symboliques pour exprimer ses positions radicales.


Eliezer Kashtiel. Photo Limor Edrey

Kashtiel prêche systématiquement que la mission principale de l’État doit être l’expulsion des Palestiniens de leurs terres. Lors d’une récente leçon, il a affirmé que Tsahal devait servir d’« armée de conquête » – même en temps de paix :

« Même si aucune balle n’était tirée contre nous, et même si les habitants de Gaza, qui ne font pas partie du peuple d’Israël, ne nous apportaient que des fleurs, des lettres d’amour et des dessins de cœurs, nous serions quand même obligés, même le Shabbat, d’aller en guerre et de conquérir la Terre d’Israël. Selon la loi de la Torah, nous sommes obligés de conquérir au moins jusqu’à Beyrouth », a-t-il ajouté. « En fait, les ambitions impérialistes de ce rabbin s’étendent jusqu’en Turquie. Pourquoi les Turcs sont-ils contre nous ? Le Saint nous indique que nous devons y parvenir. »

Pour Kashtiel, une parade des fiertés n’est rien d’autre qu’une « abomination » célébrant « les mariages d’hommes avec des hommes, de femmes avec des femmes, d’hommes incertains de leur sexe et de femmes incertaines de leur sexe ». Chez ses élèves de l’académie pré-militaire, dont beaucoup serviront ensuite dans Tsahal, Kashtiel inculque une doctrine raciale rigide.

« Oui, nous sommes racistes », a-t-il déclaré lors d’une conférence. « Bien sûr qu’il y a des races. Nous croyons au racisme. Il y a des races dans le monde et des traits génétiques des nations, et cela nous oblige à réfléchir à comment les aider. »

De plus, Kashtiel, qui a exprimé son soutien au parti Noam et enseigne également à la yeshiva Ma’aleh Eliyahu de Tel Aviv, affirme qu’il est permis de haïr un résident de Tel Aviv qui refuse de se repentir après « avoir commis des actes mauvais, immoraux et corrompus ». Pourtant, de telles expressions semblent presque accessoires par rapport à la doctrine systématique qu’il promeut sur le changement de régime qu’Israël doit mettre en œuvre – et le plus tôt sera le mieux.

« Nous avons obtenu l’indépendance et la liberté politique, mais nous devons passer à l’étape suivante », a-t-il déclaré à ses élèves. « L’étape suivante consiste à déclarer que notre mission, en tant que royaume et en tant qu’État, est de proclamer que le Seigneur est roi. Cela signifie que nous agissons en tant que royaume, et que nos motifs et nos considérations sont ceux du Royaume des Cieux. Comment cela s’exprime-t-il ? En éradiquant Amalek. Tous ? Oui, tous. Homme, femme, nourrisson, enfant allaité, bœuf, mouton – tout, tout, tout… Parce que telle est la volonté du Seigneur. Parce que le Seigneur est roi. C’est l’étape à laquelle nous devons parvenir, pas à pas, ou peut-être devrions-nous aller un peu plus vite. »

Kashtiel est peut-être l’un des rabbins les plus extrêmes du système éducatif nationaliste ultra-orthodoxe, ou Hardali, connu sous le nom de Yeshivot Hakav (« yeshivas qui suivent la ligne »), mais ses propos sur « l’étape suivante » sont profondément ancrés dans la vision messianique que ses collègues de Bnei David cherchent à transmettre à leurs élèves.

Selon Nehorai, l’académie d’Eli, dirigée par les rabbins Eli Sadan et Yigal Levinstein, cherche à enrôler ses diplômés dans un projet visant à remplacer le système de gouvernement d’Israël par un régime basé sur la halakha, la loi religieuse traditionnelle, dont la constitution serait la Torah et dont l’autorité s’étendrait sur l’ensemble de la Terre promise biblique. Sadan et son cercle, selon Nehorai, poursuivent cette vision en essayant de placer des fidèles à des postes clés de la vie publique, notamment dans le gouvernement et l’armée.

« Le génie de la méthode est de se présenter comme non-partisan », a-t-il expliqué. « Elle fonctionne en insérant des agents dormants dans le système, modifiant ainsi son ADN de l’intérieur. »

Pour cette raison, Nehorai n’a pas été surpris d’apprendre que Sadan était le principal promoteur de la nomination de Zini comme secrétaire militaire de Netanyahou, nomination qui ne s’est jamais réalisée. Il estime désormais que les cercles de Sadan et de Thau s’attendent à ce que Zini dirige le Shin Bet et l’utilise au service de la révolution basée sur la Torah tant attendue.

« Nous savons que l’entourage proche de Zini est entièrement immergé dans l’enseignement du rabbin Thau. Maintenant, demandons-nous où cela mène. Quiconque pense que ce qui est prévu ne se produira pas est naïf. Les cellules messianiques sont le foyer de Zini. Même aujourd’hui, lorsqu’il parle d’une ‘guerre éternelle’, il reprend le chant de la guerre contre Amalek tel qu’enseigné par le beau-père de son fils, le rabbin Kashtiel. »

Les frères Shmuel et Bezalel Zini

Il semble même que Netanyahou ait été troublé par cette ambiance. En janvier, Haaretz rapportait qu’il n’avait pas été particulièrement impressionné par Zini lors de son entretien pour le poste de secrétaire militaire l’an dernier, et l’avait refusé, le jugeant « trop messianique ». Pourtant, quelques mois plus tard, le nom de Zini était évoqué comme candidat au poste de chef d’état-major pour succéder à Herzl Halevi, avec des rapports suggérant que l’épouse de Netanyahou, Sara, poussait pour cette nomination.

Il est également apparu que le frère de Zini, Shmuel, est le bras droit du milliardaire de Miami Simon Falic, un proche des Netanyahou. Les Falic ont souvent manifesté leur générosité envers ces derniers, agissant comme parrains du fils de Netanyahou, Yair, lorsqu’il a déménagé en Floride ; leur villa luxueuse à Jérusalem sert de résidence au Premier ministre et à son épouse lors de séjours prolongés.


Netanyahou avec son pote Simon Falic (à sa droite) à la yeshiva Mercaz HaRav en 2023. Le frère de David Zini, Shmuel, est le bras droit du magnat. Photo Amos Ben Gershom/GPO

Shmuel Zini, directeur commercial de Falic, est également une présence fréquente dans ces cercles. À l’époque, il niait l’implication de Sara Netanyahou dans la possible nomination de Zini comme chef d’état-major et accusait les médias de s’en prendre à son frère. Shmuel n’est pas le seul frère Zini dont les activités quotidiennes gravitent autour du Likud et de son leader. Son autre frère, Bezalel, est également actif et est décrit dans la presse des colons comme un « militant public bien connu promouvant l’identité juive ».

Bezalel Zini agit pour le Likoud et d’autres partis de droite. En 2015, il a été « coordinateur du personnel opérationnel » pour le Likoud ; en 2019, il a contribué à fonder le parti Noam ; et en 2020, il est devenu responsable du « Staff conjoint pour la protection de la sainteté du Mur occidental », un organisme créé pour expulser les militantes de Women of the Wall de la place de prière dans la vieille ville de Jérusalem. En 2021, il a fondé Bezalel Zini Entrepreneurship and Projects Ltd., qui, deux ans plus tard, a organisé une manifestation soutenant la réforme judiciaire du gouvernement Netanyahu.

Aujourd’hui, Bezalel semble concentré sur un domaine très différent : la guerre à Gaza. Il serait activement impliqué dans la démolition de maisons dans la bande de Gaza, utilisant bulldozers et engins lourds.

« Bezalel dirige un projet de destruction de bâtiments à Gaza », explique un réserviste de Tsahal ayant été régulièrement stationné là-bas ces deux dernières années. « Les conducteurs de bulldozer sont une sorte de jeunes des collines, convaincus d’agir au nom de Dieu. Ce sont de véritables messianistes, entrant à Gaza en civil, prenant le contrôle des zones et rasant tout. »

Bezalel participe ainsi à l’aplanissement de la bande de Gaza via la soi-disant « Force Uriah », une unité du Corps du Génie de Combat composée de réservistes et d’employés civils de l’armée. L’unité comprend environ 100 opérateurs, beaucoup provenant de communautés d’extrême droite en Cisjordanie, recrutés dans des entreprises de construction civiles.

Il y a environ un mois, il a été rapporté que l’unité avait démoli 409 bâtiments à Gaza en quelques jours en hommage à son membre, le sergent-major de réserve Abraham Azulay, tué lors d’une opération de démolition dans la ville de Khan Younès. Des membres d’un groupe WhatsApp appelant à la relance des colonies israéliennes dans la bande ont écrit que ces actions « préparaient le terrain à la colonisation juive de toute la zone ».

L’opération couvre de larges parties de Gaza, avec des dizaines de bulldozers, dont des D9, actifs dans chaque secteur. Dans le nord, l’opération est commandée par le colonel retraité Golan Vach, ancien chef de l’unité de secours et d’évacuation du Commandement du Front intérieur, et frère du brigadier-général Yehuda Vach, dont la conduite imprudente a été détaillée dans deux enquêtes de Haaretz [lire en français]. Bezalel Zini joue un rôle central dans les démolitions en cours dans le sud.

« Bezalel est le chef de projet dans le sud ; il approuve la démolition de chaque bâtiment et est fréquemment présent sur place », explique un officier supérieur.


Bezalel Zini. Il a contribué à raser la bande de Gaza grâce à son travail au sein de la « Force Uriah », une unité du génie militaire composée de réservistes et d'employés civils de l'armée. Photo page Facebook de Bezalel Zini.

Quelle est la finalité militaire de ces démolitions ?

« La doctrine officielle dit que nous nivelons ces zones pour créer des zones de travail sécurisées », explique l’officier. « Nous détruisons les bâtiments car ce sont des positions de tir. Mais en réalité, les terroristes émergent des ruines de structures déjà détruites. On pourrait transformer toute Gaza en poussière et les menaces souterraines subsisteraient. La destruction est censée créer des zones « propres », mais c’est une illusion. C’est de la destruction pour le plaisir de détruire – une démolition ciblée qui ne peut être justifiée sous aucun prétexte. »

La démolition de bâtiments est également lucrative : le ministère de la Défense fait appel à des entrepreneurs privés, payant environ 5 000 shekels [= 1285€] par jour pour la machinerie lourde, ou en fonction du nombre de bâtiments détruits.

« Israël investit d’énormes sommes dans ce projet », ajoute l’officier. « Pour des gens comme Bezalel et les jeunes des collines, c’est gagnant-gagnant. »

Tsahal a répondu que le rôle de Bezalel Zini dans la Force Uriah fait partie de son service actif en réserve et qu’il n’est pas entrepreneur du ministère de la Défense :

« Zini sert comme réserviste régulier responsable du soutien logistique aux soldats », indique l’armée. « Il n’opère pas lui-même les machines, n’a pas de rôle de commandement dans l’unité et ne prend pas de décisions concernant les activités des combattants. La Force Uriah est une unité de réservistes provenant de diverses unités de l’IDF. Les démolitions dans la bande de Gaza sont menées selon les nécessités opérationnelles, afin de détruire les infrastructures terroristes et autres, conformément aux ordres militaires et au droit international. Toute affirmation selon laquelle il s’agirait d’une force non autorisée est fausse et totalement infondée. »

L’épouse, Naomi Zini

Depuis sa jeunesse, Zini a été attiré par les Hauteurs du Golan. Il a construit sa maison à Keshet, un moshav religieux jouxtant la frontière syrienne. Dans les cercles religieux sionistes, certains surnomment Keshet « la Sparte israélienne », en raison du nombre inhabituellement élevé d’officiers supérieurs de l’armée qui en sont issus. « Ses fondateurs envisageaient la figure d’un jeune homme tenant un fusil dans une main et une page du Talmud dans l’autre », explique une personne familière avec l’histoire de la communauté.

Keshet a en effet été forgé à la lumière des valeurs qui exaltent l'étude de la Torah et le caractère sacré de la terre. Il a été fondé après la guerre du Yom Kippour [octobre 1973], par 14 diplômés de la yeshiva Mercaz Harav à Jérusalem, pour lutter contre tout retrait israélien du Golan. Les articles consacrés à ce lieu mettent l'accent sur la figure du « leader », Eli Sadan, alors encore jeune père de famille dont le rôle principal consistait à servir dans les parachutistes, où il occupait des fonctions de combat et de commandement. Le rabbin Shlomo Aviner, aujourd'hui président de la yeshiva Ateret Cohanim, a également été le rabbin de Keshet à ses débuts.

Selon la légende, le moshav comptait à sa création seulement trois enfants, deux garçons et une fille, et une séparation des sexes a été installée dès le jardin d’enfants pour les habituer à la séparation des genres dès la première enfance. Attoun, un vieil ami de David Zini dont les parents faisaient partie des fondateurs, a déclaré à Haaretz qu'il s'agissait d'un mythe, mais n'a pas nié que la communauté imposait des normes strictes à ses membres. À l'origine, Keshet était une communauté mixte composée de résidents religieux et laïques, mais ces derniers ont rapidement réalisé qu'elle était trop extrême et l'ont quittée.

Les divers changements survenus au sein de la société israélienne au fil des ans n'ont pas adouci les mœurs dans cette communauté : lorsqu'un membre de la communauté a récemment tenté d'acheter une maison dans le moshav, il a été rejeté en raison de son orientation sexuelle et n'a été accepté qu'après que l'Autorité foncière israélienne eut annulé cette décision. Les membres ont refusé d'être interviewés, expliquant que les dirigeants du moshav leur avaient demandé de ne pas parler aux journalistes de l'environnement familial du chef désigné du Shin Bet.

Hezi et Hannah Ben Zechariah sont deux autres membres du groupe fondateur de Keshet. Leur fille Naomi est née là-bas et a grandi imprégnée des traditions locales. Elle épousera David Zini bien plus tard et fondera une famille avec lui. Leurs 11 enfants ne sont peut-être pas inhabituels dans certains cercles de hardali, mais parmi les officiers de l'armée israélienne, Zini a réussi à établir un record. Un officier du Corps des ressources humaines a déclaré cette semaine qu'en raison du nombre élevé de ses enfants, « le plus grand véhicule de l'histoire de l'armée israélienne a été attribué à Zini, une sorte de minibus de 13 places. À ma connaissance, il est le seul officier à avoir 11 enfants ; le suivant est un membre du rabbinat militaire qui en a 10 ».


Zini avec sa famille. Entre autres choses, sa femme Naomi a écrit dans son livre que « détruire les maisons à Gaza est un commandement religieux », mais que cela ne suffit pas et qu'« il faut également hériter et coloniser » la terre. Photo  Nicole Laskavi / Bureau du porte-parole du ministère de la Défense

Naomi, épouse et mère, est pleinement engagée dans la voie choisie par Zini et, comme lui, adhère aux enseignements du rabbin Thau. En juillet, des extraits d'un livre qu'elle a écrit, intitulé « Building Resilience: Conversations for a Soldier's Wife in a Time of War » (Construire la résilience : conversations pour l'épouse d'un soldat en temps de guerre) et publié l'année dernière, ont été publiés dans Haaretz. Ce livre rassemble des conversations avec les épouses de soldats combattant à Gaza et expose sa vision du monde. Elle y écrit notamment que « détruire les maisons à Gaza est un commandement », mais que cela ne suffit pas et qu'« il faut également hériter et coloniser » la terre.

Naomi Zini présente la guerre comme une « naissance nationale », lui attribuant un rôle dans la rédemption d'Israël et critiquant la « mentalité progressiste » qui, selon elle, s'est enracinée dans l'armée, ce qui se traduit par une « faiblesse dans la conduite de la guerre ». Dans son livre, Zini cite fréquemment Chana Tau, la défunte épouse du puissant rabbin, et relègue les épouses des soldats à un rôle simple : remonter le moral de leurs maris qui combattent au front. Ses écrits reflètent une hiérarchie sexuelle claire, dans laquelle les femmes sont chargées de gérer le foyer et de s'occuper de la famille. « Quand il [le mari] voit qu'il a une femme forte et compétente et un foyer bien géré, il peut lui aussi devenir plus fort et se battre correctement. »

Zini lui-même n'a jamais parlé publiquement du rôle des femmes. Cependant, trois sources qui se sont entretenues avec Haaretz et qui ont travaillé à ses côtés pendant des années ont confirmé qu'il avait tendance à se distancier des femmes de son entourage. Dans un cas, il a reculé devant une femme soldat qui s'était rendue à son quartier général et lui avait tendu la main. « Zini ne l'a jamais déclaré ouvertement et n'a jamais réaffecté une femme soldat d'un poste particulier – il est plus intelligent que ça – mais il est bien connu qu'il essaie de limiter ses contacts avec les femmes officiers », a déclaré une source. « Dans l'armée, il est généralement admis qu'il évite les femmes. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou

Deux mythes se sont répandus au sujet de Zini, en lien avec le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre. Le premier est que, lors de ce terrible samedi, il s'est rendu sur le champ de bataille et a tué des escouades de terroristes lors d'une bataille sanglante près du kibboutz Miflasim. Dans une vidéo filmée le lendemain au mémorial Black Arrow, près de ce kibboutz, on voit Zini debout au milieu d'un groupe de combattants Nukhba morts, racontant ses rencontres. Cette vidéo lui a valu de nombreux éloges. « Alors que les autres généraux fixaient leurs écrans plasma, un homme s'est précipité sur le terrain pour défendre le pays », a écrit Hanan Greenwood dans Israel Hayom, déclarant que ces images prouvaient que Zini était « le cheval au galop dont le pays a besoin ». Netanyahou a également fait écho à ce sentiment dans un discours national, affirmant que de telles actions incarnaient « notre esprit ».

Pourtant, une enquête menée par Haaretz révèle que Zini n'a en réalité pas pris part à la bataille du carrefour de Miflasim. Un commandant de terrain qui a joué un rôle central dans les combats qui s'y sont déroulés a affirmé : « David Zini n'était pas là. En fait, nous n'avons vu aucun officier au-dessus du grade de commandant. Le fait est que son nom n'a même pas été mentionné lors des débriefings. »


En effet, les rapports de l'armée indiquent que Zini n'est arrivé dans la zone qu'après la fin des combats. Une source militaire proche de l'enquête a expliqué cette semaine que les militants morts visibles dans la vidéo se rendaient à la base de Tel Nof et ont pour la plupart été tués lors de frappes aériennes. « Zini n'a pas tiré une seule balle là-bas, et son nom n'a jamais été mentionné dans aucune des dizaines d'autres discussions sur les événements de cette journée », a déclaré la source.

Un deuxième mythe dépeint Zini comme quelqu'un qui aurait « prédit » les événements du 7 octobre. Là encore, le principal promoteur de cette idée est Netanyahou qui, afin de justifier sa nomination à la tête du Shin Bet, a brandi en mai dernier un document classifié, déclarant qu'il s'agissait d'un rapport soumis par Zini environ six mois avant le massacre, dans lequel il « voyait clairement les choses... et avertissait précisément du danger d'une incursion terrestre qui nous prendrait par surprise, et que nous devions nous préparer différemment ».

Mais plusieurs responsables militaires ont déclaré que le Premier ministre était manipulateur et trompeur. Ils ont expliqué que le soi-disant « avertissement de Zini » n'était rien d'autre qu'un document standard passant en revue les dispositifs de sécurité le long de la frontière avec Gaza, avec des recommandations limitées au niveau tactique, voire micro-tactique.

À la demande du commandant de division de l'époque, Avi Rosenfeld, Zini a passé en revue les procédures de sécurité habituelles le long de la frontière et est revenu avec des conclusions qui mettaient en évidence des lacunes spécifiques. Ce même document, datant du début de l'année 2023, « était le résultat d'un examen du niveau de préparation et de vigilance le plus élémentaire », a déclaré un officier familier avec les détails. Selon lui, Zini a commencé l'examen un matin et a présenté ses conclusions à Rosenfeld dans l'après-midi du même jour. Rosenfeld aurait été surpris que Zini ait déjà réussi à rédiger le rapport, et la discussion à ce sujet n'a pas duré plus d'une demi-heure.

La menace qu'il avait identifiée concernait le scénario d'un raid isolé, qui pourrait aboutir à l'enlèvement d'un soldat ou d'un civil. L'analyse de Zini visait à mettre en évidence les lacunes du protocole d'urgence standard de la division, et c'est exactement ce qu'elle a fait. Il n'a pas mis en garde contre une guerre imminente ou une attaque massive impliquant des milliers de militants envahissant quelque 70 sites, comme cela s'est finalement produit ce samedi-là.

Un officier supérieur qui a examiné le document et s'est entretenu avec Haaretz a déclaré que le qualifier de prophétique était, à tout le moins, « une tromperie », et s'est demandé comment il avait abouti dans le bureau du Premier ministre, qui ne faisait pas partie des destinataires prévus. « Si un officier à qui l'on demande de rédiger un rapport en fait une copie et la transmet à l'échelon politique, c'est une affaire très grave et totalement inappropriée d'un point de vue éthique », a ajouté un autre officier.


Zini lors de la conférence de la brigade Hashmonaim l'année dernière. « Il agissait avec la conviction qu'il allait réussir à recruter des Haredim, animé par la profonde conviction qu'il pouvait réinventer la roue. » Photo porte-parole de l'armée israélienne

Rabbin David Leybel, la brigade Hashmonaim

En janvier dernier, Zini a été évacué d’un restaurant à Bnei Brak après que des dizaines de haredim extrémistes eurent entouré sa voiture en le traitant de « Nukhba » et de « meurtrier ». Ce genre d’incident s’était déjà produit l’été précédent lors d’une rencontre avec le rabbin David Leybel, un des fondateurs de la nouvelle brigade haredi de Tsahal, que Zini dirigeait.

La brigade Hashmonaim [Hasmonéens, nom hébreu de la dynastie juive connue sous les nom de Maccabées, NdT] permet aux soldats haredim de servir tout en maintenant strictement leur mode de vie : sans femmes, sans religieux sionistes et avec observance halakhique stricte. À la différence  un bataillon comme Netzah Yehuda, qui a principalement recruté des haredim ayant quitté le monde des yeshivas, Hashmonaim avait pour objectif de constituer une brigade complète de 3 000 combattants haredis.


Zini a établi un canal de communication discret avec d'éminents rabbins et dirigeants communautaires, approchant des dizaines de sectes haredim et allant même jusqu'à contacter les plus petites communautés. « Il agissait avec la conviction qu'il allait réussir à recruter des haredim, animé par la profonde conviction qu'il pouvait réinventer la roue », a déclaré une source haredi proche du dossier.

Zini a longuement parlé de la nécessité pour l'armée d'instaurer un climat de confiance vis-à-vis des haredim. Il a orienté le projet dans des directions assez extrêmes, d'un point de vue halakhique, allant au-delà de ce que l'armée avait réellement proposé et même au-delà de ce que les rabbins avaient osé demander. Par exemple, il a proposé que les soldats soient tenus d'utiliser uniquement des téléphones casher et puissent porter des vêtements blancs spéciaux pour le Shabbat.

« Zini pensait que tous les haredim le soutenaient », a déclaré la source haredi. Il semble toutefois qu'il ait mal interprété les messages qu'il a reçus des rabbins supérieurs et qu'il n'ait pas réussi à traduire ses efforts en un recrutement significatif. Hashmonaim a été lancé en tant que brigade, mais n'a réussi à inclure que quelques compagnies aux effectifs clairsemés. Depuis le début de cette année, moins de 60 soldats se sont enrôlés dans chacune des deux compagnies régulières, soit moins de la moitié de l'objectif fixé par l'armée israélienne..

La tête du Shin Bet

En mai dernier, après que Netanyahou avait visité la base de Tze’elim, il a demandé à Zini de l’accompagner jusqu’à sa voiture, où il lui a proposé le poste de chef du Shin Bet. Roman Gofman, secrétaire militaire du Premier ministre, n’a pas été informé de cet « entretien ». Plus tard, lorsque Gofman a demandé ce qui s’était passé, Zini a répondu que le Premier ministre voulait discuter du recrutement haredi dans l’armée. Le chef d’état-major Eyal Zamir n’a pas été informé de la rencontre et, après avoir appris que Zini avait agi dans son dos, l’a renvoyé de l’armée.

Initialement, la procureure générale Gali Baharav-Miara a jugé que la nomination de Zini était illégale. Cette décision faisait suite à un arrêt de la Cour suprême selon lequel Netanyahou avait agi en conflit d’intérêts en licenciant l’ancien chef du Shin Bet Ronen Bar, en raison de l’enquête de l’agence sur le scandale dit « Qatargate », impliquant l’interrogatoire d’assistants du Premier ministre et des fuites de documents classifiés. Quelques jours plus tard, un compromis a été trouvé : après deux mois, le temps que l’enquête sur le Shin Bet soit terminée, Netanyahu pourrait nommer Zini, sous réserve de l’approbation du Comité Grunis, chargé d’évaluer les nominations de hauts fonctionnaires. Ce comité a un mandat limité, se concentrant surtout sur l’intégrité des candidats ; la compétence de Zini pour le poste n’y serait pas examinée.

Parmi les anciens membres du Shin Bet, l’inquiétude est généralisée concernant cette nomination. « Le Shin Bet est une institution de l’État, donc le simple fait que Zini soit une figure controversée le rend inapte », explique Dvir Kariv, ancien officier de terrain de la division dite « juive » de l’agence. « Un général à qui le Premier ministre propose le poste de chef du Shin Bet depuis la banquette arrière d’une voiture, au milieu du désert, devrait immédiatement descendre. Et il ne devrait certainement pas mentir en disant qu’ils ont parlé de recrutement haredi. Dès que la procureure générale a signalé un problème, il aurait dû suspendre sa candidature jusqu’à la fin de l’enquête. Il ne l’a pas fait, et a donc échoué sur le plan éthique. »

Kariv poursuit :

« Imaginons un scénario qui n’est pas hypothétique : un din rodef contre la procureure générale », se référant à une directive religieuse autorisant à tuer quelqu’un qui tente de vous tuer. « Dans les yeshivas ultra-extrêmes, ils débattent probablement de la possibilité d’éliminer une personne. Les renseignements sur un tel plan exigent que le rabbin de la yeshiva soit convoqué pour un entretien de mise en garde. On lui dit que s’il ne clarifie pas qu’aucune main ne doit être levée contre des élus, il sera arrêté. Ce n’est pas un jeu « et si » – c’est un exemple de situation réelle qui s’est effectivement produite. Zini serait-il capable d’imposer l’ordre à un rabbin aussi extrême ? Je n’en suis pas du tout sûr. »

GIDEON LEVY
Avi Bluth, le “général de bain de sang” en Cisjordanie est le visage moral d’Israël

Gideon Levy, Haaretz, 28/8/2025

Traduit par Tlaxcala

L’Oberkommandant Avi Bluth, chef du commandement central de l’armée, a décidé de leur montrer de quel bois il se chauffe. Avec sa kippa militaire de guingois, son éloquence à glacer le sang, son arrogance sans limites et ses deux poids-deux mesures moraux malsains, il a ordonné la mise en œuvre d’« opérations de remodelage » afin de « dissuader tout un chacun, tout village qui oserait lever la main contre l’un des résidents ».


Les “résidents” en question sont les colons qui commettent quotidiennement des pogroms. En ce qui concerne Bluth, il n’a aucune obligation de défendre qui que ce soit en Cisjordanie, à part les voyous des avant-postes des colonies. « Nous savons comment installer un projecteur », a menacé le général de division à l’adresse des Palestiniens qui « lèvent les mains » alors qu’ils tentent avec leurs dernières forces de défendre ce qui leur reste de la terre qui leur a été volée sous les auspices et avec l’encouragement de Bluth.

Je ne sais rien des “projecteurs”, mais je m’y connais un peu en droit international. Bluth a ordonné à ses soldats de se livrer à des punitions collectives, ce qui constitue un crime de guerre. Si tel est le cas, Bluth est un criminel de guerre qui devrait être extradé vers la Cour pénale internationale de La Haye. Lorsque l’éditeur du Haaretz, Amos Schocken, a exprimé cette vérité évidente, les réseaux sociaux se sont enflammés. Mais lorsque Bluth a fait sa déclaration choquante, les réseaux sociaux sont restés silencieux.

Les propos de Bluth pourraient sembler plus appropriés en allemand – “opérations de remodelage”, “projecteur”, “ chasse”. Mais ils sont tout aussi clairs en hébreu. « Ils subiront des couvre-feux, ils subiront un encerclement et ils subiront des opérations de remodelage », a-t-il déclaré. Tout cela parce qu’un colon a été légèrement blessé par balle alors qu’il conduisait un quad sur des terres volées.


Je me trouvais à Al Mughayyir cette semaine et j’ai vu le résultat de l’« opération de remodelage » menée par Bluth : 3 100 arbres, des oliviers pour la plupart, avaient été abattus et gisaient désormais éparpillés sur le sol. Il est impossible d’être quelqu’un qui aime la terre, quelqu’un qui aime les autres ou tout simplement un être humain et de ne pas être choqué par ce spectacle, à quelques semaines seulement de la récolte des olives. Il est également impossible d’ignorer le contexte qui a conduit à cette attaque.

Sous le couvert de la guerre à Gaza, Al-Mughayyir a perdu toutes ses terres – 43 000 dunams [4 300 hectares] – à l’écart de la zone construite du village. Bluth a permis la construction de 10 avant-postes sauvages tout autour du village et a laissé des colons violents imposer un règne de terreur aux habitants, au point que ceux-ci ont peur de sortir pour travailler leurs terres.

Aujourd’hui, il autorise les voyous à construire des routes illégales menant à leurs avant-postes afin de leur faciliter les attaques contre le village. Sous le commandement de Bluth, deux pogroms se sont soldés par la mort de Palestiniens tués par les tirs de l’armée. Personne n’a été jugé pour ça.

Mais Bluth ne « braquera pas un projecteur » ni ne mènera « d’opérations de remodelage » contre ceux qui « lèvent vraiment la main » contre les autres : les colons. Lui et eux viennent du même village, ont les mêmes cheveux et portent bien sûr les mêmes kippas inclinées avec désinvolture.

Lorsque vous nommez un officier comme Bluth à la tête du Commandement central, vous confiez cette fonction à quelqu’un qui est l’assistant des colons. Certes, les colons ont également intimidé tous les précédents chefs du Commandement central. Mais c’est plus facile lorsque le poste est occupé par un diplômé de la yeshiva pré-militaire de la colonie d’Eli et ancien résident de la colonie de Neveh Tzuf [avec un master en réflexion stratégique obtenu à l'United States Army War College, en Pennsylvanie, NdT]. Comment Bluth a-t-il pu rester impassible lorsqu’il a parlé des personnes « levant la main » et de la punition collective qu’elles méritent ?

Pourquoi ne pas punir les vrais criminels, ceux qui vivent dans ces repaires de malfaiteurs que sont les avant-postes ? Comment peux-tu dormir la nuit, Bluth, avec cette morale raciste ?

Mais c’est ce que Bluth a appris à Eli : que les Juifs sont les seigneurs de la terre. Les colons ont le droit de brûler, détruire, déraciner et assassiner à leur guise. Les Palestiniens, considérés comme des Untermenschen, n’ont le droit de rien faire : ils ne peuvent pas quitter leurs villages, travailler en Israël, récolter leurs olives, et parfois même respirer. Tel est le sionisme de Bluth. Et tel est le sionisme de l’armée dont Bluth est le visage.

Chaque personne a un nom, qui lui est donné par Dieu. Le nom de famille Bluth signifie “sang” en allemand [et en yiddish, NdT]. Ce général de bain de sang est désormais devenu le visage de la Cisjordanie et l’image morale de tout le pays. Peut-être sera-t-il nommé pour commander le prochain génocide, après Gaza.

 

CAROLINE DUPUY
“Todos perdieron”: cómo un programa de migración sionista privó a Marruecos de su floreciente comunidad judía

Caroline DupuyMiddle East Eye, 3-8-2025
Traducido por Tlaxcala

En la década de 1960, más de la mitad de los judíos marroquíes abandonaron el país con la promesa de un futuro mejor en Israel. Middle East Eye habló con quienes decidieron quedarse en el reino norteafricano.


18 de mayo de 2022: un miembro de la comunidad judía reza durante la Hilula de los Tsadikim, la peregrinación a las tumbas de santos y rabinos famosos, en el cementerio judío de Mequínez, Marruecos, construido en 1682 y restaurado recientemente en el marco de un programa de rehabilitación de más de 160 cementerios judíos de Marruecos  impulsado por el rey Mohammed VI en 2010. Foto: Fadel Senna/AFP

No es ningún secreto que muchos judíos dejaron Marruecos rumbo a Israel en la década de 1960, dentro de un programa sionista conocido oficialmente como Operación Yajín.

Una misión encubierta, diseñada por el Mossad y dirigida por la Agencia Judía, la Operación Yajín buscaba aumentar la población judía del recién proclamado Estado llevándolos desde Marruecos. En esa época se desarrollaban operaciones similares en distintas partes del mundo.

Entre 1961 y 1964, se calcula que 97.000 judíos —el 54,6 % de la comunidad del reino— dejaron Marruecos. Antes de la operación, unos 225.000 judíos vivían en este país del norte de África.

Hoy en día, se estima que unos 160.000 judíos de origen marroquí viven en Israel, constituyendo el segundo grupo migrante más numeroso después de los judíos procedentes de las ex repúblicas soviéticas.

El aspecto menos conocido de este periodo lo encarna la comunidad judía marroquí que permaneció —o que regresó de Israel después de haber emigrado y vivido allí unos años. Ellos conforman los aproximadamente 2.000 judíos que viven actualmente en el país, la comunidad judía más grande que queda en el norte de África.

El escritor judío marroquí Jacob Cohen describe a esta comunidad, antes floreciente, como «una especie rara».

Nacido en 1944 en Mequínez, Cohen forma parte del pequeño grupo que permaneció en Marruecos durante la migración masiva. Vio cómo su comunidad se evaporaba ante sus propios ojos.

«Estaba convencido de que debíamos irnos, de que los judíos marroquíes no teníamos futuro en Marruecos. Ese fue el gran éxito de las organizaciones sionistas presentes en Marruecos», declaró a Middle East Eye.

Una cosa estaba clara, dijo: «No había antisemitismo abierto; los pocos judíos que vivían en Marruecos no tenían problemas. Pero existía este sentimiento generalizado de que el futuro ya no estaba allí, si no para ellos mismos, al menos para sus hijos».

“Fue una tragedia”

Según diversas fuentes académicas, la Operación Yajín se sustentó en un entendimiento entre el primer ministro israelí David Ben-Gurión y el difunto rey de Marruecos Hasán II.

Para compensar a Marruecos por la pérdida de miembros valiosos de su comunidad, Israel habría aceptado pagar 500.000 dólares, más 100 dólares por emigrante para los primeros 50.000 judíos marroquíes que partieron, y 250 dólares por cada emigrante adicional. La organización con sede en Nueva York Hebrew Immigrant Aid Society habría contribuido con 50 millones de dólares a Yajín.

Fanny Mergui, de 80 años, originaria de Casablanca, fue una de los miles que partieron en 1961. Recuerda cómo los movimientos juveniles israelíes llegaron a Marruecos para convencer a los judíos de emigrar y, a quienes como ella tenían el «perfil adecuado», a unirse al movimiento.

«[Decían que] Marruecos era independiente [del dominio colonial francés desde 1956], y que nosotros teníamos nuestro propio país [Israel], que ya no teníamos razón para permanecer en Marruecos», contó a MEE.

Comenzó a asistir a los clubes juveniles creados por la Agencia Judía, el brazo operativo de la Organización Sionista Mundial encargado de fomentar la inmigración judía a Israel, cuando tenía 10 años. Estos clubes eran una forma de difundir propaganda sionista entre la juventud.

«Vivía al ritmo de la cultura israelí: la patria, los cantos de los pioneros, el socialismo, la libertad, la emancipación, la fraternidad», relató.

La propaganda fue eficaz, y desde su casa en el barrio histórico, Mergui estaba en el lugar perfecto para observar cómo se desplegaba la operación.

«Mandaban autobuses enteros de aldeas a Casablanca, y pasé mi infancia viendo a esa gente marcharse. Bastaba cruzar la calle y estabas justo allí, donde atracaban los barcos, frente a nuestros ojos.»

Mergui describe el estado en que la gente se marchaba como una «especie de psicosis de partida».

«Vi a toda esa gente salir de la medina —abuelas, abuelos, jóvenes y mayores, con sus ollas de cuscús, cestas, especias, todos llorando. Fue una tragedia. La gente no se marchaba con alegría en el corazón», recordó.

Los judíos estaban perfectamente integrados en la sociedad marroquí mayoritariamente musulmana, a la cual habían pertenecido durante más de 2.000 años.

«Los musulmanes marroquíes no nos atacaban, no nos decían que nos fuéramos, al contrario», afirmó.

Sin embargo, en aquel momento, dijo Mergui, el movimiento sionista y el proyecto migratorio prometían «modernidad» y acceso a un nuevo mundo.

«Cuando me fui, en mi mente, y en la de muchos judíos marroquíes, Israel siempre había existido. No pensábamos que íbamos a un país que acababa de surgir. Para nosotros, era la Tierra Santa. Era nuestro país. Era la tierra de la Biblia», dijo.

«Regresábamos a casa, punto. No entendíamos lo que realmente estaba pasando. Me tomó toda una vida comprender lo que le ocurrió a mi comunidad», añadió.

Regreso a Marruecos

Una fuente anónima bien informada dijo a MEE que, además de viajar gratis a Israel, a los migrantes se les ofrecía un lugar permanente donde vivir.

Sin embargo, una vez en Israel, los judíos marroquíes, al igual que otros inmigrantes de países árabes, descubrieron que la realidad no era la que el movimiento sionista les había descrito.

En Israel, los marroquíes fueron los primeros en formar lo que se llamó los “barrios árabes”, según Mergui, quien los describió como “zonas completamente desoladas”.

“Si querías un techo, tenías que construirlo tú misma”, dijo, añadiendo que los judíos árabes eran los más pobres entre las comunidades que llegaban.


Los edificios que quedaban en el barrio Moghrabi (marroquí) de la Ciudad Vieja de Jerusalén el 12 de junio de 1967, tras su demolición por parte de Israel para ampliar el espacio frente al Muro Occidental. Foto Ilan Bruner/Oficina de Prensa del Gobierno de Israel/AFP

El racismo entre comunidades y la desigualdad también fueron un problema.

“Era una ideología colonial. Los judíos europeos, que fueron los primeros en asentarse en Palestina desde Rusia en la década de 1880, se consideraban superiores a nosotros y nosotros sólo podíamos ser ciudadanos de segunda clase”.

No tardó en surgir la protesta entre los nuevos inmigrantes.

“Los judíos marroquíes salieron a las calles con retratos del rey Mohamed V, diciendo: “Queremos volver a casa”, pero eso no era posible; era un viaje de ida”, explicó Mergui. Aunque Mohamed V murió en 1961, los manifestantes usaban su imagen porque el difunto rey era conocido por haber protegido a los judíos durante la Segunda Guerra Mundial, cuando se negó a entregar a la población judía marroquí al régimen nazi.

Regresar a casa no era una opción fácilmente disponible para la mayoría de los judíos marroquíes. Como la operación era clandestina, no tenían documentos de viaje legítimos y su situación de pasaportes estaba ligada a los acuerdos concluidos con Marruecos, explicó.

Después de la guerra árabe-israelí de 1967, la propia Mergui deseó regresar a Marruecos y tuvo la oportunidad al convertirse en dirigente de un club juvenil sionista que ayudaba a reclutar gente para el movimiento.

“Estaba feliz, no porque fuera a trabajar para el movimiento sionista, sino porque me dieron la oportunidad de cuestionar aquella partida apresurada de Marruecos”.

Israel no era su hogar. “Estaba inmersa en una cultura extranjera, que apreciaba, por supuesto —aprendí mucho, no lo niego. Me politicé. Conocí jóvenes de todo el mundo”, contó.

Aunque antes veía el sionismo “como cualquier otro movimiento colonial que necesitaba asentarse”, todo cambió para ella después de 1967 y de la ocupación por parte de Israel de los territorios palestinos.

“Empecé a darme cuenta de que ese era el verdadero problema y a comprender lo que realmente estaba ocurriendo. Renuncié por completo a vivir en Israel”.

Antes de regresar a Marruecos, Mergui estudió en la Universidad de Vincennes, en París, donde conoció la historia de Palestina.

“Eso marcó mi trayectoria académica y política, y mi conciencia se despertó”.

Durante su estancia en Francia, Mergui se involucró en política, militando tanto en los Panteras Negras israelíes, un grupo que buscaba justicia social para los judíos sefardíes y mizrajíes en Israel, como en la causa palestina.

“Al borde de la extinción”

La opinión pública marroquí apoya abiertamente la causa palestina y se opone al acuerdo de normalización firmado con Israel en 2020 —y los judíos del reino parecen compartir una perspectiva similar.

La mayoría de los judíos marroquíes mantienen un perfil político discreto; sin embargo, muchos miembros de la comunidad condenan las acciones israelíes. Rabat es la ciudad natal de conocidos activistas propalestinos de origen judío marroquí, como Sion Assidon, miembro fundador del movimiento Boicot, Desinversión y Sanciones (BDS) en Marruecos.

No obstante, la política de Oriente Medio no es la única razón por la que los judíos del país decidieron quedarse —o regresar.

Haim Crespin, nacido en la ciudad norteña de Ksar el-Kebir en 1957, explicó que su decisión de permanecer en el reino “no estuvo motivada políticamente”.

Era niño cuando ocurrió la migración masiva.

“Mi padre era comerciante, y teníamos una buena vida aquí. Yo también abrí mi restaurante hace 25 años. No todos los motivos por los que un judío decide quedarse en Marruecos se fundan en aspectos políticos”, dijo a MEE.

El restaurador, que ahora vive en Rabat, defiende la elección de su familia de permanecer en el país a pesar de algunas dificultades que no considera exclusivas de Marruecos.

Mientras que algunos judíos entrevistados por MEE dijeron percibir un aumento del antisemitismo en el reino, no existen datos fiables al respecto. En cualquier caso, eso no es suficiente para obligar a la gente a irse, señaló Crespin. “La gente se mueve por miedo, pero eso ocurre en todo el mundo, entonces, ¿por qué marcharse?”

Cohen, en cambio, es pesimista sobre el destino de la comunidad judía en Marruecos, que el escritor dice estar “al borde de la extinción”.

Él mismo decidió irse a Francia tras haber encontrado, según dijo, “ciertos problemas personales” cuando trabajaba como profesor adjunto en Casablanca, lo que lo llevó a pensar que “los judíos marroquíes tenían en general razón al no considerar que la sociedad marroquí fuera lo suficientemente tolerante e igualitaria como para dar a los judíos los puestos que merecían”.

Sin embargo, reconoce que el reino ha hecho esfuerzos por salvaguardar la identidad judía histórica del país.

En 1997, la Fundación del patrimonio cultural judeo-marroquí estableció en Casablanca el primer museo judío del mundo árabe, que aún funciona hoy en día. La fundación ha preservado más de 167 cementerios y santuarios judíos en todo el reino.

En 2011, la nueva constitución marroquí reconoció la identidad hebrea como parte integral de la identidad marroquí, y en 2020, el rey Mohamed VI aprobó la introducción de la enseñanza de la historia y la cultura judías en las escuelas primarias. Un influyente consejero judío marroquí del rey, André Azoulay, desempeñó un papel clave en resaltar la importancia de este reconocimiento oficial.

“Se está haciendo todo para protegerla, apoyarla y preservarla. Pero su final parece inevitable, y aunque sobreviva, será reducida a su forma más simple”, afirmó Cohen.

“Nada puede hacerse contra este veredicto de la historia”, añadió, destacando las grandes pérdidas que supuso la Operación Yajín.

“Del lado marroquí, todos perdieron. El país perdió una comunidad potencial de uno a dos millones de personas que podrían haber contribuido a su desarrollo, diversidad y armonía.

Del lado judío, fue la erradicación irreversible de una civilización que tardó 15 siglos en formarse y florecer”.

Al describir el periodo migratorio, a Mergui le gusta usar la metáfora de la gente que huye de un edificio en llamas.

“La comunidad judía marroquí estaba completamente perdida. No tenía idea de lo que iba a ser de ella, era como estar en una casa en llamas, y la gente huía”, dijo.

“Entonces, ¿qué haces? Pues corres como todos los demás”.

06/09/2025

THE NEW YORK TIMES
Comment une mission top secrète de l’équipe de forces spéciales SEAL Team Six en Corée du Nord a échoué en 2019

Interrogé vendredi après-midi dans le Bureau ovale, Donald Trump a nié avoir connaissance des faits relatés ci-dessous : «Je ne sais rien à ce sujet. C’est la première fois que j’en entends parler». No comment [NdT]

L’opération de 2019, approuvée par le président Trump, visait à obtenir un avantage stratégique. Elle a provoqué la mort de civils nord-coréens désarmés.


Le président Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un entretenaient une relation erratique. Ils se sont rencontrés sur l’île de Sentosa à Singapour en 2018.
Photo Doug Mills / The New York Times

Dave Philipps et Matthew Cole, The New York Times, 5/9/2025
Julian E. Barnes, Adam Entous et Eric Schmitt ont contribué au reportage.

Traduit par Tlaxcala

Dave Philipps est correspondant national pour The New York Times, spécialisé sur la guerre, l’armée et les anciens combattants, couvrant le Pentagone.
Matthew Cole est un journaliste indépendant, auteur de Code Over Country: The Tragedy and Corruption of SEAL Team 6. Il a travaillé pour The Intercept et a été producteur d’enquêtes pour NBC News et ABC News.

Un groupe de Navy SEAL émergea de l’océan noir d’encre par une nuit d’hiver début 2019 et se faufila jusqu’à une côte rocheuse de Corée du Nord. Ils étaient en mission top secrète, si complexe et cruciale que tout devait se dérouler parfaitement.

L’objectif était de poser un dispositif électronique qui permettrait aux USA d’intercepter les communications du dirigeant nord-coréen reclus, Kim Jong-un, en plein cœur de pourparlers nucléaires de haut niveau avec le président Trump.

La mission avait le potentiel d’offrir aux USA un flux de renseignements précieux. Mais elle impliquait de placer des commandos usaméricains sur le sol nord-coréen — une manœuvre qui, si elle était découverte, pouvait non seulement faire échouer les négociations, mais aussi provoquer une prise d’otages ou une escalade du conflit avec un ennemi doté de l’arme nucléaire.

Le risque était tel qu’il exigeait l’approbation directe du président.

Pour cette opération, l’armée choisit l’escadron rouge de la SEAL Team Six — la même unité qui avait tué Oussama ben Laden. Les SEAL s’entraînèrent pendant des mois, conscients que chaque geste devait être parfait. Mais lorsqu’ils atteignirent, vêtus de combinaisons noires et de lunettes de vision nocturne, ce qu’ils pensaient être une côte déserte, la mission capota rapidement.

Un bateau nord-coréen surgit de l’obscurité. Des faisceaux lumineux balayèrent la surface de l’eau. Craignant d’avoir été repérés, les SEAL ouvrirent le feu. En quelques secondes, tous les occupants du bateau nord-coréen étaient morts.

Les SEAL se replièrent en mer sans avoir posé le dispositif d’écoute.

L’opération de 2019 jamais reconnue

L’opération de 2019 n’a jamais été publiquement reconnue, ni même évoquée, ni par les USA ni par la Corée du Nord. Les détails restent classifiés et sont ici rapportés pour la première fois. L’administration Trump n’a pas informé les principaux membres du Congrès chargés de superviser les opérations de renseignement, ni avant ni après la mission. Ce défaut d’information pourrait avoir constitué une violation de la loi.

La Maison-Blanche a refusé tout commentaire.

Ce récit s’appuie sur des entretiens avec deux douzaines de personnes, dont des responsables civils du gouvernement, des membres de la première administration Trump, ainsi que des militaires en activité ou anciens ayant connaissance de la mission. Tous se sont exprimés sous condition d’anonymat en raison du caractère classifié de l’opération.

Plusieurs d’entre eux ont dit vouloir discuter des détails de la mission parce qu’ils s’inquiétaient du fait que les échecs des opérations spéciales soient souvent dissimulés par le secret gouvernemental. Si le public et les décideurs ne prennent conscience que des succès médiatisés, comme le raid qui a tué Ben Laden au Pakistan, ils risquent de sous-estimer les risques extrêmes que prennent les forces usaméricaines.

L’opération militaire sur le sol nord-coréen, à proximité de bases usaméricaines en Corée du Sud et dans le Pacifique, risquait également de déclencher un conflit plus large avec un adversaire hostile, doté de l’arme nucléaire et fortement militarisé.

Le New York Times procède avec prudence lorsqu’il rend compte d’opérations militaires classifiées. Le journal a occulté certaines informations sensibles concernant la mission en Corée du Nord qui pourraient compromettre de futures opérations spéciales et missions de renseignement.

On ignore dans quelle mesure la Corée du Nord a pu découvrir des éléments sur la mission. Mais cette opération des SEAL constitue un épisode d’un effort de plusieurs décennies des administrations usaméricaines pour engager la Corée du Nord et limiter son programme nucléaire. Presque rien de ce qu’ont tenté les USA — ni les promesses de rapprochement, ni la pression des sanctions — n’a fonctionné.

En 2019, Trump entreprenait une démarche personnelle envers Kim, à la recherche d’une avancée que ses prédécesseurs n’avaient pas réussi. Mais ces pourparlers s’effondrèrent, et le programme nucléaire nord-coréen accéléra. Le gouvernement usaméricain estime désormais que la Corée du Nord possède environ 50 armes nucléaires et des missiles capables d’atteindre la côte ouest des USA. Kim a promis de continuer à développer son programme nucléaire de manière « exponentielle » afin de dissuader ce qu’il appelle les provocations usaméricaines.

Points aveugles

La mission des SEAL visait à corriger un angle mort stratégique. Depuis des années, les agences de renseignement usaméricaines avaient trouvé presque impossible de recruter des sources humaines ou d’intercepter des communications dans l’État autoritaire et refermé de la Corée du Nord.

Comprendre la pensée de Kim devint une priorité majeure dès l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche. Le dirigeant nord-coréen paraissait de plus en plus imprévisible et dangereux, et sa relation avec Trump oscillait de façon erratique entre lettres d’amitié et menaces publiques de guerre nucléaire.

En 2018, les relations semblaient s’orienter vers la paix. La Corée du Nord suspendit ses essais nucléaires et balistiques, et les deux pays entamèrent des négociations. Mais les USA n’avaient toujours que très peu d’informations sur les intentions de Kim.

Au milieu de cette incertitude, les agences de renseignement usaméricaines révélèrent à la Maison-Blanche qu’elles disposaient d’une solution au problème : un dispositif électronique nouvellement développé, capable d’intercepter les communications de Kim.

Le hic, c’est que quelqu’un devait s’infiltrer pour l’installer.


Trump et Kim se sont rencontrés à l’hôtel Métropole à Hanoï, au Vietnam, en février 2019.
Photo Doug Mills / The New York Times

La mission fut confiée à la SEAL Team 6 en 2018, selon des responsables militaires.

Même pour la Team 6, la mission allait être extraordinairement difficile. Habitués à des raids rapides en Afghanistan ou en Irak, les SEAL allaient devoir survivre pendant des heures dans une mer glaciale, échapper aux forces de sécurité sur terre, installer un dispositif technique avec précision, puis s’exfiltrer sans être détectés.

L’exfiltration était vitale. Au cours du premier mandat de Trump, les plus hauts responsables du Pentagone pensaient que même une petite action militaire contre la Corée du Nord pouvait provoquer des représailles catastrophiques de la part d’un adversaire disposant d’environ 8 000 pièces d’artillerie et de lance-roquettes pointés sur les quelque 28 000 soldats usaméricains stationnés en Corée du Sud, sans compter des missiles à capacité nucléaire pouvant atteindre les USA.

Mais les SEAL croyaient pouvoir réussir, car ils avaient déjà mené une opération similaire.

En 2005, des SEAL avaient utilisé un mini-sous-marin pour débarquer en Corée du Nord et repartir sans être repérés, selon des personnes informées de cette mission. L’opération de 2005, menée sous la présidence de George W. Bush, n’avait encore jamais été rendue publique.

Les SEAL proposaient de réitérer l’exploit. À l’automne 2018, alors que des négociations de haut niveau avec la Corée du Nord étaient en cours, le Commandement des opérations spéciales conjointes, qui supervise la Team 6, reçut l’autorisation de Trump de commencer les préparatifs, selon des responsables militaires. On ignore si l’intention de Trump était d’obtenir un avantage immédiat dans les négociations ou si l’objectif était plus large.

Le Commandement des opérations spéciales conjointes a refusé de commenter.

Le plan prévoyait que la marine infiltre un sous-marin nucléaire, long comme près de deux terrains de football (200 m.), dans les eaux proches de la Corée du Nord, puis déploie une petite équipe de SEAL dans deux mini-sous-marins, chacun de la taille approximative d’un orque, qui rejoindraient silencieusement le rivage.

Ces mini-sous-marins étaient des « sous-marins humides », ce qui signifiait que les SEAL y circulaient immergés dans une eau à 4 °C pendant environ deux heures, utilisant du matériel de plongée et des combinaisons chauffantes pour survivre.


Un sous-marin nucléaire usaméricain à missiles guidés participa à des exercices près d’Okinawa, au Japon, en 2021. Un sous-marin similaire transporta une équipe de Navy SEAL vers les eaux nord-coréennes en 2019.
Photo US Marine Corps / Département de la Défense

Près de la plage, les mini-sous-marins devaient libérer un groupe d’environ huit SEAL qui nageraient jusqu’à la cible, installeraient le dispositif, puis replongeraient discrètement dans la mer.

Mais l’équipe faisait face à une limitation majeure : elle s’engageait presque à l’aveugle.

Normalement, les forces d’opérations spéciales disposent de drones au-dessus de la zone de mission, transmettant une vidéo haute définition en direct, que les SEAL au sol et les responsables dans des centres de commandement éloignés utilisent pour diriger l’action en temps réel. Ils peuvent souvent écouter les communications ennemies.

En Corée du Nord, tout drone serait immédiatement repéré. La mission devait donc se reposer uniquement sur des satellites en orbite et des avions espions à haute altitude opérant dans l’espace aérien international, qui ne pouvaient fournir que des images fixes de faible résolution, selon des responsables.

Ces images arrivaient avec plusieurs minutes de retard, dans le meilleur des cas. Et elles ne pouvaient pas être transmises aux mini-sous-marins, car une seule communication cryptée risquait de révéler l’opération. Tout devait donc se dérouler presque sous un blackout total des communications.

Si quelque chose attendait les SEAL sur la côte, ils ne le sauraient que trop tard.

L’opération capote

La SEAL Team 6 s’entraîna pendant des mois dans les eaux usaméricaines et poursuivit ses préparatifs jusqu’aux premières semaines de 2019. En février, Trump annonça qu’il rencontrerait Kim pour un sommet nucléaire au Vietnam à la fin du mois.

Pour cette mission, la SEAL Team 6 s’associa avec l’équipe sous-marine d’élite de la Navy, le SEAL Delivery Vehicle Team 1, spécialisée depuis des années dans les opérations d’espionnage avec mini-sous-marins. Les SEAL embarquèrent sur le sous-marin nucléaire et mirent le cap vers la Corée du Nord. Quand le submersible atteignit l’océan ouvert et s’apprêta à entrer en blackout de communications, Trump donna son feu vert final.

On ignore quels facteurs Trump prit en compte en approuvant la mission des SEAL. Deux de ses plus hauts responsables de la sécurité nationale de l’époque — son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, et le secrétaire à la défense par intérim, Patrick M. Shanahan — ont refusé de commenter cet article.

Le sous-marin approcha de la côte nord-coréenne et lança deux mini-sous-marins, qui rejoignirent un point à une centaine de mètres du rivage, dans des eaux claires et peu profondes.

Les planificateurs de la mission avaient tenté de compenser l’absence de vidéo en direct en passant des mois à observer les allées et venues dans la zone. Ils étudièrent les habitudes de pêche et choisirent un moment où le trafic maritime serait réduit. Le renseignement suggérait que si les SEAL arrivaient silencieusement au bon endroit, au cœur de la nuit en hiver, ils ne devraient rencontrer personne.

La côte nord-coréenne, photographiée en 2018, est fréquentée par de petits bateaux de pêche.
Photo. Ed Jones/Agence France-Presse/ Getty Images

La nuit était calme, la mer tranquille. Alors que les mini-sous-marins glissaient vers la cible, leurs capteurs confirmaient les informations de renseignement : la côte semblait déserte.

Les mini-sous-marins atteignirent le point où ils devaient se poser sur le fond marin. C’est là que l’équipe commit peut-être la première de trois petites erreurs, qui paraissaient anodines sur le moment mais qui pouvaient avoir condamné la mission.

Dans l’obscurité, le premier mini-sous-marin se posa au fond comme prévu, mais le second dépassa la zone et dut faire demi-tour, selon des responsables.

Le plan exigeait que les mini-sous-marins soient orientés dans la même direction. Mais après le demi-tour, ils pointaient en sens opposés. Le temps pressait, l’équipe décida donc de libérer le groupe de nageurs et de corriger ce problème plus tard.

Les trappes s’ouvrirent, et les SEAL — tous équipés d’armes intraçables, chargées de munitions tout aussi intraçables — nagèrent silencieusement jusqu’au rivage avec le dispositif d’écoute.

Tous les quelques mètres, les SEAL sortaient légèrement la tête de l’eau noire pour scruter les environs. Tout paraissait calme.

Ce fut peut-être une deuxième erreur. Flottant dans l’obscurité se trouvait un petit bateau. À bord, un équipage de Nord-Coréens, difficiles à détecter parce que les capteurs des lunettes de vision nocturne des SEAL repéraient surtout la chaleur, et que les combinaisons de plongée portées par les Nord-Coréens avaient été refroidies par l’eau glaciale.

Les SEAL atteignirent la côte, persuadés d’être seuls, et commencèrent à retirer leur équipement de plongée. La cible n’était qu’à quelques centaines de mètres.

De retour aux mini-sous-marins, les pilotes réorientèrent celui qui faisait face au mauvais côté. Avec les trappes de cockpit ouvertes pour la visibilité et la communication, un pilote lança le moteur électrique et fit pivoter l’engin.

C’était probablement une troisième erreur. Certains SEAL ont plus tard supposé que le sillage du moteur avait pu attirer l’attention du bateau nord-coréen. Et si l’équipage entendit un bruit d’eau, il put apercevoir la lumière provenant des cockpits ouverts des mini-sous-marins dans l’obscurité.

Le bateau commença à se diriger vers les mini-sous-marins. Les Nord-Coréens balayaient l’eau avec leurs lampes torches et parlaient comme s’ils avaient remarqué quelque chose.

Certains pilotes de mini-sous-marins expliquèrent plus tard lors de débriefings qu’à leurs yeux, observant depuis l’eau claire, le bateau paraissait encore à distance sûre, et ils doutaient qu’ils aient été repérés. Mais pour les SEAL sur la côte, dans la mer sombre et uniforme, le bateau semblait quasiment sur eux.

Un mini-sous-marin de la Navy, appelé SEAL Delivery Vehicle, lors d’un exercice en 2007. Des engins similaires furent utilisés lors de la mission de 2019.
Photo US Navy / Département de la Défense

Avec les communications coupées, impossible pour l’équipe à terre de consulter les pilotes sous-marins. Les faisceaux du bateau balayaient l’eau. Les SEAL ignoraient s’il s’agissait d’une patrouille de sécurité les traquant ou de simples pêcheurs, inconscients de la mission à haut risque en cours.

Un homme du bateau nord-coréen plongea dans la mer.

Si l’équipe côtière rencontrait des problèmes, le sous-marin nucléaire disposait d’un groupe de renforts SEAL avec des embarcations gonflables rapides. Plus au large, des aéronefs furtifs étaient positionnés sur des navires usaméricains, avec encore davantage de troupes des opérations spéciales prêtes à intervenir.

Les SEAL faisaient face à une décision critique, mais sans aucun moyen de discuter de la marche à suivre. Le commandant de mission se trouvait à des kilomètres, à bord du grand sous-marin. Sans drones ni communications, nombre des avantages technologiques sur lesquels comptent normalement les SEAL avaient disparu, laissant quelques hommes en néoprène, incertains de ce qu’il fallait faire.

Alors que l’équipe côtière observait le Nord-Coréen dans l’eau, le sous-officier le plus expérimenté sur place choisit une ligne de conduite. Sans un mot, il épaula son fusil et tira. Les autres SEAL firent instinctivement de même.

Compromission et fuite

Si les SEAL doutaient encore que leur mission ait été compromise avant d’ouvrir le feu, ils n’avaient plus aucune incertitude après. Le plan prévoyait que les SEAL abandonnent immédiatement s’ils rencontraient qui que ce soit. Les forces de sécurité nord-coréennes pouvaient déjà être en route. Il n’y avait plus de temps pour poser le dispositif.

L’équipe à terre nagea jusqu’au bateau pour s’assurer que tous les Nord-Coréens étaient morts. Ils ne trouvèrent ni armes ni uniformes. Tout indiquait que l’équipage — composé, selon les personnes informées, de deux ou trois personnes — était constitué de civils pratiquant la pêche sous-marine. Tous étaient morts, y compris l’homme tombé à l’eau.

Des responsables familiers de la mission affirmèrent que les SEAL tirèrent les corps dans l’eau afin de les dissimuler aux autorités nord-coréennes. L’un ajouta que les commandos percèrent les poumons des victimes avec des couteaux pour s’assurer que leurs corps couleraient.

Les SEAL regagnèrent les mini-sous-marins et envoyèrent un signal de détresse. Craignant que les commandos ne soient sur le point d’être capturés, le grand sous-marin nucléaire manœuvra en eaux peu profondes, tout près de la côte — une prise de risque majeure — pour les récupérer. Il prit ensuite la fuite vers le large.

Tout le personnel militaire usaméricain s’en sortit indemne.

Immédiatement après, des satellites espions usaméricains détectèrent une forte activité militaire nord-coréenne dans la zone, selon des responsables usaméricains. La Corée du Nord ne fit aucune déclaration publique sur ces morts, et les responsables usaméricains affirmèrent qu’il n’était pas clair si les Nord-Coréens avaient jamais compris ce qui s’était passé et qui en était responsable.

Le sommet nucléaire au Vietnam eut lieu comme prévu à la fin février 2019, mais les pourparlers s’achevèrent rapidement sans accord.

En mai, la Corée du Nord avait repris ses essais de missiles.

Trump et Kim se rencontrèrent une dernière fois en juin dans la zone démilitarisée entre les deux Corées. Ce fut un moment de télévision spectaculaire, avec Trump franchissant même brièvement la frontière vers le Nord. Mais la rencontre ne produisit guère plus qu’une poignée de main.

Dans les mois qui suivirent, la Corée du Nord tira plus de missiles qu’au cours de toute autre année précédente, y compris certains capables d’atteindre les USA. Depuis, selon les estimations usaméricaines, la Corée du Nord a accumulé 50 ogives nucléaires et de la matière pour en produire environ 40 de plus.

Un bilan inégal

La mission avortée des SEAL entraîna une série de révisions militaires durant le premier mandat de Trump. Elles conclurent que le meurtre de civils avait été justifié selon les règles d’engagement, et que l’échec de la mission résultait d’un enchaînement malheureux de circonstances imprévisibles et inévitables. Les conclusions restèrent classifiées.

L’administration Trump ne révéla jamais l’opération ni ses conclusions aux dirigeants des commissions clés du Congrès chargées de superviser les activités militaires et de renseignement, selon des responsables gouvernementaux. Ce faisant, l’administration aurait pu violer la loi fédérale, a affirmé Matthew Waxman, professeur de droit à l’Université Columbia et ancien responsable de la sécurité nationale sous le président George W. Bush.

Waxman a expliqué que la loi contient des zones grises qui laissent aux présidents une certaine marge de manœuvre quant aux informations transmises au Congrès. Mais pour les missions les plus conséquentes, l’obligation d’informer tend à être plus forte.

« Le but est de s’assurer que le Congrès n’est pas tenu dans l’ignorance quand des choses majeures se déroulent », dit Waxman. « C’est exactement le type d’opérations qui devrait normalement être signalé aux commissions, et sur lesquelles  ces commissions s’attendent à être informées. »

Beaucoup des personnes impliquées dans la mission ont ensuite été promues.

Mais l’épisode inquiéta certains responsables militaires expérimentés, au courant de l’opération, car les SEAL ont un bilan inégal qui, depuis des décennies, est largement occulté par le secret.

Les unités d’opérations spéciales d’élite se voient régulièrement confier les tâches les plus difficiles et dangereuses. Au fil des années, les SEAL ont enregistré de grands succès, notamment l’élimination de chefs terroristes, des sauvetages spectaculaires d’otages et l’opération contre Ben Laden, qui ont forgé une image quasi surhumaine auprès du public.

Mais pour certains militaires ayant travaillé avec eux, les SEAL ont la réputation de concevoir des missions excessivement audacieuses et complexes qui tournent mal. La première mission de la Team 6, lors de l’invasion de la Grenade en 1983, en est un exemple parlant.

Le plan consistait à sauter en parachute dans la mer, foncer vers la côte en bateaux rapides et placer des balises pour guider les forces d’assaut vers l’aéroport de l’île. Mais l’avion des SEAL décolla en retard ; ils sautèrent de nuit dans des conditions orageuses, chargés d’équipements lourds. Quatre SEAL se noyèrent, et les embarcations des autres chavirèrent.

L’aéroport fut ensuite pris par des Rangers de l’armée usaméricaine, parachutés directement sur la piste.


Des troupes usaméricaines surveillant l’aéroport de Point Salines après l’invasion de la Grenade en 1983. La mission inaugurale de la SEAL Team 6, visant l’aéroport principal de l’île, tourna très mal.
Photo Associated Press

Depuis, les SEAL ont monté d’autres missions complexes et audacieuses qui se sont effondrées, au Panama, en Afghanistan, au Yémen et en Somalie. Lors d’une mission de sauvetage en Afghanistan en 2010, des SEAL de la Team 6 tuèrent accidentellement, à la grenade, l’otage qu’ils tentaient de libérer, puis induisirent leurs supérieurs en erreur sur les circonstances de sa mort.

En partie à cause de ce bilan, le président Barack Obama limita les missions d’opérations spéciales à la fin de son second mandat et renforça la supervision, réservant les raids complexes de commandos à des situations extraordinaires, comme les sauvetages d’otages.

La première administration Trump annula bon nombre de ces restrictions et réduisit le niveau de délibération nécessaire pour les missions sensibles. Quelques jours après son entrée en fonction en 2017, Trump court-circuita en grande partie le processus décisionnel établi pour approuver un raid de la Team 6 contre un village au Yémen. Cette mission laissa 30 villageois et un SEAL morts, et détruisit un avion de 75 millions de dollars.

Lorsque le président Joseph R. Biden Jr. succéda à Trump, la gravité de la mission en Corée du Nord attira un regain d’attention. Son secrétaire à la Défense, Lloyd J. Austin III, ordonna une enquête indépendante, confiée au lieutenant-général à la tête du bureau de l’inspecteur général de l’armée.

En 2021, l’administration Biden informa les principaux membres du Congrès des conclusions, selon un ancien responsable gouvernemental.

Ces conclusions restent classifiées.