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20/07/2022

AZIZ KRICHEN
Tunisie : pourquoi il faut voter NON au référendum du 25 juillet

Aziz Krichen, 20/7/2022

Je voterai non au référendum du 25 juillet. Pas par nostalgie à l’égard du système politique mis en place après les élections de l’ANC en 2011. Encore moins pour aider à le restaurer. Et pas non plus parce que je me désolidariserais des manifestations de masses du 25 juillet 2021, qui avaient provoqué sa chute. Au contraire : je voterai non parce que je reste fidèle à l’espérance formidable que ces manifestations avaient soulevées. Et parce que le projet de nouvelle constitution présenté par Kaïs Saïd est une véritable provocation et une insulte à notre dignité d’êtres libres et de citoyens [1].


Les régimes démocratiques modernes relèvent de deux traditions principales, la tradition parlementaire et la tradition présidentielle, selon que le centre de gravité du pouvoir se situe dans la sphère législative ou dans celle de l’exécutif. Malgré des différences sensibles d’organisation, ces traditions respectent des règles communes, sans lesquelles il n’y a pas de vie démocratique possible.  Les principes suivants sont au cœur de ces règles de base universelles :

Le principe de la séparation des pouvoirs

Ceux-ci étant au nombre de trois – le législatif, l’exécutif et le judiciaire –, aucun ne doit être mis en position d’empiéter sur les prérogatives des deux autres ;

Le principe de l’équilibre des pouvoirs

L’idée cardinale ici est que les trois pouvoirs doivent avoir chacun suffisamment de compétences propres et être suffisamment consistants par eux-mêmes pour se contenir et s’équilibrer mutuellement ;

Le principe du contrôle réciproque des pouvoirs

Conséquence des précédents, ce dernier principe signifie qu’en cas de dérive arbitraire de l’un des pouvoirs, les autres ont la capacité légale de l’arrêter. Sous certaines conditions, le président peut ainsi dissoudre le parlement et appeler à de nouvelles élections ; inversement, en cas d’abus graves, le parlement (ou une cour de justice spécifique) peut engager une procédure de destitution du président.

Ces trois axiomes sont essentiels à la marche ordonnée du système démocratique. Ce sont eux, expressément, qui permettent de trouver une issue légale, donc pacifique, aux contextes de crise que pareil système peut connaître.

*

Considéré sous ce prisme, le régime échafaudé en 2011 et codifié après l’adoption de la constitution de 2014 n’avait de démocratique que l’apparence. Présenté par ses artisans comme parlementaire, il instituait en réalité une insupportable dictature d’assemblée : la dictature des partis dominants. Pourtant élu au suffrage universel, le chef de l’Etat n’avait que des compétences honorifiques et formelles ; le parlement pouvait le destituer (article 88), mais lui-même était dans l’impossibilité pratique de le dissoudre (article 99). Pendant ce temps, les députés faisaient et défaisaient les gouvernements, et la justice, gangrénée par la corruption, était totalement aux ordres, malgré les efforts d’une poignée de juges intègres.

Centrée sur les seuls intérêts particuliers des partis, semblable construction ne pouvait rien apporter de bon à la population. Loin d’être corrigés, les vices de l’ancien régime Ben Ali – dépendance à l’égard de l’étranger, prépondérance des grandes familles rentières, impunité des barons de l’import-export clandestin, clientélisme, corruption… –, ces tares ont été aggravées, plongeant le pays dans un climat de crise permanente, à tous les niveaux et notamment sur le plan social et économique.

Ce système n’était pas seulement pervers, il était aussi verrouillé et installé pour durer[2], malgré le caractère toujours plus minoritaire des partis qui en profitaient. (A titre d’exemple : 1 500 000 électeurs pour Ennahdha en 2011, 1 000 000 en 2014, 500 000 en 2019, soit une assise électorale amputée des deux-tiers en huit ans). La situation étant bloquée, le choc du changement ne pouvait venir que du dehors. C’est ce qui s’est passé le 25 juillet 2021, sous l’effet conjugué de la pression de la rue et du coup de force du président de la République, en violation de l’article 80 de la constitution.

*

Les mesures prises par Kaïs Saïd au soir du 25 juillet dernier (suspension du parlement ; renvoi du gouvernement Mechichi ; auto-attribution des pleins pouvoirs) ont été accueillies par les Tunisiens avec soulagement et parfois avec ferveur. Abusée par sa rhétorique populiste, une majorité de nos compatriotes – spécialement parmi les jeunes générations – a cru de bonne foi qu’il allait s’employer à redresser le pays et remettre le train de la révolution sur les rails.

Mais penser que l’on peut être sauvé par un « homme providentiel » est une erreur, le plus souvent suivie de cruelles déconvenues. Pour qui avait des yeux pour voir, l’image du président austère, jaloux de l’indépendance de son pays, attentif aux aspirations de son peuple et aux besoins des plus défavorisés, cette image idéalisée a commencé à se fissurer dès le mois d’octobre, sitôt après l’entrée en fonction du gouvernement Bouden, le premier choisi entièrement par Kaïs Saïd en vertu des nouvelles lois d’exception.

On s’est alors rendu compte que son gouvernement n’envisageait pas un seul instant de rompre avec les anciennes politiques économiques. Qu’il était au contraire déterminé à continuer sur la même pente, en s’aplatissant encore plus devant les injonctions des bailleurs de fonds, en amplifiant le démantèlement de notre appareil de production et en radicalisant les choix antisociaux et antinationaux des gouvernements précédents – tout en reconnaissant par ailleurs, de façon démagogique, que le vieux « modèle de développement » qui inspirait ces choix était néfaste et qu’il fallait en changer !

19/07/2022

Antonio Mazzeo
L’Italie contre l’Iran dans le détroit d’Ormuz

Antonio Mazzeo, Pagine Esteri, 4/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

À la fin de l'été, l'Italie sera à la tête de l'opération militaire européenne dans le détroit d’Ormuz pour la «défense» des intérêts des transnationales de l'énergie et pour l’ «endiguement» de la présence iranienne. C’est le ministère de la Défense italien qui a annoncé la mission provocatrice dans le couloir maritime conflictuel entre le golfe Arabo-Persique et le golfe d'Oman, à la fin de la visite au Pakistan du chef d'état-major, l'amiral Giuseppe Cavo Dragone. « Parmi les sujets abordés lors des réunions avec les dirigeants des forces armées pakistanaises – lit-on dans la note publiée le 24 juin - le chef d'état-major italien a souligné l'engagement accru de notre pays dans la région avec la prise de commandement de la mission OTAN en Irak et avec la prochaine prise de commandement de la Mission de la coalition européenne EMASOH » (1).

EMASOH est l’acronyme de l’European Maritime Awareness in the Strait of Hormuz (Mission européenne de surveillance maritime dans le détroit d’Ormuz) promue en janvier 2020 – de manière autonome - par les gouvernements du Danemark, de la Belgique, de la France, de l'Allemagne, de la Grèce, des Pays-Bas, du Portugal et de l'Italie, après une série d'attaques contre les unités utilisées pour le transport de gaz et de pétrole dans les détroits d’Ormuz et Bab El-Mandeb (entre la mer Rouge et le golfe d'Aden) et les terminaux pétroliers d'Abqaiq et de Khurais en Arabie saoudite. Les principaux responsables des raids contre des pétroliers et des méthaniers, selon les USA, l’UE et les pétromonarchies, étaient les Pasdaran, les gardiens de la révolution islamique iranienne.

« En 2019, une insécurité et une instabilité croissantes, qui se sont traduites par de nombreux incidents maritimes et non maritimes, ont été observées dans le Golfe et dans le détroit d’Ormuz, conséquences d’une intensification des tensions régionales. Cette situation porte atteinte à la liberté de la navigation et à la sécurité des navires et des équipages européens et étrangers depuis des mois. Elle compromet également les échanges commerciaux et l’approvisionnement énergétique, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences économiques dans le monde entier. », déclaraient les pays membres de l'EMASOH. (2)

Malgré l'ouverture de nouvelles routes commerciales et l'expansion du marché mondial, 21% des ressources pétrolières (environ 21 millions de barils par jour) continuent de transiter par le détroit d'Ormuz. Par ce bras de mer de 150 km de long et 33 km de large, l'Arabie saoudite fait passer 6,4 millions de barils de pétrole par jour, l'Irak 3,4, les Émirats arabes unis 2,7, le Koweït 2, tandis que le Qatar, premier producteur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), exporte la quasi-totalité de son gaz. (3) D'où la nécessité pour certains des principaux clients européens de participer à la remilitarisation de la région, également en concurrence avec les États-Unis d'Amérique eux-mêmes et leurs partenaires du Golfe.

Le quartier général de l'EMASOH est la base navale française du Camp de la Paix à Abou Dhabi (la France de Macron est le pays qui a le plus poussé au lancement de la mission air-mer). Le volet militaire (Opération Agénor, nom du roi légendaire de Tyr, fils de Poséidon, dans la mythologie grecque) comprend sept unités de guerre et un avion de patrouille des forces armées des États promoteurs plus la Norvège. « Au cours de ses deux premières années d'existence, EMASOH-Agénor a vu opérer un total de treize frégates et douze avions différents de patrouille et de reconnaissance maritime », rapporte la note publiée par le commandement le 25 février 2022. « Au total, les moyens aériens ont effectué plus de 1 000 heures de vol tandis que les navires ont navigué pendant 750 jours, traversant le détroit d'Ormuz plus de 170 fois. Cependant, la sécurité dans le Golfe et le détroit reste volatile. Malgré le renforcement de la coopération avec le Conseil de coopération du Golfe (pays membres : Arabie saoudite, Bahreïn, EAU, Koweït, Oman et Qatar, NdA), les tensions régionales préexistantes et le risque d'escalade et de nouveaux incidents potentiels persistent. (...) Reconnaissant l'effet préventif durable de la présence d'EMASOH, nous allons maintenant chercher à améliorer son efficacité en développant des synergies avec différentes initiatives européennes dans le nord-ouest de l'océan Indien ». (4) Une mission destinée, par conséquent, à renforcer sa composante militaire et son rayon opérationnel géostratégique, et qui sera dirigée très vraisemblablement par l'Italie à partir du semestre 2022 jusqu'en février 2023.

LUIS CASADO
Chili : un irrépressible désir de liberté
Pourquoi je voterai OUI à la nouvelle constitution

Luis Casado, 10/7/2022
Traduit par Rafael Tobar, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Qu'est-ce qui pourrait empêcher la nation chilienne de recouvrer ses libertés et ses droits les plus fondamentaux ? L'approbation de la nouvelle Constitution est une porte ouverte sur l'avenir...

« Les empereurs romains n’oubliaient surtout pas de prendre le titre de Tribun du peuple, parce que cet office était tenu pour saint et sacré ; établi pour la défense et la protection du peuple, il jouissait d’une haute faveur dans l’État. Ils s’assuraient par ce moyen que le peuple se fierait mieux à eux, comme s’il lui suffisait d’entendre ce nom, sans avoir besoin d’en sentir les effets. Mais ils ne font guère mieux ceux d’aujourd’hui qui, avant de commettre leurs crimes les plus graves, les font toujours précéder de quelques jolis discours sur le bien public et le soulagement des malheureux. On connaît la formule dont ils font si finement usage ; mais peut-on parler de finesse là où il y a tant d’impudence ?» 

(Étienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1576)

Étienne de la Boétie a écrit son célèbre texte alors qu'il avait à peine 16 ans. Sa réflexion récurrente porte sur une question très simple : comment se fait-il que des millions d'êtres humains se laissent assujettir et asservir sans même chercher à retrouver leur liberté ?

L'auteur souligne que n’importe quel animal capturé vit sa captivité comme un malheur et dans de nombreux cas préfère mourir plutôt que de perdre sa liberté. D’après Étienne de la Boétie, la réaction des êtres humains est souvent très différente :

« Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu’on dirait à le voir qu’il n’a pas seulement perdu sa liberté mais bien gagné sa servitude.»

Je suis convaincu que le peuple chilien ne souscrit pas à ce comportement malheureux. Au contraire, je retiens la leçon d'Etienne de la Boétie lui-même :

« Tant qu'un peuple est contraint d'obéir et qu'il obéit, il se porte bien ; mais dès qu'il peut secouer le joug et qu'il le fait, il se porte encore mieux...».

Salvador Allende a dit la même chose le jour funeste du 11 septembre 1973 : « Le Peuple doit se défendre et non pas se sacrifier. Le Peuple ne doit pas se laisser écraser ni attaquer, mais ne doit pas non plus se laisser humilier. (…) Sachez que, plus tôt qu’on ne croit, les grandes avenues par où l’homme libre passera pour construire une société meilleure seront à nouveau dégagées. »

Quatre siècles séparent l’exploit du Camarade Président de l'œuvre de ce brillant adolescent qui avertissait l'humanité du danger qu'elle encourt en normalisant l'esclavage et à l'absence de droits.

Dans le Chili d'aujourd'hui, on assiste malheureusement à la prolifération d'une caste très encline à la servitude, qui se déclare avec enthousiasme partisane du joug de la Constitution imposée en dictature, une loi maudite qui depuis 42 ans, prive le peuple chilien de ses droits civiques, le transformant en objet de prédation d'une poignée d'oligarques.

17/07/2022

RENÁN VEGA CANTOR
NATO exploits Picasso’s anti-war ‘Guernica’

Renán Vega Cantor, El Colectivo, 7/7/2022
Translated by John Catalinotto

The author is a Colombian historian

Now it turns out that NATO, a criminal organization par excellence, is using ‘Guernica’ as a symbol of its wars of aggression against the world, where the blood and pain generated by the fascist forces in the small town of Guernica on April 26, 1937, is multiplied.

This group posed in front of Picasso’s ‘Guernica’ painting included Queen Letizia of Spain, Jill Biden of the U.S. and 14 other ‘First Ladies’ of ‘world leaders’ attending the 2022 NATO Summit in Madrid, June 29.

The photo is outrageous, although at first glance it appears harmless: A group of women are posing, and in the background is “Guernica,” Pablo Picasso’s iconic anti-war painting. What is behind this seemingly innocent and banal photo?

To understand, it is necessary to discuss who the women in the photo are and what was happening when it was taken. Because let’s remember there is no text — in this case it’s all visual, just a photo — without a context that might allow us to understand it.

In the photo are women linked to European or North American power. They are the “First Ladies,” who met in Madrid on the occasion of the NATO Summit in early July. They were summoned there by Spanish Queen Letizia Ortiz.

That is to say, they are women who accompany the presidents and prime ministers of the member countries of that military alliance that serves U.S. imperialism. The NATO meeting spoke precisely not about peace, but about war.

In this context, the photograph is an apology for war on the part of the women linked to NATO power. Considering the circumstances, the image of Guernica has been dragged through the muck.

Guernica is a universal icon that denounces the barbarities of war in general and the fascist aggression suffered by Spain in the 1930s in particular.

FRANCO „BIFO“ BERARDI
Wer ist Antisemit?

Franco „Bifo“ Berardi, Effimera, 16/7/2022
Übersetzt von
Fausto Giudice, Tlaxcala

Im Jahr 2017 wurde ich eingeladen, an der documenta14 teilzunehmen. Ich schrieb den Text für eine Aufführung, die dem Leiden und dem Tod unzähliger Migranten gewidmet ist, die aus Ländern kommen, in denen Krieg und Hunger das Leben unmöglich machen. Wie wir wissen, werden diese Menschen abgewiesen oder ertrinken im Mittelmeer oder werden in Konzentrationslagern entlang der Küste von der Türkei bis Griechenland, in Süditalien, Ceuta und Calais festgehalten. Der Titel der Performance war also Auschwitz on the beach, und es war in meinen Absichten eine Hommage an die Opfer des Nationalsozialismus im letzten Jahrhundert und an die Opfer des europäischen Rassismus heute.

Rettungswesten am Strand von Lesbos. Foto Socrates Baltagiannis, dpa / picture alliance.

 Die Ankündigung der Performance führte zu Protesten in der Presse und eine kleine Gruppe von Personen mit israelischen Flaggen kam, um gegen den Titel meines Werks zu protestieren. Ich sprach nicht einmal mit ihnen, sondern ging zum Sara Nussbaum Zentrum für jüdisches Leben, wo ich mich mit der Leiterin des Zentrums, Eva Schulz-Jander, und anderen Mitarbeitern traf. Nach einem freundlichen Gespräch stimmten Eva und ihr Team mir zu, dass die Ablehnung von Migranten heute an die Ablehnung von 120.000 Juden erinnert, die 1939 versucht hatten, an den Küsten Großbritanniens und der USA an Land zu gehen. Sie sagten mir jedoch, dass der Titel meiner Aufführung eine schmerzhafte Wirkung auf diejenigen habe, die eine direkte Erinnerung an den Holocaust haben. Ich beschloss daher, meine Show durch einen öffentlichen Vortrag zu ersetzen, den ich in der zentralen Halle des Fredericianums hielt. Das Thema lautete „Rassismus gestern und Rassismus heute“. Eva Schulz-Jander begleitete mich zum Fredericianum, wo eine Menge Freunde ihre Solidarität mit mir gegen die Intoleranz dieser kleinen Gruppe von Fanatikern mit israelischen Flaggen zum Ausdruck brachten. Fünf Jahre später ist die Intoleranz immer noch da, gemeiner, arroganter und gewalttätiger.

Jetzt erfahre ich, dass jemand in Kassel eine Veranstaltung im Philipp-Scheidemann-Haus vorbereitet, die den Titel trägt:

Antisemitismus im Nah-Ost-Konflikt und in der Kunst der postbürgerlichen Gesellschaft

Auf der Facebook-Seite lese ich eine öffentliche Anzeige, in der ich als "Antisemit" beschrieben werde.

„Mit der Einladung des Kollektivs „The Question of Funding“ aus Ramallah wurde eine antiisraelische Künstler- und Aktivistengruppe auf die documenta 15 eingeladen. Unsere im Zusammenhang dieser Einladung getätigten Recherchen förderten zu Tage, dass zahlreiche Funktionäre und Macher der Kunstausstellung zur antiisraelischen und bisweilen auch antisemitischen „israelkritischen“ Szene der Kulturschaffenden gehören. Dieses Phänomen ist nicht ganz neu, das Gespräch mit Edward Said auf der documenta 10, die „antizionistische Giraffe“ des Künstlers Peter Friedl auf der documenta 12 und der Auftritt des Antisemiten Franco Berardi auf der documenta 14 verweisen darauf, dass wir es mit einem systematischen Zusammenhang zu tun haben. „

Nachdem ich diese Aussage gelesen hatte, beschloss ich, auf die Beleidigung zu antworten, auch wenn diejenigen, die sie ausgesprochen haben, nicht eine Sekunde meiner Aufmerksamkeit, sondern nur meine Verachtung verdienen.

FRANCO “BIFO” BERARDI
Qui est antisémite ?

 Franco “Bifo” Berardi, Effimera, 16/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

En 2017, j'ai été invité à participer à la documenta14. J'ai écrit le texte d'un spectacle dédié à la souffrance et à la mort d'innombrables personnes migrantes qui viennent de pays où la guerre et la faim rendent la vie impossible. Comme nous le savons, ces personnes sont refoulées ou se noient dans la Méditerranée, ou sont détenues dans des camps de concentration le long de la côte, de la Turquie à la Grèce, au sud de l'Italie, à Ceuta et à Calais. Le titre de la performance était donc Auschwitz on the beach, et c'était dans mes intentions un hommage aux victimes du nazisme au siècle dernier et aux victimes du racisme européen aujourd'hui.

Gilets de sauvetage sur la plage de Lesbos. Photo Socrates Baltagiannis, dpa / picture alliance

L'annonce de la performance a suscité des protestations dans la presse et un petit groupe de personnes munies de drapeaux israéliens est venu protester contre le titre de mon œuvre. Je ne leur ai même pas parlé, mais je me suis rendu au centre juif Sara Nussbaum, où j'ai rencontré la directrice du centre, Eva Schulz-Jander, et d'autres membres de l’équipe. Après une discussion amicale, Eva et son équipe m'ont fait part de leur accord sur le fait que le rejet des migrants d'aujourd'hui rappelle le rejet de 120 000 Juifs qui ont tenté de débarquer sur les côtes britanniques et usaméricaines en 1939. Cependant, ils m'ont dit que le titre de mon spectacle avait un effet douloureux sur ceux qui ont une mémoire directe de l'Holocauste. J'ai donc décidé de remplacer mon spectacle par une conférence publique que j'ai donnée dans le hall central du Fredericianum. Le thème était le racisme hier et le racisme aujourd'hui. Eva Schulz-Jander m'a accompagné au Fredericianum où une foule d'amis a exprimé sa solidarité avec moi contre l'intolérance de ce petit groupe de fanatiques portant des drapeaux israéliens. Cinq ans plus tard, l'intolérance est toujours là, méchante, plus arrogante, plus violente.

J'apprends maintenant que quelqu'un à Kassel prépare une réunion qui se tiendra à la Philipp-Scheidemann-Haus et qui aura pour titre :

Antisemitismus im Nah-Ost-Konflikt und in der Kunst der postbürgerlichen Gesellschaft

(L'antisémitisme dans le conflit du Moyen-Orient et dans l'art de la société post-bourgeoise)

Sur la page Facebook, je lis une annonce publique dans laquelle je suis décrit comme « antisémite ».

« Un groupe d'artistes et de militants anti-israéliens a été invité à la documenta15 avec le collectif basé à Ramallah, The Question of Funding. Notre enquête sur cette invitation a mis en lumière le fait que de nombreux responsables et organisateurs de l'événement artistique appartiennent à la scène culturelle anti-israélienne et parfois antisémite. Ce phénomène n'est pas nouveau : la conversation avec Edward Said à la documenta10, la girafe antisioniste de Peter Friedl à la documenta12, et l'apparition de l'antisémite Franco Berardi à la documenta14 indiquent que nous avons affaire à une connexion systématique ».

Après avoir lu cette déclaration, j'ai décidé de répondre à l'insulte, même si ceux qui l'ont prononcée ne méritent pas une seule seconde de mon attention, seulement mon mépris.

GIDEON LEVY
Dans les collines du sud d'Hébron, l'armée israélienne a rendu impossible la célébration de l’Aïd Al Adha

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 16/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Cette semaine, l'Aïd Al Adha, la fête du sacrifice, a été l'une des plus difficiles de mémoire d'homme pour les habitants des collines du sud d'Hébron. Avec l'armée israélienne en manœuvre à proximité et une menace d'expulsion dans l'air, ils n'ont pas pu célébrer la fête.


Jamala et Fadel Rabai avec leurs petits-enfants

Un après-midi de cette semaine, un homme âgé appuyé sur une canne a grimpé le long chemin de terre qui mène à sa maison de Cisjordanie. Le soleil était brûlant, et l'homme avançait léthargiquement, s'arrêtant de temps en temps pour se reposer à l'ombre d'un arbre. Vêtu d'une lourde robe, il revenait d'une visite de vacances à sa famille dans la ville voisine de Yatta, près d'Hébron. Depuis la route principale menant à son domicile, il devait marcher environ six kilomètres pour atteindre le hameau de Halat a-Dab'a, dans la région de Masafer Yatta, dans les collines du sud d'Hébron.

Juste après s'être mis en route, l'homme est passé devant un cube de béton gris orné d'un avertissement en lettres rouges, indiquant : « Danger. Entrée interdite. Zone de tir ». Il y en a beaucoup comme ça dans le coin. L'homme a ignoré le cube et a continué vers sa maison. Où aller sinon ?

Quatre jours plus tôt, jeudi dernier, un canonnier de char des Forces de défense israéliennes avait tiré un projectile qui avait touché le toit de la maison de ses voisins dans le hameau, alors que la famille se trouvait à l'intérieur. Mais cela n'a pas non plus dissuadé cet homme. Où irait-il sinon ?

Aucun invité n'est arrivé à Halat a-Dab'a la semaine dernière. Samedi a marqué le début des quatre jours de l'Aïd Al Adha, la fête du sacrifice, la grande fête musulmane au cours de laquelle d'innombrables moutons sont abattus, une fête de célébrations familiales. Mais personne n'est venu à Halat a-Dab'a, ni dans les autres communautés de bergers et villages de la région. Il y a quatre semaines, les FDI ont commencé à organiser des exercices d'entraînement ici, dans la zone de tir 918, à la suite d'une décision de la Haute Cour de justice autorisant Israël à expulser les habitants de plus d'une douzaine de villages et hameaux (ces exercices ont été temporairement interrompus cette semaine, pendant la visite du président Joe Biden). Ce fut donc une triste fête à Masafer Yatta, peut-être la plus triste de toutes.

La maison de la famille Dababsi. Un char israélien a tiré un obus qui a touché le toit alors que toute la famille était dans la maison

C'était certainement la fête la plus triste pour la famille Rabai du village de Tawani, la plus grande communauté de Masafer Yatta. Autour de leur table de fête manquaient à nouveau les deux frères qui se trouvent dans une prison israélienne et qui sont à eux deux les pères de 11 enfants. C'est la troisième fête qu'ils n'ont pas passée avec leurs familles depuis leur emprisonnement en mai 2021.

Leurs parents, Jamala et Fadel Rabai, âgés respectivement de 58 et 59 ans, ainsi que leurs autres enfants et petits-enfants vivent ici dans le complexe. Un ordre de démolition existe pour l'ensemble du complexe. Le 11 mai, l'administration civile du gouvernement militaire a démoli une habitation de 100 mètres carrés appartenant au fils des Rabai, Mohammed, 27 ans, qui a trois enfants. Lorsque nous sommes arrivés lundi, nous nous sommes assis dans une autre structure spacieuse au toit en tôle, également menacée par un ordre de démolition.

16/07/2022

ANTONIO MAZZEO
L'ONU condamne Tel-Aviv pour violations des droits humains, mais Rome renforce sa coopération avec Israël

Antonio Mazzeo, Africa Express, 14/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

L'Italie et Israël renforceront encore leur coopération militaro-industrielle. Mercredi 13 juillet, une importante délégation du ministère israélien de la Défense s'est rendue en visite officielle à Rome pour rencontrer le secrétaire général de la défense et directeur national des armements, le général Luciano Portolano.

La délégation était conduite par le major général Amir Eshel, directeur général du ministère de la Défense et ancien commandant en chef de l'armée de l'air israélienne de 2012 à 2017. Étaient également présents le directeur général adjoint et chef de la direction des achats et de la production des forces armées israéliennes, le colonel Avi Dadon, et l'attaché militaire de l'ambassade d'Israël en Italie, le colonel Dror Altman.

« Les rencontres se sont déroulées dans une atmosphère d'estime mutuelle et de coopération, et ont permis de consolider davantage les relations déjà excellentes entre l'Italie et Israël, avec une référence particulière au renforcement de la coopération industrielle, à travers le partage de nouveaux domaines de collaboration à développer avec la pleine implication des forces armées respectives », écrit le bureau de presse de la Défense. « Le dialogue stratégique constant entre les parties a également permis une discussion franche, sincère et fructueuse sur les défis imposés par les scénarios de crise internationale actuels et le contexte dans lequel les parties entendent coopérer ».

À l'issue de la rencontre, le général Amir Eshel a exprimé sa « grande satisfaction, au nom de l'ensemble de la Défense israélienne », pour l'alliance stratégique entre les deux pays et la « position ferme de l'Italie aux côtés de l'État d'Israël dans les contextes internationaux ».

Ni les crimes commis par les forces armées israéliennes contre la population palestinienne, ni les récentes opérations sanglantes de Tel- Aviv à Gaza, au Liban et en Syrie ne continuent à inquiéter l'Italie. Les affaires sont les affaires, et le partenariat entre la holding publique Leonardo SpA et les principales entreprises du complexe militaro- industriel israélien est de plus en plus solide et convaincu.

Il est dommage qu'au moment même de la visite officielle de l'influente délégation militaire israélienne, les Nations unies aient émis une autre lourde condamnation d'Israël en termes de violations des droits humains.

Le 11 juillet, le secrétaire général Antonio Guterres a présenté le rapport annuel sur les enfants et les conflits armés dans le monde, qui cite Israël parmi les pays responsables des « niveaux les plus élevés de violations graves » en 2021, aux côtés de l'Afghanistan, de la Syrie, de la République démocratique du Congo, de la Somalie et du Yémen.

« Les Nations unies ont vérifié 2 934 violations graves à l'encontre de 1 208 enfants palestiniens et de 9 mineurs israéliens en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, à Gaza et en territoire israélien », indique le rapport.

En particulier, le Secrétaire général a noté la détention de 637 mineurs palestiniens pour « crimes présumés contre la sécurité » par les forces israéliennes. « Quatre-vingt-cinq de ces mineurs ont fait état de mauvais traitements et de violations des garanties d'une procédure régulière par les autorités israéliennes pendant leur détention et 75 % d'entre eux ont déclaré avoir subi des violences physiques ».


 L'ONU établit également un bilan des morts dramatique : 88 filles et garçons (86 Palestiniens et 2 Israéliens) ont été assassinés à Gaza (69), en Cisjordanie et à Jérusalem-Est (17) et en Israël (2) par les forces armées et la police israéliennes (78), par des groupes armés palestiniens (8) ou par des auteurs non identifiés ou à la suite de l'explosion de résidus de guerre (2).

15/07/2022

FRANCESCA ALBANESE
Parler de la Palestine aujourd'hui est impossible, même au Parlement italien

 Francesca Albanese, il manifesto, 13/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Francesca Albanese est une avocate internationale et chercheuse italienne spécialisée dans les droits humains et les réfugiés. Elle est, depuis mai 2022, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. @FranceskAlbs

Invitée par la Commission des Affaires étrangères du parlement italien, le 6 juillet dernier, pour parler de la situation des droits humains en Palestine, (vidéo) Francesca Albanese y a fait l’objet d’une attaque virulente de la part du « démocrate » (ex-communiste) Piero Fassino, président de la commission, qui l’a accusée d’ « unilatéralisme » propalestinien, déformant les propos qu’elle avait tenu dans une interview en juin dernier. Voici la réponse de Francesca Albanese. On peut lire la réponse de Fassino à cet article ici-FG

Moyen-Orient : après l'attaque de M. Fassino devant la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés, la difficulté de parler de la question palestinienne, même selon les règles du droit, apparaît clairement : l'idée que le droit international est contraignant pour les ennemis et facultatif pour les alliés est une déclinaison dangereuse du concept d'autonomie de la politique, qu'en tant que juriste je ne peux m'empêcher de condamner...

La Palestine - c'est-à-dire ce qui est resté de la Palestine historique lors de la création de l'État d'Israël en 1948 -, comprenant la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza, est une terre qu'Israël occupe militairement depuis 1967.

Il convient de rappeler d'emblée que le droit international n'admet les occupations militaires que sous une forme limitée dans le temps, avec des contraintes précises pour protéger la population sous occupation et, surtout, sans jamais transférer la souveraineté à la puissance occupante.

L'État d'Israël viole systématiquement ces principes depuis 1967, par le biais du transfert continu de civils et de la construction de colonies en Palestine occupée. Au cours des dernières décennies, ces violations ont été condamnées à maintes reprises par les principales institutions internationales, et plus récemment par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Les organisations humanitaires s'accordent à dire que cette occupation est illégitime et illégale, car elle est menée par un usage interdit de la force armée et dans le but d'annexer le territoire palestinien à l'État d'Israël et de déplacer les Palestiniens qui y vivent. Face à cette réalité largement documentée, il est nécessaire que la politique se conforme aux préceptes du droit international, en sanctionnant Israël et en soutenant les Palestiniens dans le processus d'autodétermination qui leur est assigné non pas par telle ou telle faction politique, mais par les principes les plus fondamentaux de la communauté internationale.

C'est dans cet esprit que j'ai assumé, il y a deux mois, le rôle de rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé, qui m'a été confié par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Avec le défi et l'honneur supplémentaires d'être la première femme à occuper ce poste délicat, j'ai assumé cette responsabilité en étant pleinement consciente des difficultés que j'allais rencontrer.

La première difficulté est qu'au cours des 30 dernières années, les droits du peuple palestinien ont cessé de faire la une des journaux, bien que la Palestine reste le théâtre d'un affrontement acharné entre la justice et la prévarication, le droit et l'abus, la légalité et, hélas, la realpolitik inspirée uniquement par les rapports de force. Deux mois après le début du mandat, j'ai évoqué l'impossibilité de discuter de la Palestine en suivant une approche strictement juridique.

Face à quiconque oppose à la logique des rapports de force une éthique guidée par la force du droit, un rideau d'hostilité et souvent de violence verbale tombe au nom de la défense idéologique de la politique de l'État d'Israël.

J'en veux pour preuve mon audition, le 6 juillet, devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés, qui m'avait invité à rendre compte de la situation couverte par mon mandat. Après mon intervention, dont il avait manifestement écouté peu et compris encore moins, le président de la Commission, Piero Fassino, au lieu de modérer le débat afin d'acquérir des éléments utiles pour les délibérations parlementaires, s'est lancé dans un j'accuse contre moi aussi inopportun qu'injustifié.

L'accusation portait sur mon prétendu manque d’ « imparttialité », manifestement pour ne pas avoir mis sur un pied d'égalité l'occupant et l'occupé, le colonisateur et le colonisé, dans mon discours sur les abus continus des forces israéliennes contre les Palestiniens. Le respect de toute critique fait partie intégrante de mon interprétation du mandat qui m'a été confié. Cependant, j'ai le devoir premier, précisément sur la base de ce mandat, de dénoncer les violations du droit international.

Bien que je me sois limitée à cette tâche consciencieuse lors de l'audience, M. Fassino, manifestement irrité par l'exercice de mes fonctions institutionnelles, est allé jusqu'à m'attribuer des phrases contenant des formes de légitimation de la violence que je n'ai jamais prononcées et qu'aucun intervieweur n'a jamais transcrites. La revue Altraeconomia l'a rapidement démontré en rapportant mes déclarations originales condamnant la spirale de violence perpétuée par l'occupation, habilement décontextualisées par M. Fassino.

En critiquant ma focalisation excessive « sur la donnée juridique », M. Fassino a également minimisé le rôle central du droit international dans la résolution des conflits, qui fait pourtant partie intégrante de l'ordre républicain.

L'idée que le droit international est contraignant pour les ennemis et facultatif pour les alliés est une déclinaison dangereuse du concept d'autonomie de la politique, qu'en tant que juriste je ne peux m'empêcher de condamner.

Comme le rappelle Edward Said, une lutte pour les droits se gagne « avec les armes de la critique et l'engagement de la conscience ». Et c'est ce que je continuerai à promouvoir dans l'exécution de mon mandat, un débat sain, pluraliste et informé sur la question israélo-palestinienne, à partir - quelles que soient les lectures historiques et politiques du « conflit » et de ses racines - de la force régulatrice du droit international, seule boussole possible dans les ténèbres fomentées par plus d'un siècle de realpolitik.