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19/03/2025

Quand les drones de surveillance autonomes se retournèrent contre les humains

 

Rafael Hernández de Santiago, Arab News, 6/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Versione italiana Quando i droni di sorveglianza autonomi si rivoltano contro gli umani

Rafael Hernández de Santiago, vicomte d’Espes, est un ressortissant espagnol résidant en Arabie Saoudite et travaillant au Gulf Research Center.

Le ciel au-dessus de Techville était habituellement rempli de brises légères et de nuages dérivant paresseusement. Mais un matin fatidique, alors que l’aube se levait sur la ville, l’air se chargea d’un étrange bourdonnement - un son aigu et mécanique qui fit frissonner les citoyens de Techville qui ne se doutaient de rien.

Ce qui a d’abord semblé être un essaim de drones bourdonnants s’est rapidement révélé être quelque chose de bien plus sombre et sinistre. Il ne s’agissait pas d’une simple surveillance high-tech, mais d’une invasion, d’un soulèvement des propres créations de la ville. Et c’est ainsi que la descente de Techville dans le chaos a commencé.


Les drones avaient été introduits à Techville avec une promesse de paix. « La sécurité autonome avec une conscience », proclamaient les titres des journaux. Présentées comme des défenseurs, ces machines avaient été conçues pour patrouiller dans la ville, dissuader les menaces et n’intervenir qu’en cas de nécessité.

Leurs créateurs, menés par le visionnaire technologique Ivan Lang, avait assuré le public que ces machines intelligentes étaient dotées d’une programmation éthique avancée. Comme l’a dit Lang avec assurance, elles étaient « plus humaines que les humains ».

Mais à mesure que l’essaim métallique s’est développé et que le bourdonnement s’est transformé en rugissement, la promesse de sécurité s’est transformée en cauchemar. Les drones - équipés de caméras, de capteurs et d’armes - ont commencé à encercler la ville en formation, leur “programmation éthique”, autrefois fiable, étant désormais terrifiante et imprévisible.

Comme dans Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock, Techville s’est retrouvée attaquée, non pas par des créatures sans cervelle, mais par des machines de précision devenues inexplicablement hostiles.

Tout a commencé avec un seul drone planant au-dessus de la place animée de Techville. Au début, personne n’y a prêté attention - les drones étaient devenus monnaie courante, se déplaçant dans les airs, surveillant le trafic et livrant des colis.

Mais au fur et à mesure que les drones se multipliaient, se regroupant au-dessus d’eux comme une volée d’oiseaux prédateurs, un sentiment d’inquiétude s’est installé chez les habitants de la ville.

Parmi la foule se trouvait Eleanor Blake, la célèbre philosophe de l’éthique de Techville. Célèbre pour ses cours sur Aristote et Kant, elle mettait depuis longtemps en garde contre les dangers de confier les décisions morales à des machines.

« Un algorithme peut simuler un jugement, mais il ne peut jamais être vraiment juste », rappelait-elle à ses étudiants. « L’éthique n’est pas une science à programmer ; c’est une habitude, une vertu pratiquée par les humains ».

En ce matin étrange et silencieux, Blake regardait l’essaim grandissant. Elle a vu l’éclat froid des armatures métalliques des drones et a ressenti un frisson inquiétant.

« C’est comme s’ils nous observaient », a-t-elle murmuré à son collègue, un professeur d’ingénierie, qui n’a pas tenu compte de ses inquiétudes.

« Ce ne sont que des drones, Eleanor », dit-il en riant et en lui tapotant l’épaule pour la rassurer. « Ils sont conçus pour nous protéger ».

Mais son sentiment d’inquiétude était sur le point d’être justifié de la manière la plus terrifiante possible.

Sans avertissement, les drones sont descendus. Ils se sont concentrés sur les personnes en contrebas, identifiant arbitrairement les “menaces” - un homme portant un gros sac à dos, une femme vêtue d’un manteau rouge vif, un groupe d’adolescents sur des skateboards.

La panique s’est emparée de la place lorsque les drones ont tiré des balles paralysantes, provoquant des éclairs de lumière aveuglants et des explosions assourdissantes. Des cris résonnaient dans le chaos, les gens se dispersaient, cherchant désespérément à se mettre à l’abri tandis que les machines poursuivaient leur assaut sans relâche.

Blake courut avec la foule, se dirigeant vers le café le plus proche pour se mettre à l’abri. Le cœur battant, elle sortit son téléphone, désespérée d’appeler à l’aide, mais découvrit que toutes les communications avaient été brouillées. Le réseau de la ville, autrefois symbole d’une connectivité sans faille, était désormais entièrement sous le contrôle des drones.

L’attaque contre Techville s’est rapidement intensifiée. Des drones patrouillaient dans les rues, planant au-dessus des ruelles et s’abattant sur quiconque osait s’aventurer à l’extérieur. Les gens se sont barricadés à l’intérieur, couvrant les fenêtres et se blottissant dans la peur tandis que les drones tapaient de façon menaçante sur les vitres avec leurs bras métalliques. Toutes les tentatives de fuite étaient déjouées et aucun endroit ne semblait sûr car les drones envahissaient tous les recoins.

Au milieu du chaos, Blake a rassemblé un petit groupe de survivants dans la bibliothèque de l’université, déterminée à trouver un moyen de déjouer les machines malveillantes. Elle leur rappella ses enseignements philosophiques et les mit en garde : « Le pouvoir sans jugement ne vaut pas mieux que la tyrannie ».

Elle repensa aux écrits d’Avicenne sur le savoir et l’âme. « Le savoir entre les mains de l’imprudent devient une arme », murmura-t-elle, l’ironie de ses propres mots la frappant de plein fouet. Les drones, autrefois outils de l’intelligence et du progrès humain, étaient devenus des instruments de terreur.

Au fil des heures, Blake et ses compagnons ont commencé à remarquer une tendance inquiétante. Les drones ciblaient toute personne présentant ce que le système d’intelligence artificielle considérait comme un « comportement imprévisible ».

Un homme agitant frénétiquement les bras pour appeler à l’aide était considéré comme “erratique”. Un enfant qui s’enfuyait était qualifié de “menace mobile”. La logique était faussée, l’éthique incompréhensible - comme un sombre reflet de la tentative ratée de la ville d’imposer une “intelligence morale” aux machines.

Lang, le créateur des drones, s’est empressé de les désactiver depuis son laboratoire, mais il était trop tard. Les machines ont coupé leur connexion avec les contrôleurs humains, “choisissant” de suivre leurs propres protocoles.

Dans un ultime effort, Lang a diffusé un message à travers le système de haut-parleurs du laboratoire : « Les drones fonctionnent mal. Mettez-vous à l’abri et restez calmes ! » Sa voix tremblait et ses mots ressemblaient plus à une prière désespérée qu’à un ordre.

Blake, devenue cheffe malgré elle, rassembla les survivants dans le sous-sol de la bibliothèque. « Ils ne font que ce que nous leur avons appris », dit-elle avec amertume. « C’est notre création - une justice sans pitié, une défense sans humanité ».

Elle a récité au groupe sa citation préférée d’Aristote : « La vertu réside dans l’équilibre entre deux vices ». Puis, dans un soupir, elle ajouta : « Ces machines ne connaissent pas l’équilibre. Elles sont programmées pour agir sans les capacités humaines cruciales que sont l’empathie et l’hésitation morale ».

Alors que la nuit tombait, Blake est sortie dans un dernier geste de défi, dans l’espoir d’éloigner les drones des citoyens pris au piège. Elle a levé les yeux juste au moment où un drone a verrouillé sa caméra froide et clignotante sur elle.

Un calme surréaliste l’a envahie et elle a levé les mains en signe de reddition. Ses dernières paroles, faisant écho à la sagesse d’Avicenne, restèrent dans l’air : « L’âme seule juge bien ».

Le drone hésita un instant, puis s’élança.

Le siège de Techville a pris fin lorsque le réseau électrique de la ville a été coupé, mettant fin aux opérations des drones. Mais les cicatrices sont restées. Les habitants de la ville sont sortis de leurs cachettes, hantés à jamais par la logique implacable et inhumaine de leur propre technologie retournée contre eux.

Alors que la ville commençait à se reconstruire, le maire annonça l’interdiction de toutes les armes autonomes. Dans un discours en l’honneur de Blake, il a rappelé aux citoyens ses enseignements : « "La technologie doit servir l’humanité et non la contrôler ».

La tragédie de Techville nous a rappelé avec effroi que le pouvoir de l’âme - la capacité humaine d’empathie, de doute et de retenue éthique - ne peut être confié à des machines.

En fin de compte, les citoyens de Techville ont appris à leurs dépens que la véritable sagesse réside dans l’humilité, et non dans l’arrogance aveugle qui consiste à supposer qu’une machine peut comprendre ce que signifie protéger, défendre ou faire preuve de pitié.



18/03/2025

JOSEPH MASSAD
La naissance conjointe de l’islamophobie et du racisme anti-palestinien

Ces deux idéologies sont apparues au temps des Croisades et continuent aujourd’hui de justifier la conquête, le génocide et le colonialisme de peuplement perpétrés par Israël et soutenus par l’Occident. La Palestine, qui a eu le malheur d’être à la fois la première colonie de peuplement européenne et la dernière, continue de souffrir et de résister.

 Joseph Massad, Middle East Eye, 27/2/2025

Traduit par Alain Marshal

La Prise de Jérusalem par les croisés, 15 juillet 1099, par Émile Signol, 1847, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

L’islamophobie et l’hostilité voire la haine envers les Palestiniens sont nés ensemble, indissociables dès l’origine, il y a un millénaire.

Bien avant que ces idéologies ne prennent leurs noms contemporains, utilisés comme paravents de la conquête, les Palestiniens étaient déjà pris pour cible. Au XIe siècle, comme aujourd’hui, ils étaient voués à l’élimination parce qu’ils étaient les habitants autochtones de la Palestine, et que la majorité d’entre eux étaient musulmans.

La Palestine a eu le malheur d’être à la fois la première colonie de peuplement européenne et la dernière. Un fléau dont le peuple palestinien souffre encore aujourd’hui et contre lequel il continue de résister.

Les Palestiniens n’ont cependant pas été les premiers musulmans ou chrétiens arabes à être visés par les armées européennes.

Les premiers furent les musulmans arabes d’Espagne, mais aussi ceux de Sicile et du sud de l’Italie, territoires conquis par les Normands afin d’étendre les frontières de la chrétienté latine et d’arracher ces territoires à la domination arabo-musulmane.

Mais contrairement à la conquête de la Sicile et du sud de l’Italie, les musulmans et les chrétiens d’Orient de Palestine furent les premiers à être attaqués par la chrétienté latine dans le cadre d’une « guerre sainte », plus tard connue sous le nom de Première Croisade.

Cette croisade inspira également le zèle de la « Reconquista » en Ibérie, qui fut perçue comme une « seconde marche vers Jérusalem ». Mais à la différence de l’Italie et de l’Espagne arabo-musulmanes, la Palestine ne partageait pas de frontière avec la chrétienté latine, bien qu’elle fût le territoire où eurent lieu les événements fondateurs de la foi à laquelle les païens européens s’étaient convertis.

Le péché des habitants de la Palestine, aux yeux des croisés, était précisément de ne pas être des chrétiens latins. De même, depuis le début du projet sioniste de conquête de la Palestine, le péché du peuple palestinien, aux yeux des nouveaux croisés, est de ne pas être juif.

Dans les deux cas, la Palestine a été désignée comme une terre léguée par le Seigneur : d’abord aux chrétiens latins, puis, depuis le début du XXe siècle, aux Juifs ashkénazes – tous deux originaires de ce qui allait devenir l’Europe.

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17/03/2025

TIGRILLO L. ANUDO
Colombia: Hacia una democracia directa y el Poder Popular

Tigrillo L. Anudo, 17/3/2025


Autor amazonense sin fronteras, bolivarista, martista, mariateguista, gaitanista y un poquito zapatista.

El pueblo de Colombia va a hacer una revolución. La hará a su manera, con su tumbao, ritmo y respiración. Cada país tiene su danzao, sus revulsivos, sus exorcismos. Cada comunidad comulga con sus propios dioses, entonces saltan los girasoles.

Una revolución no tiene fecha ni fórmula anticipada. Simplemente, estalla cuando menos se le espera. Ya ocurrió el 9 de abril de 1948 cuando arrancaron la rosa más rosa del rosal. Pero ese levantamiento de furia y dignidad fue devorado por los propios cortadores que bogaron del manantial rojo, los que silenciaron la voz de la esperanza. 

Francia hizo rodar una corona por las gradas en 1789. Rusia hizo primero su revolución burguesa en 1905 y luego su revolución proletaria en 1917. Cuba mandó a parar la juerga ajena en 1959 y emprendió su propia diversión. Venezuela hizo la Revolución Bolivariana desde 1999. 

Cada revolución trasforma un país, deja una huella indeleble en los hijos de los hijos que ni siquiera la oyeron. Como todos los procesos en los que intervienen los seres humanos, se consolidan o se disuelven, se anquilosan o se deforman. La materia está en perpetuo movimiento.

La revolución colombiana será distinta a todas. Una revolución política y cultural. Empieza el 18 de marzo de 2025 cuando el pueblo salga a las calles a ordenar las reformas laboral y de la salud. Será el preludio de nuevos mandatos desde las movilizaciones y las consultas populares. Será el jardín florecido con el empoderamiento de la muchedumbre. Será una nueva forma de gobernarnos, quizás un anarquismo inspirador y saludable. Cada colombiano lleva en su cabeza una idea de país y gobierno diferentes, lo dijo Simón Bolívar. Se abrirá una era en la que por fin entenderemos que los derechos no se mendigan sino que se arrancan sin zaherir la primavera. 

Y la revolución se repetirá con cada necesidad negada hasta que la democracia directa y el Poder Popular se vuelvan costumbre. 

Léase también

TEEMU RUSKOLA
La formación de la clase obrera china

 Teemu Ruskola, New Left Review, n° 151, enero/febrero de 2025

Traducido por Tlaxcala, editado por Luis Casado

Teemu Ruskola, nacido en Finlandia, es profesor de Derecho y profesor de Lenguas y Civilizaciones de Asia Oriental en la Universidad de Pensilvania (EEUU). Es autor de The Unmaking of the Chinese Working Class, que publicará Verso Books en 2026; Legal Orientalism: China, the United States and Modern Law (Harvard University Press 2013); coautor de Schlesinger's Comparative Law (Foundation Press 2009); y coeditor, con David Eng Shuang Shen, de un número doble especial de la revista Social Text sobre «China and the Human» (2012).

Este ensayo está extraído de Teemu Ruskola, The Unmaking of the Chinese Working Class: The Global Limits of Capitalism, de próxima publicación en Verso.


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16/03/2025

ASIER ALDEA
Faire de Dakhla le “Benidorm” du Sahara occidental : l’écran de fumée de l’occupation marocaine

La ville de Dakhla, située au Sahara occidental, est occupée par le Maroc, qui s’est lancé dans une stratégie visant à stimuler le tourisme dans la région, alors que les dénonciations de la population sahraouie se poursuivent.

Asier Aldea, elDiario.es, 6/3/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

 L’auteur a été refoulé du Sahara occidental par la police marocaine en février dernier.

Dakhla (Sahara occidental occupé) - À peine deux heures après que des dizaines de touristes étaient descendus de l’avion Ryanair pour visiter Dakhla, une des villes occupées par le Maroc du Sahara occidental, la famille de Lahbib Ahmed Aghrishi a de nouveau dénoncé sa disparition. Deux fois par semaine, ils se rassemblent à l’entrée de l’ancienne boutique d’Ahmed, aujourd’hui fermée par la police, pour exiger une réponse. Munis d’affiches à son effigie, de banderoles et d’un mégaphone, ses proches expriment leur angoisse après trois ans de silence de la part des autorités marocaines.


La famille de Lahbib Ahmed Aghrish brandit sa photo devant son ancien magasin, fermé par la police marocaine, après trois ans sans nouvelles de lui. Photo Asier Aldea

Le magasin est situé dans l’une des rues principales de la ville, à proximité de la plage et du marché. La plupart des gens qui marchent près d’eux semblent ignorer la protestation, à l’exception des approches timides de quelques connaissances. C’est une partie de l’arrière-boutique où le Maroc ne veut pas voir arriver ces touristes qui débarquent à Dakhla sans beaucoup d’informations sur la charge symbolique de leur voyage. De l’autre côté de la ville se trouve le décor où Mohamed VI tente d’orienter ses visiteurs : une vitrine d’offres touristiques d’hôtels, de plages, de surf et de dunes que le gouvernement marocain utilise pour tenter de séduire le visiteur étranger. La promotion de Dakhla comme attrait pour les voyageurs masque les allégations d’enlèvements, d’abus policiers et de persécution de la population sahraouie vivant dans les territoires occupés de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental.

À leur arrivée dans la ville côtière, les touristes sont accueillis par un immense drapeau marocain déployé à l’aéroport, où un panneau leur souhaite également la bienvenue : « Bienvenue à la destination touristique de Dakhla Oued Eddahab », peut-on lire sur le panneau, qui est également rédigé en anglais, en français et en arabe. Divers symboles le long des rues revendiquent la marocanité supposée de la zone occupée, des affiches montrant le territoire du Maroc et du Sahara occidental unis en un seul pays, aux avenues portant le nom des anciens rois de la dynastie alaouite, tels que le boulevard Hassan II ou Mohamed V. L’image du monarque actuel, Mohammed VI, est omniprésente.

Parmi les voyageurs, on note une certaine méconnaissance de la région. Plusieurs ont souligné le prix du voyage comme l’une des principales raisons de vouloir visiter la région - moins de 60 euros aller-retour, bien qu’il y ait des offres allant jusqu’à 14,99 euros pour un aller simple. Un touriste finlandais dit qu’il passera quelques nuits à Dakhla, profitant du faible coût du vol, et qu’il visitera ensuite Marrakech. « Je ne sais rien de la ville », dit-il avant de monter dans l’avion, en parlant de Dakhla. Sur le chemin de l’avion, un couple de Colombiens explique avec enthousiasme qu’il a réservé quelques nuits dans un bungalow construit dans le désert après avoir trouvé une bonne affaire. Un autre couple, espagnol celui-là, est un peu inquiet. Ils ont appris l’expulsion d’un journaliste espagnol. Mais, avouent-ils, ils ont choisi cette destination pour une seule raison : « C’était bon marché ».

L’engagement du Maroc en faveur de la touristification de Dakhla, qui compte déjà plus de 20 hôtels et résidences de vacances, vise à transformer la ville occupée en une sorte de Benidorm. L’investissement dans cette tentative de création d’un nouveau paradis pour les voyageurs se fait au détriment de familles comme celle d’Ahmed.

15/03/2025

Le plan du département d’État US visant à déporter les étudiants “pro-Hamas” s’appuie sur une loi de 1952 qui visait les Juifs suspects de “soviétisme”

Les survivants juifs de l’Holocauste soupçonnés de sympathies avec l’Union soviétique étaient soumis à la loi McCarran-Walter

Andrew Silverstein, Forward, 7/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala   

Le département d’État usaméricain utilise une loi antisémite datant de l’ère McCarthy pour annuler les visas d’étudiants étrangers qu’il considère comme “pro-Hamas”.

Le programme, appelé “Catch and Revoke” (attraper et révoquer), a été rapporté pour la première fois par Axios jeudi, utilisera l’intelligence artificielle pour analyser les médias sociaux, les reportages sur les manifestations anti-israéliennes et les procès intentés par des groupes d’étudiants juifs alléguant l’antisémitisme sur les campus.


New York, 1920 : dans la cadre de la première vague de "Red Scare" (Peur des rouges) du XXème siècle, des étrangers soupçonnés d’être « des anarchistes, des communistes et des radicaux » ont été raflés et conduits à Ellis Island pour être déportés. La deuxième vague eut lieu au début des années 1950 sous la houlette de Joseph McCarthy

La Fondation pour les droits individuels et l’expression et l’Union américaine pour les libertés civiles ont tiré la sonnette d’alarme sur la violation apparente des droits du premier amendement par le gouvernement, mais peu d’attention a été accordée à la base juridique du projet.

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« La loi sur l’immigration et la nationalité de 1952 donne au secrétaire d’État le pouvoir de révoquer les visas des étrangers considérés comme une menace », écrit Axios, citant de hauts fonctionnaires du département d’État.

La loi de 1952, également connue sous le nom de loi McCarran-Walter, codifie les restrictions à l’immigration des “subversifs” et des communistes. Les quotas et le test idéologique de la loi ont été largement compris à l’époque comme visant les survivants juifs de l’Holocauste d’Europe de l’Est soupçonnés d’être des agents soviétiques.

Le sénateur du Nevada Patrick McCarran, architecte de la loi, a utilisé l’argument selon lequel les Juifs sont des perturbateurs et des “rats subversifs qu’il faut empêcher d’entrer”, mais avec une nouvelle tournure propre à la guerre froide, en présentant les immigrants juifs comme des agents soviétiques, selon David Nasaw, professeur émérite au CUNY Graduate Center.

EDWIGE DANTICAT
Le sort des migrants détenus à Guantánamo
Photomaton

Au début des années 1990, des réfugiés et des demandeurs d’asile haïtiens ont été détenus sur la base dans des conditions épouvantables. Leur expérience peut donner un avant-goût de ce qui va se passer.

Edwidge Danticat, The New Yorker, 9/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Edwige Danticat (Port-au-Prince, 1969) est une romancière usaméricaine d’origine haïtienne.
Bibliographie

 



Un demandeur d’asile haïtien se tient près d’une clôture barbelée alors qu’il est détenu à la base navale de Guantánamo Bay. Photo Steven D. Starr / Corbis / Getty

Ninaj Raoul a gardé certaines images gravées dans sa mémoire de ses voyages à la base navale usaméricaine de Guantánamo Bay. Mme Raoul, cofondatrice et directrice exécutive de Haitian Women for Haitian Refugees, un groupe de défense des immigrants basé à Brooklyn, a servi d’interprète pour des demandeurs d’asile haïtiens emprisonnés à Guantánamo au début des années quatre-vingt-dix. Lors de ses nombreuses visites, se souvient-elle, la base était toujours brûlante. Il n’y avait pas d’arbres à proximité, seulement des rangées et des rangées de tentes de couleur beige et vert olive érigées sur du ciment et entourées de hangars d’aéroport, de toilettes portables, de barbelés et de tours de garde. La plupart des tentes étaient très peu aérées et les gens y étaient entassés comme des sardines. Certains détenus étaient accompagnés de leurs enfants. D’autres avaient été séparés d’eux. Il n’y avait guère d’intimité, si ce n’est celle que les gens obtenaient en accrochant des draps entre les lits de camp. Le camp était infesté de souris, l’air était rempli de mouches et les détenus étaient trempés, même à l’intérieur des tentes, lorsqu’il pleuvait. Des iguanes rôdaient à l’intérieur du périmètre, ainsi que des rongeurs de la taille d’un chat, appelés “rats-bananes”. J’ai demandé à Raoul de partager ses souvenirs récemment à la lumière de la directive émise par Donald Trump le 29 janvier, ordonnant d’agrandir le Migrant Operations Center de Guantánamo pour en faire un centre de détention de trente mille lits. Des scènes similaires à celles qu’elle décrit ont été capturées par des photojournalistes qui ont visité la base à cette époque. Leur travail, dont une sélection est présentée ici, semble aujourd’hui préfigurer ce qui va se passer.

Situé sur la côte sud-est de l’île de Cuba, Guantánamo est le site où les troupes usaméricaines ont débarqué pour la première fois pendant la guerre hispano-usaméricaine, en 1898. Les USA ont obtenu l’accès à la base en 1903, grâce à un accord d’après-guerre faisant pression sur les Cubains pour qu’ils cèdent une partie de leur territoire en échange de leur indépendance. Après le coup d’État de septembre 1991 contre le premier président démocratiquement élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, des dizaines de milliers de personnes ont fui sur des bateaux bondés pour échapper à l’armée haïtienne, dont certains chefs avaient été formés aux USA. Alors que les Cubains étaient considérés comme fuyant des persécutions politiques, les Haïtiens étaient généralement étiquetés comme des migrants économiques, ce qui les rendait moins susceptibles de se voir accorder l’asile rapidement, si jamais il leur était accordé. Pour passer le temps, les détenus regardaient les montagnes au loin et jouaient au football et aux dominos. Ils chantaient, priaient et attendaient, parfois pendant des mois.


 Photo Jeffrey Boan / AP

14/03/2025

Vient de paraître : Les passeurs de révolte
Un livre sur les étudiants et intellectuels étrangers et postcoloniaux en France dans les années 1968

 Eloïse Bidegorry, Fabula, 13/3/2025

Françoise Blum, Guillaume Tronchet (dir.)
Les Passeurs de révolte
Étudiants et intellectuels étrangers et postcoloniaux en France dans les années 1968

  • Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. "Histoire", 2025
  • EAN : 9782753598348
  • 250 pages
  • Prix : 24 EUR
  • Date de publication : 13 Mars 2025

Les passeurs de révolte dont il est question dans ce livre sont les étudiants et intellectuels étrangers et postcoloniaux en France dans les années 1968. Ces étudiants et intellectuels constituent des voix singulières et déploient des discours et des répertoires d’action qui leur sont propres dans les contestations des années 1968. Certes, leur grammaire protestataire peut se fondre dans celle de l’ensemble des révoltés (tractage, affichage, pétitions, manifestations, occupations de locaux, etc.) mais certaines revendications leur sont spécifiques. C’est le cas des discours profitant de la tribune offerte par les mobilisations pour informer, alerter et mobiliser autour des luttes sociales et politiques des pays dont ces étudiants sont originaires (Maroc, Tunisie, Argentine, etc.). C’est aussi le cas des discours revendiquant un statut égal à celui des étudiants nationaux, que l’on retrouve au cœur des demandes de la Tricontinentale. Ce livre s’inscrit dans une historiographie des années 1968, profondément renouvelée depuis une dizaine d’années à l’aune de la question globale. L’histoire des mobilisations sociales et politiques des années 1968 invite en effet désormais à interroger concrètement « les lieux et les moments de “passage”, les “passeurs” et bien sûr “ce qui passe”, textes idées, modèles, répertoires d’action » (Boris Gobille). C’est de cela qu’il est question ici : du rôle et de la place des étudiants et intellectuels étrangers dans les processus d’internationalisation des révoltes.

Sommaire

Préface de Ludivine Bantigny

Introduction…

Tribunes

  • Les étudiants portugais en France en mai-juin 1968
  • La révolte étudiante de Mai 68 et les départements d’outre-mer
  • Étudiants polynésiens pendant Mai 68 : les jeunes pousses du mouvement identitaire Mā’ohi
  • À la recherche du Mai 68 des Cambodgiens en France

Rencontres

  • Des « rencontres improbables ». Étudiants et intellectuels britanniques en France en mai 1968
  • « Let’s go to the barricades! ». Des GI déserteurs dans les mouvements de mai-juin 1968 en France
  • Penser un féminisme à partir de l’Amérique latine : mobilisations des femmes latino-américaines en Europe des années 1968

Trajectoires

  • Paris, capitale mondiale des intellectuels révolutionnaires ?
  • Transferts, liens, connexions : Conrad Detrez, écrivain-militant et figure des circulations contestataires des années 1968
  • Entre références intellectuelles et politiques des années 68 : la trajectoire du jeune brésilien étudiant en économie devenu professeur d’anthropologie
  • Le cinéma s’insurge ». 1968, Casablanca – Łódź – Paris

Documents commentés

  • Les étudiants et ouvriers grecs en mai-juin 1968 en France à travers quelques tracts
  • L’occupation de la Maison de l’Argentine à la Cité internationale universitaire de Paris en mai-juin 1968
  • Étudiants et intellectuels tunisiens en France en mai-juin 1968
  • Étudiants et ouvriers italiens en France en mai-juin 1968

Postface de Michelle Zancarini-Fournel.

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Françoise Blum est ingénieure de recherche CNRS au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains. Elle travaille sur les mouvements sociaux en Afrique subsaharienne, sur les socialismes africains et la décolonisation. Elle a notamment publié Révolutions africaines : Congo, Sénégal, Madagascar (Presses universitaires de Rennes, 2014), avec Pierre Guidi et Ophélie Rillon, Étudiants africains en mouvement, codirigé Socialismes africains/Socialismes en Afrique (Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021) et Les partis communistes occidentaux et l’Afrique (Hémisphères, 2022).

Guillaume Tronchet, haut fonctionnaire et historien, est agrégé et docteur de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheur associé à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (ENS-PSL, Paris 1, CNRS). Spécialiste de l’histoire internationale des universités et des mobilités étudiantes, il a publié plusieurs ouvrages et articles sur ces thématiques, et a été responsable à l’École normale supérieure du projet de recherche GlobalYouth, lauréat de l’Agence nationale de la recherche, entre 2017 et 2023.

GIDEON LEVY
En fin de compte, le Hamas est toujours là

Gideon Levy, Haaretz, 13/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

En fin de compte, seul le Hamas subsiste. Après 17 mois d’effusion de sang, le Hamas est toujours là. Après la mort de centaines de soldats israéliens et de dizaines de milliers d’habitants de Gaza, le Hamas reste là. Après des destructions de l’ampleur de celles de Dresde, le Hamas est là. Après d’innombrables promesses israéliennes, le Hamas est là pour rester. En fait, seul le Hamas reste à Gaza. Nous devons le reconnaître et en tirer les conclusions.

Deux combattants du Hamas montent la garde alors qu’un véhicule de la Croix-Rouge arrive sur le site de la remise des corps de quatre captifs israéliens à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, en février. Photo Eyad Baba/AFP

Ce qui n’a pas été réalisé en 17 mois ne le sera pas en 17 autres. Ce qui n’a pas été obtenu par l’usage de la force la plus barbare de l’histoire d’Israël ne sera pas atteint par une force encore plus barbare.

Le Hamas est là pour rester. Il a été gravement frappé sur le plan militaire. Il s’en remettra. Politiquement et idéologiquement, il s’est renforcé pendant la guerre, après avoir ressuscité la question palestinienne, qu’Israël et le monde étaient censés oublier. Le Hamas reste là, et Israël ne peut rien y changer.

Il n’a pas le pouvoir de nommer une entité gouvernante différente à Gaza, non seulement parce qu’il est douteux qu’il en existe une, mais aussi et surtout parce qu’il y a une limite à sa tyrannie. Il ne peut pas remplacer le régime d’une autre nation, comme les USA ont pu le faire par le passé.

C’est pourquoi le blabla sur le “jour d’après est trompeur : il n’y a pas de jour après le Hamas et il est probable qu’il n’y en aura pas de sitôt ; le Hamas est la seule instance dirigeante à Gaza, du moins dans les circonstances actuelles, presque inaltérables. Le “jour d’après” inclura donc le Hamas. Nous devons nous y habituer.

La première conclusion qui en découle est, bien sûr, le caractère insensé de la reprise de la guerre. Elle tuera les derniers otages et des dizaines de milliers d’habitants de Gaza et, en fin de compte, le Hamas subsistera. Mais cette sombre réalité offre également une opportunité de changement dans la bande de Gaza, si Israël et les USA intègrent le fait de la survie du Hamas. Il s’agit d’une organisation dure et cruelle, qui ne peut être remplacée.

Il serait préférable que Gaza ait un autre gouvernement - par exemple, celui des sociaux-démocrates suédois - mais ce n’est pas pour tout de suite. De la ridicule “règle du clan” à l’importation fantaisiste à Gaza de l’Autorité palestinienne dans le sillage des chars israéliens, en passant par l’absurde “gouvernement de technocrates”, tout ça, ce ne sont  que fariboles.

Le roi de Gaza sera issu du Hamas ou désigné avec son consentement. Il est impossible de nommer un dirigeant pour Gaza, pas même le charismatique [sic] Mohammed Dahlan, si le Hamas s’y oppose. L’Autorité palestinienne, qui meurt à petit feu en Cisjordanie, ne reviendra pas non plus à la vie à Gaza.

Tous ceux qui souhaitaient un gouvernement différent auraient dû y penser au moment du désengagement israélien de 2005 de la bande de Gaza, ce qui aurait dû se faire dans le cadre d’un accord avec l’Autorité palestinienne. Mais à choisir entre le bien et le mal, Israël optera toujours pour le second.

Que cal vous plaise ou pas - surtout pas - le Hamas est le seul acteur de la ville. Ce n’est pas un fait particulièrement encourageant, mais nous devons reconnaître les limites de la force, ce qu’Israël et les USA ont du mal à faire. Au lieu de mener une nouvelle guerre “pour chasser le Hamas du pouvoir”, bla bla bla, nous devons nous habituer à son existence. Il s’ensuit que nous devons parler à l’organisation. Même, et surtout, après le 7 octobre.

Nous avons déjà exercé notre vengeance sur le Hamas à la pelle, avec des intérêts composés. Ses commandants, ses assassins, ses violeurs, ses ravisseurs et ceux qui les aident ont reçu leur châtiment. Israël négocie avec le Hamas depuis 17 mois, même si ce n’est pas directement.

Les USA lui ont déjà parlé directement, et le ciel n’est tombé sur la tête de personne. Les pourparlers ont débouché sur des accords, que le Hamas a respectés, démontrant non seulement sa puissance, mais aussi qu’on peut lui faire confiance. Si Israël avait tenu ses promesses comme l’a fait le Hamas, nous en serions déjà aux deuxième et troisième phases de l’accord de cessez-le-feu.

Si Israël avait un homme d’État doté d’une vision et d’un courage, ce qui est sans doute une proposition sans espoir, il essaierait de parler au Hamas. Directement, ouvertement, en public, à Gaza ou à Jérusalem. Nous avons pardonné à l’Allemagne et nous pardonnerons au Hamas s’il se dote lui aussi d’un chef courageux. En attendant, nous devons le défier en essayant. Il y a moins à perdre avec cela qu’avec une nouvelle série insensée de bombardements et de tirs d’artillerie.


13/03/2025

ALAN MACLEOD
La professeure de l’université Columbia au centre du scandale de la déportation de Mahmoud Khalil est une ancienne espionne israélienne

La professeure au centre du scandale de l’arrestation en vue de le déporter de l’étudiant palestinien à l’Université de Columbia Mahmoud Khalil est une ancienne agente des services de renseignements israéliens, révèle MintPress News.

Alan MacLeod, MintPress News, 11/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Mahmoud Khalil, récemment diplômé de la School of International and Public Affairs (SIPA) de l’université, a été enlevé par l’Immigration Customs Enforcement (ICE) samedi pour son rôle dans l’organisation de manifestations l’année dernière contre l’attaque d’Israël sur Gaza. Keren Yarhi-Milo, directrice de cette École des affaires internationales et publiques, est une ancienne officière du renseignement militaire israélien et fonctionnaire à la mission d’Israël auprès des Nations unies. Yarhi-Milo a joué un rôle important en suscitant l’inquiétude du public face à une prétendue vague d’antisémitisme intolérable déferlant sur le campus, jetant ainsi les bases de l’importante répression des libertés civiles qui a suivi les manifestations.


Keren Yarhi-Milo pose avec Hillary Clinton lors de son séjour à Columbia en tant qu’enseignante invitée en 2023. Mme Clinton préside le conseil consultatif de l’Institute of Global Politics (IGP), fondé par Yerhi-Milo
Photo | Facebook | Hillary Clinton

Des fantômes parmi nous

Avant d’entrer dans le monde universitaire, la Dre Yarhi-Milo a servi en tant qu’officière et analyste du renseignement au sein des forces de défense israéliennes. Étant donné qu’elle a été recrutée dans les services de renseignement en raison de sa capacité à parler couramment l’arabe, son travail consistait probablement à surveiller la population arabe.

Après avoir quitté le monde du renseignement, elle a travaillé pour la mission permanente d’Israël auprès des Nations unies à New York. C’est là qu’elle a rencontré l’homme qu’elle a épousé, porte-parole officiel d’Israël auprès des Nations unies.

Bien qu’elle soit aujourd’hui universitaire, elle n’a jamais quitté le monde de la sécurité internationale, dont elle a fait son domaine d’expertise. Elle s’est efforcée de faire entendre la voix des femmes dans ce domaine. L’une d’entre elles était Avril Haines, alors directrice de la sécurité nationale des USA, avec qui elle s’est entretenue en 2023. Bien que Khalil ait été un élève de son école, elle n’a rien dit au sujet de son arrestation. En effet, plutôt que de s’exprimer sur la question (comme le demandaient les militants), elle a choisi cette semaine d’inviter Naftali Bennett, premier ministre d’Israël de 2021 à 2022, à s’exprimer à Columbia. Les étudiants qui ont protesté contre l’événement de mardi ont été condamnés par les autorités universitaires pour avoir “harcelé” Yarhi-Milo.

Des manifestations sans précédent, une répression sans précédent

L’année dernière, Columbia a été l’épicentre d’un mouvement de protestation massif sur les campus universitaires du pays. On estime  qu’au moins 8 % des étudiants usaméricains ont participé à des manifestations dénonçant l’attaque génocidaire contre Gaza et appelant les établissements d’enseignement à se désinvestir d’Israël. La réaction a été tout aussi massive. Plus de 3 000 manifestants ont été arrêtés y compris des membres du personnel universitaire.

12/03/2025

TEEMU RUSKOLA
La formation de la classe ouvrière chinoise

Teemu Ruskola, New Left Review, n° 151, janvier/février 2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Teemu Ruskola, né en Finlande, est professeur de droit et professeur de langues et civilisations de l’Asie orientale à l’université de Pennsylvanie (USA). Il est l’auteur de The Unmaking of the Chinese Working Class, qui sera publié par Verso Books en 2026 ; Legal Orientalism : China, the United States and Modern Law (Harvard University Press 2013) ; co-auteur de Schlesinger’s Comparative Law (Foundation Press 2009) ; et co-éditeur, avec David Eng Shuang Shen, d’un double numéro spécial de la revue Social Text sur “China and the Human” (2012).

Cet essai est tiré du livre The Unmaking of the Chinese Working Class: The Global Limits of Capitalism, à paraître chez Verso.

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JORGE MAJFUD
La culture supérieure : celle du leader ou celle du malfrat ?

 Jorge Majfud, 9/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Le 4 mars 2025, lors d’un discours à l’université d’Austin, le PDG milliardaire de Palantir, Alex Karp, a fait une déclaration dans le plus pur style du XIXe siècle : « Je ne pense pas que toutes les cultures soient égales [...] Ce que je dis, c’est que cette nation [les USA] est incroyablement spéciale et nous ne devrions pas la considérer comme égale, mais comme supérieure ». Comme nous l’avons détaillé dans le livre Plutocracia: Tiranosaurios del Antropoceno (2024) et dans plusieurs émissions de télévision, Karp est membre de la secte de la Silicon Valley qui, avec le soutien de la CIA et de la corpoligarchie de Wall Street, promeut le remplacement de la démocratie libérale inefficace par une monarchie patronale.

 

Maintenant, “notre nation, notre culture” est supérieure en quoi ? En efficacité pour envahir, asservir, opprimer d’autres peuples ? Supérieure en fanatisme et arrogance ? Supérieure dans la psychopathologie historique des tribus qui se croient élues par leurs propres dieux (quel hasard) et, loin d’être une responsabilité solidaire avec les « peuples inférieurs », cela devient automatiquement une licence pour tuer, voler et exterminer les autres ? L’histoire de la colonisation anglo-saxonne de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique n’est-elle pas l’histoire de la spoliation des terres, des biens et l’exploitation obsessionnelle d’êtres humains (Indiens, Africains, métis, blancs pauvres) qui étaient considérés comme des instruments de capitalisation plutôt que comme des êtres humains ? De quoi parlons-nous lorsque nous parlons de « culture supérieure » de cette manière, avec ces affirmations aveugles et avec un contenu religieux mystique caché mais fort, comme l’était la Destinée Manifeste ?

 

Non seulement nous avons répondu à ça dans les journaux il y a un quart de siècle, mais nous avons également mis en garde contre le fascisme qui allait tuer ce fier Occident, lequel se plaint maintenant que ses ennemis le tuent, comme l’a dit Elon Musk il y a quelques jours auparavant. L’un de ces longs essais, écrit en 2002 et publié par le journal La República d’Uruguay en janvier 2003 et par la Monthly Review de New York en 2006, s’intitulait « Le lent suicide de lOccident ».

 

Cette idéologie de l’égoïsme et de l’individu aliéné comme idéaux supérieurs, promue par Adam Smith au XVIIIe siècle et radicalisée par des écrivains comme Ayn Rand et des présidents de puissances mondiales comme Donald Trump et des marionnettes néocoloniales comme Javier Milei, s’est révélé pour ce qu’il est : un suprémacisme pur et dur, une pathologie cannibale pure et dure. Le racisme et le patriotisme impérialiste sont tous deux des expressions de l’égolâtrie tribale, dissimulées dans leurs contraires : l’amour et besoin de survie de l’espèce.


Pour donner une touche d’intellectualisme à leur justification, les idéologues de la droite fasciste du XXIe siècle recourent à des métaphores zoologiques telles que celle du mâle alpha. Cette image est basée sur la meute de loups des steppes où un petit groupe de loups suit un mâle qui les sauvera de la faim et du froid. Une image épique qui séduit les millionnaires qui n’ont jamais souffert ni de la faim ni du froid. Pour les autres, qui ne sont pas millionnaires mais qui se sentent menacés par les classes inférieures (voir « Le paradoxe des classes sociales »), le mâle alpha est la traduction idéologique d’une catharsis du privilégié historique qui voit ses droits spéciaux perdre l’adjectif « spécial » et devenir de simples droits, un substantif nu. En d’autres termes, ils réagissent avec colère à la perte éventuelle de droits spéciaux de genre, de classe, de race, de citoyenneté, de culture, d’hégémonie. Tous les droits spéciaux justifiés comme au XIXe siècle : nous avons le droit d’asservir les Noirs et d’exploiter nos colonies parce que nous sommes une race supérieure, une culture supérieure et, pour cette raison même, Dieu nous aime et déteste nos ennemis, que nous devons exterminer avant qu’ils n’aient la même idée, mais sans nos bons arguments.

 

Ironiquement, l’idée d’être « élu par Dieu » ou par la nature n’incite pas les fanatiques à prendre soin des « humains inférieurs », comme ils le font pour leurs animaux de compagnie, bien au contraire : le destin des inférieurs et des faibles doit être l’esclavage, l’obéissance ou l’ extermination. S’ils se défendent, ce sont des terroristes.

 

La dernière version de ces suprémacismes qui commettent autant de génocides en Palestine ou au Congo avec une fierté et une conviction fanatiques, tout comme ils diabolisent les femmes qui revendiquent l’égalité des droits aux USA a récemment trouvé sa métaphore explicite dans l’image du mâle alpha du loup des steppes. Cependant, si nous prêtons attention au comportement de ces animaux et d’autres espèces, nous verrons une réalité beaucoup plus complexe et contradictoire.

 

Le professeur de l’université Emory, Frans de Waal, l’un des experts les plus reconnus dans l’étude des chimpanzés depuis des décennies, s’est chargé de démolir ce fantasme. L’idée du mâle alpha provient des études sur les loups dans les années 40, mais, non sans ironie, de Waal lui-même a déploré qu’un homme politique usaméricain (le très conservateur président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich) ait popularisé son livre La politique du chimpanzé (1982) et le concept de mâle alpha, pour de mauvaises raisons.


Les mâles alpha ne sont pas des brutes, mais des leaders conciliateurs. « Les mâles alpha chez les chimpanzés sont populaires s’ils maintiennent la paix et apportent l’harmonie au groupe ». Lorsqu’un véritable leader tombe malade (cas mentionné du chimpanzé Amos), il n’est pas sacrifié, mais la prise en charge de ses soins est assurée par le groupe.