German Foreign Policy, 18/11/2021. Original : Die Humanität
der EU
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
L'aide aux
réfugiés est passible de lourdes sanctions dans l'UE. En revanche, ceux qui
abandonnent des réfugiés aux frontières extérieures de l'UE par de refoulements
illégaux sur des îles inhabitées restent impunis.
Signez la pétition
au ministre grec de la Justice
ATHENES/BERLIN (GFP) - L'aide apportée aux
réfugiés pour leur sauver la vie est menacée d'un quart de siècle de prison
dans l'UE. Aujourd'hui, jeudi, s'ouvre sur l'île grecque de Lesbos le procès de
24 personnes [voir note A ci-dessous] qui ont aidé des réfugiés et qui sont accusées,
entre autres, de "trafic d'êtres humains" et de "participation à
une organisation criminelle" en raison de leur activité d'aide. La peine
encourue : jusqu'à 25 ans de prison. Il ne s'agit nullement d'un cas isolé :
Amnesty International a déjà documenté l'année dernière que dans de nombreux
pays européens, des centaines de personnes sont probablement poursuivies parce
qu'elles aident des réfugiés. En Allemagne, un pasteur a récemment été condamné
une peine avec sursis pour avoir accordé l'asile
ecclésiastique à un Iranien menacé d'expulsion. Dans le même temps, les
gardes-frontières qui effectuent des refoulements contraires au droit
international aux frontières extérieures de l'UE - pas seulement en Pologne et
en Lituanie, mais aussi en Grèce et dans divers autres pays - restent impunis.
Lors des refoulements depuis la Grèce par exemple, des réfugiés sont
régulièrement abandonnés sur des îles inhabitées ou dans des canots
pneumatiques sans moteur.
Poussés dans la rivière frontalière
Les refoulements de Grèce vers la Turquie,
contraires au droit international, ont lieu régulièrement depuis des années. En
2014 déjà, l'organisation de réfugiés Pro Asyl avait publié un rapport détaillé
dans lequel elle documentait les refoulements à la frontière terrestre et
maritime entre les deux États. Elle estimait alors le nombre de réfugiés
concernés à 2.000[1]. Amnesty International a récemment mené une enquête
approfondie sur les refoulements à la frontière terrestre, qui est définie sur
de longues distances par le fleuve Evros. Selon celle-ci, de nombreux cas ont
pu être attestés rien qu'entre juin et décembre 2020, touchant environ 1 000
personnes selon les estimations de l'organisation. Les gardes-frontières grecs,
mais aussi des personnes non identifiables habillées en civil, ont maltraité
les réfugiés en leur donnant des coups de pied, de poing et de bâton ; dans
certains cas, leur action doit même être classée comme torture, rapporte
Amnesty[2]. Au moins un réfugié qui ne savait pas nager a été poussé dans la
rivière frontalière et a dérivé en aval ; on ignore s'il a survécu. Même des
demandeurs d'asile officiellement enregistrés ont été expulsés,
emmenés à la frontière depuis des endroits distants de 700 kilomètres,
dépouillés de leurs papiers et contraints de traverser la rivière frontalière.
Abandonnés sur un canot
pneumatique
Les refoulements sont également documentés depuis un certain temps à
la frontière maritime gréco-turque, parfois même par l'autorité frontalière de
l'UE Frontex. Ainsi, l'année dernière déjà, des agents de Frontex ont
enregistré la manière dont les garde- côtes grecs ont pris en charge, dans la
nuit du 18 au 19 avril 2020, une trentaine de réfugiés sur un canot pneumatique
au large de Lesbos, avant de les transférer d'abord sur un navire des
garde-côtes, puis sur un autre canot pneumatique sans moteur - et de remorquer
ce dernier dans les eaux turques, où les réfugiés ont fini par dériver en mer,
impuissants, jusqu'à ce que les garde-côtes turcs les recueillent. Il arrive
aussi que des agents de Frontex soient eux-mêmes impliqués dans des opérations
de refoulement (german-foreign-policy.com [3]). Ce n'est que récemment que la
plus grande tentative de refoulement en violation du droit international a été
documentée. Les garde-côtes grecs ont intercepté au sud de la Crète - en vue de
la côte - un bateau en détresse avec 328 réfugiés, mais ne l'ont pas remorqué
sur l'île grecque de la Méditerranée, mais en direction de la Turquie. La
tentative d'inciter les garde-côtes turcs à prendre en charge le navire a
toutefois échoué ; les réfugiés ont donc été emmenés dans un camp entouré de
barbelés sur l'île grecque de Kos[4].