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25/07/2025

GIDEON LEVY
L’infamie de la famine délibérée : la guerre de la faim menée par Israël à Gaza

 Gideon LevyHaaretz, 24/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Naeema, une mère palestinienne de 30 ans, est assise avec son fils de 2 ans, Yazan, souffrant de malnutrition, dans leur maison endommagée du camp de réfugiés d’Al-Shati, à l’ouest de Gaza, cette semaine. Photo Omar El- Qatta /AFP

Le plan israélien de nettoyage ethnique de la bande de Gaza progresse à un rythme soutenu, peut-être même mieux que prévu. Outre les succès significatifs déjà enregistrés en matière de massacres et de destructions systématiques, ces derniers jours ont vu une autre réalisation cruciale : la famine délibérée a commencé à porter ses fruits.

Les effets de cette politique se propagent rapidement, faisant des victimes en nombre comparable à celui des décès causés par les bombardements. Ceux qui ne meurent pas en attendant de la nourriture ont de fortes chances de succomber à la faim.

L’arme de la famine délibérée fonctionne. La Fondation « humanitaire » de Gaza, quant à elle, est devenue un succès tragique. Non seulement des centaines de Gazaouis ont été abattus alors qu’ils faisaient la queue pour recevoir les colis distribués par la Fondation, mais d’autres ne parviennent pas à atteindre les points de distribution et meurent de faim. La plupart sont des enfants et des bébés.

Rien que mercredi, 15 personnes sont mortes de faim, dont trois enfants et un bébé de six semaines. Cent deux personnes sont mortes depuis le début de la guerre, dont 80 enfants, et le nombre de morts est en hausse ces derniers jours.

Les images cachées au public par les médias locaux criminels israéliens, dont le manque de couverture de Gaza ne sera jamais oublié ni pardonné, sont vues par le reste du monde. Ces images rappellent les survivants des camps de concentration, des images de l’Holocauste. Les dissimuler revient à nier le phénomène.

Les squelettes de bébés et de nourrissons, vivants et morts, dont les os dépassent à travers des tissus adipeux brûlés ou des muscles flétris, leurs yeux et leurs bouches grands ouverts, leurs expressions mortes.

Des Palestiniens réagissent en demandant de la nourriture à une association caritative, en pleine crise alimentaire, à Gaza, en juillet. Photo Mahmoud Issa/Reuters

Ils gisent sur le sol des hôpitaux, sur des lits nus ou transportés sur des charrettes tirées par des ânes. Ce sont des images de l’enfer. En Israël, nombreux sont ceux qui rejettent ces photos, doutant de leur véracité. D’autres expriment leur joie et leur fierté de voir des bébés affamés. Oui, c’est aussi ce qui nous est arrivé.

Transformer la famine délibérée en une arme légitime et acceptable pour les Israéliens, que ce soit par un soutien ouvert ou par une indifférence glaçante, est l’étape jusqu’à présent la plus démoniaque dans la guerre lancée par Israël contre la bande de Gaza.

C’est aussi la seule pour laquelle on ne peut inventer aucune justification, excuse ou explication. Même l’appareil de propagande débordant d’Israël ne parvient pas à en trouver. La famine est devenue une arme légitime puisqu’elle constitue un autre moyen d’atteindre l’objectif : le nettoyage ethnique.

Il faut intérioriser ce fait et considérer la poursuite de la guerre sous cet angle. De même qu’Israël profite des morts causées par les armes, il profite aussi de la faim qui tue des centaines de personnes. C’est seulement ainsi qu’il sera possible de transformer Gaza en un lieu invivable , et c’est seulement ainsi que ses habitants partiront « de leur plein gré », d’abord vers la ville « humanitaire » , puis vers la Libye, ou Dieu sait où.

Des Palestiniens fuient leurs maisons avec leurs biens après que l’armée israélienne a ordonné l’évacuation de l’est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, en mai. Photo Hatem Khaled/Reuters

La famine est désormais visible partout. Les journalistes palestiniens de Gaza qui n’ont pas encore été abattus par l’armée israélienne rapportent qu’ils n’ont rien mangé depuis deux ou trois jours.

Même des médecins étrangers ont parlé mercredi de ce qu’ils avaient mangé, et surtout de ce qu’ils n’avaient pas mangé. Une médecin canadienne de l’hôpital Nasser a déclaré n’avoir mangé qu’un petit bol de lentilles au cours des deux jours précédents. Elle ne pourra plus continuer à soigner les malades et les blessés de cette façon. C’est aussi une bonne chose pour Israël.

Une équipe d’Al-Jazeera a accompagné un jeune homme parti à la recherche de nourriture pour ses enfants. Il a cherché, cherché, jusqu’à trouver deux sacs de farine israélienne et une bouteille d’huile sur un étal de marché. Le prix était de plusieurs centaines de shekels le sac, et il est rentré chez lui les mains vides, auprès de ses enfants affamés. Le studio de télévision a ensuite détaillé les trois étapes menant à la mort par inanition. Les enfants de cet homme se trouvaient à la deuxième étape.


Un jeune Palestinien porte un sac de nourriture provenant d’un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM) déchargé en route vers Gaza en juin. Photo Jehad Alshrafi / AP Aron Ehrlich / Illustration photo

Cette famine délibérée a fait de cette guerre la plus horrible des guerres israéliennes, et certainement la plus criminelle d’entre elles. Jamais deux millions de personnes n’avaient été affamées de cette façon.

Mais une chose est pire que la famine délibérée : l’indifférence avec laquelle elle est accueillie en Israël. À une heure et demie de route de l’endroit où un autre bébé, Yussef al-Safadi, est mort mercredi, sa famille n’a pas trouvé de substitut au lait maternel.

Au moment de sa mort, Canal 12 diffusait une émission de cuisine et le taux daudience était excellent.

Ben Jennings, The Guardian

24/07/2025

LE MONDE
En la Franja de Gaza, los estragos del hambre

Desde que el ejército israelí impuso un bloqueo humanitario al enclave a principios de marzo, un centenar de habitantes ha muerto de hambre. Esta cifra podría aumentar rápidamente, ya que 600.000 personas sufren desnutrición.

Lucas Minisini (Jerusalén, enviado especial) y Marie Jo Sader, Le Monde, 24-07-2025

Traducido por Tlaxcala


Muhammad Zakariya Ayyoub al-Matouq, un niño de un año y medio de la ciudad de Gaza con desnutrición severa, el 21 de julio de 2025. AHMED JIHAD IBRAHIM AL-ARINI / ANADOLU VIA AFP

Las bombas, los misiles, los proyectiles de tanque, las balas de francotiradores. Y ahora el hambre. Como si no fuera suficiente el suplicio que han soportado los habitantes de la Franja de Gaza a manos del ejército israelí durante veintiún meses, ahora enfrentan un nuevo enemigo, omnipresente e inasible: el hambre. Desde hace meses, el peligro se manifiesta en imágenes de niños con cuerpos esqueléticos y ojos hundidos, provenientes de hospitales del enclave. Ahora se refleja también en los rostros agotados de los periodistas aún activos y en las siluetas que colapsan en las calles, al borde de sus fuerzas.

En un comunicado publicado el 21 de julio y compartido millones de veces en redes sociales, la Sociedad de Periodistas (SDJ) de la AFP describió la angustia de sus colegas en el lugar. El texto narra la situación del principal fotógrafo de la agencia, Bashar, de 30 años, que vive entre las ruinas de su casa en Gaza, con unos cojines como único confort. Su hermano se desplomó en la calle por hambre, y él ya no tiene fuerzas para trabajar.
“Sin una intervención inmediata, los últimos reporteros de Gaza morirán”, advierte la SDJ.

Según las autoridades sanitarias del enclave, 15 personas han muerto de hambre en las últimas 24 horas. Desde la imposición del bloqueo total el 2 de marzo, el número de muertes por falta de alimentos asciende a 101, según responsables palestinos citados por Reuters. Khalil Al-Daqran, portavoz del hospital Al-Aqsa en el centro de Gaza, estima que 600.000 personas sufren desnutrición, entre ellas 60.000 mujeres embarazadas.

“Una película de terror”

En junio, UNICEF (Fondo de las Naciones Unidas para la Infancia) ya había registrado más de 5.000 niños hospitalizados por desnutrición, una vez y media más que en febrero, durante el último alto el fuego entre Israel y Hamás.
El martes 22 de julio, en un discurso ante el Consejo de Seguridad de la ONU, Antonio Guterres, secretario general de la organización, comparó la situación del territorio palestino con “una película de terror”.

Al día siguiente, 111 organizaciones humanitarias, entre ellas Médicos Sin Fronteras, Médicos del Mundo y Oxfam International, publicaron un comunicado contundente denunciando “una hambruna masiva” en Gaza y exigiendo un alto el fuego inmediato y la apertura de los puntos de acceso, bloqueados por Israel.
Las ONG señalaron que “las distribuciones en Gaza se reducen a un promedio de solo 28 camiones diarios” (frente a unos 500 antes de la guerra), y que “toneladas de alimentos, agua potable, suministros médicos y artículos esenciales” están almacenadas “justo fuera del enclave”. La catástrofe, subrayan, no es natural.

Khalil Abu Shammala, de 55 años, se considera afortunado: en los últimos días logró comer un plato de lentejas. El arroz y las verduras, que el ex director de la ONG palestina de derechos humanos Addameer hasta hace poco lograba encontrar, ya son un recuerdo lejano. En los escasos mercados de la ciudad, el kilo de harina cuesta entre 35 y 50 dólares (30 a 42 euros). “Casi no queda nada para comer en todo el enclave”, nos escribe por WhatsApp.
Desde el ataque del 7 de octubre de 2023, Israel ha prohibido el acceso a Gaza a todos los periodistas extranjeros.


Rahil Mohammed Rasras, de 32 años, sufre desnutrición severa. Se encuentra en el Hospital Nasser de Jan Yunis, Franja de Gaza, el 21 de julio de 2025. ABDALLAH F.S. ALATTAR / ANADOLU VÍA AFP

Abu Shammala compartió su ración de lentejas con su esposa Sahar, sus hijas Noor y Nisma y su hijo Mohammed, herido en la pierna el 30 de junio durante un bombardeo. “Sin alimentos ricos en calcio y proteínas, no sanará”, lamenta el padre. Había almacenado latas en previsión de una escasez, pero ahora su reserva está casi vacía.

“Elección política”

“El hambre impuesta por Israel en esta guerra es sistemática y organizada”, denuncia Alex de Waal, director de la World Peace Foundation y especialista en hambrunas. Ante la indignación internacional, en lugar de permitir la entrada masiva de ayuda, “la estrategia de Israel ha sido restringir el acceso del personal humanitario que podía documentar la gravedad del hambre”, añade.

A finales de diciembre de 2024, un informe del Famine Early Warning System Network (FEWS NET), que indicaba que el norte de Gaza ya sufría hambruna, fue retirado por presión del embajador usamericano en Israel, Jack Lew, quien lo calificó de “irresponsable”.
“Dado el control absoluto de Israel sobre Gaza, no resolver el hambre es una elección política”, señala De Waal. “Si el primer ministro decidiera abrir los accesos, todos los niños palestinos podrían desayunar en abundancia al día siguiente”.

El ejército israelí niega bloquear la ayuda. El martes afirmó que 950 camiones cargados de alimentos se encuentran en Gaza, esperando ser descargados por agencias internacionales. “No hemos identificado hambruna en este momento, pero entendemos que se requiere acción para estabilizar la situación humanitaria”, declaró un alto funcionario israelí citado por Times of Israel.

El 19 de mayo, en respuesta a las críticas, Israel abrió tres centros de ayuda alimentaria gestionados por la opaca Gaza Humanitarian Foundation (GHF), respaldada por USA. Pero debido al escaso número y la avalancha de personas hambrientas, las distribuciones se tornaron mortales. Según el ministerio de salud de Gaza, más de 1.000 personas han muerto buscando comida en los centros de la GHF, abatidas por disparos de soldados israelíes desplegados cerca.

A pesar del riesgo, Mohammed Abu Asser, refugiado en Al-Mawasi, sigue caminando cuatro horas diarias hasta el punto de distribución de Rafah. “Hoy tres personas murieron ante mis ojos”, relata a Le Monde. “Y no conseguí comida”.
Tirado en el suelo” para evitar los disparos, espera horas por un poco de comida. La mayoría de las veces, los centros cierran en minutos, desbordados por la multitud. Mohammed regresa con las manos vacías.

En la ciudad de Gaza, Abdul Abu Okal, de 43 años, periodista de Al-Hayat Al-Yadida (periódico oficial de la Autoridad Palestina), busca alimentos en el mercado negro. Desde el 7 de octubre, ha acumulado 11.000 dólares de deuda. Su salario mensual de 700 dólares llega de forma irregular, debido al bloqueo israelí de los fondos palestinos.

Cuando lo recibe, debe retirarlo de comerciantes locales, ya que todos los bancos están cerrados. “Pero se quedan con el 40 % al 45 % como comisión”, explica por WhatsApp.
Cuando ya no tiene dinero, considera apostarse cerca de los pocos camiones de ayuda que entran al norte. “Una vez me acerqué, pero el ejército israelí nos disparó
Escapé por poco de la muerte”, relata.

Tensiones entre civiles

El personal médico está sin medios para tratar los casos de “desnutrición aguda”, que aumentan rápidamente. Solo pueden administrar sueros o algunas vitaminas.
Es una tortura no poder hacer más”, dice Ibrahim Al-Ashi, de 29 años, dentista que se ha convertido en médico voluntario. Cada día ve morir a varios niños. Y, según él, la situación empeora “por horas”.


Palestinos esperan recibir comida de un comedor social en la ciudad de Gaza, el 23 de julio de 2025. MAHMOUD ISSA / REUTERS

La desesperación aumenta las tensiones entre civiles. Videos muestran a personas empujándose y pisoteándose en las zonas de distribución.
El gobierno israelí quiere que nos matemos entre nosotros”, suspira Amjad Shawa, director de la red de ONG palestinas en Gaza. El hombre de cincuenta años relata ataques contra almacenes de ayuda realizados por mafias o a veces por simples gazatíes llevados al límite.

El martes 22, Shawa observó la entrada de 20 camiones del Programa Mundial de Alimentos con sacos de harina, a través del paso de Zikim. Pero ningún saco fue distribuido: apenas unos metros después, los camiones fueron saqueados por habitantes hambrientos.

En la Ciudad de Gaza, coordina una de las últimas cocinas comunitarias (“tekkya”) aún activas. Hasta hace poco, producía 1.000 comidas diarias, principalmente para personas con discapacidad que no pueden desplazarse.
El miércoles 23 de julio, su equipo le informó que cerrarían al día siguiente: ya no queda comida para preparar ni un solo plato.

 

LYNA AL TABAL
Georges Ibrahim Abdallah, un combattant digne du Nobel, et le fiancé de toutes les révolutionnaires

Dr. Lyna Al Tabal, Rai Al Youm, 24/7/2025

جورج إبراهيم عبد الله… مناضل بحجم نوبل، وعريس كل الثائرات

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Ceci n’est pas un article, mais une déclaration rédigée à la hâte, imprégnée de l’esprit d’une époque révolutionnaire… C’est la déclaration finale avant l’action. Avant l’affrontement, avant que les mots ne se transforment en actes. Ce texte n’a pas sa place dans les salons de l’élite, ni à Baabda* non plus.
Il parle d’un homme, de quarante-et-un ans de détention injuste, d’un procès injuste, d’une condamnation injuste dans un lieu injuste.

Cet article parle d’un homme qui aurait dû être libre depuis longtemps… d’un homme nommé Georges  Ibrahim Abdallah, et quiconque ignore ce nom devrait remettre en question son engagement.


En France, on lit Amélie Nothomb, on verse des larmes sur Hiroshima, on organise des expositions artistiques sur les souffrances des autres, et on signe des pétitions naïves pour des tortues en voie de disparition. Mais si vous leur parlez d’un prisonnier politique dont la peine a dépassé quatre décennies… ils vous regardent comme si vous troubliez l’ordre public – et la morale publique aussi. Ils vous regardent avec incrédulité, ou pire : avec indifférence. Peut-être ne vous croient-ils pas… mais peu importe.

La France, qui a fait la révolution, tremble devant un homme révolté qui dit “non”.
La France ressemble à ce vieux militant qui a tout perdu, qui s’éloigne de tous ceux qui l’approchent, parce qu’ils lui rappellent des jours qu’il ne supporte plus dans son cœur…

Quarante années pendant lesquelles Georges  n’a jamais courbé l’échine, répétant chaque jour “non”.
La France considère ça comme une menace terroriste. Dire “non” au colonialisme, c’est une menace sécuritaire. Honte à un État qui punit pour un seul mot.

Le Prix Nobel de la paix est devenu une récompense pour ceux qui excellent dans la destruction de la vie. Tous ceux qui ont serré la main des assassins ont été récompensés. Sauf les hommes libres comme Georges . Juste parce qu’ils ont dit “non”. Même Trump… oui, Trump veut aussi un Nobel. N’a-t-il pas nourri la guerre de Gaza avec toutes sortes de bombes et de missiles aveugles ? N’a-t-il pas expérimenté toutes les armes de destruction massive ? N’a-t-il pas jeté des Tomahawk comme on jette un plat pourri à la poubelle ? Des dizaines de missiles largués, alors qu’il riait. Trump et ses semblables ont l’habitude de lancer des bombes comme on raconte des blagues… Il rit, passe la main sur sa touffe oxygénée… Avant lui, Obama, le vendeur d’espoir mensonger, a signé des centaines de raids : oui, Obama, président lauréat du Nobel de la paix.

Rien ne révèle mieux l’hypocrisie morale du monde que l’attribution du Nobel à ceux qui imposent la violence. Netanyahou ? Ahmed al-Charaa ? Deux bouchers professionnels, glorifiés pour le carnage qu’ils ont causé. Je vais vous dire ce qui arrivera : ne soyez pas surpris s’ils sont nominés, voire récompensés. Pourquoi pas ?
Imaginez-les souriant sous une bannière “Pour la paix”, une colombe blanche - égorgée, bien sûr - au-dessus de leurs têtes…
Son plumage blanc imbibé de sang épais, coagulé. Elle se débat avec ses ailes brisées, les yeux retournés, son âme s’échappant de son cou tordu, vomissant son sang… la blessure ouverte saigne, un flot de sang coule, épais, comme s’il sortait d’un cœur encore battant découpé vivant… Imaginez.

Mais qui se soucie de la colombe ? Tout le monde applaudit les puissants… et les idiots aussi.

Revenons à Georg , notre héros qui a refusé de se soumettre.
Le dernier des prisonniers dans l’arène de l’honneur international – de Guevara à Mandela, à Mumia Abu-Jamal… Tous les combattants ont connu la prison, ont sacrifié des décennies, leur jeunesse, ont été arrachés à leurs familles, n’ont pas vu leurs enfants grandir. Mais Georges a fait de la prison sa patrie.
Il a vécu en cellule, l’a transformée en bastion de résistance. Il a vu les générations naître et mourir derrière les barreaux, et lui, il est resté.
Trois générations sont passées, Georges est toujours là, analysant notre situation misérable… et il ne s’est jamais incliné.

Quand Georges Ibrahim Abdallah a été arrêté, les partis communistes brandissaient encore la faucille et le marteau. Puis le Mur de Berlin est tombé, emportant avec lui bien des illusions, et la gauche européenne s’est tournée vers la modernisation. Mais Georges, lui, est resté dans sa cellule, le poing levé.

La gauche mondiale s’est réinventée sous des termes plus présentables : gauche des droits de l’homme, gauche écologique, gauche oéngéisée… Elle a cherché à adoucir la bête au lieu de l’abattre.
L’Irak est tombé, la seconde Intifada s’est essoufflée, les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa ont fané… mais Georges est toujours dans sa cellule, seul, sans compte sur les réseaux sociaux. Mais qui a dit qu’il en avait besoin ?

Le printemps arabe a explosé puis s’est effondré comme un cadavre…
La gauche s’est perdue entre soutien aux peuples et peur du chaos. Elle s’est tue face aux massacres, prétendant la neutralité…
Quarante ans où tout a changé… sauf Georges.

N’importe où dans le monde, Georges aurait été élu président. Mais au Liban, le président du palais n’a même pas accueilli sa famille.
Son Excellence la Honte est trop occupée par ses propres intérêts… trop occupé à organiser des festivals d’été.

Georges sortira de prison, oui, mais il ne sortira pas de la ligne de mire.
La cellule se ferme peut-être, mais le sniper est toujours en place. Et l’Israélien n’a pas abandonné sa requête : “interdiction de libération”.

Pendant 23 ans, Israël a fait pression sur la France pour le maintenir incarcéré.
L’indécence israélienne bombarde Beyrouth et Damas, perpètre un génocide à Gaza, puis exige de Paris de maintenir en prison celui qui s’oppose à ces crimes.
Georg , comme Basil al-Araj, Zakaria Zubeidi, Nasser Abu Hamid, Samir Kuntar, Abou Ali Mustafa… qu’ils sortent ou non des prisons, ils restent dans le viseur.

Mais à toi, ennemi occupant, regarde-moi bien et écoute.
Cette voix ne t’apporte aucune paix. Cette voix t’annonce la prophétie de ta propre destruction.
Lis-la comme on lit une sentence, et lis-la attentivement :

“Nous ne sommes pas vaincus lorsque nous triomphons, nous triomphons même lorsque nous sommes martyrisés”.

Toi, l’ennemi, veux-tu que je te le répète dans une autre langue ?
Pas besoin de crier. Écoute, simplement :
Dans notre pays, nous ne choisissons pas nos fins.
Nous ne mourons pas de vieillesse ni de maladie.
Nous ne mourons pas dans nos lits…
Nous mourons sur vos listes d’assassinats.
Nous mourons parce que nous avons dit “non” à un moment interdit.

Demandez à Israël pourquoi il craint un homme de plus de soixante-dix ans ?
La réponse est simple : parce que son existence vivante et libre redéfinit qui nous sommes… et qui ils sont.

Le militant Georges, icône de l’amour révolutionnaire…
C’est le bien-aimé que nous avons attendu et qui n’est jamais venu – parce qu’il n’a jamais quitté sa cellule.

Sais-tu, Georges, que les femmes du pays sont fascinées par toi ?
Elles rêvent d’un homme qui te ressemble.
Nous ne cherchons plus un prince sur un cheval blanc ; les femmes du pays te cherchent toi, toi qui marches avec le poids des années d’emprisonnement, avec la noblesse de celui qui n’a jamais trahi la cause.

Toi, Georges, le fiancé qui porte un keffieh et un bracelet de fer, avec un cœur de feu courageux, un cœur qui ne s’apaise jamais.

Dis-nous, Georges, quel est ton charme ?
Toi qui ne possèdes que ta liberté et ta dignité jamais humiliée.
Les femmes t’envoient leurs cœurs sur les réseaux sociaux, te demandent un regard, une étreinte, ou une fleur cueillie de ta cellule… N’oublie pas de nous rapporter ces fleurs, s’il te plaît.

Elles ne veulent ni bague ni collier.
Elles veulent juste un mot de toi.
Tout en toi vaut plus que l’or : ton nom, ton silence, ta posture.

Quel est ce mystère qui t’a permis de traverser le temps, alors que tout le temps s’est courbé ?
Quelle sérénité en toi a troublé le vacarme ?
Quelle force t’a fait tenir ?
Tout en toi semble simple, mais tout en toi nous frappe.
Tout en toi nous accuse – accuse la France, accuse les Arabes, accuse la gauche.

Y a-t-il encore quelqu’un parmi vous qui écoute ?
Georges n’a pas besoin du Nobel.
Il est lui-même un prix.
Georges est hors du temps, il blesse chaque époque, il fait face à un présent arabe massacré.

Il est notre héros qui ne sera jamais vaincu, car il n’appartient pas à la logique de la défaite. Il ne marchande pas.

Non, Georges Ibrahim Abdallah ne peut pas être compris.
Face à lui on ne peut que ressentir de la honte

NdT

*Baabda : localité de la banlieue sud de Beyrouth, où est situé le palais présidentiel

JOHN CATALINOTTO
Qu’a donc perdu l’État colon israélien ?

John Catalinotto, Workers World, 23/7/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala



Médecins Sans Frontières est l'une des nombreuses organisations qui protestent contre les crimes de l’État paria israélien à Gaza. Genève, Suisse, 5 juin 2025

Depuis plus de 650 jours après le Déluge d’Al-Aqsa (7 octobre 2023), un changement remarquable s’est produit dans la conscience des secteurs les plus politiquement actifs de la population des USA

Les lecteurs de Workers World sont pleinement conscients des horreurs du génocide à Gaza. Ces horreurs sont rapportées de manière graphique dans des vidéos, même lorsqu’elles sont ignorées ou déformées par les médias dominants. Elles sont insoutenables et appellent à l’action pour y mettre fin.

Dans le Sud global, la conscience de la nature réactionnaire des objectifs sionistes était déjà forte. Ce qui a changé, c’est la conscience au sein des pays impérialistes d’Europe, Grande-Bretagne inclue, et aux USA. Ces évolutions sont cruciales pour la Palestine, et potentiellement pour l’humanité tout entière.

La classe dirigeante impérialiste usaméricaine a toujours considéré l’État colon israélien comme son arme la plus fiable pour imposer la domination des USA sur les ressources énergétiques de l’Asie occidentale et de l’Afrique du Nord.

Pendant les guerres de juin 1967 et de 1973 contre la Syrie et l’Égypte, et de façon continue après la chute de la monarchie en Iran, les USA ont offert un soutien militaire, économique, diplomatique et médiatique total à la machine de guerre israélienne. Le gouvernement usaméricain a également permis à des organisations prosionistes comme l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) d’opérer sans entrave sur le sol usaméricain.

Résultat : les dirigeants usaméricains sont parvenus à créer un soutien populaire à l’État d’Israël — jusqu’au 7 octobre 2023 et au génocide qui a suivi. Chaque jour de massacres israéliens à Gaza fait perdre un peu plus de soutien populaire à l’État sioniste aux USA.

Parmi les jeunes, de plus en plus nombreux sont devenus des militants contre le génocide peu après le 7 octobre. Initié par les jeunes ayant des racines en Asie occidentale, ce mouvement s’est étendu à bien d’autres. Ceux qui, au départ, étaient simplement horrifiés par le génocide en sont venus à soutenir la lutte héroïque du peuple palestinien pour sa libération.

(Les lecteurs doivent savoir que la direction sociale-démocrate du mouvement contre la guerre du Vietnam en juin 1967 a refusé de s’opposer à la guerre israélienne des Six jours. En 1982, des dirigeants similaires d’un immense rassemblement antinucléaire à Central Park, à New York, ont refusé de mentionner les atrocités israéliennes alors en cours au Liban. La première et seule manifestation nationale de masse ayant invité un orateur palestinien a eu lieu lors de la Marche sur le Pentagone le 3 mai 1981, où le Workers World Party a joué un rôle de premier plan.)

La jeunesse d’aujourd’hui refuse d’être complice

Les jeunes d’aujourd’hui ont rapidement compris que le gouvernement usaméricain — incluant aussi bien l’establishment démocrate et républicain que le mouvement MAGA de Trump — est également coupable du génocide à Gaza. Et ils refusent d’être complices.

Une grande partie des étudiants et des jeunes juifs ont commencé, dès 2023, à protester contre les massacres de civils à Gaza. En 2025, nombre d’entre eux appelaient à la libération de la Palestine.

Le gouvernement, la police et les administrations universitaires ont réprimé les militants solidaires de la Palestine, les accusant à tort d’“ antisémitisme”. En réponse, ces mêmes militants ont commencé à se tourner contre les dirigeants de ces institutions.

À l’image de l’Afrique du Sud avant la fin légale de l’apartheid dans les années 1990, Israël est désormais considéré comme un État colonial de peuplement, un État génocidaire, un État paria. Aux USA, des manifestations quotidiennes s’élèvent contre l’État sioniste.

Au Royaume-Uni, les dirigeants sont si effrayés qu’ils ont interdit le groupe Palestine Action, connu pour ses actions directes spectaculaires, et arrêtent ses sympathisants. Palestine Action poursuit le combat. Dans les stades, les foules acclament les athlètes et artistes arborant le drapeau palestinien. En Grèce, des dockers ont refusé de charger des armes à destination d’Israël dans les ports.

Les organisations qui s’identifient à la lutte pour le socialisme doivent continuer à trouver des moyens de faire cesser la répression et d’élargir la lutte en faveur du peuple de Gaza et de la libération de la Palestine. Réussir cela, c’est porter un coup décisif à la guerre d’agression et au génocide israéliens.

Alors que nous nous engageons dans des actes de solidarité, nous devons garder cela à l’esprit : beaucoup ont transformé leur vie pour arrêter le génocide à Gaza. C’est un moment où leur militantisme peut se transformer en une conscience de la nécessité d’abolir l’impérialisme et le capitalisme, et de s’engager dans un combat pour un monde d’égalité, ouvrant ainsi la voie au socialisme et à la paix.

Commençons par construire un mouvement mondial pour soutenir la libération de la Palestine — du fleuve à la mer !

 


 

LUIS PORTILLO
Le Front Polisario et le cynisme des crétins du PSOE

Luis Portillo Pasqual del Riquelme, El Independiente, 7/6/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

Dire que le Front Polisario (FP) est « une entité privée non reconnue »* est une absurdité absolue, indigne de ceux qui se prétendent à l’avant-garde du « progressisme » national et international. Ceux d’entre nous qui lisent ces stupidités n’en croient pas leurs yeux, tant le niveau de dégradation atteint par le parti PSOE est affligeant : je n’ose même plus dire « Parti socialiste ». Ils ne savent plus quoi dire ou faire pour nier l’évidence, enfonçant toujours davantage leur chute du mauvais côté – le côté obscur – de l’Histoire, aux côtés des forces les plus réactionnaires de la société.


Et ce n’est pas seulement que le PSOE « joue à désinformer », comme le disent les plus indulgents envers cette bande. « C’est bien plus grave que ça », affirment d’autres, « car ce sont des forces organisées qui excluent toute idée de progrès véritablement démocratique – surtout quand il s’agit de Moros ou de musulmans ». « Ces types-là n’ont aucune limite, soumission totale au Sultan ». « C’est répugnant ». « Ils y vont à fond, guerre totale à tous les niveaux »... Voilà les commentaires qui me parviennent, tandis que j’écris moi-même ces lignes comme je peux.

Dire que le Front Polisario est « une entité privée », comme s’il s’agissait d’une pharmacie, d’un concessionnaire automobile ou d’un club de football, ne rehausse en rien le prestige des ‘intellectuels’ (vraiment ?) organiques ni celui des commissaires politiques du parti autrefois socialiste, devenu repaire de filous, d’opportunistes et de sans-vergogne.

Après 50 ans de lutte héroïque et de résistance du peuple sahraoui, voilà que ces petits malins de troisième zone osent sortir de telles énormités.

Le Front Polisario a été créé en 1973. Et même à cette époque lointaine, il n’était en rien « une entité privée non reconnue ». Il a bel et bien été connu et reconnu ! Même le gouvernement de l’UCD, celui d’Adolfo Suárez, a négocié avec le FP les conditions de retrait des militaires espagnols ! À propos, l’armée espagnole était-elle aussi une « entité privée » ? Voilà le genre de stupidités auquel mène la ‘logique’ du PSOE.

Oui, l’Espagne était alors la puissance coloniale, la « mère patrie », la métropole, une « entité publique reconnue » qui a signé son arrêt de mort en tant que telle lors des honteux et sanglants événements de Zemla, avec le massacre de Sahraouis, la « disparition » et l’assassinat du dirigeant sahraoui Bassiri… pour lesquels, encore aujourd’hui, l’« entité publique reconnue » (aux glorieuses « valeurs patriotiques ») qu’est l’Espagne n’a fourni aucune explication, ni déclassifié les documents secrets (bel exemple d’« État transparent et de droit »), malgré son appartenance à l’ONU, à l’OTAN, à l’UE, au FMI et à toute cette panoplie de sigles d’« entités reconnues » censées conférer à ce pays passeport, prestige et « garanties de sérieux ».

Le FP, messieurs du PSOE, a été RECONNU par les Nations Unies comme représentant légitime du peuple sahraoui et maintient depuis un Représentant permanent à l’ONU à New York : notre regretté Ahmed Bujari jusqu’à son décès il y a quelques années, puis son successeur Sidi Omar depuis avril 2018. La représentation légale et reconnue du peuple sahraoui n’est pas, messieurs du PSOE, « une entité privée non reconnue », comme pourrait l’être une épicerie ou un club de football.

Le Front Polisario, en tant qu’avant-garde du peuple sahraoui, a livré trop de batailles, douloureuses et acharnées, sur les plans politique, diplomatique et militaire, pour qu’on vienne aujourd’hui le qualifier de « simple entité privée », à l’image de ce que ses ennemis du camp alaouite du PSOE, à coups de propagande et de désinformation, s’emploient à faire : tenter de le faire passer pour une « organisation terroriste » (reconnue ? privée ?).

Bien au contraire, le FP est l’avant-garde organisée du peuple sahraoui héroïque, expulsé de sa terre – à l’instar des Palestiniens –, abandonné par le gouvernement espagnol (tant franquiste que « socialiste »), livré à ses ennemis, et bombardé par ceux-là mêmes – ceux des « accolades fraternelles » et des propositions d’autonomie – à coups de napalm et de phosphore blanc, tous deux interdits – tout comme l’invasion et l’occupation – par le droit international, ce droit si scrupuleusement respecté par les Trump, Netanyahou et autres acolytes.

Le peuple sahraoui (une « entité privée non reconnue » ?) a proclamé, avec le FP à sa tête, son indépendance, sa Constitution et son propre État : la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), reconnue comme État par au moins 84 pays. Même si, par la suite, les manœuvres financières, pressions et chantages du Maroc ont entrepris le sale – que dis-je, le répugnant – travail de tenter d’effacer la RASD, le peuple sahraoui et les principes du droit international fondé sur des règles.

L’ONU a reconnu le Front Polisario. L’Union africaine (comptant 55 États) a reconnu la RASD. Le FP dispose d’ambassades dans de nombreux pays, même sans disposer du chéquier du Maroc, grossi par les largesses de l’Espagne, de l’UE et des pétromonarchies du Golfe – celles-là mêmes qui financent des Murs de la honte, tuent et font disparaître les Khashoggi en toute impunité, et abritent des monarques en fuite.

Durant plusieurs années, par une série de jugements successifs, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donné raison au Front Polisario en tant que représentant légitime du peuple sahraoui – tout comme l’avaient déjà fait l’ONU et la CIJ en 1975 – et lui a reconnu sa capacité juridique. Le FP a gagné face au Maroc, à l’Espagne, à la Commission et au Conseil de l’UE. Face à tous.

Et voilà que les illuminés du PSOE débarquent en déclarant que le Front Polisario est « une entité privée ». Il ne manquait plus qu’ils ajoutent « à but non lucratif ». Comme un club de foot de troisième division, en somme. Ce qui montre bien que, dans ce parti, les diplômes sont superflus et que le cap est perdu. Ou quelque chose de bien pire, si tant est qu’ils en aient jamais eu : la conscience et l’éthique.

*Dans le débat parlementaire sur la proposition de loi du groupe Sumar d'accorder la nationalité espagnole aux personnes nées au Sahara "espagnol" avant le 26/2/1976, le PSOE a rejeté la clause incluant des documents administratifs espagnols validés par le POLISARIO, qualifié d'"entité privée non reconnue" (...par le Maroc).[NdlT]



SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Que se passe-t-il en Syrie… et en Asie occidentale ?

   Sergio Rodríguez Gelfenstein, 24/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

À Carlos Pereyra Mele, professeur et maître.

L’un des plus aigus et brillants analystes en géopolitique
qui nous a quittés hier, trop tôt.
Adieu, Maestro !

Comme cela devient habituel, , les médias transnationaux à but lucratif, censés informer, se consacrent paradoxalement à la désinformation. On peut le constater de manière particulièrement aberrante lorsqu’il s’agit des événements en Asie occidentale. Bien que la déformation des faits soit une pratique quotidienne, la situation est aujourd’hui atroce lorsqu’on tente de reconstruire les péripéties et les actions qui se déroulent dans cette région depuis deux ans et demi.

Ces derniers jours, ce sont les faits en Syrie dominent l’actualité régionale. Comme si le génocide en Palestine, l’agression permanente contre le Liban et la rhétorique belliciste contre les voisins s’étaient arrêtés, la falsification des faits cache la véritable toile de fond de l’affaire.


La situation géographique de la Syrie, située au carrefour des peuples et des civilisations, en a fait, tout au long de l’histoire, un joyau inestimable pour ceux qui aspiraient à contrôler la région. La présence de peuples différenciés dans certaines zones du pays a créé des aires d’influence traditionnelles d’idéologies, de leaders et de tribus ayant leur propre identité, culture et histoire. Par exemple, les Kurdes se trouvent au nord, les Druzes au sud-est, les Alaouites sur la côte méditerranéenne, et les Sunnites dans la zone centrale.

Cette situation, stabilisée sans grands conflits [sic] sous le gouvernement de Bachar Al Assad, a été détruite par une intervention étrangère qui, en attisant les différences sectaires et religieuses à son avantage, a engendré la division et la disparition de la sécurité fondée sur l’équilibre.

Au-delà de la dynamique interne syrienne, trois puissances étrangères ont joué un rôle déterminant dans la situation actuelle : Israël, les USA (avec la France en appendice), et la Turquie.

Comme je l’ai écrit à d’autres occasions, il est presque impossible aujourd’hui d’analyser un scénario de manière isolée. De même, tout événement international doit être compris dans ses trois dimensions — locale, régionale et globale — si l’on veut réellement en cerner les fondements et les implications.

Ce texte tente donc d’analyser ce scénario complexe sous une vision holistique, seule capable de fournir des pistes pour sa compréhension. Malgré l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban conclu en novembre dernier, l’entité sioniste l’a violé à de multiples reprises. Les USA et la France, garants de cet accord, ont trahi leur engagement en permettant que l’agression — qui a déjà causé la mort de près de 400 Libanais — se poursuive en toute impunité.



Cet accord était censé prolonger la résolution 1701 de 2006 du Conseil de sécurité de l’ONU, signée après 34 jours de guerre suite à l’invasion du Liban par Israël. L’accord établissait un cessez-le-feu total et le retrait des troupes israéliennes. Israël n’avait pas atteint ses objectifs à l’époque : détruire le mouvement chiite libanais Hezbollah et « démilitariser » le Liban.

Ce non-respect de la résolution 1701 reste une épée de Damoclès suspendue au-dessus de toute tentative de stabilisation. Dans le contexte actuel, Thomas Barrack, envoyé spécial du président Donald Trump pour la Syrie, a insisté sur l’obligation du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, menaçant Beyrouth de détruire le Liban pour l’annexer à la Syrie si cela n’était pas fait. En réalité, si cet ultimatum était mis à exécution, il signifierait la fin des Accords Sykes-Picot de 1916, qui avaient organisé le contrôle de la région selon les intérêts européens sous le couvert d’une stabilité jamais atteinte.

L’instabilité nécessaire au maintien des intérêts occidentaux s’est poursuivie ces dernières années. De la première guerre du Golfe (1990–1991), à celle d’Irak (2003–2011), en passant par l’Afghanistan (2001–2021), le prétendu Printemps arabe débuté en 2011, la guerre au Yémen commencée en 2015, le génocide permanent contre le peuple palestinien, les attaques israéliennes intermittentes contre le Liban, l’intervention turque en Syrie, ou encore les guerres contre le terrorisme d’Al-Qaïda et de Daech en Irak et Syrie, toutes ont pour objectif le maintien de l’instabilité, pour affaiblir, fragmenter, dominer et contrôler la région.

Pour les USA, la priorité stratégique est d’assurer leur sécurité énergétique. Les centres de production pétrolière sont donc constamment dans leur viseur, ce qui explique leur présence active en Asie occidentale — région possédant les plus grandes réserves mondiales. Cela explique aussi leur implication dans le conflit ukrainien. Dans ce cadre, le Venezuela est également concerné, mais en tant que pays d’Amérique latine — « l’arrière-cour » de Washington — sa dynamique est différente et ne sera pas abordée ici.

Rassemblant tous ces éléments, on peut commencer à répondre à la question : Pourquoi la Syrie ? Bien avant le conflit actuel, même avant la guerre du Golfe, des projets de construction d’oléoducs existaient déjà. L’un devait partir du Golfe Persique, traverser l’Irak et la Syrie jusqu’à la Turquie pour approvisionner l’Europe. Le second a motivé le coup d’État de 1953 en Iran contre le Premier ministre Mossadegh, après qu’il eut nationalisé le pétrole [jusque-là “british”]. Ce projet fut définitivement écarté après la révolution islamique de 1979. Aujourd’hui, plusieurs projets d’oléogazoducs partant du Golfe Arabo-Persique vers l’Europe passent par la Syrie.

C’est dans la continuité de ces projets que, presque en même temps que le Printemps arabe de 2011, une grande conspiration occidentale a vu le jour pour affaiblir la région et s’emparer de ses ressources. Les USA et l’OTAN ont ainsi conçu, financé et mis en œuvre un coup d’État en Ukraine pour atteindre le même but : éliminer la Russie comme fournisseur énergétique de l’Europe. Il s’agissait de faire venir l’énergie du Golfe Arabo-Persique, région dominée par des monarchies conservatrices aisément contrôlables.

Dans un premier temps, après la chute de l’URSS et devant la faiblesse de la Russie sous Eltsine, l’Occident a tenté d’exciter les minorités nationales et religieuses russes. Cette tentative ayant échoué, il a reporté leurs efforts sur l’Asie occidentale.

Bachar Al Assad a été pressé par l’Occident d’approuver les projets d’oléoducs. Il a toujours refusé. C’est ce qui explique pourquoi, après avoir renversé Kadhafi en Libye, le Printemps arabe a « atterri » en Syrie. Ce refus d’Al Assad est l’une des raisons du coup d’État en Ukraine en 2014, et de l’implication directe de la Russie : Moscou avait compris que la cible stratégique de cette guerre était la Russie, pas la Syrie.

Aujourd’hui, après la chute de Bachar Al Assad et le génocide à Gaza, le plan des oléoducs a été relancé. Le terroriste Ahmed Al Charaa alias Al Joulani, devenu président de la Syrie, agit comme instrument des USA et d’Israël. Sur leurs ordres, il a attaqué la province de Soueïda, peuplée majoritairement de Druzes. Bien qu’ils ne représentent que 3 % de la population, les Druzes ne sont pas monolithiques et sont divisés politiquement — ce qui « facilite » l’action des terroristes devenus gouvernement. Une faction soutient Al Joulani, une autre Israël, menée par Hikmat al Hijri, né au Venezuela comme beaucoup d’habitants de Soueïda [surnommé « le peitit Venezuela », ce dernier étant appelé « Venesueida », NdT]. Une troisième est nationaliste et avait de bonnes relations avec Al Assad.

MBS, Trump et Al Charaa, mai 2025

Al Joulani ne gouverne pas vraiment. Sa coalition est pleine de contradictions ethniques, religieuses, et politiques. Il se maintient au pouvoir grâce aux USA, à Israël et à la Turquie, et se consacre au massacre des minorités : d’abord les Kurdes au nord, puis les Alaouites sur la côte, et maintenant les Druzes au sud.

Pour attaquer Soueïda, Al Joulani utilise des sunnites de Daraa (frontalière avec la Jordanie), des tribus bédouines locales, et une armée composée à 40 % de terroristes étrangers (principalement ouïghours de Chine et du Pakistan, mais aussi Afghans, Tchétchènes, Daguestanais…), 40 % de terroristes syriens loyaux à Al Joulani, et 20 % de membres de diverses tribus et courants musulmans. Ensemble, ils forment une force de 60 000 hommes.

Les attaques visent à justifier l’intervention israélienne en Syrie sous prétexte que les tribus bédouines menacent la sécurité du pays. Mais en réalité, c’est Al Joulani qui orchestre cette instabilité sur ordre de Washington et Tel-Aviv. Le gouvernement syrien actuel n’a pris aucune mesure contre l’intervention militaire sioniste.

Al-Charaa, vu par Kamal Sharaf, Yémen

Soueïda est devenue la pierre angulaire des intérêts internationaux. Israël veut y créer un “Corridor de David” sécurisant le territoire syrien qu’il occupe [le Golan]. Les USA visent les gisements pétroliers. La Turquie veut des oléogazoducs qui traverseraient son territoire, ce qui lui rapporterait d’énormes revenus.



Mais les ambitions vont plus loin : les USA et Israël veulent démembrer la Syrie en quatre micro-États ethnico-confessionnels, pour justifier l'existence raciste de l'entité sioniste. Ces mini-États, dirigés par des marionnettes comme Al Joulani, permettraient la réalisation du plan du “Grand Israël” et la création d’un nouveau Moyen-Orient.

Ainsi, la Syrie serait divisée en :

  • un secteur kurde au nord sous influence turque,
  • une région alaouite sur la côte (Lattaquié et Tartous),
  • un émirat islamique contrôlé par Al Joulani au centre,
  • un corridor israélo-druze au sud-est, aux frontières jordanienne et irakienne.

Si ce plan est mis en œuvre, toute la région serait morcelée, permettant à l’Occident de s’approprier les ressources énergétiques et d’écarter la Russie du marché européen. Le Golfe Arabo-Persique, via la Syrie et la Turquie, deviendrait le nouveau fournisseur.

Erdoğan le marionettiste, par Adnan Al Mahakri,Yémen

La Turquie cherche à devenir ce pont énergétique vers l’Europe. Cela explique son rôle dans la chute d’Al Assad. Le projet des Frères musulmans, dont Erdogan est issu, vise à devenir le porte-parole des musulmans du monde. Mais cela nécessite un Iran affaibli, ce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir.

Les événements de Soueïda doivent donc être compris dans une perspective plus large :

  • Les USA veulent nuire à la Russie et s’approprier le pétrole.
  • Israël veut construire son corridor pour fragmenter davantage le monde arabe.
  • La Turquie veut des bénéfices énergétiques et un rôle de leader.

Ce plan n’a pas abouti à cause de la résistance de l’Iran et de ses alliés (Irak, Liban, Yémen…). Les prochaines cibles pourraient être la Jordanie et surtout l’Égypte, qui possède une des plus grandes armées du monde et un fort sentiment national. Un rapprochement Iran-Égypte serait un obstacle majeur aux projets impérialistes.

Le journaliste égyptien Mohamed Hassanein Heikal (sunnite et panarabiste) affirmait que seule une alliance stratégique Iran-Égypte pouvait sauver le monde arabe. C’est la plus grande peur de l’Occident.

Des erreurs égyptiennes ont empiré les choses : la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite en 2017, puis leur probable transformation en bases militaires usaméricaines, a provoqué une vive opposition au sein de l’armée égyptienne.

De même, les pressions usaméricaines sur les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) pour réduire leur aide à l’Égypte après qu’elle les eut pourtant défendus, ont été mal vues.

Une alliance Iran-Égypte créerait un bloc de 200 millions d’habitants et une armée de plus de 2,5 millions de soldats, contrôlant le détroit d’Ormuz, le canal de Suez et Bab el-Mandeb — les trois nœuds clés de la circulation énergétique mondiale.

Dans ce contexte, la désintégration de la Syrie et de l’Asie occidentale, et la construction d’oléogazoducs passant par ces territoires, devient un enjeu stratégique majeur.

Voici les acteurs en jeu. Le reste — même l’Arabie saoudite — compte peu. Les monarchies médiévales ne cherchent qu’à conserver leur richesse, maintenir leur pouvoir, et apaiser leur population au strict minimum. La cause palestinienne, arabe ou musulmane ne les intéresse que si elle ne menace pas le statu quo ni ne dérange les puissances occidentales qui garantissent leur contrôle sur leurs peuples.