Sergio
Rodríguez Gelfenstein (bio), 18/11/2021
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
En avril
2014, l'édition chilienne de mon livre "La balanza de poder. Las razones del equilibrio del sistema
internacional" a été publié par l’éditeur Ceibo. En août de la même année, l'excellente édition argentine a été
publiée par l’éditeur Biblos. Bien que le livre ait suscité un certain intérêt,
notamment dans les milieux universitaires, la vérité est que la réaction la
plus répandue a été le scepticisme à l'égard de la proposition, étant donné
l'opinion répandue selon laquelle le monde évolue vers un système international
multipolaire.
Dessin de Craig Stephens paru dans le South China Morning Post de Hong Kong en
mai dernier, à la suite des sanctions prises par les USA et l’UE contre la
Russie ("une démonstration de l'unité transatlantique") à la suite de
l'emprisonnement de Navalny.
Cependant,
la publication la même année du livre d'Henry Kissinger "World Order
", publié pour la première fois en espagnol en janvier 2016 [en fr. L’ordre du monde ; Fayard, 2016, a commencé à changer la perspective sur le sujet. Bien
entendu, l'ancien secrétaire d'État et moi-même ne sommes pas d'accord sur le
contexte dans lequel nous abordons la question. Dans un article écrit pour le
magazine Foreign Affairs en mai 2015, l'ancien conseiller à la sécurité
nationale des administrations républicaines de Richard Nixon et de Gerald Ford
affirme que pour relever les défis du XXIe siècle, les USA ont
d'abord besoin d'une stratégie ciblée, puis d'un changement de tactique pour
obtenir les résultats escomptés.
C'est ce
qui a conduit Kissinger à proposer une réévaluation de la politique étrangère usaméricaine
en révisant le concept d'équilibre des forces, en se basant sur le fait que les
accords ne peuvent être statiques mais doivent être étudiés en mouvement
permanent.
La
différence entre mon point de vue et celui de Kissinger est qu'il considère
l'équilibre des forces du point de vue de la nécessité pour les USA de
continuer à maintenir leur leadership mondial et, dans cette mesure, il leur
accorde le rôle de conservateur du système. Ce faisant, il viole l'une des
règles fondamentales proposées par le chercheur usaméricain Morton A. Kaplan,
l'un des principaux spécialistes de la question, comme garantie du
fonctionnement de l'équilibre des forces.
L'une de
ces règles est qu'aucun acteur essentiel de l'équilibre des forces ne peut être
placé au-dessus des autres, au risque de rompre l'équilibre et de conduire à
une rupture du système. Cependant, Kissinger affirme que dans le contexte
international actuel, seul l'équilibre des forces pourra garantir la paix dans
le monde.
De mon point de vue, le risque de l' Équilibre est qu'il entraîne un accord
entre les élites du pouvoir mondial au détriment des pays et des peuples du
Sud. C'est pourquoi - dans le cas de l'Amérique latine et des Caraïbes - je
suis d'avis que seule l'intégration nous donnera de l'espace et de la présence
dans un monde futur dans lequel - de mon point de vue et contrairement à la
plupart des opinions - les puissances seront orientées vers la recherche de
l'équilibre et non de la guerre, utilisant le conflit comme élément
organisateur de cet équilibre en faveur de leurs propres intérêts, qui ne sont
pas les nôtres.
Sept ans
plus tard, ce débat est à nouveau d'actualité, compte tenu de certaines
opinions exprimées par certains responsables politiques et militaires qui
semblent aller dans le sens de la construction de l'équilibre des forces. Dès
le mois de juin de cette année, le colonel-général Alexandre Fomine,
vice-ministre russe de la Défense, a averti dans une interview accordée à RT
que "la formation d'un nouvel ordre mondial" pouvait être observée
aujourd'hui.